Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société Bureau européen d'assurance hospitalière (BEAH) a demandé au tribunal administratif de Marseille, d'une part, de résilier le marché public d'assurances de responsabilité civile hospitalière conclu entre le centre hospitalier de Manosque et la Société hospitalière d'assurance mutuelle (SHAM), au besoin avec effet différé, d'autre part, de condamner le centre hospitalier de Manosque à lui verser une indemnité de 91 466 euros en réparation du préjudice qu'elle estime avoir subi en raison de son éviction irrégulière du marché, majorée des intérêts au taux légal à compter du 1er août 2017, et de prononcer la capitalisation des intérêts.
Par un jugement n° 1707518 du 29 janvier 2019, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés les 30 mars 2019, 2 mai 2019, 13 septembre 2019, 15 octobre 2019 et 20 décembre 2019, la société BEAH, représentée par Me E..., demande à la Cour :
1°) d'annuler l'article 1er du jugement du 29 janvier 2019 du tribunal administratif de Marseille ;
2°) de prononcer la résiliation du marché correspondant au lot n° 1 de services d'assurance conclu entre le centre hospitalier de Manosque et la SHAM ;
3°) de condamner le centre hospitalier de Manosque à lui verser la somme de 91 466 euros en réparation du préjudice né de son éviction irrégulière, majorée des intérêts au taux légal à compter du 1er août 2017 et de leur capitalisation à compter du 1er août 2018 ;
4°) de mettre à la charge respective du centre hospitalier de Manosque et de la SHAM le versement de la somme de 4 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement est irrégulier car le tribunal n'a pas répondu au moyen tiré de l'absence d'information sur les modalités de mise en oeuvre des critères de jugement des offres ;
- le jugement est irrégulier car il n'a pas répondu au moyen tiré de ce que l'option n° 2 proposée par la SHAM excédait le plafond de vingt millions d'euros de garantie annuel fixé par le centre hospitalier de Manosque et était donc irrégulière ;
- le jugement est insuffisamment motivé dans sa réponse au moyen tiré de ce que le centre hospitalier de Manosque a autorisé les candidats à déterminer eux-mêmes le déplafonnement de la garantie et ne pouvait donc procéder à une comparaison objective des offres ;
- le jugement est insuffisamment motivé car il ne répond pas au moyen tiré de la dénaturation de son offre ;
- le jugement est insuffisamment motivé dès lors qu'il ne précise pas les raisons pour lesquelles les irrégularités relevées par les premiers juges seraient insuffisantes pour justifier la résiliation du marché ;
- la société Audit Chorus Conseil-CTR, assistant au maître d'ouvrage, n'avait pas qualité pour conduire la procédure de passation ;
- cette irrégularité est en rapport avec son éviction et ce moyen est dès lors opérant ;
- le pouvoir adjudicateur a méconnu les dispositions de l'article 62 du décret du 25 mars 2016 en se dispensant d'informer les candidats sur les modalités de mise en oeuvre des deux critères de sélection " valeurs financières " et " qualité technique des propositions " et en se réservant ainsi une marge de manoeuvre et de choix inconditionnée dans la mise en oeuvre de ces critères ;
- la " qualité du profil de l'intervenant " et la " qualité des couvertures proposées " ne constituaient pas des éléments d'appréciation mais des sous-critères qui n'ont pas été portés à la connaissance des candidats ;
- l'offre de la SHAM était irrégulière car, d'une part, elle proposait une limite d'indemnisation de quinze millions d'euros par sinistre dans la limite de vingt-cinq millions d'euros par année d'assurance, méconnaissant ainsi le plafond d'assurance annuel de vingt millions d'euros et, d'autre part, en ce que son option n° 2 était assortie d'une limite d'indemnisation de quinze millions d'euros au lieu des vingt-cinq millions d'euros exigés par le règlement de consultation du marché ;
- si le règlement de consultation du marché devait être compris comme offrant la possibilité pour les candidats de proposer un montant de garantie par sinistre différent dans le cadre de l'option n° 2, le pouvoir adjudicateur ne pouvait procéder à une comparaison objective des offres, de telle sorte que la procédure était, en pareil cas, irrégulière ;
- l'offre de la SHAM était également irrégulière faute de comporter les capacités techniques, professionnelles et financières de la société Neeria, sur laquelle elle entendait s'appuyer, et le pouvoir adjudicateur n'a pas évalué ces capacités ;
- le centre hospitalier de Manosque a dénaturé son offre en se fondant sur la circonstance qu'elle avait émis des doutes sur l'opportunité d'une garantie subséquente portée à dix ans pour apprécier son offre ;
