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31/12/2020 | FRANCE | N°20MA02236-20MA02261-20MA03883

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 7ème chambre, 31 décembre 2020, 20MA02236-20MA02261-20MA03883


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La fédération pour les espaces naturels et l'environnement des Pyrénées-Orientales (FRENE 66), l'association " Mieux vivre à Salses " et M. C... F... ont demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté n° PREF/DCL/BCLUE/2018228-0001 du 16 août 2018 par lequel le préfet des Pyrénées-Orientales a autorisé la société Sablière de la Salanque à poursuivre et étendre l'exploitation d'une carrière de calcaire et ses installations de traitement et transit de matériaux, située aux l

ieux-dits " Serrat de la Traverse ", " Casterl Vell ", " Les Estagnols " et " Clots ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La fédération pour les espaces naturels et l'environnement des Pyrénées-Orientales (FRENE 66), l'association " Mieux vivre à Salses " et M. C... F... ont demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté n° PREF/DCL/BCLUE/2018228-0001 du 16 août 2018 par lequel le préfet des Pyrénées-Orientales a autorisé la société Sablière de la Salanque à poursuivre et étendre l'exploitation d'une carrière de calcaire et ses installations de traitement et transit de matériaux, située aux lieux-dits " Serrat de la Traverse ", " Casterl Vell ", " Les Estagnols " et " Clots d'en Boquer " sur la commune de Salses-le-Château. Par deux autres recours distincts, la fédération pour les espaces naturels et l'environnement des Pyrénées-Orientales (FRENE 66), l'association " Mieux vivre à Salses " et M. C... F... ainsi que le groupement foncier agricole (GFA) du Mas de la Bresse ont demandé à ce tribunal d'annuler l'arrêté n° PREF/DCL/BCLUE/2018228-0002 du 16 août 2018 portant dérogation aux interdictions relatives aux espèces de flore et de faune sauvages protégées, pour l'extension de la carrière de Salses-le-Château pris par cette même autorité à la demande de la société Sablière de la Salanque.

Par un jugement n° 1804982, 1804984, 1806181 du 18 mai 2020, le tribunal administratif de Montpellier a, d'une part, annulé l'arrêté n° PREF/DCL/BCLUE/2018228-0002 du 16 août 2018 du préfet des Pyrénées-Orientales, d'autre part, annulé l'arrêté n° PREF/DCL/BCLUE/2018228-0001 du même jour, en tant que celui-ci autorise la société Sablière de la Salanque à étendre l'exploitation de la carrière de Salses-le-Château sur une surface de 13,9 hectares.

Procédure devant la Cour :

I. Par une requête, enregistrée le 13 juillet 2020 sous le n° 20MA02236, et des mémoires complémentaires, enregistrés le 17 septembre 2020, le 29 octobre 2020 et le 16 novembre 2020, la société Sablière de la Salanque, représentée par Me D..., demande à la Cour :

1°) à titre principal, de prononcer, sur le fondement des articles R. 811-15 et R. 811-17 du code de justice administrative, le sursis à exécution de ce jugement du 18 mai 2020 ;

2°) à titre subsidiaire, de prononcer le sursis à exécution de ce jugement en tant qu'il porte sur l'annulation de l'autorisation d'extension d'exploitation d'une superficie de 4,3 hectares alors même que les travaux d'extraction dans la zone définie dans la phase 1 ont débuté après suppression de la biodiversité ;

3°) de mettre à la charge des demandeurs de première instance la somme de 10 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- sa requête est recevable ;

- la dérogation accordée par le préfet était légalement justifiée dès lors que le projet de renouvellement et d'extension de l'exploitation de la carrière répond à de multiples impératifs d'intérêt public majeur ;

- le maintien de l'annulation de l'autorisation d'exploiter en cause aura pour conséquence probable la cessation de toutes ses activités et le licenciement de la quasi-totalité, voire la totalité de ses 14 salariés, ce alors même que l'activité extractive n'a vocation à s'effectuer que dans une zone où la biodiversité a été supprimée, comme l'a reconnu le juge des référés du tribunal administratif de Montpellier à qui il était demandé de suspendre l'exécution de l'arrêté préfectoral d'autorisation ;

