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02/07/2020 | FRANCE | N°19MA01419

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 1ère chambre, 02 juillet 2020, 19MA01419


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... C..., M. B... D... et Mme H... I... ont demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler la délibération du 16 mars 2017 par laquelle le conseil municipal d'Oraison a approuvé le plan local d'urbanisme de la commune et la décision du 3 juillet 2017 par laquelle le maire d'Oraison a rejeté leur recours gracieux contre cette délibération.

Par un jugement n° 1706072 du 24 janvier 2019, le tribunal administratif de Marseille a annulé la délibération du 16 mars 2017 du conseil municipa

l d'Oraison en tant qu'elle crée une orientation d'aménagement et de programmati...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... C..., M. B... D... et Mme H... I... ont demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler la délibération du 16 mars 2017 par laquelle le conseil municipal d'Oraison a approuvé le plan local d'urbanisme de la commune et la décision du 3 juillet 2017 par laquelle le maire d'Oraison a rejeté leur recours gracieux contre cette délibération.

Par un jugement n° 1706072 du 24 janvier 2019, le tribunal administratif de Marseille a annulé la délibération du 16 mars 2017 du conseil municipal d'Oraison en tant qu'elle crée une orientation d'aménagement et de programmation (OAP) n° l " Fond de Durance Sud " et classe ce secteur en zone à urbaniser, et en tant qu'elle impose, au sein de ce secteur, préalablement à tout projet d'urbanisation, la réalisation d'une étude d'impact au titre du code de l'environnement, une étude préalable agricole au titre du code rural et de la pêche maritime, une étude d'intégration paysagère ainsi qu'une charte de qualité architecturale, ainsi que, dans cette mesure, la décision du 3 juillet 2017 du maire d'Oraison.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 25 mars 2019, et un mémoire complémentaire enregistré le 15 décembre 2019, la commune d'Oraison, représentée par Me J..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 24 janvier 2019 du tribunal administratif de Marseille en tant qu'il a retenu le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 101-2 du code de l'urbanisme ;

2°) de surseoir à statuer en application des dispositions de l'article L. 600-9 du code de l'urbanisme pour permettre à la commune d'Oraison de régulariser l'illégalité ayant consisté à imposer, préalablement à tout projet d'urbanisation dans le secteur "Fond de Durance Sud" la réalisation d'une étude d'impact au titre du code de l'environnement, une étude préalable agricole au titre du code rural et de la pêche maritime, une étude d'intégration paysagère ainsi qu'une charte de qualité architecturale ;

3°) de rejeter la demande de première instance ;

4°) de mettre à la charge de Mme I..., de M C... et de M. D... une somme de 4 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le tribunal a commis une erreur de droit en jugeant que l'avis de la mission régionale d'autorité environnementale place les auteurs du plan local d'urbanisme en situation de compétence liée ;

- le rapport de présentation comporte effectivement des mesures d'évitement, conformément au 5° de l'article L. 151-3 du code de l'environnement ; après la mise en place des mesures d'évitement, l'impact sur les habitats et espèces protégés devient non significatif ;

- les zonages et l'OAP sont justifiés par l'étude d'incidences Natura 2000 produite en appel ;

- les secteurs 2AUX1 et 2AUX2 ne sont pas en l'état constructibles car leur ouverture à l'urbanisation ne pourra s'effectuer qu'après une modification ou une révision du plan local d'urbanisme ;

- le secteur " Fond de Durance Sud " est identifié par le DOO du SCOT de la communauté d'agglomération Durance Lubéron Verdon approuvé le 9 juillet 2018 comme une zone d'activité de niveau 1 ; il n'est pas incompatible avec le SCOT ;

- l'évaluation environnementale est suffisante ;

- le plan local d'urbanisme d'Oraison prend en compte le risque inondation ainsi qu'il ressort du courrier du 3 mai 2017 du préfet des Alpes-de-Haute-Provence ;

- le projet d'aménagement et de développement durables prévoit une zone d'activité économique dans le secteur Fond de Durance Sud.

