Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 8 juillet 2019 par lequel le préfet du Var l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination de l'éloignement.
Par un jugement n° 1902884 du 28 août 2019, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 26 septembre 2019, M. A..., représenté par Me F..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulon ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet du Var du 8 juillet 2019 ;
3°) à titre principal, d'enjoindre au préfet du Var de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à venir, en application des dispositions de l'article L. 911-1 du code de justice administrative ;
4°) à titre subsidiaire, d'enjoindre au préfet du Var de réexaminer sa situation sur le fondement des dispositions de l'article L. 911-2 du code de justice administrative ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 000 euros à Me F... au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- les articles L. 511-1, L. 723-2 et L. 743-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile méconnaissent le principe constitutionnel du droit au maintien sur le territoire pendant la procédure d'asile ainsi que le principe constitutionnel de droit à l'asile ;
- ces dispositions méconnaissent le droit à un recours effectif et le droit à se maintenir sur le territoire reconnus aux demandeurs d'asile par l'article 46 de la directive du 26 juin 2013 ;
- ces dispositions méconnaissent le droit à une bonne administration, consacré par l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- ces dispositions méconnaissent le droit à un recours effectif consacré par l'article 47 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et l'article 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision fixant le pays de destination méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
La requête de M. A... a été communiquée au préfet du Var, qui n'a pas produit de mémoire en défense.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 25 octobre 2019.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- la directive n° 2013/32/UE du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. C... Grimaud, rapporteur, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Entré pour la première fois en France le 20 mai 2015 selon ses déclarations, M. A..., né le 15 janvier 1959 et de nationalité sénégalaise, a demandé le 15 novembre 2018 à se voir reconnaître le statut de réfugié. L'Office français de protection des réfugiés et apatrides ayant rejeté cette demande le 29 mai 2019, le préfet du Var a prescrit l'éloignement de l'intéressé par un arrêté du 8 juillet 2019.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. Aux termes des dispositions de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. _ L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : / (...) 6° Si la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger ou si l'étranger ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application des articles L. 743-1 et L. 743-2, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité. (...) ". En vertu de l'article L. 723-2 du même code : " I. - L'office statue en procédure accélérée lorsque : / 1° Le demandeur provient d'un pays considéré comme un pays d'origine sûr en application de l'article L. 722-1 (...) ". Aux termes de l'article L. 743-2 de ce code : " Par dérogation à l'article L. 743-1, sous réserve du respect des stipulations de l'article 33 de la convention relative au statut des réfugiés, signée à Genève le 28 juillet 1951, et de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, adoptée à Rome le 4 novembre 1950, le droit de se maintenir sur le territoire français prend fin et l'attestation de demande d'asile peut être refusée, retirée ou son renouvellement refusé lorsque : / (...) 7° L'office a pris une décision de rejet dans les cas prévus au I et au 5° du III de l'article L. 723-2. (...) ".
3. En premier lieu, si M. A... soutient que ces dispositions méconnaissent les principes constitutionnels du droit à l'asile et du droit au maintien sur le territoire pendant la procédure d'asile, il n'a pas mis en oeuvre, à ce titre, la procédure particulière de la question prioritaire de constitutionnalité, en dehors de laquelle il n'appartient pas au juge administratif d'apprécier la conformité de la loi aux textes et principes de valeur constitutionnelle. Ce moyen est donc inopérant.
4. En deuxième lieu, le 8 de l'article 31 de la directive n° 2013/32/UE du 26 juin 2013 relative à des procédures communes pour l'octroi et le retrait de la protection internationale dispose : " Les États membres peuvent décider, dans le respect des principes de base et des garanties fondamentales visés au chapitre II, d'accélérer une procédure d'examen et/ou de mener cette procédure à la frontière ou dans les zones de transit conformément à l'article 43 lorsque: / (...) b) le demandeur provient d'un pays d'origine sûr au sens de la présente directive (...) ". En vertu du 5 de l'article 46 de cette directive : " Sans préjudice du paragraphe 6, les États membres autorisent les demandeurs à rester sur leur territoire jusqu'à l'expiration du délai prévu pour l'exercice de leur droit à un recours effectif et, si ce droit a été exercé dans le délai prévu, dans l'attente de l'issue du recours ". Aux termes du 6 du même article 46 de la directive : " En cas de décision: / (...) a) considérant une demande comme manifestement infondée conformément à l'article 32, paragraphe 2, ou infondée après examen conformément à l'article 31, paragraphe 8, à l'exception des cas où les décisions sont fondées sur les circonstances visées à l'article 31, paragraphe 8, point h) / (...) une juridiction est compétente pour décider si le demandeur peut rester sur le territoire de l'État membre, soit à la demande du demandeur ou de sa propre initiative, si cette décision a pour conséquence de mettre un terme au droit du demandeur de rester dans l'État membre et lorsque, dans ces cas, le droit de rester dans l'État membre dans l'attente de l'issue du recours n'est pas prévu par le droit national. ".