- ce maintien aura également pour conséquence la cessation du versement à la commune de Salses-le-Château de l'importante redevance de fortage qu'elle lui verse annuellement, de l'ordre de 200 000 euros, laquelle constitue pour elle une ressource fondamentale ;

- il aura pour conséquence, pour la société et sa holding de tête, des pertes de chance, en termes de bénéfices comptables, pouvant être estimées à 7,06 millions d'euros, des pertes sur immobilisations de l'ordre de 7,26 millions d'euros et des pertes sur investissements en crédit-bail pouvant être estimées à 0,13 millions d'euros ;

- il aura des conséquences pour les 9 052 clients locaux qui, privés de près de 20 % du volume disponible de granulats et de blocs d'enrochement de la plaine du Roussillon, devront parcourir de plus grandes distances pour s'approvisionner, ce qui augmentera leurs charges de manière importante ;

- il aura pour conséquence de faire disparaître, au sein du département, 50 % des capacités d'accueil des déchets inertes du BTP, sans solutions de substitution possibles ;

- l'Etat sera privé de recettes fiscales ;

- la circonstance selon laquelle une partie du périmètre de l'extension de la carrière a été décapée, entraînant le délogement des espèces protégées, et a donné lieu en toute légalité à un début d'exploitation, rend inopérants les moyens tirés du risque d'atteinte irréversible à l'environnement, à la biodiversité ou toute autre considération tenant à la protection de la nature ou encore le caractère prétendument inapproprié des mesures compensatoires ;

- le périmètre qui a été décapé, rendant les terrains inaccessibles et inutilisables pour la faune et la flore, correspond à une période d'exploitation de cinq années ;

- la reprise de l'exploitation n'aurait aucun impact sur la biodiversité durant les cinq premières années ;

- l'annulation de l'arrêté d'autorisation a pour effet de ne pas permettre la mise en oeuvre des mesures compensatoires qu'il prévoyait pour assurer la préservation à long terme de la faune et de la flore ;

- il y a donc lieu de prendre en compte la situation de fait actuelle et de moduler dans le temps les effets de l'annulation prononcée par le tribunal, en différant cette annulation au terme de la période d'exploitation du périmètre ayant fait l'objet des travaux rendant les terrains inaccessibles et inutilisables pour la faune et la flore, soit 4,3 hectares, correspondant à un délai de cinq années.

Par un mémoire en défense, enregistré le 9 octobre 2020, la fédération pour les espaces naturels et l'environnement des Pyrénées-Orientales (FRENE 66), l'association " Mieux vivre à Salses " et M. C... F..., représentés par Me B..., concluent au rejet de la requête et demandent que soit mise à la charge solidaire de la société Sablière de la Salanque et de la commune de Salses-le-Château la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils font valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Par un mémoire en défense, enregistré le 9 octobre 2020, le groupement foncier agricole (GFA) du Mas de la Bresse, représenté par Me G..., conclut au rejet de la requête et demande que soit mise à la charge de la société Sablière de la Salanque la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

II. Par une requête, enregistrée le 15 juillet 2020 sous le n° 20MA02261, et un mémoire complémentaire, enregistré le 30 octobre 2020, la commune de Salses-le-Château, représentée par Me A..., demande à la Cour :

1°) de prononcer, sur le fondement des articles R. 811-15 et R. 811-17 du code de justice administrative, le sursis à exécution du jugement du 18 mai 2020 ;

2°) à titre subsidiaire, de prononcer le sursis à exécution de ce jugement en tant qu'il ne fait pas droit à la demande d'effet différé au 16 août 2023 de l'annulation de l'arrêté préfectoral n° PREF/DCL/BCLUE/2018228-0001 du 16 août 2018 portant autorisation de poursuite et d'extension de l'exploitation ;

