Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. H... et Mme G... D..., née C..., ont demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler les arrêtés en date des 2 mai et 15 mai 2018 par lesquels le maire de la commune de Saint-Tropez a délivré à la SCACV Vignobles de Saint-Tropez un permis de construire et un permis de construire rectificatif et la décision du 13 juillet 2018 par laquelle a été rejeté leur recours gracieux.
Par un jugement du 2 juillet 2019, le tribunal administratif de Toulon a sursis à statuer sur la légalité des arrêtés susvisés des 2 mai et 15 mai 2018. Par un jugement n° 1803014 du 29 octobre 2019, le tribunal a rejeté leur demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 30 décembre 2019, et des mémoires complémentaires enregistrés les 7 février et 2 août 2020, les époux D..., représentés par la SCP d'avocats au Conseil d'État et à la Cour de Cassation Potier de La Varde- Buk Lament-Robillot, demandent à la Cour :
1°) d'annuler les jugements des 2 juillet et 29 octobre 2019 du tribunal administratif de Toulon ;
2°) de faire droit à leur demande de première instance ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Saint-Tropez et de la SCACV Vignobles de Saint-Tropez la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- les jugements ont méconnu l'article R. 711-3 du code de justice administrative car ils n'ont pas été avertis du sens des conclusions du rapporteur public préalablement aux audiences des 18 juin et 15 octobre 2019 et ils n'ont pas été informés qu'ils pouvaient se rapprocher du greffe à cet effet ;
- le jugement a méconnu l'article L. 761-1 du code de justice administrative car le jugement avant dire droit a reconnu l'illégalité du permis de construire et les demandeurs ne pouvaient pas dès lors être considérés comme étant la partie perdante ;
- le jugement est insuffisamment motivé en ce qu'il juge que pour apprécier le seuil de consultation de l'autorité environnementale, les occupants des logements et les personnels et usagers du spa ne devaient pas être pris en compte ;
- le jugement est insuffisamment motivé s'agissant de la réponse au moyen tiré de ce que les caractéristiques du projet ne répondaient pas à un motif d'intérêt général ;
- le projet aurait dû faire l'objet d'une étude environnementale au cas par cas, impliquant la saisine de l'autorité environnementale en application de l'arrêt du Conseil d'État du 8 décembre 2017 revêtu de l'autorité absolue de la chose jugée ;
- la délibération du 17 décembre 2014 du conseil municipal de Saint-Tropez portant déclaration de projet valant mise en compatibilité et modification du plan local d'urbanisme n'est pas justifiée par un intérêt général mais par l'intérêt du promoteur et les caractéristiques du projet ; en particulier, aucun intérêt général ne justifie la dérogation au plan local d'urbanisme qui permet de créer plus d'une piscine par immeuble;
- la délibération du 17 décembre 2014 du conseil municipal de Saint-Tropez portant déclaration de projet valant mise en compatibilité et modification du plan local d'urbanisme est entachée de détournement de pouvoir ;
- le rapport du commissaire enquêteur sur la procédure de mise en compatibilité est insuffisamment motivé ;
- le jugement du 29 octobre 2019 doit être annulé par voie de conséquence de l'annulation du jugement avant dire droit.
Par des mémoires enregistrés les 24 mars, 16 juillet et 2 septembre 2020, la SCACV Vignobles de Saint-Tropez, représentée par la SELARL A... Associés, conclut au rejet de la requête, en tant que de besoin au sursis à statuer sur le moyen tiré de la méconnaissance de l'article R. 431-16 du code de l'urbanisme et de l'annexe de l'article R. 122-2 du code de l'urbanisme, et à la mise à la charge des requérants de la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Par un mémoire enregistré le 27 avril 2020, la commune de Saint-Tropez représentée par Me E..., conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge des requérants de la somme de 3 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Un mémoire a été enregistré le 18 septembre 2020, présenté pour la commune de Saint-Tropez, et non communiqué en application des dispositions de l'article R. 6111 du code de justice administrative.
Un mémoire a été enregistré le 24 septembre 2020, présenté pour les requérants, et non communiqué en application des dispositions de l'article R. 6111 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. F...,
- les conclusions de Mme Giocanti, rapporteur public,
- et les observations de Me B..., substituant la SCP d'avocats au Conseil d'État et à la Cour de Cassation Potier de La Varde- Buk Lament-Robillot représentant les époux D..., et de Me A..., représentant la SCACV Vignobles de Saint-Tropez.
Considérant ce qui suit :
1. M. ClaudeEric D... et Mme G... C..., épouse D..., ont demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler les arrêtés des 2 mai et 15 mai 2018 par lesquels le maire de la commune de Saint-Tropez a délivré à la SCACV Vignobles de Saint-Tropez un permis de construire et un permis de construire modificatif pour la réalisation d'un immeuble collectif R+4, avec salle polyvalente et spa en R-1, parking en sous-sol, pour une surface de plancher créée de 5 450 m², sur un terrain sis 42 avenue Paul Roussel, cadastré Al 193, Al 377, d'une superficie de 2684 m², en zone UB2b du plan local d'urbanisme et la décision par laquelle leur recours gracieux a été rejeté. Par un jugement du 2 juillet 2019, le tribunal administratif de Toulon a sursis à statuer sur la légalité des arrêtés susvisés du 2 mai 2018 et 15 mai 2018 du maire de Saint-Tropez en application des dispositions de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme. Par un jugement du 29 octobre 2019, le tribunal administratif de Toulon a rejeté la demande époux D.... Ceux-ci relèvent appel de ces jugements.
