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10/07/2015 | FRANCE | N°14MA00982

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 5ème chambre - formation à 3, 10 juillet 2015, 14MA00982


Vu la requête, enregistrée le 19 février 2014 au greffe de la Cour, sous le n° 14MA00982 présentée pour M. E...C..., ayant élu domicile..., par Me A...;

M. C...demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1306971 du 23 janvier 2014 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation de l'arrêté du 10 octobre 2013 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours, d'autre part, à

ce qu'il soit enjoint audit préfet, à titre principal, de lui délivrer un titre ...

Vu la requête, enregistrée le 19 février 2014 au greffe de la Cour, sous le n° 14MA00982 présentée pour M. E...C..., ayant élu domicile..., par Me A...;

M. C...demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1306971 du 23 janvier 2014 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation de l'arrêté du 10 octobre 2013 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours, d'autre part, à ce qu'il soit enjoint audit préfet, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour dans le délai de quinze jours sous astreinte de 100 euros par jour de retard et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour et, à titre subsidiaire, de réexaminer sa demande de titre de séjour, dans un délai de quinze jours sous astreinte de 100 euros par jour de retard et, enfin, à ce que la somme de 1 000 euros soit mise à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

2°) d'annuler ladite décision ;

3°) d'enjoindre, à titre principal, au préfet des Bouches-du-Rhône, en application des dispositions des articles L. 911-1 à L. 911-3 du code de justice administrative de lui délivrer un titre provisoire de séjour dans un délai de quinze jours sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) d'enjoindre, à titre subsidiaire au préfet des Bouches-du-Rhône de réexaminer sa demande de titre de séjour dans un délai de quinze jours sous astreinte de 100 euros par jour de retard et de lui délivrer, dans l'attente une autorisation provisoire de séjour;

5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et par application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, laquelle sera versée à Me Callen qui s'engage dans ce cas à renoncer à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle ;

Il soutient que :

- la décision portant refus de séjour méconnaît les dispositions de l'article L. 313-11 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire est entachée d'erreur manifeste d'appréciation et méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu la décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Marseille en date du 19 mars 2014 admettant M. C...au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ;

Vu le courrier du 31 mars 2015 adressé aux parties en application des dispositions de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative, les informant de la date ou de la période à laquelle il est envisagé d'appeler l'affaire à l'audience et précisant la date à partir de laquelle l'instruction pourra être close dans les conditions prévues par le dernier alinéa de l'article R. 613-1 et le dernier alinéa de l'article R. 613-2 ;

Vu l'avis d'audience adressé le 30 avril 2015 portant clôture d'instruction en application des dispositions de l'article R. 613-2 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979, relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience, en application de l'article R. 732-1-1 du code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 19 juin 2015 :

- le rapport de Mme Ciréfice, premier conseiller ;

- et les observations de MeD..., substituant à l'audience Me Callen, pour M. C... ;

1. Considérant que M.C..., de nationalité afghane, relève appel du jugement du 23 janvier 2014 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 10 octobre 2013 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de l'admettre au séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable au présent litige : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin de l'agence régionale de santé de la région de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général de l'agence (...) " et qu'aux termes de l'article R. 313-22 du même code : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour temporaire au vu d'un avis émis par le médecin de l'agence régionale de santé compétente au regard du lieu de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général (...)/ L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin agréé ou un médecin praticien hospitalier et, d'autre part, des informations disponibles sur l'existence d'un traitement dans le pays d'origine de l'intéressé (...)/ Le préfet peut, après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, prendre en considération une circonstance humanitaire exceptionnelle pour délivrer la carte de séjour temporaire même s'il existe un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. L'étranger mentionné au 11° de l'article L. 313-11 qui ne remplirait pas la condition de résidence habituelle peut recevoir une autorisation provisoire de séjour renouvelable pendant la durée du traitement. " ; qu'aux termes de l'article 4 de l'arrêté du 8 juillet 1999 : " (...) le médecin inspecteur de la santé publique de la direction départementale des affaires sanitaires et sociales émet un avis précisant:/ - si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ;/ - si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ;/ - si l'intéressé peut effectivement ou non bénéficier d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire ;/ - et la durée prévisible du traitement./ Il indique, en outre, si l'état de santé de l'étranger lui permet de voyager sans risque vers son pays de renvoi. (...) " ;

