Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. D... B... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 18 janvier 2019 par lequel le préfet des Alpes-de-Haute-Provence a rejeté sa demande de délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination, ainsi que l'arrêté du 3 mai 2019 par lequel le préfet des Alpes-de-Haute-Provence l'a assigné à résidence.
Par l'article 1er du jugement n° 1904110 du 15 mai 2019, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Marseille a renvoyé à une formation collégiale les conclusions de la demande de M. B... tendant à l'annulation de la décision refusant de lui délivrer un titre de séjour, par l'article 2 a annulé les décisions du préfet des Alpes-de-Haute-Provence du 18 janvier 2019 par lesquelles il a obligé M. B... à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination, ainsi que l'arrêté du préfet des Alpes-de-Haute-Provence du 3 mai 2019 portant assignation à résidence, et, par l'article 3, a condamné l'Etat à verser à l'avocat de M. B... la somme de 800 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 17 juin 2019 et le 27 décembre 2019, le préfet des Alpes-de-Haute-Provence demande à la Cour :
1°) d'annuler l'article 2 du jugement du magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Marseille du 15 mai 2019 ;
2°) de rejeter la demande de M. B... présentée devant le tribunal administratif de Marseille.
Il soutient que la composition du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) est régulière.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour des ressortissants algériens et de leurs familles ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme E... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Par un arrêté du 18 janvier 2019, le préfet des Alpes-de-Haute-Provence a rejeté la demande de délivrance d'un titre de séjour présentée par M. B..., ressortissant algérien né en 1989, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Par un arrêté du 3 mai 2019, le préfet des Alpes-de-Haute-Provence a assigné M. B... à résidence pour une durée de 45 jours. Le préfet des Alpes-de-Haute-Provence fait appel du jugement du magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Marseille du 15 mai 2019 en tant qu'il a annulé les décisions du 18 janvier 2019 portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination ainsi que l'arrêté du 3 mai 2019.
2. Aux termes de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, applicable aux ressortissants algériens qui sollicitent la délivrance d'un titre de séjour au regard de leur état de santé : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé (...) ".
3. Il ressort des pièces du dossier que le collège de médecins qui a rendu un avis le 9 janvier 2019 sur la demande de M. B... a été rendu par le docteur Nathalie Ortega, le docteur Philippe Truze et le docteur Elodie Millet, médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII), qui avaient été désignés par une décision du directeur général de cet établissement du 24 septembre 2018 publiée au bulletin officiel du ministère de l'intérieur. Ainsi, le préfet des Alpes-de-Haute-Provence est fondé à soutenir que c'est à tort que le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Marseille a estimé que la composition du collège de médecins ayant rendu l'avis est irrégulière.
4. Il appartient toutefois à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés en première instance par M. B....
5. En premier lieu, il ressort des mentions de l'avis du collège de médecins que le rapport médical a été rédigé par le docteur Stéfania Giraud. Ainsi, le rapport n'a pas été établi par un médecin ayant siégé au sein du collège.
6. En deuxième lieu, aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : / (...) 7. Au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays (...) ".
7. Il ressort des pièces du dossier que la décision de refus de titre de séjour a été édictée notamment au vu de l'avis du 9 janvier 2019 mentionné au point 3, qui indiquait que si l'état de santé de M. B... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il peut y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, et que son état lui permet de voyager sans risque vers le pays d'origine. Il ressort des pièces du dossier que M. B... a fait l'objet, par un arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 8 février 2018, d'une hospitalisation complète sous contrainte en soins psychiatriques jusqu'au 27 avril 2018. Par un arrêté du 10 avril 2018, le préfet des Bouches-du-Rhône a décidé que les soins psychiatriques pouvaient être poursuivis sous une autre forme qu'en hospitalisation complète, la mesure de soins ayant ensuite été maintenue jusqu'au 6 juin 2019. Il ressort du certificat établi le 3 août 2018 par le docteur Testart, psychiatre des hôpitaux, que l'affection psychiatrique dont M. B... souffre est en rémission et que le traitement médicamenteux mis en place permet une évolution clinique favorable, l'état de l'intéressé s'étant retrouvé compatible avec un retour à domicile. Le certificat de ce praticien établi le 15 mars 2019 atteste de la nécessité de la poursuite de ce traitement en programme de soins ambulatoires. Le requérant, en se bornant à produire une " listes de médicaments distribués en Algérie " publiée sur internet par le " club scientifique dentaire " ainsi qu'un article de presse du 18 septembre 2018 faisant état d'une rupture de stock en Algérie de 243 médicaments, ne démontre pas qu'il ne pourrait bénéficier d'un traitement approprié en Algérie. Par suite, il n'est pas fondé à soutenir que le préfet des Alpes-de-Haute-Provence aurait méconnu les stipulations précitées de l'article 6-7 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié.
