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21/12/2020 | FRANCE | N°19MA00789

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 6ème chambre, 21 décembre 2020, 19MA00789


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le centre hospitalier Montperrin a demandé au tribunal administratif de Marseille de condamner in solidum la société Grégoire et Mattéo, la société SARLEC, la société SAPEC, la société Groupama Méditerranée, la société Areas dommages et la société MAF assurances à lui verser la somme de 379 379,50 euros toutes taxes comprises en réparation des désordres affectant le bâtiment dit " pavillon Régis " après la réalisation de travaux de réhabilitation, à titre principal sur le fondement de la

garantie décennale et à titre subsidiaire sur le fondement de la responsabilité contract...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le centre hospitalier Montperrin a demandé au tribunal administratif de Marseille de condamner in solidum la société Grégoire et Mattéo, la société SARLEC, la société SAPEC, la société Groupama Méditerranée, la société Areas dommages et la société MAF assurances à lui verser la somme de 379 379,50 euros toutes taxes comprises en réparation des désordres affectant le bâtiment dit " pavillon Régis " après la réalisation de travaux de réhabilitation, à titre principal sur le fondement de la garantie décennale et à titre subsidiaire sur le fondement de la responsabilité contractuelle.

Par un jugement n° 1700174 du 18 décembre 2018, le tribunal administratif de Marseille a décliné la compétence de la juridiction administrative en ce qui concerne les conclusions dirigées contre les sociétés Groupama Méditerranée, Areas dommages et MAF assurances, a condamné in solidum les sociétés Grégoire et Mattéo, SARLEC et SAPEC à verser la somme de 224 508,40 euros au centre hospitalier Montperrin en réparation des désordres au titre de la garantie décennale, a condamné la société SAPEC à garantir la société SARLEC à hauteur des 10 % de la condamnation mise à sa charge, a mis la charge des frais d'expertise, liquidés et taxés à la somme de 18 476,30 euros toutes taxes comprises à la charge solidaire des sociétés Grégoire et Mattéo, SARLEC et SAPEC et a rejeté le surplus des conclusions des parties.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 19 février 2019, la société SARLEC et la société Grégoire et Mattéo, représentées par Me K..., demandent à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille en ce qu'il les a condamnées à indemniser le centre hospitalier Montperrin et en ce qu'il s'est abstenu de statuer sur l'appel en garantie présenté par la société Grégoire et Mattéo à l'encontre de la société SAPEC, et de rejeter la demande présentée par le centre hospitalier Montperrin devant le tribunal ;

2°) par la voie de l'évocation, de condamner la société SAPEC à garantir la société Grégoire et Mattéo de toute condamnation prononcée à son encontre ;

3°) à titre subsidiaire, de condamner la société SAPEC à garantir la société SARLEC de toute condamnation prononcée à son encontre ou, à défaut de limiter la part de responsabilité de la société SARLEC dans les désordres à 10 % ;

4°) de mettre les dépens de l'instance à la charge du centre hospitalier Montperrin ;

5°) de mettre à la charge du centre hospitalier Montperrin la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elles soutiennent que :

- le jugement est irrégulier car il n'a pas statué sur l'appel en garantie présenté par la société Grégoire et Mattéo à l'encontre des sociétés SAPEC, Areas Dommages et Groupama Méditerranée ;

- les dommages ne sont pas imputables à la société Grégoire et Mattéo, qui n'est pas intervenue dans la maîtrise d'oeuvre des lots techniques ;

- les désordres affectant le chauffage, la climatisation et le circuit d'eau chaude sanitaire ne sont pas de nature décennale car ils ne rendent pas l'ouvrage impropre à sa destination ;

- ces désordres n'étaient pas apparents à la réception et ne peuvent engager la responsabilité du maître d'oeuvre au titre de la responsabilité contractuelle ;

- ces désordres ne sont pas imputables à la société SARLEC, dont les missions de maîtrise d'oeuvre n'impliquaient pas le contrôle du choix, de la conception et de la réalisation des ouvrages affectés par les désordres, mais sont uniquement imputables aux sociétés Daillant et SAPEC ainsi qu'au maître de l'ouvrage et à l'opérateur de maintenance en ce qui concerne le chauffage et le circuit d'eau chaude sanitaire.