- pour ce motif, l'évaluation de son offre est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;
- le rapport d'analyse des offres révèle que le centre hospitalier de Manosque s'est fondé sur la circonstance que l'offre était présentée par un groupement, alors que les candidatures groupées avaient été autorisées, et sur le caractère mutualiste de la SHAM, éléments étrangers à la qualité de son offre, méconnaissant ainsi le principe d'égalité de traitement des candidats et d'égal accès à la commande publique et entachant sa décision d'erreur manifeste d'appréciation ;
- les irrégularités relevées en première instance étaient de nature à conduire à la résiliation du marché car l'écart de prix entre les offres ne pouvait justifier le rejet de son offre, la note de 54,84 points qui lui a été attribuée sur le critère prix étant erronée compte tenu de la valeur de son offre.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 10 juillet 2019 et 26 septembre 2019, le centre hospitalier de Manosque, représenté par Me D..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 5 000 euros soit mise à la charge de la société BEAH en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- les moyens soulevés par la société BEAH ne sont pas fondés ;
- l'assurance étant indispensable à la mission de l'établissement, la résiliation du marché porterait une atteinte excessive à l'intérêt général ;
- la société BEAH ne disposait pas de chances sérieuses d'obtenir le marché.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 22 juillet 2019, 2 octobre 2019 et 19 novembre 2019, la SHAM, représentée par Me F..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 4 000 euros soit mise à la charge de la société BEAH en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens soulevés par la société BEAH ne sont pas fondés.
Après une première audience tenue le 21 septembre 2020, le centre hospitalier intercommunal de Manosque, venant aux droits du centre hospitalier de Manosque, a présenté une note en délibéré le 23 septembre 2020 et un mémoire le 16 octobre 2020, par lesquels l'établissement fait valoir que le marché attaqué a été résilié le 31 mars 2020 et qu'il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions tendant à sa résiliation.
Un mémoire a été présenté pour la société BEAH et enregistré le 6 octobre 2020 par lequel elle fait valoir que sa requête conserve un objet.
Par une ordonnance du 19 octobre 2020, la clôture de l'instruction a été fixée en dernier lieu au 5 novembre 2020.
Un mémoire présenté pour le centre hospitalier de Manosque et enregistré le 10 août 2020 n'a pas été communiqué.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le décret n° 2016-360 du 25 mars 2016 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. G... Grimaud, rapporteur ;
- les conclusions de M. C... Thiélé, rapporteur public ;
- et les observations de Me A..., substituant Me E..., représentant la société BEAH, de Me B..., substituant Me D..., représentant le centre hospitalier intercommunal de Manosque et de Me I..., substituant Me F..., pour la société SHAM.
Considérant ce qui suit :
1. Par un avis d'appel public à la concurrence publié le 10 janvier 2017, le centre hospitalier de Manosque a lancé une procédure d'appel d'offres ouvert relative à un marché public de services d'assurance composé de cinq lots, dont le lot n° 1, intitulé " responsabilité civile ". La SHAM et un groupement constitué de la société Bureau européen d'assurance hospitalière (BEAH), mandataire, de Renaissance Re Syndicate 1458 aux Lloyd's de Londres, et de Novae Syndicate 2007 aux Lloyd's de Londres, ont présenté une offre concernant ce lot. Par une décision du 16 mars 2017, le centre hospitalier de Manosque a notifié au BEAH le rejet de son offre, classée en seconde position. Le marché a été conclu le 28 avril 2017 entre l'établissement et la SHAM sur le fondement de l'option n° 2 du scénario de base, assorti d'une garantie de quinze millions d'euros pour les sinistres obstétricaux et d'une garantie globale de vingt-cinq millions d'euros annuels. La société BEAH a réclamé l'indemnisation du préjudice découlant selon elle de son éviction du marché par une demande du 31 juillet 2017 reçue par l'établissement le 1er août 2017.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ".
3. En premier lieu, si le jugement attaqué répond en ses points 4 et 5 au moyen tiré de l'absence d'information des candidats sur l'existence de sous-critères d'évaluation des offres, il ne répond pas au moyen, expressément soulevé et d'ailleurs visé par les premiers juges, tiré de ce que le pouvoir adjudicateur n'avait pas mentionné les conditions de mise en oeuvre des critères de jugement des offres.