5. Il résulte de ces dispositions qu'elles octroient aux Etats membres la possibilité de priver les demandeurs d'asile du droit de rester sur leur territoire dans l'attente de l'issue du recours contre la décision rejetant leur demande d'asile lorsque celle-ci a été adoptée à l'issue d'une procédure accélérée, notamment parce que le demandeur provient d'un pays d'origine sûr. M. A... n'est dès lors pas fondé à soutenir que les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile citées au point 2 méconnaîtraient cette directive au motif qu'elles n'assurent pas le maintien du demandeur sur le territoire jusqu'à l'issue de la procédure de recours contre la décision rejetant la demande d'asile et la protection de son droit au recours contre la décision lui refusant l'asile.
6. En troisième lieu, il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne que l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, relatif au droit à une bonne administration, s'adresse non aux Etats membres mais uniquement aux institutions, organes et organismes de l'Union. Ainsi, le moyen tiré de leur violation par les dispositions législatives citées au 2 ci-dessus est inopérant.
7. En quatrième lieu, si, en cas de rejet en procédure accélérée d'une demande d'asile émanant d'une personne provenant d'un pays sûr, les dispositions citées au point 2 dérogent au principe fixé à l'article L. 743-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile selon lequel le demandeur d'asile bénéficie du droit de se maintenir sur le territoire français jusqu'à la notification de la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou, si un recours a été formé, jusqu'à la notification de la décision de la Cour nationale du droit d'asile, elles ne privent pas l'intéressé de la possibilité d'exercer un recours contre la décision de rejet de l'office. De plus, il résulte des dispositions combinées du 7° de l'article L. 743-2 du code l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, du 6° de l'article L. 511-1, du I bis de l'article L. 512-1 et de l'article L. 512-3 du même code, qu'un ressortissant étranger issu d'un pays d'origine sûr dont la demande d'asile a été rejetée selon la procédure accélérée peut contester l'obligation de quitter le territoire français prise à son encontre. Ce recours présente un caractère suspensif et le juge saisi a la possibilité, le cas échéant, en application de l'article L. 743-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de suspendre l'exécution de la mesure d'éloignement et de permettre, ainsi, au ressortissant étranger de demeurer sur le territoire français jusqu'à ce que la Cour nationale du droit d'asile statue sur son recours. Dès lors, eu égard à ces garanties procédurales et juridictionnelles, qui permettent notamment à l'étranger de faire valoir les risques qu'il estime encourir dans son pays d'origine, le requérant n'est pas fondé à soutenir que les dispositions des articles L. 511-1, L. 723-2 et L. 743-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile méconnaissent le droit à un recours effectif garanti notamment par l'article 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et par l'article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne.
8. En cinquième lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. ".
9. M. A... n'établit pas, par les pièces médicales qu'il produit, être exposé, en cas de retour au Sénégal, pays dont il a nationalité, au risque d'y subir des traitements inhumains ou dégradants faute de soins adaptés. Le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut, dès lors, qu'être écarté.
10. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande dirigée contre l'arrêté du préfet du Var du 8 juillet 2019. Sa requête doit donc être rejetée.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
11. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par M. A..., n'appelle aucune mesure d'exécution. Ses conclusions à fin d'injonction ne peuvent dès lors qu'être également rejetées.
Sur les frais liés au litige :
12. Les dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique s'opposent à ce que la somme réclamée sur leur fondement pour le compte de Me F..., avocate du requérant, soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., à Me F... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Var.
Délibéré après l'audience du 3 juin 2020, où siégeaient :
- M. David Zupan, président,
- Mme D... E..., présidente assesseure,
- M. C... Grimaud, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 15 juin 2020.
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N° 19MA04423
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