Par un mémoire enregistré le 3 septembre 2019, et un mémoire complémentaire enregistré le 31 décembre 2019, M. E... C... et M. B... D..., représentés par Me G..., demandent à la Cour de rejeter la requête et de mettre à la charge de la commune d'Oraison de la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- la requête est irrecevable, faute de comporter des moyens qui se rattachent au jugement contesté ;

- les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de l'environnement ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. F...,

- les conclusions de Mme Giocanti, rapporteur public,

- et les observations de Me J..., représentant la commune d'Oraison, et de Me A..., représentant M. C... et M. D....

Considérant ce qui suit :

1. Le conseil municipal d'Oraison a approuvé le plan local d'urbanisme de la commune le 16 mars 2017. Sur requête de M. E... C..., M. B... D... et Mme I..., le tribunal administratif de Marseille a annulé cette délibération en ce qu'elle crée l'OAP n° 1 " secteur Fond de Durance Sud ", à l'ouest de la commune et classe ce secteur en zone à urbaniser, et en tant qu'elle impose, au sein de ce secteur, préalablement à tout projet d'urbanisation, la réalisation d'une étude d'impact au titre du code de l'environnement, une étude préalable agricole au titre du code rural et de la pêche maritime, une étude d'intégration paysagère ainsi qu'une charte de qualité architecturale. La commune d'Oraison relève appel de ce jugement en tant qu'il a retenu le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 101-2 du code de l'urbanisme.

Sur la légalité de la délibération attaquée en tant que le plan local d'urbanisme crée l'OAP n° 1 secteur Fond de Durance Sud, classé en zone AU :

2. L'article L. 101-2 du code de l'urbanisme dispose " Dans le respect des objectifs du développement durable, l'action des collectivités publiques en matière d'urbanisme vise à atteindre les objectifs suivants : ... 6° La protection des milieux naturels et des paysages, la préservation de la qualité de l'air, de l'eau, du sol et du sous-sol, des ressources naturelles, de la biodiversité, des écosystèmes, des espaces verts ainsi que la création, la préservation et la remise en bon état des continuités écologiques ".

3. Le plan local d'urbanisme approuvé comporte une OAP n° 1 dénommée secteur " Fond de Durance Sud ", d'une superficie de 17 hectares, dont une zone de 4,6 hectares à vocation économique doit être ouverte à l'urbanisation à court terme, une zone de 3,3 hectares à vocation économique doit être ouverte à l'urbanisation à plus long terme, et une zone de 6,6 hectares à vocation mixte (économique et habitat) doit être aussi ouverte à l'urbanisation à plus long terme. Il ressort des pièces du dossier que ce secteur, actuellement à vocation agricole, où sont cultivés blé, maïs et luzerne, est inclus en totalité dans le périmètre de la zone de protection spéciale (ZPS) La Durance. L'avis rendu par la mission régionale d'autorité environnementale de Provence-Alpes-Côte-d'Azur sur le plan local d'urbanisme d'Oraison souligne que la ZPS Durance est impactée directement par la zone AU " Fond de Durance Sud ", que deux espèces d'intérêt communautaire y ont été localisées, le busard Saint-Martin et la grande aigrette, et que pour le busard, les incidences sont considérées comme fortes avec des effets directs et permanents en termes de perte de zone de nidification et de reproduction et de perte de zone de chasse. Le document d'objectifs (DOCOB) de la ZPS " La Durance " souligne que celle-ci est un lieu d'évolution de nombreux chiroptères, barbastelle d'Europe, grand murin, petit murin, grand rhinolophe, petit rhinolophe, minioptère de Schreibers, murin à oreilles échancrées et murin de Capaccini. Le rapport de présentation du plan local d'urbanisme souligne d'ailleurs l'importance du secteur " Fond de Durance Sud " comme zone de chasse des chauve-souris. Le site présente un intérêt particulier pour la conservation de certaines espèces d'intérêt communautaire, telles que le milan noir. Certes, la commune d'Oraison fait valoir qu'eu égard aux mesures d'évitement prévues, la mise en oeuvre du projet aura une incidence faible sur ces espèces protégées. Ces mesures consistent, en ce qui concerne le secteur " Fond de Durance Sud ", à conserver une zone tampon de 10 mètres de large pour préserver la ripisylve de la Durance, à limiter et adapter l'éclairage pour ne pas déranger les chiroptères, à conserver une zone de micro-friche de 10 mètres de large autour des projets qui détruisent les cultures, à adapter le calendrier des travaux pour ne pas perturber la reproduction et la nidification des chiroptères et des oiseaux. Toutefois, la mission régionale d'autorité environnementale a estimé que l'absence d'incidence dommageable du secteur Fond de Durance Sud sur la ZPS n'est pas démontrée. L'évaluation des incidences au regard des objectifs de conservation des sites natura 2000 produite par la commune en appel n'apporte pas une telle démonstration. Au demeurant, il ne ressort pas des pièces du dossier que la réalisation des travaux en dehors des périodes de reproduction et de nidification, pas plus que le maintien d'une friche de 10 mètres de large, évitent l'atteinte à des espèces protégées résultant de la destruction de leur zone de chasse. Dès lors, la création de l'OAP n° 1 du secteur " Fond de Durance Sud " compromet la préservation des milieux naturels et est incompatible avec les dispositions de l'article L. 101-2 6ème du code de l'urbanisme.

