Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C...B...a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 6 juillet 2011 par lequel le maire de Perpignan a ordonné d'urgence son hospitalisation d'office à titre provisoire.
Par un jugement n° 1205240 du 11 février 2014, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 13 juin 2014, complétée par un mémoire enregistré le 24 novembre 2015, M. B...représenté par Me Friouret demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier du 11 février 2014 ;
2°) d'annuler l'arrêté susmentionné du maire de Perpignan ;
3°) et de mettre à la charge de la commune de Perpignan les entiers dépens ainsi qu'une somme de 2 000 euros à verser à son conseil, celui-ci ayant la faculté de renoncer à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle en application de l'article 37 de la loi du 10 juin 1991 ;
Il soutient que :
- les premiers juges ont estimé à tort que l'arrêté était suffisamment motivé, alors qu'il se borne à reprendre les termes généraux de la loi et à viser les rapports et certificats médicaux, sans s'approprier leur contenu ni citer les éléments factuels justifiant une hospitalisation forcée ;
- le fondement de la notoriété publique, dépourvu de base médicale, est inconstitutionnel et en outre contraire aux exigences fixées par la Cour européenne des droits de l'homme ;
- le tribunal ne pouvait, après avoir reconnu l'inconstitutionnalité de la notion de notoriété publique utilisée par l'arrêté, procéder à une substitution de motif sans le priver d'une garantie procédurale, cette mesure étant prise en considération de la personne et nécessitant le respect du principe du contradictoire prévu par l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 avant l'édiction de la décision ;
- l'administration ne l'a pas mis à même de présenter ses observations avant l'édiction de l'arrêté et ne se réfère pas à une cause d'urgence ;
- il n'est pas établi que le maire, en l'absence de recours à la notoriété publique, aurait choisi de fonder l'arrêté sur des critères médicaux.
Par un mémoire en défense enregistré le 16 novembre 2015, la commune de Perpignan conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de M. B...une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'arrêté du 6 juillet 2011 est suffisamment motivé ;
- à la date de l'acte en litige, la décision du conseil constitutionnel n° 2011-174 relative à la notion de " notoriété publique " n'était pas applicable ;
- la substitution de motifs opérée par le tribunal administratif était fondée au vu de l'état de l'intéressé certifié par le DrG..., et elle n'a privé M. B...d'aucune garantie procédurale ;
- les dispositions de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 ne sont pas applicables en cas d'urgence et lorsque leur mise en oeuvre serait de nature à compromettre l'ordre public.
Un courrier du 5 octobre 2015 adressé aux parties en application des dispositions de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative, les a informées de la période à laquelle il est envisagé d'appeler l'affaire à l'audience et a indiqué la date à partir de laquelle l'instruction pourra être close dans les conditions prévues par le dernier alinéa de l'article R. 613-1 et le dernier alinéa de l'article R. 613-2.
Par ordonnance du 26 novembre 2015, l'instruction a été close le 4 décembre 2015 à 12 heures.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 16 avril 2014.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la décision du Conseil constitutionnel n° 2011-174 QPC du 6 octobre 2011 ;
- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;
- le code de la santé publique ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Hameline,
- les conclusions de M. Revert, rapporteur public,
- et les observations de Me F...A..., représentant la commune de Perpignan.
1. Considérant que, par arrêté en date du 6 juillet 2011, l'adjoint au maire de Perpignan a ordonné à titre provisoire l'hospitalisation d'office de M. C...B...au centre Léon Jean Grégory de Thuir sur le fondement de l'article L. 3213-2 du code de la santé publique ; que M. B... a formé un recours contentieux tendant à l'annulation de cette mesure devant le tribunal administratif de Montpellier, qui a rejeté sa demande par jugement du 11 février 2014 ; que M.B..., après avoir obtenu l'aide juridictionnelle, interjette régulièrement appel de ce jugement ;
Sur les fins de non-recevoir opposées à la demande de première instance :
2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 1635 bis Q du code général des impôts alors applicable : " I. Par dérogation aux articles 1089 A et 1089 B, une contribution pour l'aide juridique de 35 euros est perçue (...) par instance introduite devant une juridiction administrative. / II.- La contribution pour l'aide juridique est exigible lors de l'introduction de l'instance. Elle est due par la partie qui introduit une instance. / III.- Toutefois, la contribution pour l'aide juridique n'est pas due : / 1° Par les personnes bénéficiaires de l'aide juridictionnelle (...) " ; et qu'aux termes de l'article R. 411-2 du code de justice administrative : " Lorsque la contribution pour l'aide juridique prévue à l'article 1635 bis Q du code général des impôts est due et n'a pas été acquittée, la requête est irrecevable (...). " ;
3. Considérant que M. B...a demandé et obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Montpellier du 26 septembre 2012, préalablement à l'enregistrement de son recours contentieux au tribunal administratif de Montpellier ; que, dès lors, la commune de Perpignan ne peut en tout état de cause lui opposer utilement l'absence d'acquittement de la contribution pour l'aide juridique prévue par l'article 1635 bis Q du code général des impôts, contribution dont il était exempté par le III de ce même article ; que la demande de première instance formée par l'intéressé n'est dès lors entachée d'aucune irrecevabilité sur ce point ;
4. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article R. 421-1 du code de justice administrative : " Sauf en matière de travaux publics, la juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée. (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 421-5 du même code : " Les délais de recours contre une décision administrative ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision. " ;
5. Considérant que la commune de Perpignan ne saurait soutenir valablement que la demande présentée au tribunal administratif par M. B...le 27 novembre 2012 contre l'arrêté édicté le 6 juillet 2011 est tardive en application des articles R. 421-1 et suivants du code de justice administrative, à défaut de toute précision apportée tant sur la date de notification de cet arrêté à M. B...que sur la mention, lors de cette notification, des voies et délais de recours en application des dispositions précitées de l'article R. 421-5 ;
6. Considérant qu'il suit de là que les fins de non-recevoir opposées aux conclusions présentées par M. B...devant le tribunal administratif de Montpellier doivent être écartées ;
Sur la légalité de l'arrêté du maire de Perpignan du 6 juillet 2011 :
En ce qui concerne le moyen tiré de l'insuffisance de motivation :
7. Considérant qu'en vertu de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 : " (...) doivent être motivées les décisions qui : / -restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police ; (...) " ; que, selon l'article 3 de la même loi, la motivation ainsi exigée " doit (...) comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision. " ; qu'aux termes de l'article 4 du même texte : " Lorsque l'urgence absolue a empêché qu'une décision soit motivée, le défaut de motivation n'entache pas d'irrégularité cette décision. (...) " ; que les mesures provisoires prises par le maire sur le fondement de l'article L. 3213-2 du code de la santé publique sont au nombre des mesures de police qui doivent être motivées en application de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 ; que, par suite, l'autorité administrative, lorsqu'elle prononce une mesure d'hospitalisation d'office à titre provisoire, doit indiquer dans sa décision les éléments de droit et de fait qui justifient cette mesure, sauf lorsque l'urgence absolue a empêché qu'une telle décision soit motivée ; que, si elle peut satisfaire à cette exigence de motivation en se référant à un avis médical, c'est à la condition de s'en approprier le contenu et de joindre cet avis à la décision ;
8. Considérant que si l'arrêté de l'adjoint au maire de Perpignan ordonnant l'hospitalisation d'office de M. B...vise les dispositions du code de la santé publique et plusieurs procès-verbaux, courriers émanant de voisins et certificats médicaux de 2010 et 2011, numérotés de 1 à 9, dont il n'est pas contredit qu'ils étaient joints aux ampliations de cet arrêté, il ne contient toutefois aucune mention ni appréciation de l'état de l'intéressé ou du danger que celui-ci pourrait présenter, ni aucune motivation en fait de la mesure d'hospitalisation d'office prononcée ; que, s'il vise notamment en pièce n° 9 le certificat établi le 6 juillet 2011 par le Dr E... au demeurant sans avoir pu rencontrer M.B..., il ne s'approprie aucunement le contenu de ce document ; qu'il ne ressort en outre pas des pièces du dossier que l'urgence absolue ait empêché une motivation de l'arrêté plus conforme aux exigences posées par la loi du 11 juillet 1979 susvisée ; que, dès lors, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la décision en litige est fondé ;
9. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, M. B...est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté de l'adjoint au maire de Perpignan du 6 juillet 2011 ordonnant son hospitalisation d'office ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
10. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font en toute hypothèse obstacle à ce que M.B..., qui n'est pas la partie perdante au présent litige, voit mis à sa charge une quelconque somme au titre des frais exposés par la commune de Perpignan ; que M. B...a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ; que, par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi susvisée du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Friouret, avocat de M.B..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de la commune de Perpignan le versement de la somme de 1 500 euros au conseil du requérant en application de ces dispositions ;
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Montpellier n° 1205240 du 11 février 2014 et l'arrêté de l'adjoint au maire de Perpignan du 6 juillet 2011 sont annulés.
Article 2 : La commune de Perpignan versera à Me Friouret, conseil de M.B..., une somme de 1 500 (mille cinq cents) euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, l'avocat renonçant à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.
Article 3 : Le surplus des conclusions présentées par M. B...est rejeté.
Article 4 : Les conclusions présentées par la commune de Perpignan en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...B..., à Me D...Friouret et à la commune de Perpignan.
Délibéré après l'audience du 4 janvier 2016, où siégeaient :
- M. Bocquet, président,
- M. Pocheron, président-assesseur,
- Mme Hameline, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 25 janvier 2016.
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N° 14MA02691