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10/06/2015 | FRANCE | N°14MA01673

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 6ème chambre - formation à 3, 10 juin 2015, 14MA01673


Vu la requête, enregistrée le 15 avril 2014 au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille, sous le n° 14MA01673 présentée pour la société Coopérative de Peinture et d'Aménagement (SCPA), dont le siège social est 32 rue Montolieu à Marseille (13002), représentée par son gérant, par MeA... ;

La société Coopérative de Peinture et d'Aménagement demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1200723 du 20 février 2014 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande tendant à l'annulation du lot n° 10 du marché conclu par le cen

tre hospitalier du Pays d'Apt dans le cadre de l'extension de la maison de retraite de...

Vu la requête, enregistrée le 15 avril 2014 au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille, sous le n° 14MA01673 présentée pour la société Coopérative de Peinture et d'Aménagement (SCPA), dont le siège social est 32 rue Montolieu à Marseille (13002), représentée par son gérant, par MeA... ;

La société Coopérative de Peinture et d'Aménagement demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1200723 du 20 février 2014 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande tendant à l'annulation du lot n° 10 du marché conclu par le centre hospitalier du Pays d'Apt dans le cadre de l'extension de la maison de retraite de la Madeleine à Apt ;

2°) d'annuler le lot n° 10 - revêtements de sols du marché conclu par le centre hospitalier du Pays d'Apt dans le cadre de l'extension de la maison de retraite de la Madeleine à Apt ;

3°) de condamner le centre hospitalier du Pays d'Apt à lui verser la somme de 32 975,83 euros en réparation du préjudice subi du fait de la perte de chance sérieuse d'emporter ledit marché ;

4°) de condamner le centre hospitalier du Pays d'Apt à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- les sous-critères " matériels et matériaux proposés " et " méthodes d'exécution des travaux " du critère de sélection des offres selon la valeur technique ont été eux-mêmes divisés, en sous-critères dont la pondération n'a pas été portée à la connaissance des candidats ; contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, ces éléments ne constituaient pas des points d'appréciation et ont eu une influence sur la présentation des offres ;

- l'analyse des offres ne pouvait porter, pour ce qui concerne le sous-critère relatif aux méthodes d'exécution des travaux, sur les moyens humains généraux et sur des chantiers de référence des candidats, ces points constituant uniquement des critères de sélection des candidatures ;

- la commission d'appel d'offres a commis une erreur manifeste dans l'appréciation de son offre, notamment pour ce qui concerne les sous-critères " méthode d'exécution des travaux " et " organigramme " ;

- les règles de notation fixées par le document de consultation n'ont pas été respectées ;

- elle a été privée d'une chance sérieuse d'emporter le marché et doit donc, à ce titre, être indemnisée du manque à gagner ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 17 septembre 2014 présenté pour le centre hospitalier du Pays d'Apt par Me D...qui conclut au rejet de la requête et à la condamnation de la société appelante à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il fait valoir que :

- les éléments d'analyse du sous-critère portant sur les méthodes d'exécution des travaux ne constituent pas des sous-critères et n'avaient donc pas à faire l'objet d'une communication aux candidats ; ces éléments, qui n'ont été ni pondérés ni hiérarchisés, n'étaient pas de nature à exercer une influence sur la présentation du mémoire technique ;

- il était fondé à prendre en compte les chantiers de référence ainsi que les moyens humains généraux et ceux affectés au chantier afin d'apprécier l'organisation du candidat en vue de réaliser les prestations objet du marché ; cette prise en compte ne revêt pas un caractère discriminatoire ;

- l'analyse des offres n'est pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation ; en tout état de cause, le classement des candidats n'aurait pas été modifié ;

- la société SCPA n'établit pas avoir perdu une chance sérieuse de remporter le marché ;

- elle ne justifie pas de la réalité du préjudice allégué ;

- l'annulation du marché serait de nature à porter une atteinte excessive aux droits du centre hospitalier, qui perdrait le bénéfice de la garantie décennale ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code des marchés publics ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu la décision du 1er septembre 2014 du président de la cour administrative d'appel de Marseille portant désignation, en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative, de M. Laurent Marcovici, président assesseur, pour présider les formations de jugement en cas d'absence ou d'empêchement de M. Guerrive, président de la 6e chambre ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 18 mai 2015 :

- le rapport de Mme Héry, rapporteur,

- les conclusions de Mme Felmy, rapporteur public,

- et les observations de Me B...pour la société Coopérative de Peinture et d'Aménagement et de Me C...pour le centre hospitalier du Pays d'Apt ;

