Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La SARL SMPF Manosque a demandé au tribunal administratif de Marseille de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés et des pénalités correspondantes auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2008, 2009 et 2010 ainsi que la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités correspondantes qui lui ont été assignées au titre de la période du 1er janvier 2008 au 31 décembre 2010.
Par un jugement n° 1403333 du 2 décembre 2016, le tribunal administratif de Marseille a prononcé un non-lieu à statuer à hauteur du dégrèvement de 1 048 euros prononcé en cours d'instance au titre de la taxe sur la valeur ajoutée afférente à la période du 1er janvier au 31 décembre 2009 et de l'impôt sur les sociétés au titre des exercices clos en 2008, 2009 et 2010 et a rejeté le surplus de sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 6 février 2017, la SARL SMPF Manosque, représentée par Me B..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du 2 décembre 2016 du tribunal administratif de Marseille ;
2°) de prononcer les décharges demandées ;
3°) d'ordonner le sursis de paiement des impositions en litige.
Elle soutient que :
- la procédure est irrégulière dès lors que l'administration ne l'a pas informée de la teneur et de l'origine des renseignements obtenus de tiers dans l'exercice de son droit de communication, en méconnaissance de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales ;
- l'administration ne pouvait prolonger le délai de trois mois initialement prévu pour la vérification de sa comptabilité en application de l'article L. 52 du livre des procédures fiscales, dès lors que sa comptabilité est probante et régulière ;
- le rappel de taxe sur la valeur ajoutée de 471 euros au titre de l'année 2008 concernant des charges non déductibles n'est pas fondé, les dépenses concernées n'ayant pas été engagées à des fins personnelles ;
- au titre des années 2009 et 2010, les rappels en matière de taxe déductibles ne sont pas justifiés, s'agissant de factures qui concernent bien la société ; en ce qui concerne la taxe sur la valeur ajoutée collectée, les sommes encaissées personnellement par M. et Mme D... ne sont pas des recettes non déclarées, mais des prêts personnels effectués par des clients ;
- en matière d'impôt sur les sociétés au titre des exercices clos en 2008 et 2009, l'administration ne démontre pas que les sommes correspondant aux factures d'achats libellées au nom de M. D... ou M. E... n'ont pas été engagées dans l'intérêt de la société ;
- concernant les revenus distribués, l'administration ne prouve pas que la somme de 11 000 euros inscrite au crédit du compte 467200 intitulé " Mme A...D... " a été appréhendée par cette dernière, qui n'est associée que depuis le 8 décembre 2010.
Par un mémoire en défense, enregistré le 11 août 2017, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par la société requérante ne sont pas fondés.
La clôture de l'instruction a été fixée au 22 mars 2018, par ordonnance du même jour.
Le 12 octobre 2018, les parties ont été informées de ce que la Cour était susceptible de relever d'office le moyen tiré de l'irrecevabilité des conclusions tendant à la décharge, en base, des sommes de 796 euros au titre de l'exercice clos en 2009 et de 247 euros au titre de l'exercice clos en 2010, ces rehaussements ayant fait l'objet d'un dégrèvement en cours d'instance devant le tribunal administratif.
Le ministre de l'action et des comptes publics a produit en réponse un mémoire le 17 octobre 2018, qui n'a pas été communiqué.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Courbon,
- les conclusions de M. Ouillon, rapporteur public,
- et les observations de Me B..., représentant la SARL SMPF Manosque.
Considérant ce qui suit :
1. La SARL SMPF Manosque a été assujettie à des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés au titre des exercices clos en 2008, 2009 et 2010 ainsi qu'à des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période du 1er janvier 2008 au 31 décembre 2010. Elle relève appel du jugement du 2 décembre 2016 par lequel le tribunal administratif de Marseille a prononcé un non-lieu partiel et rejeté le surplus de sa demande tendant à la décharge de ces impositions.
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
2. Aux termes de l'article L. 76 B du livre des : " L'administration est tenue d'informer le contribuable de la teneur et de l'origine des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition faisant l'objet de la proposition prévue au premier alinéa de l'article L. 57 ou de la notification prévue à l'article L. 76. Elle communique, avant la mise en recouvrement, une copie des documents susmentionnés au contribuable qui en fait la demande. ". L'obligation ainsi faite à l'administration fiscale d'informer le contribuable de l'origine et de la teneur des renseignements qu'elle a utilisés pour procéder à des rectifications a pour objet de permettre à celui-ci, notamment, de discuter utilement leur provenance ou de demander que les documents qui, le cas échéant, contiennent ces renseignements soient mis à sa disposition avant la mise en recouvrement des impositions qui en procèdent, afin qu'il puisse vérifier l'authenticité de ces documents et en discuter la teneur ou la portée.