Sur la régularité du jugement :
2. En premier lieu, il ressort du relevé de l'application " Sagace " que, préalablement aux audiences qui se sont tenues les 18 juin et 15 octobre 2019, le sens des conclusions du rapporteur public a été porté à la connaissance des parties le 14 juin et le 11 octobre 2019. Le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article R. 7113 du code de justice administrative doit être écarté.
3. En deuxième lieu, il ressort du jugement avant dire droit attaqué que le tribunal, qui n'était pas tenu de répondre à l'ensemble des arguments des demandeurs, a répondu de manière motivée au moyen tiré de l'exception d'illégalité de la délibération du 17 décembre 2014 portant mise en compatibilité du plan local d'urbanisme de la commune de SaintTropez et de ce qu'aucun motif d'intérêt général n'aurait pu justifier le recours à la procédure de mise en compatibilité du plan local d'urbanisme.
4. En troisième lieu, le tribunal a répondu au point 7 du jugement avant dire droit au moyen tiré de la méconnaissance de l'obligation de consulter l'autorité environnementale sur la nécessité d'une étude d'impact, notamment en relevant que la salle polyvalente prévue par le permis de construire est destinée à accueillir sept cent cinquante-quatre personnes et que les futurs occupants des cinquante-neuf logements ainsi que les personnes travaillant au futur spa ne peuvent être pris en compte pour le calcul du nombre de personnes entrant dans ce seuil. Il a ainsi suffisamment motivé son jugement.
5. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme : " Sans préjudice de la mise en oeuvre de l'article L. 600-5, le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager ou contre une décision de non-opposition à déclaration préalable estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu'un vice entraînant l'illégalité de cet acte est susceptible d'être régularisé, sursoit à statuer, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, jusqu'à l'expiration du délai qu'il fixe pour cette régularisation, même après l'achèvement des travaux. Si une mesure de régularisation est notifiée dans ce délai au juge, celui-ci statue après avoir invité les parties à présenter leurs observations. Le refus par le juge de faire droit à une demande de sursis à statuer est motivé. ". Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. ".
6. Si le jugement avant dire droit du 2 juillet 2019 a retenu l'illégalité du permis de construire en litige tirée de la méconnaissance de l'article R. 451-4 du code de l'urbanisme, le maire de la commune de Saint-Tropez a délivré à la SCACV Vignobles de Saint-Tropez un permis de construire modificatif le 23 août 2019. Le jugement du 29 octobre 2019 a pris acte de la régularisation intervenue et rejeté la demande des époux D.... Ceux-ci avaient donc la qualité de partie perdante au sens des dispositions précitées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Le tribunal n'a dès lors pas entaché son jugement d'irrégularité en mettant à leur charge une somme en application de ces dispositions.
Sur la légalité des arrêtés en date des 2 mai et 15 mai 2018 :
7. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier, et notamment du dossier spécifique permettant de vérifier la conformité des établissements recevant du public aux règles d'accessibilité et de sécurité contre l'incendie et la panique que la salle polyvalente prévue par le projet en litige peut accueillir sept cent cinquante-quatre personnes. Si les requérants soutiennent qu'il y a lieu de rajouter à ce nombre les occupants des logements de l'ensemble immobilier, ces logements sont distincts de l'exploitation de cette salle de loisirs et leurs occupants n'ont pas être pris en compte. Le moyen tiré de ce que la salle polyvalente peut accueillir plus de mille personnes et que le projet aurait dû être transmis à l'autorité environnementale en application des dispositions de l'article R. 122-2 du code de l'environnement doit, en tout état de cause, être rejeté.
8. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 600121 du code de l'urbanisme, entré en vigueur le 1er janvier 2019, et applicable aux instances en cours : " L'annulation ou la déclaration d'illégalité d'un schéma de cohérence territoriale, d'un plan local d'urbanisme, d'un document d'urbanisme en tenant lieu ou d'une carte communale sont par ellesmêmes sans incidence sur les décisions relatives à l'utilisation du sol ou à l'occupation des sols régies par le présent code délivrées antérieurement à leur prononcé dès lors que ces annulations ou déclarations d'illégalité reposent sur un motif étranger aux règles d'urbanisme applicables au projet. ". Le moyen tiré de l'exception d'illégalité de la délibération du 17 décembre 2014 par laquelle le conseil municipal de SaintTropez a approuvé la mise en compatibilité du plan local d'urbanisme de la commune en raison de l'insuffisante motivation des conclusions du commissaire enquêteur et de l'insuffisance de son rapport constitue un motif étranger aux règles d'urbanisme applicables au projet objet du permis de construire en litige. Ce moyen est dès lors sans influence sur la légalité de l'arrêté attaqué.
