Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. E...C...a demandé au tribunal administratif de Bastia d'annuler la décision en date du 29 mars 2012 par laquelle l'inspecteur du travail a autorisé la Fédération ADMR de la Corse-du-Sud à le licencier pour faute.
Par un jugement n° 1200449 du 17 avril 2014, le tribunal administratif de Bastia a annulé ladite décision.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 3 juin 2014, la Fédération ADMR de la Corse-du-Sud, représentée par MeD..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bastia du 17 avril 2014 ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. C...devant le tribunal administratif de Bastia ;
3°) de mettre à la charge de M. C...une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- c'est à tort que les premiers juges ont retenu que le délai de cinq jours entre la date de réception de la convocation et celle de l'entretien préalable prévu par l'article L. 1232-2 du code du travail n'avait pas été respecté, dès lors que le courrier a été présenté le 8 janvier 2012 et que l'entretien s'est déroulé le 16 janvier 2012, et qu'en outre ce motif ne peut donner lieu à l'annulation de la décision de l'inspecteur du travail ;
- c'est à tort que les premiers juges ont retenu que l'enquête menée par l'inspecteur du travail n'avait pas présenté un caractère contradictoire, dès lors que M. C...a eu connaissance de l'ensemble des éléments transmis par son employeur, que l'inspecteur n'était pas tenu de lui remettre l'ensemble des documents reçus ou répertoriés lors de l'enquête et qu'il a pris en considération les fonctions de responsabilité du salarié ainsi que la nature des faits et leurs éventuelles qualifications pénales.
Par un mémoire en défense, enregistré le 17 octobre 2014, M. C..., représenté par la SCP d'avocats Casalta-Gaschy, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de la Fédération ADMR de la Corse-du-Sud ou, à titre subsidiaire, de l'Etat, de la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- les moyens soulevés par la Fédération ADMR de la Corse-du-Sud ne sont pas fondés ;
- la décision de l'inspecteur du travail encourt également l'annulation pour défaut de procès-verbal du conseil d'administration décidant de la convocation à l'entretien préalable au licenciement et de la mise à pied conservatoire, incompétence de l'auteur de la convocation à l'entretien préalable, non respect du délai de demande d'autorisation de licenciement, non respect du délai d'instruction de la demande d'autorisation de licenciement, insuffisance de motivation, prescription des faits invoqués, erreur sur la matérialité et l'imputabilité des faits reprochés et absence de faute d'une gravité suffisante.
Par un mémoire, enregistré le 30 décembre 2014, le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social a présenté des observations.
Par ordonnance du 10 mars 2015, la clôture d'instruction a été fixée au 14 avril 2015.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code du travail ;
- le code de justice administrative.
Le président de la Cour a désigné Mme Evelyne Paix, président-assesseur, pour présider les formations de jugement en cas d'absence ou d'empêchement de M. Bédier, président de la 7ème Chambre, en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de MmeF...,
- et les conclusions de M. Deliancourt, rapporteur public.
1. Considérant que la Fédération ADMR de la Corse-du-Sud relève appel du jugement du 17 avril 2014 par lequel le tribunal administratif de Bastia a, à la demande de M. E...C..., qui exerçait les fonctions de directeur général en son sein et était administrateur à titre de personne qualifiée de la caisse URSAFF de la Corse-du-Sud, annulé la décision en date du 29 mars 2012 de l'inspecteur du travail l'ayant autorisée à licencier ce salarié pour faute ;
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 1232-2 du code du travail : " L'employeur qui envisage de licencier un salarié le convoque, avant toute décision, à un entretien préalable. La convocation est effectuée par lettre recommandée ou par lettre remise en main propre contre décharge. Cette lettre indique l'objet de la convocation. L'entretien préalable ne peut avoir lieu moins de cinq jours ouvrables après la présentation de la lettre recommandée ou la remise en main propre de la lettre de convocation " ; qu'aux termes de l'article R. 1231-1 du même code : " Lorsque les délais prévus par les dispositions légales du présent titre expirent un samedi, un dimanche ou un jour férié ou chômé, ils sont prorogés jusqu'au premier jour ouvrable suivant " ;
3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la convocation à l'entretien préalable de licenciement a été notifiée à M. C...le lundi 9 janvier 2012 ; que, dès lors, conformément aux dispositions précitées du code du travail, et ainsi que l'ont retenu à juste titre les premiers juges, le délai de cinq jours prévu par l'article L. 1232-2 du code du travail a commencé à courir le mardi 10 janvier et, expirant normalement le samedi 14 janvier, a été prorogé jusqu'au lundi 16 janvier et a expiré ce jour là à 24 heures ; que l'entretien préalable de licenciement s'est déroulé le lundi 16 janvier, soit moins de cinq jours ouvrables après la notification à M. C...de sa convocation ; que, par suite, la décision contestée est intervenue à l'issue d'une procédure irrégulière et doit, pour ce motif, être annulée ;
