Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. E... C... a demandé au tribunal administratif de Toulon de condamner le département du Var à lui verser la somme de 152 785,75 euros en réparation des préjudices subis à la suite de son accident de la circulation du 28 avril 2013 et une provision de 50 000 euros à valoir sur son indemnisation définitive, dans l'attente du dépôt des conclusions médicales définitives, et d'ordonner une expertise médicale contradictoire.
Par un jugement n° 1600768 du 4 avril 2019, le tribunal administratif de Toulon a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires enregistrés les 15 avril, 6 mai et 4 juillet 2019, M. C..., représenté par Me A..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Toulon du 4 avril 2019 ;
2°) de condamner le département du Var à lui verser la somme de 152 785,61 euros ;
3°) de mettre à la charge du département du Var la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la responsabilité du département doit être engagée pour défaut d'entretien normal de la voie rendue très glissante par la conjonction de la pluie et de la présence de traces de résidus d'hydrocarbure non signalée ;
- aucune faute exclusive ne peut lui être reprochée.
Par des mémoires enregistrés les 23 mai, 1er et 5 juillet 2019, la caisse primaire d'assurance maladie du Var a indiqué ne pas entendre intervenir dans l'instance et a toutefois informé la cour que la victime a été prise en charge au titre du risque maladie et que le montant définitif des débours s'élève à 157 978,04 euros.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 25 juin et le 6 août 2019, le département du Var, représenté par Me D..., conclut au rejet de la requête, à titre subsidiaire à ce que l'indemnité soit fixée à de justes proportions et à la mise à la charge de M. C... d'une somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que les moyens soulevés par M. C... ne sont pas fondés.
Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de l'irrégularité du jugement attaqué en l'absence de communication par le tribunal de la demande présentée par M. C... à son employeur, le centre hospitalier San Salvadour de Hyères (Assistance Publique -Hôpitaux de Paris - AP-HP), en méconnaissance des dispositions des articles 3 et 7 de l'ordonnance du 7 janvier 1959 relative aux actions en réparation civile de l'Etat et de certaines autres personnes publiques.
Des observations sur le moyen relevé d'office présentées pour M. C... ont été enregistrées le 17 juin 2020 et communiquées.
Des observations sur le moyen relevé d'office présentées pour l'Assistance Publique -Hôpitaux de Paris, représentée par Me B..., ont été enregistrées le 9 septembre 2020 après la clôture de l'instruction.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- l'ordonnance n° 59-76 du 7 janvier 1959 ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme F...,
- et les conclusions de M. Gautron, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. C... relève appel du jugement du 4 avril 2019 par lequel le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande tendant à la condamnation du département du Var à l'indemniser des préjudices qui ont résulté de l'accident de la circulation dont il a été victime le 28 avril 2013 sur la route départementale n° 12.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article 3 de l'ordonnance du 7 janvier 1959 relative aux actions en réparation civile de l'Etat et de certaines autres personnes publiques, les agents de l'Etat ou d'une personne publique mentionnée à l'article 7 de cette ordonnance ou leurs ayants droit qui demandent en justice la réparation d'un préjudice qu'ils imputent à un tiers " doivent appeler en déclaration de jugement commun la personne publique intéressée et indiquer la qualité qui leur ouvre droit aux prestations de celle-ci ". Cette obligation, dont la méconnaissance est sanctionnée par la possibilité reconnue à toute personne intéressée de demander pendant
deux ans l'annulation du jugement, a pour objet de permettre la mise en cause, à laquelle le juge administratif doit procéder d'office, des personnes publiques susceptibles d'avoir versé ou de devoir verser des prestations à la victime ou à ses ayants droit.
3. La qualité d'agent des services publics hospitaliers du centre hospitalier San Salvadour de Hyères (AP-HP) détenue par M. C... ressortait des pièces du dossier de première instance, notamment du rapport médical amiable du 25 octobre 2016. En ne communiquant pas la demande de M. C... à cet établissement public hospitalier, le tribunal administratif de Toulon a entaché son jugement d'irrégularité. Ce jugement doit donc être annulé.
4. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande de M. C... présentée devant le tribunal administratif de Toulon.
Sur la responsabilité :
5. Il appartient à l'usager d'un ouvrage public qui demande réparation d'un préjudice qu'il estime imputable à cet ouvrage de rapporter la preuve de l'existence d'un lien de causalité entre le préjudice invoqué et l'ouvrage. Le maître de l'ouvrage ne peut être exonéré de l'obligation d'indemniser la victime qu'en rapportant, à son tour, la preuve soit que l'ouvrage était en état d'entretien normal, soit que le dommage est imputable à une faute de la victime ou à un cas de force majeure.
6. Il résulte de l'instruction, et notamment des procès-verbaux de la police nationale produits, que le 28 avril 2013 à 10h50, M. C... a perdu le contrôle de son véhicule dans une courbe sur la route départementale n° 12 et percuté une voiture arrivant en sens inverse, alors que la chaussée était mouillée et présentait des traces de résidus d'hydrocarbures. La matérialité des faits et le lien de causalité entre le dommage M. C... et l'ouvrage public en cause sont donc établis.
7. Toutefois, il ne résulte de l'instruction ni que les services du département du Var auraient été prévenus de la présence de traces de résidus d'hydrocarbures sur la chaussée à l'endroit de l'accident et qu'ils auraient eu la possibilité matérielle, entre le moment où ces traces seraient apparues et celui de l'accident, de remettre en état la route ou de signaler à ses usagers la présence d'un danger ni, d'ailleurs, que d'autres accidents de la circulation imputables aux mêmes causes se seraient produits au même endroit dans les jours ou les heures précédant l'accident en cause. Dans ces conditions, le département du Var doit être regardé comme apportant la preuve de l'entretien normal de l'ouvrage public. En outre, et en tout état de cause, il ressort également des constations des mêmes procès-verbaux de police ainsi que du rapport d'expertise réalisé à la demande de la cour d'appel d'Aix-en-Provence que le véhicule de M. C... n'était pas conforme au code de la route dès lors que les pneus avant droit et arrière droit étaient quasiment lisses sur leur bord extérieur, et qu'il roulait, selon l'expert, à une vitesse comprise entre 80 et 90 km/heure, dans une courbe, par temps de pluie. L'intéressé a ainsi, en toutes hypothèses, manqué à ses obligations de vigilance et de maîtrise de son véhicule.
8. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que l'accident dont il a été victime est imputable à un défaut d'entretien normal de la chaussée de la route départementale n° 12 et, par suite, à demander la condamnation du département du Var à l'indemniser des préjudices qui ont résulté de cet accident et la réalisation d'une expertise médicale contradictoire.
Sur les frais liés au litige :
9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées par M. C... sur leur fondement. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du requérant le versement d'une somme au titre des frais exposés par le département du Var et non compris dans les dépens.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Toulon du 4 avril 2019 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. C... devant le tribunal administratif de Toulon est rejetée.
Article 3: Les conclusions du département du Var présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... C..., au département du Var, à la caisse primaire d'assurance maladie du Var et à l'Assistance Publique -Hôpitaux de Paris (centre hospitalier San Salvadour de Hyères).
Délibéré après l'audience du 10 septembre 2020, où siégeaient :
- M. Alfonsi, président de chambre,
- Mme F..., présidente assesseure,
- Mme G..., première conseillère.
Lu en audience publique, 15 octobre 2020.
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N° 19MA01796
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