9. En troisième lieu, l'article L. 12314 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction en vigueur à la date de la délibération du 17 décembre 2014, dispose : " Lorsque la réalisation d'un projet public ou privé de travaux, de construction ou d'opération d'aménagement, présentant un caractère d'utilité publique ou d'intérêt général, nécessite une mise en compatibilité d'un plan local d'urbanisme, ce projet peut faire l'objet d'une déclaration d'utilité publique ou, si une déclaration d'utilité publique n'est pas requise, d'une déclaration de projet. Dans ce cas, l'enquête publique porte à la fois sur l'utilité publique ou l'intérêt général du projet et sur la mise en compatibilité du plan qui en est la conséquence. La déclaration d'utilité publique ou la déclaration de projet d'une opération qui n'est pas compatible avec les dispositions d'un plan local d'urbanisme ne peut intervenir qu'au terme de la procédure prévue par l'article L. 123142. ".
10. Eu égard à l'objet et à la portée d'une mise en compatibilité du plan local d'urbanisme, qui permet notamment d'alléger les contraintes procédurales s'imposant à la modification de ce document, il appartient à l'autorité compétente d'établir, de manière précise et circonstanciée, sous l'entier contrôle du juge, l'intérêt général qui s'attache à la réalisation de la construction ou de l'opération constituant l'objet de la mise en compatibilité, au regard notamment des objectifs économiques, sociaux et urbanistiques poursuivis par la collectivité publique intéressée.
11. Il ressort des pièces du dossier que l'actuelle cave viticole de la commune de SaintTropez est située à proximité immédiate du centre historique de cette cité. L'opération en cause porte sur la reconversion de ce secteur, notamment par la réalisation d'un ensemble de logements, d'une salle polyvalente et de parkings souterrains. La reconversion de ce site est l'occasion pour la commune de requalifier l'entrée de ville par la création de logements en lieu et place d'un bâtiment dégradé, et la mise en valeur d'une chapelle inscrite à l'inventaire supplémentaire des monuments historiques. Si les requérants soutiennent que le plan local d'urbanisme approuvé en 2013 permettait la réalisation de logements sur ce site, sans qu'il soit nécessaire de le modifier, il ressort des pièces du dossier que ce document d'urbanisme comportait un emplacement réservé n° 32 portant sur une salle polyvalente communale et des stationnements, recouvrant la quasitotalité du site de l'ancienne cave viticole. Le projet ne pouvait donc être mené à bien sans la suppression de cet emplacement réservé. La commune de SaintTropez a ainsi justifié l'intérêt général qui s'attache à la réalisation de l'opération constituant l'objet de la mise en compatibilité, au regard notamment des objectifs économiques, sociaux et urbanistiques poursuivis. Le moyen tiré de l'exception d'illégalité de la délibération qui a approuvé la mise en compatibilité du plan local d'urbanisme au regard de l'article L. 123-14 précité doit dès lors être écarté.
12. En dernier lieu, ainsi qu'il a été dit au point précédent, le projet de réalisation d'un ensemble collectif sur le site actuel de la cave viticole de la commune de SaintTropez poursuit un objet qui n'est pas étranger à l'intérêt général. Alors même que les règles d'urbanisme issues de la mise en compatibilité du plan local d'urbanisme épouseraient l'implantation des constructions objets de la demande de permis de construire présentée par un promoteur immobilier, permettraient à la commune de faire financer la réalisation d'une salle polyvalente communale par une personne privée et méconnaîtraient les règles relatives à la maîtrise d'ouvrage publique, le moyen tiré de l'exception d'illégalité de la délibération approuvant cette mise en compatibilité en raison d'un détournement de pouvoir doit être écarté.
13. Il résulte de ce qui précède que les époux D... ne sont pas fondés à demander l'annulation des jugements attaqués.
Sur les frais liés au litige :
14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Saint-Tropez et de la SCACV Vignobles de Saint-Tropez la somme que demandent les requérants sur le fondement de ces dispositions. En revanche, il y a lieu de mettre à la charge des époux D... pris ensemble la somme de 1 500 euros à verser à la commune de Saint-Tropez et la somme de 1 500 euros à verser à la SCACV Vignobles de Saint-Tropez au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
D É C I D E :
Article 1er : La requête des époux D... est rejetée.
Article 2 : Les époux D... pris ensemble verseront la somme de 1 500 euros à la commune de Saint-Tropez en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Les époux D... pris ensemble verseront la somme de 1 500 euros à la SCACV Vignobles de Saint-Tropez en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. H... D..., à Mme G... D..., à la commune de Saint-Tropez et à la SCACV Vignobles de Saint-Tropez.
Délibéré après l'audience du 1er octobre 2020, où siégeaient :
- M. Poujade, président,
- M. F..., président assesseur,
- Mme Baizet, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 15 octobre 2020.
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N°19MA05818
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