Par un mémoire en défense, enregistré le 24 avril 2019, la société Areas dommages, représentée par Me C..., demande à la Cour :

1°) à titre principal, de confirmer le jugement en ce qu'il a rejeté les conclusions dirigées à son encontre comme présentées devant une juridiction incompétente ;

2°) à titre subsidiaire, de rejeter toute demande de condamnation présentée contre elle ou contre son assurée, la société SAPEC ;

3°) à titre plus subsidiaire encore, de condamner la société SARLEC, la société Grégoire et Mattéo, la société MAF et la société Groupama Méditerranée à la garantir de toute condamnation prononcée à son encontre ;

4°) de mettre la somme de 4 000 euros à la charge de la société Grégoire et Mattéo et de la société SARLEC ou de toute autre partie perdante en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la juridiction administrative est incompétente pour se prononcer sur l'action directe engagée à son encontre ;

- la société SAPEC n'est intervenue qu'à la fin de l'exécution des travaux, pour achever les ouvrages réalisés par la société Daillant, dont la conception et l'installation lui sont étrangères, et sa responsabilité décennale ne peut dès lors être engagée ;

- aucune condamnation solidaire ne peut intervenir étant donné la participation très marginale de la société SAPEC aux travaux ;

- les désordres étant imputables à la société Daillant, son assureur doit la garantir de toute condamnation prononcée à son encontre.

Par un mémoire en défense, enregistré le 29 mai 2019, la société Groupama Méditerranée, représentée par Me I..., demande à la Cour :

1°) à titre principal, de confirmer le jugement en ce qu'il a rejeté les conclusions dirigées à son encontre comme présentées devant une juridiction incompétente ;

2°) à titre subsidiaire, de condamner la société SAPEC à la garantir de toute condamnation prononcée à son encontre ;

3°) à titre plus subsidiaire encore, de condamner la société SAPEC, la société SARLEC, la société Grégoire et Mattéo et leurs assureurs à la garantir de toute condamnation prononcée à son encontre à hauteur de 80 % ;

4°) de mettre la somme de 3 000 euros à la charge de toute partie perdante en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la juridiction administrative est incompétente pour se prononcer sur l'action directe engagée à son encontre ;

- les travaux de la société Daillant, dont elle est l'assureur, n'ont pas fait l'objet d'une réception, de telle sorte que sa garantie décennale ne peut être mise en jeu ;

- les désordres étant apparents et n'ayant fait l'objet d'aucune réserve, la responsabilité décennale de la société Daillant n'est pas engagée ;

- les désordres n'ont pas de caractère décennal ;

- les sociétés SARLEC et SAPEC n'ayant fait aucune réserve sur les ouvrages de la société Daillant, leur responsabilité se substitue à celle de cette dernière ;

- ces sociétés doivent par conséquent la garantir de toute condamnation prononcée à son encontre.

Par un mémoire en défense, enregistré le 25 juin 2019, le centre hospitalier Montperrin, représenté par Me G..., demande à la Cour :

1°) de rejeter la requête des sociétés Grégoire et Mattéo et SARLEC ;

2°) à titre principal, par la voie de l'appel incident, de réformer le jugement en ce qu'il a limité l'indemnité à la somme de 224 508,40 euros et de condamner in solidum la société Grégoire et Mattéo, la société SARLEC et la société SAPEC à lui verser la somme de 32 520 euros toutes taxes comprises en réparation de son préjudice de jouissance, la somme de 19 181,80 euros toutes taxes comprises au titre du préjudice lié au surcoût d'exploitation et une somme de 37 000 euros au titre du préjudice lié aux difficultés d'exploitation ;

3°) à titre subsidiaire, de condamner la société Grégoire et Mattéo et la société SARLEC à lui verser la somme de 303 210,20 euros toutes taxes comprises en réparation des désordres affectant l'ouvrage et de mettre les frais de l'expertise à leur charge ;

4°) de mettre la somme de 6 000 euros à la charge in solidum de la société Grégoire et Mattéo et de la société SARLEC en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- les moyens soulevés par la société Grégoire et Mattéo et la société SARLEC sont infondés ;

- en tout état de cause, dans l'hypothèse où la responsabilité décennale des constructeurs ne pourrait être engagée, il est fondé à engager la responsabilité contractuelle des requérantes en leur qualité de maîtres d'oeuvre en raison d'un manquement à leur obligation de conseil à la réception ;

- les préjudices de jouissance et d'exploitation sont établis, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal administratif de Marseille.