4. En deuxième lieu, le jugement se borne, en son point 11, à répondre au moyen tiré de ce que l'offre de la SHAM était irrégulière en ce qu'elle proposait un plafond de garantie de quinze millions d'euros pour les dommages obstétricaux. Ce faisant, il ne répond pas au moyen, également soulevé par la société BEAH, tiré de ce que de cette offre était irrégulière en ce qu'elle proposait un plafond de garantie annuel de vingt-cinq millions d'euros. Les premiers juges, en se limitant à indiquer que la société BEAH n'est pas fondée à soutenir que le centre hospitalier ne pouvait comparer objectivement les offres au regard de cette option, ne répondent pas davantage au moyen tiré de ce que la comparaison objective d'offres proposant des garanties différentes n'était pas possible au regard de la formule de notation utilisée pour l'évaluation du critère relatif au prix des offres.
5. En troisième lieu, alors que la société BEAH se plaignait que la note attribuée à son offre en ce qui concerne le critère relatif à la qualité des offres avait été minorée en raison du doute qu'elle avait exprimé sur une option proposée par le pouvoir adjudicateur, les premiers juges ont écarté ce moyen au motif que le pouvoir adjudicateur a émis un doute sur le bien-fondé de cette option et y avait finalement renoncé, ce qui ne constitue pas une réponse au moyen ainsi soulevé par la requérante.
6. Il résulte de ce qui précède que la société BEAH est fondée à soutenir que le jugement attaqué est irrégulier et doit être annulé.
7. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande de la société BEAH.
Sur les conclusions à fin de résiliation du marché :
8. Il résulte de l'instruction que le marché conclu le 28 avril 2017 entre le centre hospitalier de Manoque et la SHAM a été résilié et que cette résiliation a pris effet le 1er avril 2017. Il n'y a dès lors plus lieu pour la Cour de statuer sur les conclusions à fin de résiliation de ce contrat présentées par la société BEAH.
Sur les conclusions indemnitaires :
En ce qui concerne la recevabilité :
9. Il résulte de l'instruction que, contrairement à ce que soutient la SHAM, la société BEAH a bien présenté une demande indemnitaire préalable qui a été effectivement reçue par le centre hospitalier de Manosque. La fin de non-recevoir soulevée sur ce point par la SHAM doit dès lors être écartée, de même que la fin de non-recevoir soulevée par l'établissement, qui se borne à invoquer l'irrecevabilité de ces conclusions sans apporter de précision à l'appui de ce moyen.
En ce qui concerne la régularité de la procédure de passation :
10. En premier lieu, aux termes de l'article 58 du décret du 25 mars 2016 : " I. - Les acheteurs peuvent autoriser la présentation de variantes dans les conditions suivantes : / 1° Pour les marchés publics passés selon une procédure formalisée : / a) Lorsque le marché public est passé par un pouvoir adjudicateur, les variantes sont interdites sauf mention contraire dans l'avis de marché ou dans l'invitation à confirmer l'intérêt ; / (...) III. - Lorsque l'acheteur autorise expressément ou exige la présentation de variantes, il mentionne dans les documents de la consultation les exigences minimales que les variantes doivent respecter ainsi que toute condition particulière de leur présentation. (...) ". Aux termes de l'article 59 de ce décret : " I. - L'acheteur vérifie que les offres qui n'ont pas été éliminées en application du IV de l'article 43 sont régulières, acceptables et appropriées. / Une offre irrégulière est une offre qui ne respecte pas les exigences formulées dans les documents de la consultation (...) / II. - Dans les procédures d'appel d'offres et les procédures adaptées sans négociation, les offres irrégulières, inappropriées ou inacceptables sont éliminées. Toutefois, l'acheteur peut autoriser tous les soumissionnaires concernés à régulariser les offres irrégulières dans un délai approprié, à condition qu'elles ne soient pas anormalement basses. (...). ".