8. En troisième lieu, il suit de ce qui a été dit précédemment que M. B... n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de la décision portant refus de séjour à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français.
9. En quatrième lieu, Mme C... A..., signataire de l'arrêté du 18 janvier 2019, bénéficiait, en sa qualité d'intérimaire des fonctions de secrétaire général de la préfecture des Alpes-de-Haute-Provence, par un arrêté du préfet des Alpes-de-Haute-Provence du 2 janvier 2019, régulièrement publié le même jour au recueil des actes administratifs de la préfecture n° 2019/1, d'une délégation de signature à l'effet de signer notamment les décisions portant obligation de quitter le territoire français.
10. En cinquième lieu, la décision faisant obligation à M. B... de quitter le territoire français, qui fait référence à l'article L. 511-1-I du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est suffisamment motivée en droit.
11. En sixième lieu, aux termes de l'article L. 5114 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : / (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié (...) ".
12. Il résulte de ce qui a été dit au point 7 que doit être écarté le moyen tiré de ce que le préfet des Alpes-de-Haute-Provence, en obligeant M. B... à quitter le territoire français, aurait méconnu les dispositions précitées de l'article L. 5114 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
13. En septième lieu, il suit de ce qui a été dit précédemment que M. B... n'est pas fondé à exciper, au soutien de sa demande d'annulation de la décision fixant le pays de destination, de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français.
14. En huitième lieu, il n'est pas contesté qu'à la date à laquelle le préfet des Alpes-de-Haute-Provence a décidé d'assigner à résidence M. B..., ce dernier n'avait pas encore saisi le tribunal administratif d'une demande tendant à l'annulation de la décision du 18 janvier 2019 portant obligation de quitter le territoire français. Par suite, la décision portant assignation à résidence n'est en tout état de cause pas entachée d'une erreur de fait en ce qu'elle indique que la décision portant obligation de quitter le territoire français n'a pas été contestée.
15. En dernier lieu, la circonstance que par l'arrêté du 3 mai 2019, le préfet des Alpes-de-Haute-Provence a assigné à résidence M. B... dans le département des Alpes-de-Haute-Provence ne fait pas obstacle à ce qu'il sollicite une autorisation de se rendre dans le département du préfet des Bouches-du-Rhône afin de se soumettre à la mesure de soins psychiatriques sous contrainte dont il a fait l'objet. Par suite, doit être écarté le moyen tiré de ce que la mesure d'assignation à résidence serait entachée d'une erreur d'appréciation.
16. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet des Alpes-de-Haute-Provence est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Marseille a annulé les décisions du 18 janvier 2019 portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination ainsi que l'arrêté du 3 mai 2019 portant assignation à résidence.
D É C I D E :
Article 1er : L'article 2 du jugement n° 1904110 du 15 mai 2019 du tribunal administratif de Marseille est annulé.
Article 2 : Les conclusions de la demande de M. B... présentées devant le tribunal administratif de Marseille, tendant à l'annulation des décisions du préfet des Alpes-de-Haute-Provence du 18 janvier 2019 portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination et de l'arrêté du préfet des Alpes-de-Haute-Provence du 3 mai 2019 portant assignation à résidence sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. D... B....
Copie en sera adressée au préfet des Alpes-de-Haute-Provence.
Délibéré après l'audience du 13 octobre 2020, où siégeaient :
- M. Antonetti, président,
- M. Barthez, président assesseur,
- Mme E..., premier conseiller.
Lu en audience publique, le 27 octobre 2020.
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N° 19MA02772
nc