3°) de mettre à la charge des demandeurs de première instance la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- sa requête est recevable ;

- à défaut, elle il y a lieu de la regarder comme intervenante volontaire dans l'instance ;

- le jugement attaqué est insuffisamment motivé ;

- il est irrégulier en ce qu'il ne répond pas aux conclusions visant à obtenir un effet différé dans le temps de l'annulation ;

- le renouvellement et l'extension de l'autorisation d'exploitation de la carrière par la société Sablière de la Salanque se justifie pour raison impérative d'intérêt public majeur ;

- le caractère indispensable ou non d'un projet n'est pas au nombre des critères légaux pour apprécier la raison impérative d'intérêt public majeur ;

- l'annulation prononcée par le tribunal la prive des ressources qu'elle tire de la convention de fortage conclue avec la société Sablière de la Salanque pour l'exploitation de la carrière sur les parcelles dont elle est propriétaire ;

- la fédération pour les espaces naturels et l'environnement des Pyrénées-Orientales (FRENE 66), l'association " Mieux vivre à Salses " et M. C... F... étaient tous dépourvus de qualité pour agir devant le tribunal.

Par un mémoire en défense, enregistré le 9 octobre 2020, le groupement foncier agricole (GFA) du Mas de la Bresse, représenté par Me G..., conclut au rejet de la requête et demande que soit mise à la charge de la commune de Salses-le-Château la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Par un mémoire en défense, enregistré le 9 octobre 2020, la fédération pour les espaces naturels et l'environnement des Pyrénées-Orientales (FRENE 66), l'association " Mieux vivre à Salses " et M. C... F..., représentés par Me B..., concluent au rejet de la requête et demandent que soit mise à la charge solidaire de la société Sablière de la Salanque et de la commune de Salses-le-Château la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils font valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

III. Par une requête, enregistrée le 16 octobre 2020 sous le n° 20MA03883, la ministre de la transition écologique demande à la Cour de prononcer, sur le fondement de l'article R. 811-15 du code de justice administrative, le sursis à exécution du jugement du 18 mai 2020.

Elle soutient que :

- la dérogation en litige était légalement justifiée dès lors que le projet de renouvellement et d'extension de l'exploitation de la carrière se justifie pour raison impérative d'intérêt public majeur.

Par un mémoire en défense, enregistré le 9 décembre 2020, le groupement foncier agricole (GFA) du Mas de la Bresse, représenté par Me G..., conclut au rejet de la requête et demande que soit mise à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Par un mémoire en défense, enregistré le 15 décembre 2020, la fédération pour les espaces naturels et l'environnement des Pyrénées-Orientales (FRENE 66), l'association " Mieux vivre à Salses " et M. C... F..., représentés par Me B..., concluent au rejet de la requête et demandent que soit mise à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la Cour a désigné M. Georges Guidal, président assesseur, pour présider la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Coutier, premier conseiller,

- les conclusions de M. Chanon, rapporteur public,

- et les observations de Me D..., représentant la société Sablière de la Salanque, de Me A..., représentant la commune de Salses-le-Château, de Me G..., représentant le groupement foncier agricole (GFA) du Mas de la Bresse et de M. E..., en sa qualité de président de la fédération pour les espaces naturels et l'environnement des Pyrénées-Orientales (FRENE 66).

Considérant ce qui suit :