1. Considérant que le centre hospitalier du Pays d'Apt a lancé dans le courant de l'année 2011 une consultation portant sur les travaux liés à l'extension de la maison de retraite de La Madeleine à Apt, composé de 15 lots, en application des articles 26 et 28 du code des marchés publics ; que le lot n° 10, portant sur les revêtements de sols, a été attribué à l'issue de cette consultation à la société Fernandez ; que la société Coopérative de Peinture et d'Aménagement (SCPA), candidate évincée, demande à la Cour d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nîmes du 20 février 2014 rejetant sa demande tendant à l'annulation de ce marché et à l'indemnisation des préjudices résultant de son éviction ;

Sur le bien-fondé du jugement :

2. Considérant qu'indépendamment des actions dont les parties au contrat disposent devant le juge du contrat, tout concurrent évincé de la conclusion d'un contrat administratif est recevable à former devant ce même juge un recours de pleine juridiction contestant la validité de ce contrat ou de certaines de ses clauses, qui en sont divisibles, assorti, le cas échéant, de demandes indemnitaires ;

3. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 53 du code des marchés publics, dans sa rédaction applicable au présent litige : " I. Pour attribuer le marché au candidat qui a présenté l'offre économiquement la plus avantageuse, le pouvoir adjudicateur se fonde:/ 1° Soit sur une pluralité de critères non discriminatoires et liés à l'objet du marché, notamment la qualité, le prix, la valeur technique (...)/ II. Pour les marchés passés selon une procédure formalisée autre que le concours et lorsque plusieurs critères sont prévus, le pouvoir adjudicateur précise leur pondération. Le poids de chaque critère peut être exprimé par une fourchette dont l'écart maximal est approprié (...)/ Les critères ainsi que leur pondération ou leur hiérarchisation sont indiqués dans l'avis d'appel public à concurrence ou dans les documents de la consultation (...) " ; qu'il résulte de ces dispositions que les candidats doivent bénéficier d'une information appropriée sur les critères d'attribution d'un marché public ainsi que sur la mise en oeuvre de ces critères ; que lorsque le pouvoir adjudicateur entend faire usage de sous-critères pondérés ou hiérarchisés, il doit également porter à la connaissance des candidats la pondération ou la hiérarchisation de ces critères dès lors que, eu égard à leur nature et à l'importance de cette pondération ou hiérarchisation, ils sont susceptibles d'exercer une influence sur la présentation des offres par les candidats ainsi que sur leur sélection et doivent en conséquence être eux-mêmes regardés comme des critères de sélection ;

4. Considérant que le règlement de la consultation prévoit deux critères de jugement des offres, la valeur technique et la valeur économique, respectivement pondérés à 60 % et 40 % ; que ce règlement prévoit également la division du critère de la valeur technique en trois sous-critères : matériels et matériaux proposés, méthodes d'exécution des travaux et organigramme, pondérés à raison de 30 %, 25 % et 5 % ;

5. Considérant que, d'une part, pour apprécier l'adéquation des offres au sous-critère " matériels et matériaux proposés ", la commission a apprécié les matériels dont disposait le candidat ainsi que les matériaux proposés ; qu'il ressort du procès-verbal d'analyse des offres que la commission d'appel d'offres s'est fondée, pour son analyse, sur le listing du matériel produit par les candidats et, pour les matériaux, sur la liste remise par les candidats en la comparant au cahier des clauses administratives particulières ; qu'elle s'est également assurée de la production par les candidats des " fiches produits " ; que la commission, après avoir analysé ces éléments qui n'étaient ni pondérés ni hiérarchisés et n'ont pas donné lieu à une notation partielle, a ensuite donné une note globale pour ce sous-critère ;

6. Considérant que, d'autre part, pour apprécier l'adéquation des offres au sous-critère portant sur les méthodes d'exécution des travaux, la commission s'est fondée sur les éléments suivants : moyens humains généraux, moyens humains affectés au chantier, méthodologie d'exécution du chantier, sécurité - environnement - déchets, planning de l'opération et chantiers de référence ; que ces éléments n'étaient ni pondérés ni hiérarchisés et qu'aucune note ne leur a été attribuée ;

7. Considérant qu'à supposer même que les candidats n'aient pas eu connaissance des éléments d'appréciation évoqués aux points 5 et 6, cette information n'aurait pu, compte tenu de leur nature, exercer une influence sur le contenu de leur proposition ; que, par suite, le moyen tiré du caractère insuffisant de l'information donnée aux candidats doit être écarté ;

8. Considérant, en deuxième lieu, qu'après avoir contrôlé que chaque candidat disposait des garanties professionnelles, techniques et financières lui permettant d'exécuter le marché, la commission d'appel d'offres s'est notamment fondée, pour porter une appréciation sur l'adéquation des offres au sous-critère relatif aux méthodes d'exécution des travaux, sur les moyens humains généraux du candidat et sur les chantiers de référence ; qu'ainsi qu'il a été dit, ces points ne constituent pas en eux-mêmes des critères ni même des sous-critères, mais de simples éléments d'appréciation parmi les six éléments retenus pour l'analyse du sous-critère " méthode d'exécution des travaux ", inclus dans le critère de la valeur technique ; qu'ils ont pu être objectivement pris en compte par le centre hospitalier du Pays d'Apt, compte tenu de l'objet du marché, sans revêtir de caractère discriminatoire ; que, par suite, la société SCPA n'est pas fondée à soutenir que ces points n'auraient dû être examinés qu'au stade de la sélection des candidatures ;