3. Il résulte de l'instruction que les propositions de rectification des 14 décembre 2011 et 9 juillet 2012 faisaient mention de ce que l'administration avait exercé son droit de communication et précisaient, pour chacun des tiers auprès desquels il a été diligenté, la date de sa mise en oeuvre, son objet ainsi que la nature des documents et informations obtenus en réponse. Dans ces conditions, la SARL SMPF Manosque a été mise en mesure de demander la communication des éléments obtenus dans le cadre du droit de communication, y compris pour les pièces relevant du dossier d'instruction transmis par le tribunal de grande instance de Digne les Bains, qui sont détaillés dans les courriers précités. Il n'est, au demeurant, pas contesté que la société requérante s'est abstenue de demander, avant la mise en recouvrement, communication de ces éléments. Dès lors, la SARL SMPF Manosque n'est pas fondée à soutenir que les dispositions de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales ont été méconnues.
4. Aux termes de l'article L. 52 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable : " I. - Sous peine de nullité de l'imposition, la vérification sur place des livres ou documents comptables ne peut s'étendre sur une durée supérieure à trois mois en ce qui concerne : 1° Les entreprises industrielles et commerciales (...) II. - Par dérogation au I, l'expiration du délai de trois mois n'est pas opposable à l'administration : (...) 4° En cas de graves irrégularités privant de valeur probante la comptabilité. Dans ce cas, la vérification sur place ne peut s'étendre sur une durée supérieure à six mois. (...) ".
5. En premier lieu, il résulte de l'instruction, et notamment des mentions non contestées de la proposition de rectification du 14 décembre 2011, que la vérification de comptabilité de la SARL SMPF Manosque, en tant qu'elle a porté sur l'exercice clos en 2008, a débuté le 7 septembre 2011 et s'est achevée le 6 décembre 2012, date à laquelle a eu lieu la réunion de synthèse avec le vérificateur. Par suite, cette vérification doit être regardée comme ayant été réalisée dans le délai de trois mois institué par les dispositions précitées, qui se décompte de quantième à quantième.
6. En second lieu, s'agissant des exercices clos en 2009 et 2010, il est constant que le contrôle a excédé trois mois. Toutefois, il résulte de l'instruction que la comptabilité de la SARL SMPF Manosque présentait, pour chacun de ces exercices, de nombreuses et graves anomalies. En particulier, l'administration fiscale a mis en évidence que des chèques émis par des clients ont été encaissés sur les comptes bancaires de la société sans être enregistrés en comptabilité, notamment cinq encaissements en 2009 pour un montant total de 17 450 euros, que de nombreux chèques émis par des clients ont été encaissés sur les comptes bancaires personnels de M. ou Mme D..., à savoir onze chèques pour un montant total de 17 200 euros en 2009 et dix-huit chèques pour un montant global de 69 898 euros en 2010, que des encaissements de clients, notamment Caffarel et Wrona en 2010, ont été affectés aux comptes d'autres clients et, enfin, qu'un chèque du Crédit foncier libellé en 2010 au nom de la société pour un montant de 16 658,45 euros a été encaissé sur les comptes personnels des époux D...sans que l'opération soit retracée dans la comptabilité. Dans ces conditions, ces manquements qui sont, contrairement à ce que soutient la société requérante, à la fois graves et répétés et ne peuvent être regardés comme des erreurs formelles, sont de nature à ôter à la comptabilité son caractère probant. Dès lors, l'administration pouvait légalement, sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 52 du livre des procédures fiscales, étendre la durée de la vérification pour ces deux exercices jusqu'à six mois.
7. Enfin, la société requérante n'est pas fondée à se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, du paragraphe 9 de la documentation administrative de base référencée 4 G-3341 du 25 juin 1995, qui prévoit qu'une comptabilité est irrégulière lorsqu'elle est incomplète ou n'est pas correctement tenue, c'est-à-dire entachée de négligences, erreurs ou lacunes de nature à la rendre impropre à justifier les résultats déclarés, qui ne comporte aucune interprétation de la loi fiscale différente de celle dont il a été fait application.