1. La société Sablière de la Salanque exploite la carrière de calcaire de Salses-le-Château, dans les Pyrénées-Orientales, depuis les années 1990. Elle a sollicité, au titre de la législation sur les installations classées pour la protection de l'environnement le renouvellement de l'autorisation d'exploiter cette carrière, d'une superficie de 20 hectares, et son extension sur une superficie 13,9 hectares, ainsi que les installations annexes, soit une installation de concassage-criblage, une station de transit de matériaux minéraux solides et un forage d'eau, le tout incluant l'acceptation de déchets inertes issus du secteur du bâtiment et des travaux publics pour des opérations de valorisation. Par arrêté du 16 août 2018, le préfet des Pyrénées-Orientales a délivré les autorisations sollicitées. Par arrêté du même jour, cette autorité a accordé à la société Sablière de la Salanque, sur le fondement des dispositions de l'article L. 411-2 du code de l'environnement, une dérogation aux interdictions relatives aux espèces de flore et de faune sauvages protégées, pour l'extension de cette carrière. La fédération pour les espaces naturels et l'environnement des Pyrénées-Orientales (FRENE 66), l'association " Mieux vivre à Salses " et M. C... F... ont demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler le premier de ces arrêtés. Par deux autres recours distincts, la fédération pour les espaces naturels et l'environnement des Pyrénées-Orientales (FRENE 66), l'association " Mieux vivre à Salses " et M. C... F... ainsi que le groupement foncier agricole (GFA) du Mas de la Bresse ont demandé à ce tribunal d'annuler le second. Par un jugement du 18 mai 2020, le tribunal administratif de Montpellier a, d'une part, annulé l'arrêté portant dérogation aux interdictions relatives aux espèces de flore et de faune sauvages protégées, d'autre part, annulé par voie de conséquence l'arrêté autorisant la société Sablière de la Salanque à poursuivre et étendre l'exploitation de la carrière en tant qu'il concerne l'exploitation de cette carrière sur une surface de 13,9 hectares. La société Sablière de la Salanque, d'une part, la commune de Salses-le-Château, d'autre part, et enfin, la ministre de la transition écologique demandent à ce qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement.

Sur la jonction :

2. Les requêtes n° 20MA02236, n° 20MA02261 et n° 20MA03883 présentent à juger les mêmes questions et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul et même arrêt.

Sur la recevabilité des conclusions de la commune de Salses-le-Château :

3. La personne qui, devant le tribunal administratif, est régulièrement intervenue en défense à un recours n'est recevable à interjeter appel du jugement rendu contrairement aux conclusions de son intervention que lorsqu'elle aurait eu qualité, à défaut d'intervention de sa part, pour former tierce opposition au jugement faisant droit au recours. Aux termes de l'article R. 832-1 du code de justice administrative : " Toute personne peut former tierce opposition à une décision juridictionnelle qui préjudicie à ses droits, dès lors que ni elle ni ceux qu'elle représente n'ont été présents ou régulièrement appelés dans l'instance ayant abouti à cette décision ".

4. Il résulte des dispositions précitées de l'article R. 832-1 du code de justice administrative que lorsqu'une personne a été représentée à l'instance par une personne ayant des intérêts concordants avec les siens, elle n'est pas recevable à former tierce opposition contre la décision juridictionnelle rendue à l'issue de cette instance.

5. Il résulte de l'instruction que la dérogation aux interdictions relatives aux espèces de flore et de faune sauvages protégées, dont le jugement attaqué prononce l'annulation, a été obtenue par la société Sablière de la Salanque pour l'extension de la carrière qu'elle exploite en vertu d'une convention de fortage qu'elle a conclue avec la commune de Salses-le-Château sur un terrain dont cette dernière est propriétaire. Cette convention a été conclue pour une durée de trente ans moyennant le paiement par l'exploitante à la commune d'une redevance d'exploitation composée d'une part fixe déterminée sur la base du volume extrait et d'une part variable calculée sur la base du chiffre d'affaires réalisé par l'exploitante. Ce contrat prévoit, par ailleurs, qu'il prendra fin en cas de retrait ou de défaut de renouvellement des autorisations administratives délivrées pour l'exploitation de la carrière. Dans ces circonstances, la commune de Salses-le-Château, qui a des intérêts concordants avec la société Sablière de la Salanque, doit être regardée comme ayant été représentée par cette dernière dans l'instance ayant abouti au jugement dont elle demande le sursis à exécution. Dès lors, elle n'aurait pas eu qualité, si elle n'était pas intervenue en défense, pour former tierce opposition contre ce jugement dont elle n'est, par suite, pas recevable à demander qu'il soit sursis à son exécution.