9. Considérant, en troisième lieu, que le règlement de la consultation prévoit l'attribution, pour chacun des " critères qualitatifs ", d'une note allant de 0 à 10, la note la plus basse étant attribuée au candidat n'ayant pas fourni l'information ou le document non éliminatoire demandé par rapport à un critère fixé, les notes augmentant ensuite selon que la réponse au critère est insuffisante, partiellement insuffisante, suffisante, bonne et avantageuse et, pour la meilleure note, très intéressante ; qu'il ressort du rapport d'analyse des offres que la commission d'appel d'offres a bien appliqué une note à chacun des sous-critères, cette note correspondant, compte-tenu des appréciations formulées, aux indications du règlement de la consultation ;

10. Considérant, en dernier lieu, que, d'une part, la commission d'appel d'offres a attribué la note de 4,5 sur 10, soit " suffisant " à la société SCPA pour le sous-critère portant sur la méthode d'exécution des travaux, cette note correspondant, selon le règlement de la consultation, à un " candidat qui a fourni l'information ou le document demandé par rapport à un critère fixé et dont le contenu répond aux attentes minimales mais ne présente aucun avantage particulier par rapport aux autres candidats " ; que la commission a relevé que les moyens humains généraux ainsi que ceux affectés au chantier étaient suffisants, que le planning était validé mais non analysé, que les références portaient sur des chantiers similaires au projet mais que la méthodologie d'exécution des travaux ainsi que les points relatifs à la sécurité, l'hygiène du chantier et l'évacuation du chantier n'étaient pas ciblés sur le chantier ; que, d'autre part, s'agissant du sous-critère portant sur l'organigramme dont les éléments d'appréciation étaient l'intervention et l'organisation du personnel sur le chantier ainsi que la hiérarchie, la commission a attribué la note de 5, soit suffisant, à la société SCPA, en mentionnant que les interventions du personnel sont seulement gérées par le chef de chantier ; que la société SCPA soutient que l'appréciation ainsi portée par la commission d'appel d'offres est erronée, dans la mesure où son mémoire technique indique que le chef de chantier est placé directement sous la responsabilité du conducteur de travaux, ce dernier supervisant le bon déroulement des travaux ; que, toutefois, ainsi que le fait valoir le centre hospitalier du Pays d'Apt, ce mémoire technique ne permet pas de distinguer entre les moyens mis spécifiquement à disposition du chantier et l'organisation générale de la société appelante ; que, par suite, en attribuant les notes respectives de 4,5 et 5 aux sous-critères portant sur la méthode d'exécution des travaux et sur l'organigramme, la commission d'appel d'offres n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation de l'adéquation de l'offre de la société SCPA à ces sous-critères ;

11. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le marché conclu entre le centre hospitalier du Pays d'Apt et la société Fernandez n'est entaché d'aucune illégalité ; que, par voie de conséquence, la société SCPA n'est pas fondée à soutenir que le centre hospitalier du Pays d'Apt aurait commis une faute en attribuant le marché litigieux et l'aurait privée d'une chance sérieuse ou de toute chance de remporter le marché ; que, par suite, les conclusions à fin d'indemnisation des préjudices résultant de son éviction doivent être rejetées ;

12. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société SCPA n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, par ailleurs suffisamment motivé, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

13. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner la société SCPA à verser une somme de 2 000 euros au centre hospitalier du Pays d'Apt au titre des frais exposés par ce dernier et non compris dans les dépens ; que les conclusions présentées au même titre par la société SCPA, qui succombe dans la présente instance, doivent être rejetées ;

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la société Coopérative de Peinture et d'Aménagement est rejetée.

Article 2 : La société Coopérative de Peinture et d'Aménagement versera la somme de 2 000 (deux mille) euros au centre hospitalier du Pays d'Apt au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Coopérative de Peinture et d'Aménagement et au centre hospitalier du Pays d'Apt.

Délibéré après l'audience du 18 mai 2015, où siégeaient :

- M. Marcovici, président,

- M. Thiele, premier conseiller,

- Mme Héry, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 10 juin 2015.

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N° 14MA01673

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 14MA01673
Date de la décision : 10/06/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-02 Marchés et contrats administratifs. Formation des contrats et marchés.


Composition du Tribunal
Président : M. MARCOVICI
Rapporteur ?: Mme Florence HERY
Rapporteur public ?: Mme FELMY
Avocat(s) : MCL AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 25/06/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2015-06-10;14ma01673 ?
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