Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... E... et M. C... B... ont demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler la délibération du 16 mars 2017 par laquelle le conseil municipal d'Oraison a approuvé le plan local d'urbanisme de la commune et la décision du 8 juin 2017 par laquelle le maire d'Oraison a rejeté leur recours gracieux contre cette délibération.
Par un jugement n° 1705646 du 24 janvier 2019, le tribunal administratif de Marseille a annulé la délibération du 16 mars 2017 du conseil municipal d'Oraison en tant qu'elle crée une orientation d'aménagement et de programmation (OAP) n°l " Font de Durance Sud " et classe ce secteur en zone à urbaniser, ainsi que, dans cette mesure, la décision du 8 juin 2017 du maire d'Oraison.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 24 mars 2019, et un mémoire complémentaire enregistré le 15 décembre 2019, la commune d'Oraison, représentée par Me G..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du 24 janvier 2019 du tribunal administratif de Marseille ;
2°) de rejeter la demande de première instance ;
3°) de mettre à la charge de Mme E... et de M. B... une somme de 4500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le tribunal a commis une erreur de droit en jugeant que l'avis de la mission régionale d'autorité environnementale place les auteurs du plan local d'urbanisme en situation de compétence liée ;
- le rapport de présentation comporte effectivement des mesures d'évitement, conformément au 5° de l'article L. 151-3 du code de l'environnement consistant dans la mise en place de dispositifs de limitation et d'adaptation de l'éclairage, la densification du corridor arboré, un agenda de réalisation des travaux pour ne pas perturber la reproduction des espèces concernées ;
- après la mise en place des mesures d'évitement, l'impact sur les habitats et espèces protégés devient non significatif ;
- les zonages et l'OAP sont justifiés par l'étude d'incidences Natura 2000 produite en appel ;
- les secteurs 2AUX1 et 2AUX2 ne sont pas en l'état constructibles car leur ouverture à l'urbanisation ne pourra s'effectuer qu'après une modification ou une révision du plan local d'urbanisme ;
- le secteur " Font de Durance Sud " est identifié par le DOO du SCOT de la communauté d'agglomération Durance Lubéron Verdon approuvé le 9 juillet 2018 comme une zone d'activité de niveau 1 ; il n'est pas incompatible avec le SCOT ;
- l'évaluation environnementale est suffisante ;
- le plan local d'urbanisme d'Oraison prend en compte le risque inondation ainsi qu'il ressort du courrier du 3 mai 2017 du préfet des Alpes-de-Haute-Provence ;
- le projet d'aménagement et de développement durables prévoit une zone d'activité économique dans le secteur Font de Durance Sud.
Par un mémoire enregistré le 25 septembre 2019, Mme A... E... et M. C... B..., représentés par Me D..., demandent à la Cour de rejeter la requête de la commune d'Oraison, d'annuler le jugement en tant qu'il n'a pas totalement annulé la délibération du 16 mars 2017 approuvant le plan local d'urbanisme et la décision qui a rejeté leur recours gracieux, et de mettre à la charge de la commune d'Oraison de la somme de 3 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Par courrier du 11 juin 2020, les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 6117 du code de justice administrative, de ce que la décision de la Cour est susceptible d'être fondée sur un moyen d'ordre public relevé d'office, et tiré de l'irrecevabilité des conclusions de la commune d'Oraison en ce qu'elles tendent à l'annulation du jugement attaqué dans sa totalité, ce jugement lui donnant partiellement satisfaction ;
Par courrier du 11 juin 2020, les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 6117 du code de justice administrative, de ce que la décision de la Cour est susceptible d'être fondée sur un moyen d'ordre public relevé d'office, et tiré de l'irrecevabilité des conclusions des défendeurs en ce qu'elles tendent à l'annulation du jugement en tant qu'il n'a pas annulé dans sa totalité la délibération du 16 mars 2017, comme relevant d'un litige distinct de l'appel principal.
Par un mémoire enregistré le 13 juin 2020, la commune d'Oraison soutient que sa requête se borne à demander l'annulation du jugement en litige en tant qu'il a procédé à une annulation partielle de la délibération qui a approuvé le plan local d'urbanisme.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de l'environnement ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. F...,
- les conclusions de Mme Giocanti, rapporteur public,
- et les observations de Me G..., représentant la commune d'Oraison et de Me D..., représentant les défendeurs.