Par courrier du 24 septembre 2020, les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de l'irrecevabilité des assureurs à présenter des observations en défense pour le compte de leurs assurés en l'absence de subrogation.

Par ordonnance du 16 novembre 2020, la clôture d'instruction a été fixée au 2 décembre 2020.

Des mémoires présentés par la société Areas Dommages et enregistrés le 26 mars 2020 et le 1er décembre 2020 n'ont pas été communiqués.

Un mémoire présenté par la société Groupama Méditerranée et enregistré le 18 novembre 2020 n'a pas été communiqué.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le code des marchés publics ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. F... Grimaud, rapporteur ;

- les conclusions de M. A... Thielé, rapporteur public ;

- et les observations de Me K..., représentant la société Grégoire et Mattéo et la société SARLEC, de Me D... substituant Me G..., représentant le centre hospitalier de Montperrin, de Me E... substituant Me C..., représentant la société Areas Dommages et de Me B... substituant Me I..., représentant la société Groupama.

Considérant ce qui suit :

1. Par un acte d'engagement du 23 mai 2007, le centre hospitalier Montperrin a confié à un groupement composé de la société Grégoire et Mattéo et des bureaux d'études SARLEC et GEPAC la maîtrise d'oeuvre de l'opération de réhabilitation du bâtiment dit " pavillon Régis " du centre hospitalier, consistant à installer quarante-six nouveaux lits d'hospitalisation de psychiatrie pour patients adultes. Par un acte d'engagement du 30 août 2009, les lots n° 9 " plomberie-sanitaire " et n° 10 " chauffage-ventilation-rafraîchissement " ont été attribués à la société Daillant. Cette société ayant été placée en liquidation judiciaire par un jugement du 19 mai 2011, la société SAPEC s'est vu attribuer les mêmes lots afin d'achever les travaux correspondants. Les travaux ont été réceptionnés sans réserve le 14 septembre 2012. A partir du mois de décembre 2012, le centre hospitalier a constaté la survenance de désordres constitués de fuites d'eau issues des installations de climatisation, de températures anormalement basses dans les locaux, d'une instabilité de la température de l'eau chaude sanitaire et d'un refroidissement insuffisant des locaux en période d'été. A la demande du centre hospitalier Montperrin, le juge des référés du tribunal administratif de Marseille a prescrit une expertise par ordonnance du 5 avril 2013. L'expert ayant déposé son rapport le 27 juillet 2016, l'établissement a demandé au tribunal administratif de Marseille la condamnation des constructeurs et de leurs assureurs à réparer ces désordres et a obtenu la condamnation in solidum des sociétés Grégoire et Mattéo, SARLEC et SAPEC à lui verser la somme de 224 508,40 euros en réparation des désordres affectant l'ouvrage.

I. Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Il résulte de l'instruction que les sociétés Grégoire et Mattéo et SARLEC ont demandé, au terme de leur mémoire du 31 août 2017, que la société SAPEC, la société Groupama Méditerranée et la société Areas Dommages soient condamnées à garantir la société Grégoire et Mattéo de la condamnation prononcée à son encontre. Le tribunal n'ayant pas statué sur l'appel en garantie présenté par la société Grégoire et Mattéo à l'encontre la société SAPEC, il y a lieu d'annuler son jugement dans cette mesure et, l'affaire étant en état, d'évoquer ces conclusions.

II. Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

II.1. En ce qui concerne l'appel principal :

II.1.1. S'agissant de la responsabilité de la société Grégoire et Mattéo :

3. En vertu de l'article 1er de l'acte d'engagement du marché de maîtrise d'oeuvre, la société Grégoire et Mattéo, la société SARLEC et la société GEPAC se sont engagées envers le maître de l'ouvrage dans le cadre d'un groupement conjoint. Toutefois, le septième alinéa de cet article stipule : " en cas de groupement conjoint, le mandataire est solidaire de chacun des membres du groupement ". Il résulte de cette clause que, contrairement à ce que soutiennent les requérantes, la responsabilité décennale de la société Grégoire et Mattéo pouvait à bon droit être engagée solidairement avec celle de la société SARLEC, alors même que cette société n'aurait pas participé à la conception et au contrôle de la réalisation des ouvrages affectés par les désordres, la circonstance que l'acte d'engagement du marché de maîtrise d'oeuvre prévoit la répartition des paiements entre les membres du groupement conjoint étant sans incidence sur la solidarité ainsi stipulée par le contrat.

II.1.2. S'agissant des désordres affectant le système de chauffage :

4. En premier lieu, si le rapport de l'expert désigné par le tribunal indique que les températures intérieures, inférieures en hiver à la valeur contractuelle, peuvent être relevées par l'utilisation d'équipements de chauffage d'appoint, il résulte de l'instruction, et notamment des documents internes à l'établissement et produits par celui-ci que la température dans certaines des chambres et une salle de bain commune atteint 14 degrés lors de certains épisodes de froid hivernal, alors même que le système de chauffage est utilisé au maximum de ses possibilités. Eu égard à l'affectation de l'ouvrage, qui a vocation à accueillir des patients hospitalisés, cette insuffisance des capacités de chauffage installées et propres à l'immeuble est de nature à rendre l'ouvrage impropre à sa destination. Les sociétés requérantes ne sont donc pas fondées à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Marseille a jugé que ce désordre présentait un caractère décennal.

5. En deuxième lieu, si l'expert désigné par le tribunal a fait valoir que les malfaçons causes des désordres, tenant à un sous-dimensionnement des équipements de chauffage et à une puissance installée insuffisante, pouvaient être détectées par un examen des plans et un contrôle des dimensions des tuyauteries qui auraient dû être opérés par les maîtres d'oeuvre, il résulte de l'instruction que cette non-conformité du système de chauffage installé par rapport aux documents contractuels et aux besoins réels du bâtiment, qui supposait un contrôle précis des plans, ne pouvait être identifiée par un maître de l'ouvrage normalement diligent, comme le souligne d'ailleurs le rapport de l'expert, au moment de la réception, qui est par ailleurs intervenue à une date où les températures extérieures ne permettaient pas davantage de procéder à des essais de chauffage de nature à révéler le désordre. Par suite, c'est à bon droit que le tribunal administratif de Marseille a jugé que ces désordres n'étaient pas apparents à la réception de l'ouvrage.

6. Si la société SARLEC et la société Grégoire et Mattéo font valoir, en troisième lieu, que le sous-dimensionnement de l'installation de chauffage résulterait exclusivement des études d'exécution réalisées par la société Daillant, dont elles affirment qu'elles ne relevaient pas du visa de la société SARLEC et serait ainsi totalement étranger à son intervention, il résulte au contraire de l'instruction, et notamment du rapport de l'expert, que l'insuffisance du circuit de chauffage pouvait être décelée au cours du chantier, notamment par la section insuffisante des tubes, et que les contrôles inhérents à la mission de direction de l'exécution des contrats de travaux étaient donc de nature à mettre cette malfaçon en lumière. Les requérantes ne sont donc pas fondées à soutenir que ce désordre ne serait pas imputable à la société SARLEC et il est, par suite, également imputable à la société Grégoire et Mattéo en vertu de la solidarité établie contractuellement entre ces deux sociétés par le contrat de maîtrise d'oeuvre. Par ailleurs, si les requérantes font valoir que ce désordre est imputable à l'insuffisance de débit du réseau d'eau, elles n'établissent nullement l'incidence de ce fait sur le désordre et, par conséquent, ne démontrent pas l'existence d'une faute du maître de l'ouvrage, faute que l'expert a d'ailleurs écartée.

