Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme E... A... a demandé au tribunal administratif de Nice, d'une part, d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 1er août 2018 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes a refusé de lui délivrer un titre de séjour en l'obligeant à quitter le territoire français et, d'autre part, d'enjoindre au préfet des Alpes-Maritimes de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ".
Par un jugement n° 1804183 du 26 février 2019, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 21 mars 2019, Mme A..., représentée par Me B..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet des Alpes-Maritimes du 1er août 2018 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le tribunal a estimé à tort qu'elle ne justifiait pas d'un droit au séjour sur le fondement de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et qu'elle ne faisait valoir ni motif exceptionnel ni considération humanitaire justifiant l'application, par le préfet, de son pourvoir de régularisation ;
- l'arrêté contesté méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
La requête a été communiquée le 27 mars 2019 au préfet des Alpes-Maritimes qui n'a pas produit de mémoire en défense.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme C... D..., rapporteure.
Considérant ce qui suit :
1. Entrée pour la première fois en France en 2013, Mme A..., ressortissante égyptienne née le 6 novembre 1996, a sollicité, le 5 avril 2017, un titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-11 2° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 1er août 2018, le préfet des Alpes-Maritimes, après avoir examiné sa demande tant sur ce fondement que sur celui des articles L. 314-11 2° et L. 313-11 7° du même code, lui a opposé un refus et a prescrit son éloignement.
2. En vertu de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République. ". Selon l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
3. Il ressort des pièces du dossier que Mme A..., née le 6 novembre 1996, est entrée en France, accompagnée de ses parents, de son frère et de sa soeur, le 1er septembre 2013, à l'âge de dix-sept ans. Elle y a poursuivi durant trois ans des études, cela avec sérieux et assiduité, comme en attestent ses bulletins scolaires, a obtenu en juin 2016 le certificat d'aptitude professionnelle " agent polyvalent de restauration ", avec d'excellentes notes, et a été inscrite en première année du certificat d'aptitude professionnelle de cuisine au titre de l'année scolaire 2016-2017. A la date de l'arrêté contesté, elle bénéficiait d'une promesse d'embauche dans un restaurant niçois en qualité d'aide cuisinière. Si Mme A... est célibataire et sans enfant, elle vit toutefois avec ses parents, son frère et sa soeur et il n'est pas contesté qu'elle a toujours résidé avec eux depuis leur arrivée en France. Il ressort, par ailleurs, des pièces du dossier que son père et sa soeur, à la date de la décision critiquée, bénéficiaient d'un titre de séjour les autorisant à travailler. Ainsi, l'essentiel des attaches familiales et le centre des intérêts privés de l'intéressée résident en France. Dans les circonstances particulières de l'espèce et compte tenu de la qualité de son insertion sociale, le moyen tiré de l'atteinte excessive portée au droit de Mme A... au respect de sa vie privée et familiale, et donc de la méconnaissance des dispositions et stipulations citées au point 2, doit être accueilli.
4. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que Mme A... est fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet des Alpes-Maritimes du 1er août 2018.
5. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative dans sa version issue de la loi du 23 mars 2019 applicable au présent litige : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. / La juridiction peut également prescrire d'office cette mesure. ". Selon l'article L. 911-3 du même code : " La juridiction peut assortir, dans la même décision, l'injonction prescrite en application des articles L. 911-1 et L. 911-2 d'une astreinte qu'elle prononce dans les conditions prévues au présent livre et dont elle fixe la date d'effet. ".
6. Eu égard à la portée du motif qui la fonde et en l'absence de changement dans les circonstances de droit et de fait intervenues depuis l'édiction de l'arrêté, l'annulation prononcée par le présent arrêt implique nécessairement que le préfet des Alpes-Maritimes délivre à Mme A... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois suivant sa notification. Il y a lieu de prescrire d'office cette mesure d'exécution, sans qu'il soit en revanche besoin, dans les circonstances de l'espèce, de l'assortir d'une astreinte.
7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme demandée de 1 500 euros à Mme A... au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 1804183 du 26 février 2019 du tribunal administratif de Nice et l'arrêté du préfet des Alpes-Maritimes du 1er août 2018 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet des Alpes-Maritimes de délivrer à Mme A... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois suivant la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à Mme A... la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E... A... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet des Alpes-Maritimes et au procureur de la République près le tribunal de grande instance de Nice.
Délibéré après l'audience du 14 octobre 2019, où siégeaient :
- M. David Zupan, président,
- Mme C... D..., présidente assesseure,
- M. Philippe Grimaud, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 4 novembre 2019.
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N° 19MA01311