Considérant ce qui suit :
1. Le conseil municipal d'Oraison a approuvé le plan local d'urbanisme de la commune le 16 mars 2017. Sur requête de Mme E... et M. B..., le tribunal administratif de Marseille a annulé cette délibération en tant qu'elle crée une orientation d'aménagement et de programmation (OAP) n°l " Font de Durance Sud " et classe ce secteur en zone à urbaniser. La commune d'Oraison relève appel de ce jugement.
Sur la recevabilité de la requête :
2. Il ressort des écritures de la commune d'Oraison qu'elle n'entend demander l'annulation du jugement en litige qu'en tant qu'il annule la délibération du 16 mars 2017 en tant qu'elle crée l'OAP n°l " Font de Durance Sud " et classe ce secteur en zone à urbaniser. De telles conclusions sont recevables.
Sur la recevabilité des conclusions d'appel incident :
3. Les conclusions des défendeurs tendant à l'annulation du jugement du 24 janvier 2019 en tant qu'il n'a pas annulé dans sa totalité la délibération du 16 mars 2017, relèvent d'un litige distinct de l'appel principal et dont dès lors irrecevables.
Sur la légalité de la délibération attaquée en tant que le plan local d'urbanisme de la commune d'Oraison crée l'OAP n° 1 secteur " Font de Durance Sud " et classe ce secteur en zone AU :
4. Aux termes de l'article R. 15120 du code de l'urbanisme : " Les zones à urbaniser sont dites " zones AU ". Peuvent être classés en zone à urbaniser les secteurs destinés à être ouverts à l'urbanisation. Lorsque les voies ouvertes au public et les réseaux d'eau, d'électricité et, le cas échéant, d'assainissement existant à la périphérie immédiate d'une zone AU ont une capacité suffisante pour desservir les constructions à implanter dans l'ensemble de cette zone et que des orientations d'aménagement et de programmation et, le cas échéant, le règlement en ont défini les conditions d'aménagement et d'équipement, les constructions y sont autorisées soit lors de la réalisation d'une opération d'aménagement d'ensemble, soit au fur et à mesure de la réalisation des équipements internes à la zone prévus par les orientations d'aménagement et de programmation et, le cas échéant, le règlement. Lorsque les voies ouvertes au public et les réseaux d'eau, d'électricité et, le cas échéant, d'assainissement existant à la périphérie immédiate d'une zone AU n'ont pas une capacité suffisante pour desservir les constructions à implanter dans l'ensemble de cette zone, son ouverture à l'urbanisation est subordonnée à une modification ou à une révision du plan local d'urbanisme comportant notamment les orientations d'aménagement et de programmation de la zone. ". Aux termes de l'article L. 1516 du même code : " Les orientations d'aménagement et de programmation comprennent, en cohérence avec le projet d'aménagement et de développement durables, des dispositions portant sur l'aménagement, l'habitat, les transports, les déplacements et, en zone de montagne, sur les unités touristiques nouvelles ".
5. Il appartient aux auteurs d'un plan local d'urbanisme de déterminer le parti d'aménagement à retenir pour le territoire concerné par ce plan en tenant compte de la situation existante et des perspectives d'avenir, et de fixer en conséquence le zonage et les possibilités de construction. Leur appréciation sur ces différents points ne peut être censurée par le juge administratif qu'au cas où elle est entachée d'une erreur manifeste ou fondée sur des faits matériellement inexacts.