II.1.3. S'agissant des désordres affectant le système de climatisation et de rafraîchissement :

7. En premier lieu, si le rapport de l'expert désigné par le tribunal relève que l'" inconfort certain " engendré par l'insuffisance de rafraîchissement ne rend pas les locaux impropres à leur usage, il résulte de l'instruction que le débit d'air du système de climatisation est de l'ordre des deux tiers de celui prévu par les documents contractuels et que des fuites affectent occasionnellement le système de climatisation. Ces dysfonctionnements amènent l'établissement à ne pas utiliser certaines chambres ou à déplacer des patients en fonction des températures dans les différentes chambres, ce qui, selon l'établissement, qui n'est pas formellement contredit sur ce point, engendre un climat d'agressivité entre les patients ainsi qu'entre ceux-ci et le personnel. Il en résulte qu'en raison de l'affectation du bâtiment, voué à accueillir des patients hospitalisés pour des motifs psychiatriques, ce désordre est de nature à le rendre impropre à sa destination. Les sociétés requérantes ne sont donc pas fondées à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Marseille a jugé que ce désordre présentait un caractère décennal.

8. En deuxième lieu, il résulte de l'instruction que le dysfonctionnement affectant le système de climatisation découle principalement d'un dimensionnement inadéquat des centrales de traitement de l'air qui, s'il pouvait être révélé par un examen des plans, ne pouvait, ainsi que l'indique l'expert, être identifié par le maître de l'ouvrage lui-même au moment de la réception. C'est dès lors à bon droit que le tribunal administratif de Marseille a jugé que ces désordres n'étaient pas apparents à la réception de l'ouvrage.

9. En troisième lieu, si la société SARLEC et la société Grégoire et Mattéo font valoir que la défaillance de la société Daillant, qui était responsable du choix et de la pose des équipements techniques, n'a pas permis à la société SARLEC, faute de transmission des documents décrivant les ouvrages exécutés, d'assurer le contrôle de la conformité des installations, et que le sous-dimensionnement de l'installation de chauffage résulterait exclusivement des études d'exécution réalisées par la société Daillant et serait ainsi totalement étranger à son intervention, il résulte de l'instruction, et notamment du rapport de l'expert désigné par le tribunal, qu'un défaut de conception relatif à la connexion des réseaux de basse et haute pressions et une insuffisance de contrôle des ouvrages réalisés, qui étaient de nature à révéler ces malfaçons, ont contribué à l'apparition du désordre. Les requérantes ne sont donc pas fondées à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont estimé que ce désordre est imputable à la société SARLEC. Il est, par suite, également imputable à la société Grégoire et Mattéo en vertu de la solidarité établie contractuellement entre ces deux sociétés par le contrat de maîtrise d'oeuvre.

II.1.4. S'agissant des désordres affectant le circuit d'eau chaude sanitaire :

10. Si la société SARLEC et la société Grégoire et Mattéo font valoir en premier lieu qu'il a été remédié à ce désordre en cours d'expertise en recourant au déplacement de la sonde de température du réseau, et que la responsabilité décennale des constructeurs ne pourrait dès lors plus être engagée, il résulte de l'instruction, et notamment du rapport de l'expert lui-même, que les températures atteintes ne permettent pas d'assurer l'immunisation de l'eau chaude sanitaire contre les bactéries, et notamment les légionnelles, par choc thermique. Il en résulte qu'étant donné la nécessité pour l'établissement de s'assurer de ce traitement thermique en raison des normes de salubrité et de santé publique qui lui sont imposées par les autorités sanitaires, ce désordre est de nature à rendre le pavillon Régis impropre à sa destination, l'expert indiquant dans son rapport que le risque de développement de bactérie est " réel ". La société SARLEC et la société Grégoire et Mattéo ne sont donc pas fondées à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Marseille a jugé que ce désordre présentait un caractère décennal.