Sur le bien-fondé des impositions en litige :
En ce qui concerne les rappels de taxe sur la valeur ajoutée :
8. Aux termes du I de 1'article 271 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable : " 1. La TVA qui a grevé les éléments du prix d'une opération imposable est déductible de la TVA applicable à cette opération (...) ". Aux termes de l'article 289 du même code : " I.-1. Tout assujetti est tenu de s'assurer qu'une facture est émise, par lui-même, ou en son nom et pour son compte, par son client ou par un tiers (...) ". L'article 242 nonies A de l'annexe II au code général des impôts prévoit que les factures établies par les assujettis doivent faire apparaître le nom du vendeur ou du prestataire, celui du client ainsi que leurs adresses respectives.
9. L'administration fiscale soutient, sans être contredite, que les factures concernées par la remise en cause du droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée n'étaient pas libellées au nom de la société requérante et ne répondaient pas, dès lors, aux exigences posées par les dispositions de l'article 289 du code général des impôts. La circonstance, à la supposer établie, que les personnes physiques au nom desquelles ces factures ont été libellées soient liées à la SARL SMPF Manosque est, en tout état de cause, sans incidence sur cette irrégularité. Dans ces conditions, l'administration était fondée à remettre en cause, pour ce motif et sur ce fondement légal, le droit à déduction de la taxe figurant sur ces factures au titre de la période du 1er janvier 2008 au 31 décembre 2010, comme l'ont relevé les premiers juges, qui ont accueilli à bon droit la demande de substitution de base légale présentée en première instance par l'administration.
10. Aux termes de l'article 256 du code général des impôts : " I. Sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les livraisons de biens et les prestations de services effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel. (...) ".
11. Il résulte de l'instruction qu'au cours des années 2009 et 2010, des chèques émis par des clients de la SARL SMPF Manosque ont été crédités sur les comptes personnels de M. et Mme D.... Si la société requérante soutient qu'il s'agissait de prêts personnels consentis par ces mêmes clients, et non du paiement de prestations réalisées dans le cadre de son activité, elle ne produit toujours aucun élément de preuve à l'appui de ses allégations. Par suite, c'est à bon droit que l'administration a pu inclure dans les recettes de la société les sommes provenant de clients encaissées sur les comptes personnels de M. et Mme D... et les soumettre à la taxe sur la valeur ajoutée.
En ce qui concerne l'impôt sur les sociétés :
12. Les rehaussements contestés en appel, de 796 euros en base au titre de l'exercice clos en 2009 et de 247 euros en base au titre de l'exercice clos en 2010, ont fait l'objet d'un dégrèvement en cours d'instance devant le tribunal administratif. Les conclusions de la société requérante tendant à leur décharge sont, dès lors, irrecevables.
En ce qui concerne les revenus regardés comme distribués en 2010 :
13. Le moyen tiré du défaut d'appréhension, par Mme D..., de la somme de 11 000 euros inscrite au crédit de son compte courant et considérée comme un revenu distribué sur le fondement de l'article 111 c du code général des impôts, au titre duquel elle a fait personnellement l'objet d'un supplément d'imposition dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, est sans incidence sur le bien-fondé des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés et des compléments de taxe sur la valeur ajoutée mis à la charge de la SARL SMPF Manosque.
Sur les conclusions à fin de sursis de paiement :
14. Un sursis légal de paiement accordé en application des dispositions de l'article L. 277 du livre des procédures fiscales n'a de portée que pendant la durée de l'instruction de la réclamation et de l'instance devant le tribunal administratif. Aucune disposition légale n'a prévu une procédure de sursis de paiement des impositions contestées pendant la durée de l'instance devant la cour administrative d'appel. Par suite, la SARL SMPF Manosque n'est pas fondée à demander à la Cour de prononcer en sa faveur le bénéfice du sursis de paiement des impositions en litige.
15. Il résulte de tout ce qui précède que la SARL SMPF Manosque n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Marseille, par le jugement attaqué, a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés et des pénalités correspondantes auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2008, 2009 et 2010 ainsi qu'à la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités correspondantes qui lui ont été assignés au titre de la période du 1er janvier 2008 au 31 décembre 2010.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de la SARL SMPF Manosque est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Me C..., mandataire liquidateur de la SARL SMPF Manosque et au ministre de l'action et des comptes publics.
Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Est Outre Mer.
Délibéré après l'audience du 18 octobre 2018, où siégeaient :
- Mme Mosser, présidente,
- Mme Paix, présidente assesseure,
- Mme Courbon, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 8 novembre 2018.
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N° 17MA00501