Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société à responsabilité limitée (SARL) Marjo a demandé au tribunal administratif de Toulon de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2011 et 2012 et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés pour la période du 1er janvier 2011 au 31 décembre 2012, ainsi que des pénalités correspondantes.
Par un jugement n° 1600989 du 12 juin 2018, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 7 août et le 21 décembre 2018, la SARL Marjo, représentée par Me A..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du 12 juin 2018 du tribunal administratif de Toulon ;
2°) de prononcer la réduction des impositions en litige et pénalités correspondantes ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les entiers dépens.
Elle soutient que :
- le tribunal a inversé la charge de la preuve ;
- la reconstitution du chiffre d'affaires est erronée dès lors que la balance utilisée pour peser les aliments lors du contrôle n'était pas fiable.
Par un mémoire en défense, enregistré le 29 novembre 2018, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par la société appelante ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme B...,
- et les conclusions de Mme Boyer, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. La SARL Marjo, qui exerce une activité de restauration rapide de type kebab, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité au titre des exercices clos en 2011 et 2012. A l'issue de ce contrôle, l'administration fiscale a écarté la comptabilité et procédé à la reconstitution du chiffre d'affaires. La SARL Marjo relève appel du jugement du 12 juin 2018 par lequel le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés au titre des exercices clos en 2011 et 2012 et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée pour la période du 1er janvier 2011 au 31 décembre 2012 auxquels elle a été ainsi assujettie, ainsi que des pénalités correspondantes.
Sur la charge de la preuve et le rejet de la comptabilité :
2. Aux termes de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales : " Lorsqu'une des commissions visées à l'article L. 59 est saisie d'un litige ou d'un redressement, l'administration supporte la charge de la preuve en cas de réclamation, quel que soit l'avis rendu par la commission. / Toutefois, la charge de la preuve incombe au contribuable lorsque la comptabilité présente de graves irrégularités et que l'imposition a été établie conformément à l'avis de la commission. La charge de la preuve des graves irrégularités invoquées par l'administration incombe, en tout état de cause, à cette dernière lorsque le litige ou la rectification est soumis au juge (...) ". Devant le juge, il incombe à l'administration d'apporter la preuve des graves irrégularités dont la comptabilité serait entachée.
3. Le vérificateur a notamment relevé lors de son contrôle que, pour la période vérifiée, la SARL Marjo n'utilisait pas de caisse enregistreuse, procédait à l'enregistrement global des recettes en fin de mois, sans ventilation des produits, qu'elle n'avait pas présenté de justificatifs de recettes et qu'elle ne tenait pas d'inventaire des stocks. Par suite, l'administration apporte la preuve qui lui incombe des graves irrégularités dont la comptabilité de la SARL Marjo était entachée et de son caractère non probant.
4. En l'absence de saisine de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, la charge de la preuve du bien-fondé des rectifications notifiées selon la procédure contradictoire, et contestées par la société requérante, incombe à l'administration fiscale en application des dispositions de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales. Par suite, la SARL Marjo est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal a considéré qu'elle supportait la charge de la preuve et qu'il lui appartenait d'apporter tous éléments comptables et autres de nature à établir l'exagération qu'elle allègue des bases d'imposition retenues par le service.
Sur la reconstitution du chiffre d'affaires :
5. L'administration a reconstitué le chiffre d'affaires de l'entreprise à partir des recettes des produits à base de kebab et de steaks hachés, des frites et des boissons vendues en dehors des formules. Le vérificateur a, dans un premier temps, procédé au dépouillement des factures d'achats. En l'absence d'inventaire, les stocks ont été considérés comme constants. Dans un second temps, le poids de la viande et des frites vendues a été déterminé avec le gérant et a été diminué, au titre des pertes, de 30 % pour la viande et de 40 % pour les frites. En l'absence de justificatifs de recettes sur la période vérifiée, l'administration a demandé à la société de procéder à une ventilation de son chiffre d'affaires pendant deux semaines. Un pourcentage de ventes de chaque produit reconstitué a ainsi été déterminé. Les prix de vente appliqués sont ceux transmis par le gérant à l'exception du tarif préférentiel au titre des formules en l'absence de justification. Enfin, l'administration a tenu compte des consommations du personnel à hauteur d'un sandwich et de 1,16 litre de soda par jour et par employé, et des offerts à hauteur de 10 % des recettes. Une telle méthode, qui tient compte des conditions d'exploitation de la société, ne saurait être regardée comme excessivement sommaire ou radicalement viciée dans son principe. Au demeurant, l'administration a retenu les affirmations du gérant, non justifiées, en ce qui concerne le poids de la viande et des frites servies, les consommations du personnel et le taux d'offerts. La société ne peut utilement contester les poids retenus en invoquant la défaillance de la balance utilisée lors du contrôle dès lors que le gérant était présent sur place et n'a fait aucune objection aux données retenues par le vérificateur. Le procès-verbal de constat d'huissier établi le 28 avril 2015, soit postérieurement aux constatations du service lors de l'intervention sur place le 6 août 2014, n'est pas pertinent pour établir que la balance utilisée lors du contrôle n'était pas fiable. De plus, il est constant que l'administration a retenu un poids de 185 grammes de viande de kebab par sandwich, favorable à la société requérante, alors que le poids relevé sur place s'élevait à 150 grammes.
6. Il résulte de ce qui précède que l'administration fiscale apporte la preuve qui lui incombe que la méthode de reconstitution du chiffre d'affaires utilisée n'était ni excessivement sommaire, ni radicalement viciée, et démontre, par voie de conséquence, le bien-fondé des rectifications en découlant.
7. Il résulte de tout ce qui précède que la SARL Marjo n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande. Les conclusions qu'elle a présentées sur le fondement des articles L. 761-1 et R. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées par voie de conséquence.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de la SARL Marjo est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Marjo et au ministre de l'action et des comptes publics.
Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal sud-est.
Délibéré après l'audience du 3 décembre 2019, où siégeaient :
- M. Antonetti, président,
- M. Barthez, président assesseur,
- Mme B..., premier conseiller.
Lu en audience publique, le 17 décembre 2019.
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N° 18MA03778
mtr