11. En deuxième lieu, il résulte de l'instruction que l'insuffisance ponctuelle et la variabilité de la température de l'eau chaude sanitaire résultent d'un défaut de conception du schéma hydraulique, qui ne permet pas le fonctionnement redondant du système, dysfonctionnement dont l'existence ne pouvait être révélée que par le biais de mesures spécifiques et non par le maître de l'ouvrage lui-même au moment de la réception. C'est dès lors à bon droit que le tribunal administratif de Marseille a jugé que ces désordres n'étaient pas apparents à la réception de l'ouvrage.

12. En troisième lieu, les requérantes font valoir que ce désordre est exclusivement imputable à des défauts de conception et d'exécution de la société Daillant ainsi qu'au maître de l'ouvrage et à l'entreprise chargée de la maintenance, qui auraient opté pour un débit d'eau trop faible dans le circuit. Il résulte toutefois de l'instruction, et notamment du rapport de l'expert, que l'erreur de conception du schéma hydraulique aurait dû être relevée par la société SARLEC dans le cadre de sa mission de surveillance des travaux. La société SARLEC n'est dès lors pas fondée à soutenir que ce désordre ne lui serait pas imputable, et celui-ci engage par suite sa responsabilité, ainsi que celle de la société Grégoire et Mattéo. Par ailleurs, il résulte de l'instruction, et notamment du rapport de l'expert, que ce désordre est étranger au mode de fonctionnement retenu par l'établissement, qui n'est pas constitutif d'une faute.

13. Il résulte de tout ce qui précède que la société Grégoire et Mattéo et la société SARLEC ne sont pas fondées à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Marseille les a condamnées à réparer les désordres affectant l'ouvrage. Leur requête doit dès lors, sur ce point, être rejetée.

II.2. En ce qui concerne l'appel incident :

14. En premier lieu, il résulte de l'instruction et il n'est pas sérieusement contesté que l'établissement, ainsi que l'a relevé le tribunal administratif de Marseille, a été contraint de fermer quatre chambres du pavillon Régis pendant dix jours au cours du mois de mars 2013. Le centre hospitalier Montperrin établit en outre, par les explications dont il fait état dans ses écritures d'appel, que ces chambres, réservées à l'accueil de patients adultes pour des soins psychiatriques, ouvraient droit au versement d'un tarif journalier de 800 euros en application de la tarification arrêtée par l'agence régionale de santé de Provence-Alpes-Côte d'Azur, ainsi qu'à un forfait journalier de 13,50 euros payable par le patient. Il s'ensuit que le centre hospitalier Montperrin est fondé à demander que l'indemnité arrêtée sur ce point par le tribunal à la somme de 10 000 euros soit portée à la somme de 32 520 euros qu'il demande.

15. En deuxième lieu, il résulte de l'instruction, et notamment du rapport de l'expert, que l'établissement a eu recours à des appareils de chauffage d'appoint pour faire face aux insuffisances du chauffage. L'établissement, qui fait état d'un décompte précis de la surconsommation électrique engendrée à ce titre, est dès lors fondé à demander une indemnité réparant ce préjudice, qu'il évalue sur la base de ce décompte à la somme de 3 870,72 euros toutes taxes comprises, ainsi que celui découlant des travaux destinés à améliorer le fonctionnement des radiateurs, qui peut être évalué à la somme de 5 591,30 euros toutes taxes comprises au vu des factures produites. Il est par suite fondé à demander que ces deux sommes soient mises à la charge des constructeurs.

16. En troisième lieu, l'établissement, s'il affirme avoir acquis cinq climatiseurs mobiles et exposé des frais de personnel pour remédier aux désordres affectant l'ouvrage, n'établit pas la réalité des dépenses et surcoûts ainsi allégués. Il y a donc lieu sur ce point de confirmer le jugement, qui rejette cette demande.

17. Il résulte de ce qui précède que le centre hospitalier Montperrin est fondé à demander, d'une part, que l'indemnité fixée à l'article 2 du jugement du tribunal administratif de Marseille soit portée à la somme de 256 490,42 euros toutes taxes comprises et, d'autre part, que le jugement soit réformé dans cette mesure.