3. Considérant qu'il appartient à l'autorité administrative, lorsqu'elle envisage de refuser la délivrance d'un titre de séjour en qualité d'étranger malade, de vérifier, au vu de l'avis émis par le médecin inspecteur de la santé publique, que cette décision ne peut avoir de conséquences d'une exceptionnelle gravité sur l'état de santé de l'intéressé et, en particulier, d'apprécier sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, la nature et la gravité des risques qu'entraînerait un défaut de prise en charge médicale dans le pays dont l'étranger est originaire ; que lorsque le défaut de prise en charge risque d' avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur la santé de l'intéressé, l'administration ne peut légalement refuser le titre de séjour sollicité que s'il existe des possibilités de traitement approprié de l'affection en cause dans son pays d'origine, sauf, en dépit de leur accessibilité, circonstance humaine exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé ;

4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. C...souffre d'un diabète insulino-dépendant déséquilibré nécessitant le maintien d'un traitement médicamenteux ; qu'il résulte de l'avis rendu le 2 août 2013 par le médecin de l'agence régionale de santé que l'état de santé de M. C...requiert une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qu'il faut prévoir la quantité de médicaments nécessaires pour un mois avant le voyage vers le pays d'origine ; que, cependant, le médecin de l'administration a estimé qu'il existait un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé ; que M. B...soutient que le suivi du diabète sous insuline en Afghanistan est compromis en raison de la situation de ce pays en guerre et que la gestion des stocks d'insuline ne peut y être assurée avec certitude ; qu'il résulte des deux certificats médicaux, délivrés les 25 janvier et 5 avril 2013 par le chef de service d'endocrinologie du CHU La Timone à Marseille, ainsi que de celui délivré par un médecin attaché à ce service le 2 décembre 2013, soit postérieurement à l'avis du médecin de l'ARS, qu'alors que l'état de santé de M. C...nécessite quotidiennement un contrôle des glycémies capillaires et des injections d'insuline pour le maintien de la vie, les conditions actuelles de son pays et l'offre de soins proposée ne sont pas adaptées à la prise en charge d'une telle pathologie ; que ces trois certificats indiquent, en conclusion, que le maintien sur le territoire français de M. C...est donc indispensable ; que, par suite, alors même que le médecin de l'administration a conclu le 2 août 2013 que M. C... pouvait bénéficier des soins appropriés dans son pays d'origine, les certificats médicaux précités circonstanciés, concordants, récents et dont le préfet ne critique pas le contenu, viennent contredire la position de l'administration ; qu'en conséquence, en refusant d'accorder à M. C...un titre de séjour en tant qu'étranger malade, le préfet des Bouches-du-Rhône a commis une erreur dans l'appréciation de l'état de santé du requérant et a ainsi méconnu les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête, que M. C...est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône en date du 10 octobre 2013 ;

Sur les conclusions à fin d'injonction sous astreinte :

6. Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (...) prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution " ; que le présent arrêt implique nécessairement que soit délivré à M. C... le titre de séjour sollicité ; qu'il y a lieu d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de prendre cette mesure dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, sans qu'il soit nécessaire, en l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991:

7. Considérant que M. C...a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ; que, par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Callen, avocat de M.C..., renonce à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle, de mettre à la charge de l 'Etat le versement à Me Callen d'une somme de 1 500 euros ;

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du 23 janvier 2014 du tribunal administratif de Marseille, ensemble l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône en date du 10 octobre 2013, sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet des Bouches-du-Rhône de délivrer à M.C..., dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ".

Article 3 : L'Etat versera à Me Callen une somme de 1 500 (mille cinq cents) euros en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Callen renonce à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. C...est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. E...C..., Me Callen et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.

Délibéré après l'audience du 19 juin 2015, à laquelle siégeaient :

- M. Bocquet, président de chambre,

- M. Pocheron, président-assesseur,

- Mme Ciréfice, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 10 juillet 2015.

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N° 14MA00982


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 14MA00982
Date de la décision : 10/07/2015
Type d'affaire : Administrative

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. BOCQUET
Rapporteur ?: Mme Virginie CIREFICE
Rapporteur public ?: M. REVERT
Avocat(s) : CALLEN

Origine de la décision
Date de l'import : 06/08/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2015-07-10;14ma00982 ?
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