11. En second lieu, aux termes de l'article 2.1 du règlement de consultation du marché : " conformément aux dispositions de l'article 58 du décret n° 2016-360 du 25 mars 2016 la proposition de variante est autorisée à condition que le candidat remette une offre conforme à la solution de base ". Aux termes de l'article " tableau des garanties " du cahier des clauses techniques particulières : " Garantie générale / Responsabilité hospitalière 10 000 000 euros / sinistre et 20 000 000 euros / an. / Les activités de prestation de service à titre subsidiaire, la responsabilité civile personnes âgées et la responsabilité civile des étudiants paramédicaux bénéficient de plafonds de garanties identiques. / (...) Option : les sinistres obstétricaux dépassant le seuil de 10 M euros (en provision et/ou règlement) bénéficieront d'un déplafonnement de la garantie de 10 M euros par sinistre dans la limite du plafond de garantie annuel de 20 M euros (...)."
12. D'une part, il résulte des dispositions ci-dessus reproduites du dossier de consultation des entreprises que le montant de garantie de vingt millions d'euros par an exigé par l'établissement au titre de la responsabilité hospitalière constituait tout à la fois le montant minimal de garantie exigé et un plafond correspondant au besoin de couverture identifié par le pouvoir adjudicateur, qu'aucune disposition explicite des documents de consultation n'autorisait les candidats à modifier.
13. D'autre part, il résulte également de la rédaction du dossier de consultation des entreprises que l'établissement, en exigeant en ce qui concerne les sinistres obstétricaux un " déplafonnement de la garantie de 10 M euros par sinistre dans la limite du plafond de garantie annuel de 20 M euros ", ne pouvait être compris que comme sollicitant une offre supprimant, pour cette catégorie de sinistres, tout plafond autre que celui de vingt millions d'euros annuels pour l'ensemble des sinistres subis.
14. Par ailleurs, il résulte de l'instruction, et notamment du rapport de l'assistant à maîtrise d'ouvrage sollicité par l'établissement et du rapport d'analyse des offres, que l'établissement entendait d'emblée comparer la valeur financière des offres au regard des seuls montants de prime proposés par les candidats, sans tenir compte des montants de garantie, au moyen de la formule mathématique " prix candidat le moins disant " prime annuelle provisionnelle " / prix candidat noté " prime annuelle provisionnelle " x 40 ". Les annexes financières jointes au projet d'acte d'engagement inséré au dossier de consultation des entreprises et destinées à la formulation des offres par les assureurs candidats ne permettaient d'ailleurs, pour le lot n° 1, que de renseigner un niveau de prime, sans possibilité de l'assortir des montants de garanties correspondantes. Il résulte enfin de l'instruction que le pouvoir adjudicateur a effectivement utilisé la méthode de notation des offres qu'il s'était ainsi fixée, qui impliquait que les montants de garantie présentés dans les différentes offres soient identiques, faute de quoi la comparaison objective des montants de prime proposés par les candidats s'avérait impossible, ainsi que le soutient la société BEAH, ce qui confirme que l'établissement n'entendait pas accepter d'offres assorties de montants de garantie différents de ceux prévus au cahier des clauses techniques particulières.
15. Il résulte de ce qui précède que l'offre formulée par la SHAM et retenue par l'établissement, qui reposait sur un montant de garantie de quinze millions d'euros en ce qui concerne les dommages obstétricaux et un plafond de garantie annuel de vingt-cinq millions d'euros, méconnaissait les exigences exprimées par le pouvoir adjudicateur dans le cahier des clauses techniques particulières. Contrairement à ce que soutient la SHAM, elle ne saurait par ailleurs être regardée comme une réserve à la demande de couverture exprimée par l'établissement, eu égard à son importance et au fait qu'elle n'a pas été mentionnée comme telle, et ne peut davantage être regardée comme une variante admissible dès lors qu'ainsi qu'il vient d'être dit, la rédaction des documents de consultation et la méthode de notation instituée par le pouvoir adjudicateur excluaient nécessairement que soient proposés des plafonds de garantie variables selon les assureurs. La société BEAH est dès lors fondée à soutenir que l'offre de la SHAM était irrégulière et devait dès lors être éliminée.
16. Il résulte de ce qui vient d'être dit que, l'offre de la SHAM devant être écartée par le centre hospitalier de Manosque, l'offre de la société BEAH, dont il n'est pas soutenu et dont il ne résulte pas de l'instruction qu'elle aurait été irrégulière, incomplète ou inacceptable, disposait de chances sérieuses d'être retenue. La société BEAH a dès lors droit à l'indemnisation de l'intégralité du manque à gagner résultant pour elle de son éviction, incluant nécessairement, en l'absence de stipulation contraire du contrat, les frais de présentation de l'offre intégrés dans ses charges, mais excluant le remboursement des frais généraux de l'entreprise qui seraient affectés à ce marché.