III. Sur l'appel en garantie de la société Grégoire et Mattéo à l'encontre de la société SAPEC :

18. Il résulte de l'instruction qu'ainsi que le font valoir la société SARLEC et la société Grégoire et Mattéo et ainsi que cela résulte du rapport de l'expert, la société SAPEC, chargée d'achever les travaux de la société Daillant, n'a pas averti la maîtrise d'oeuvre des non-conformités affectant certains des équipements installés par cette société. Il y a donc lieu, en raison de la contribution de cette faute à la survenance des désordres, de condamner la société SAPEC à garantir la société Grégoire et Mattéo à hauteur de 10 % de la condamnation mise à sa charge par le jugement du tribunal administratif de Marseille comme par le présent arrêt.

IV. Sur l'appel en garantie de la société SARLEC à l'encontre de la société SAPEC :

19. Il résulte de l'instruction qu'ainsi que le font valoir la société SARLEC et la société Grégoire et Mattéo et ainsi que cela résulte du rapport de l'expert, la société SAPEC, chargée d'achever les travaux de la société Daillant, n'a pas averti la maîtrise d'oeuvre des non-conformités affectant certains des équipements installés par cette société. Il y a donc lieu, en raison de la contribution de cette faute à la survenance des désordres, de condamner la société SAPEC à garantir la société SARLEC à hauteur de 10 % de la condamnation mise à sa charge par le présent arrêt.

IV. Sur les conclusions d'appel provoqué :

20. Il résulte de ce qui précède qu'au terme de l'examen de l'appel principal formulé par la société SARLEC et la société Grégoire et Mattéo, la situation de la société Areas Dommages, et de la société Groupama Méditerranée n'est pas aggravée par le présent arrêt. Il y a lieu, dès lors, de rejeter leurs conclusions d'appel provoqué comme irrecevables.

V. Sur les frais d'expertise :

21. Le jugement attaqué a mis les frais et honoraires de l'expertise, liquidés et taxés à la somme de 18 476,30 euros toutes taxes comprises par ordonnance du président du tribunal administratif de Marseille, à la charge solidaire de la société SARLEC, de la société Grégoire et Mattéo et de la société SAPEC. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et en l'absence de contestation étayée de cette répartition, de confirmer le jugement sur ce point et de rejeter les conclusions présentées par les sociétés requérantes tendant à la modification de la répartition de cette charge.

VI. Sur les frais liés au litige :

22. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge du centre hospitalier Montperrin, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante. Il y a lieu, en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge solidaire de la société SARLEC et de la société Grégoire et Mattéo la somme de 2 000 euros, à verser au centre hospitalier Montperrin au titre des frais exposés dans l'instance et non compris dans les dépens.

23. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 par la société Groupama Méditerranée et la société Areas dommages.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 1700174 du tribunal administratif de Marseille du 18 décembre 2018 est annulé en ce qu'il a omis de statuer sur l'appel en garantie présenté par la société Grégoire et Mattéo à l'encontre de la société SAPEC.

Article 2 : La condamnation mentionnée à l'article 2 du jugement du 18 décembre 2018 est portée à la somme de 256 490,42 euros toutes taxes comprises.

Article 3 : La société SAPEC est condamnée à garantir la société Grégoire et Mattéo à hauteur de 10 % de la condamnation prononcée à l'article 2 ci-dessus.

Article 4 : La société SAPEC est condamnée à garantir la société SARLEC à hauteur de 10 % de la condamnation prononcée à l'article 2 ci-dessus.

Article 5 : Les sociétés SARLEC et Grégoire et Mattéo verseront solidairement une somme de 2 000 euros au centre hospitalier Montperrin en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 6 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à la société SARLEC, à la société Grégoire et Mattéo, au centre hospitalier Montperrin, à la société SAPEC, à la société Areas Dommages et à la société Groupama Méditerranée.

Délibéré après l'audience du 7 décembre 2020, où siégeaient :

- M. Guy Fédou, président,

- Mme H... J..., présidente assesseure,

- M. F... Grimaud, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 21 décembre 2020.

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N° 19MA00789


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