4. Considérant, en second lieu, qu'en vertu des dispositions du code du travail, les salariés légalement investis de fonctions représentatives bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des salariés qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle ; que, lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé ; que, dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'inspecteur du travail, et le cas échéant au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement, compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi ; qu'à l'effet de concourir à la mise en oeuvre de la protection ainsi instituée, l'article R. 2421-4 du code du travail dispose que l'inspecteur du travail saisi d'une demande d'autorisation de licenciement d'un salarié protégé : " procède à une enquête contradictoire au cours de laquelle le salarié peut, sur sa demande, se faire assister d'un représentant de son syndicat [...] " ;
5. Considérant que le caractère contradictoire de l'enquête menée conformément aux dispositions mentionnées ci-dessus impose à l'autorité administrative, saisie d'une demande d'autorisation de licenciement d'un salarié protégé fondée sur un motif disciplinaire, d'informer le salarié concerné des agissements qui lui sont reprochés et de l'identité des personnes qui en ont témoigné ; qu'il implique, en outre, que le salarié protégé soit mis à même de prendre connaissance de l'ensemble des pièces produites par l'employeur à l'appui de sa demande, sans que la circonstance que le salarié est susceptible de connaître le contenu de certaines de ces pièces puisse exonérer l'inspecteur du travail de cette obligation ; qu'enfin, la communication de l'ensemble de ces pièces doit intervenir avant que l'inspecteur du travail ne statue sur la demande d'autorisation de licenciement présentée par l'employeur, dans des conditions et des délais permettant au salarié de présenter utilement sa défense ; que c'est seulement lorsque l'accès à certains de ces éléments serait de nature à porter gravement préjudice à leurs auteurs que l'inspecteur du travail doit se limiter à informer le salarié protégé, de façon suffisamment circonstanciée, de leur teneur ;
6. Considérant qu'il ne ressort des pièces du dossier, pas plus en appel que devant le tribunal, que M. C...aurait été mis à même de prendre connaissance de la demande d'autorisation de licenciement et de l'ensemble des pièces produites par l'employeur à l'appui de ladite demande, en particulier de la délégation de pouvoir accordée à MmeA..., de l'avis de la commission du personnel du 56 janvier 2012, de l'audit interne réalisé et du procès-verbal du conseil d'administration du 24 janvier 2012, sans que ne soit établie ni même alléguée la circonstance que donner accès à M. C...à certains de ces éléments aurait été de nature à porter gravement préjudice à leurs auteurs ; que, dès lors, c'est à juste titre que les premiers juges ont également retenu que le caractère contradictoire de l'enquête avait été méconnu, M. C...n'ayant pas été mis à même de prendre connaissance de l'ensemble des pièces produites par l'employeur à l'appui de sa demande, et qu'ainsi la décision contestée, intervenue à l'issue d'une procédure irrégulière pour cet autre motif, devait être annulée ;
7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la Fédération ADMR de la Corse-du-Sud n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bastia a annulé la décision de l'inspecteur du travail en date du 29 mars 2012 et à demander l'annulation dudit jugement ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
8. Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. " ;
9. Considérant que, d'une part, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M.C..., qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que demande la Fédération ADMR de la Corse-du-Sud au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; que, d'autre part, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la Fédération ADMR de la Corse-du-Sud ou de l'Etat la somme que demande M. C...au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
D É C I D E :
Article 1er : La requête de la Fédération ADMR de la Corse-du-Sud est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de M. C...tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la Fédération ADMR de la Corse-du-Sud, à M. E... C..., et au ministre du travail, de l'emploi de la formation professionnelle et du dialogue social.
Délibéré après l'audience du 16 juin 2015, où siégeaient :
- Mme Paix, président assesseur, présidant la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,
- M. B...et MmeF..., premiers conseillers.
Lu en audience publique, le 7 juillet 2015.
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N° 14MA02406
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