17. La société se borne toutefois à produire sur ce point une attestation établissant que le taux de marge brute qu'elle anticipait s'élevait à environ 70 % du chiffre d'affaires qu'elle escomptait tirer du marché, taux qui est contesté par le centre hospitalier. Or, le manque à gagner de la société doit être déterminé non en fonction du taux de marge brute constaté dans son activité mais en fonction du bénéfice net que lui aurait procuré le marché si elle l'avait obtenu.
18. Il résulte en outre de l'instruction que le centre hospitalier de Manosque a été fusionné avec les centres hospitaliers de Forcalquier et de Banon par arrêté du directeur général de l'agence régionale de santé de Provence-Alpes-Côte d'Azur et que le centre hospitalier intercommunal de Manosque, substitué à ces trois entités a, le 21 janvier 2020, publié un avis d'appel public à concurrence en vue de la passation d'un marché d'assurance couvrant l'ensemble des besoins des trois établissements, qui a pris effet le 1er avril 2020. Il en résulte que le marché qu'aurait conclu le centre hospitalier de Manosque avec la société BEAH aurait nécessairement été résilié à la date du 31 mars 2020, ainsi que l'a été celui conclu avec la SHAM, de telle sorte que le préjudice effectivement subi par la requérante se limite à la marge nette qu'elle aurait perçue entre le 1er mai 2017 et le 31 mars 2020.
19. En l'état de l'instruction, la Cour ne dispose pas des éléments lui permettant de déterminer le bénéfice qu'aurait procuré l'exécution du marché à la société BEAH dans les conditions qui viennent d'être précisées. Il convient, dès lors, avant de statuer sur la requête, d'ordonner une expertise aux fins, pour l'expert, d'éclairer la Cour sur ce point.
Sur les frais liés au litige :
20. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative s'opposent à ce que la somme réclamée par le centre hospitalier de Manosque et la société hospitalière d'assurance mutuelle sur leur fondement soit mise à la charge de la société Bureau européen d'assurance hospitalière, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance. Il y a lieu en revanche de mettre une somme de 2 000 euros à la charge du centre hospitalier de Manosque, à verser à la société BEAH en application de ces mêmes dispositions.
D É C I D E :
Article 1er : L'article 1er du jugement n° 1707518 du tribunal administratif de Marseille du 29 janvier 2019 est annulé.
Article 2 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions à fin de résiliation du marché présentées par la société Bureau européen d'assurance hospitalière devant le tribunal administratif de Marseille.
Article 3 : Il sera, avant de statuer sur la requête de la société Bureau européen d'assurance hospitalière, procédé à une expertise contradictoire en présence de ladite société et du centre hospitalier intercommunal de Manosque, avec mission pour l'expert, qui sera désigné par le président de la Cour, de :
- prendre connaissance de l'entier dossier ;
- se faire communiquer l'intégralité des pièces de l'offre de base assortie de l'option
n° 2 de la société Bureau européen d'assurance hospitalière et les documents de préparation de cette offre ;
- se faire communiquer les pièces comptables permettant de déterminer le niveau des produits et charges habituels de cette entreprise et des entreprises membres du groupement candidat ;
- déterminer, compte tenu des charges fixes et variables que ces sociétés auraient supportées dans l'exécution du marché et, compte tenu des recettes procurées par celui-ci, la marge nette perdue par elle du fait de l'absence d'exécution du marché par leurs soins entre le 1er mai 2017 et le 31 mars 2020.
Article 4 : L'expert accomplira sa mission dans les conditions prévues par les articles R. 621-2 à R. 621-14 du code de justice administrative.
Article 5 : Le centre hospitalier intercommunal de Manosque versera une somme de 2 000 euros à la société Bureau européen d'assurance hospitalière en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 6 : Tous droits et moyens des parties sur lesquels il n'est pas statué par le présent arrêt sont réservés.
Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à la société Bureau européen d'assurance hospitalière, au centre hospitalier intercommunal de Manosque et à la Société hospitalière d'assurance mutuelle.
Délibéré après l'audience 23 novembre 2020, où siégeaient :
- M. Guy Fédou, président,
- Mme H... J..., présidente assesseure,
- M. G... Grimaud, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 7 décembre 2020.
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N° 19MA01500
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