6. Le plan local d'urbanisme approuvé de la commune d'Oraison comporte une OAP n° 1 dénommée " secteur Font de Durance Sud ", d'une superficie de 17 hectares, dont un secteur de 4,6 hectares à vocation économique doit être ouvert à l'urbanisation à court terme, un secteur de 3,3 hectares à vocation économique doit être ouverte à l'urbanisation à plus long terme, et une zone de 6,6 hectares à vocation mixte (économique et habitat), doit être aussi ouverte à l'urbanisation à plus long terme. Il ressort des pièces du dossier que ce secteur, actuellement à vocation agricole, où sont cultivés blé, maïs et luzerne, est inclus en totalité dans le périmètre de la zone de protection spéciale (ZPS) La Durance. L'avis rendu par la mission régionale d'autorité environnementale de Provence-Alpes-Côte-d'Azur sur le plan local d'urbanisme d'Oraison souligne que la ZPS Durance est impactée directement par la zone AU Font de Durance, que deux espèces d'intérêt communautaire y ont été localisées, le busard Saint-Martin et la grande aigrette, et que pour le busard, les incidences sont considérées comme fortes avec des effets directs et permanents en termes de perte de zone de nidification et de reproduction et de perte de zone de chasse. Le document d'objectifs (DOCOB) de la ZPS " La Durance " souligne que celle-ci est un lieu d'évolution de nombreux chiroptères, barbastelle d'Europe, grand murin, petit murin, grand rhinolophe, petit rhinolophe, minioptère de Schreibers, murin à oreilles échancrées et murin de Capaccini. Le rapport de présentation du plan local d'urbanisme souligne d'ailleurs l'importance du secteur " Font de Durance Sud " comme zone de chasse des chauve-souris. Le site présente un intérêt particulier pour la conservation de certaines espèces d'intérêt communautaire, telles que le milan noir. Certes, la commune d'Oraison fait valoir qu'eu égard aux mesures d'évitement prévues, la mise en oeuvre du projet aura une incidence faible sur ces espèces protégées. Ces mesures consistent, en ce qui concerne le secteur " Font de Durance Sud ", à conserver une zone tampon de 10 mètres de large pour préserver la ripisylve de la Durance, à limiter et adapter l'éclairage pour ne pas déranger les chiroptères, à conserver une zone de micro-friche de 10 mètres de large autour des projets qui détruisent les cultures, à adapter le calendrier des travaux pour ne pas perturber la reproduction et la nidification des chiroptères et des oiseaux. Toutefois, la mission régionale d'autorité environnementale a estimé que l'absence d'incidence dommageable de l'OAP secteur " Font de Durance Sud sur la ZPS n'est pas démontrée ". L'évaluation des incidences au regard des objectifs de conservation des sites natura 2000 produite par la commune en appel n'apporte pas une telle démonstration. Il ne ressort pas des pièces du dossier que la réalisation des travaux en dehors des périodes de reproduction et de nidification, pas plus que le maintien d'une friche de 10 mètres de large, permettent d'éviter l'atteinte à des espèces protégées résultant de la destruction de leur zone de chasse. Ainsi que l'a jugé le tribunal, les auteurs du plan local d'urbanisme l'ont entaché d'erreur manifeste d'appréciation en ce qu'il crée l'OAP n° 1 du secteur " Font de Durance Sud " et classe ce secteur en zone à urbaniser.
7. Eu égard au motif d'illégalité dont est entaché le plan local d'urbanisme, la commune d'Oraison n'est pas fondée à soutenir que ce vice est susceptible de régularisation en application des dispositions de l'article L. 600-9 du code de l'urbanisme.
8. Il résulte de ce qui précède que la commune d'Oraison n'est pas fondée à soutenir c'est à tort que le tribunal a annulé partiellement la délibération du 16 mars 2017.
Sur les frais liés au litige :
9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge des défendeurs, qui ne sont pas partie perdante, la somme que demande la commune d'Oraison sur le fondement de ces dispositions. En revanche, il y a lieu de mettre à la charge de la commune d'Oraison la somme globale de 2 000 euros au titre des frais exposés par les défendeurs et non compris dans les dépens.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de la commune d'Oraison est rejetée.
Article 2 : Les conclusions des défendeurs tendant à l'annulation du jugement du 24 janvier 2019 en tant qu'il n'a pas annulé dans sa totalité la délibération du 16 mars 2017 et la décision qui a rejeté leur recours gracieux sont rejetées.
Article 3 : La commune d'Oraison versera à M. B... et Mme E... pris ensemble la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la commune d'Oraison, à M. C... B... et à Mme A... E....
Délibéré après l'audience du 18 juin 2020, où siégeaient :
- M. Poujade, président,
- M. F..., président assesseur,
- M. Jorda, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 2 juillet 2020.
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N° 19MA01418
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