4. Aux termes de l'article L. 600-9 du code de l'urbanisme : " Si le juge administratif, saisi de conclusions dirigées contre un schéma de cohérence territoriale, un plan local d'urbanisme ou une carte communale, estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu'une illégalité entachant l'élaboration ou la révision de cet acte est susceptible d'être régularisée, il peut, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, surseoir à statuer jusqu'à l'expiration du délai qu'il fixe pour cette régularisation et pendant lequel le document d'urbanisme reste applicable... ". Eu égard au motif d'illégalité dont est entachée la création de l'OAP n° 1 " Fond de Durance " consistant dans la méconnaissance de l'article L. 101-2 6ème du code de l'urbanisme, la commune d'Oraison n'est pas fondée à soutenir que le vice consistant à imposer, au sein de ce secteur, préalablement à tout projet d'urbanisation, la réalisation d'une étude d'impact au titre du code de l'environnement, une étude préalable agricole au titre du code rural et de la pêche maritime, une étude d'intégration paysagère ainsi qu'une charte de qualité architecturale, est susceptible de régularisation en application des dispositions de l'article L. 600-9 du code de l'urbanisme.

5. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner la recevabilité de la requête, que la commune d'Oraison n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal a annulé partiellement la délibération du 16 mars 2017.

Sur les frais liés au litige :

6. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge des défendeurs, qui ne sont pas partie perdante, la somme que demande la commune d'Oraison sur le fondement de ces dispositions. En revanche, il y a lieu de mettre à la charge de la commune d'Oraison la somme globale de 2 000 euros au titre des frais exposés par MM. C... et D... et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la commune d'Oraison est rejetée.

Article 2 : La commune d'Oraison versera à M. C... et M. D... pris ensemble la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la commune d'Oraison, à M. E... C..., à M. B... D... et à Mme H... I...

Délibéré après l'audience du 18 juin 2020, où siégeaient :

- M. Poujade, président,

- M. F..., président assesseur,

- M. Jorda, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 2 juillet 2020.

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N° 19MA01419

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 19MA01419
Date de la décision : 02/07/2020
Type d'affaire : Administrative

Analyses

68-01-01-01-03-03 Urbanisme et aménagement du territoire. Plans d'aménagement et d'urbanisme. Plans d`occupation des sols (POS) et plans locaux d'urbanisme (PLU). Légalité des plans. Légalité interne. Appréciations soumises à un contrôle d'erreur manifeste.


Composition du Tribunal
Président : M. POUJADE
Rapporteur ?: M. Philippe PORTAIL
Rapporteur public ?: Mme GIOCANTI
Avocat(s) : CONSTANZA

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2020-07-02;19ma01419 ?
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