6. Aux termes de l'article R. 632-1 du code de justice administrative : " L'intervention est formée par mémoire distinct (...) ". Par ailleurs, une intervention ne peut être admise que si son auteur s'associe soit aux conclusions de l'appelant, soit à celles de son défendeur.

7. Contrairement aux dispositions de l'article R. 632-1 du code de justice administrative, les conclusions en intervention formées à titre subsidiaire par la commune de Salses-le-Château n'ont pas été présentées par un mémoire distinct de celui par lequel elle a sollicité à titre principal le sursis à exécution du jugement du 18 mai 2020 du tribunal administratif de Montpellier. A supposer qu'elle ait ainsi entendu s'associer aux conclusions de la société Sablière de la Salanque et de la ministre de la transition écologique dans les instances n° 20MA02236, et n° 20MA03883, son intervention présentée au soutien de ces requêtes est irrecevable.

Sur les demandes de sursis à exécution du jugement du tribunal administratif de Montpellier du 18 mai 2020 présentées par la société Sablière de la Salanque et la ministre de la transition écologique :

8. Aux termes de l'article R. 811-15 du code de justice administrative : " Lorsqu'il est fait appel d'u jugement de tribunal administratif prononçant l'annulation d'une décision administrative, la juridiction d'appel peut, à la demande de l'appelant, ordonner qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement si les moyens invoqués par l'appelant paraissent, en l'état de l'instruction, sérieux et de nature à justifier, outre l'annulation ou la réformation du jugement attaqué, le rejet des conclusions à fin d'annulation accueillies par ce jugement ". Et l'article R. 811-17 du même code prévoit que : " (...) le sursis peut être ordonné à la demande du requérant si l'exécution de la décision de première instance attaquée risque d'entraîner des conséquences difficilement réparables et si les moyens énoncés dans la requête paraissent sérieux en l'état de l'instruction. ".

9. Pour annuler l'arrêté du 16 août 2018 du préfet des Pyrénées-Orientales portant dérogation aux interdictions de destructions d'espèces et d'habitats d'espèces animales protégées et de destruction d'espèces végétales protégées pour l'extension de la carrière de Salses-le-Château, le tribunal administratif de Montpellier a jugé que le projet d'extension de cette carrière ne pouvait être regardé comme répondant à une raison impérative d'intérêt public majeur pouvant justifier, dans les circonstances de l'espèce, l'atteinte portée aux trente-et-une espèces protégées de flore (une), d'insectes (deux), de reptiles (quatre), d'oiseaux (vingt-deux) et de mammifères (deux), dont l'enjeu patrimonial est qualifié de très fort pour quatre d'entre elles, sous forme de destructions de spécimens et/ou destructions d'habitats d'espèce, d'habitats de reproduction et d'habitats de chasse et de transit. Pour demander qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement, la société Sablière de la Salanque et la ministre de la transition écologique soutiennent que le jugement critiqué est insuffisamment motivé s'agissant de l'absence de raisons impératives d'intérêt public majeur permettant au préfet de délivrer une dérogation à l'interdiction de destruction d'espèces et d'habitats protégés, que ce jugement est irrégulier en ce qu'il ne répond pas aux conclusions visant à différer dans le temps l'annulation de l'autorisation d'exploiter prononcée, que le renouvellement et l'extension de l'autorisation d'exploitation de la carrière par la société Sablière de la Salanque se justifie pour raison impérative d'intérêt public majeur, que l'annulation prononcée prive la commune de Salses-le-Château des ressources qu'elle tire de la convention de fortage conclue avec la société Sablière de la Salanque pour l'exploitation de la carrière sur les parcelles dont elle est propriétaire. En l'état de l'instruction, ces moyens n'apparaissent pas de nature à justifier qu'il soit sursis à l'exécution du jugement contesté. Par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre condition posée par l'article R. 811-17 du code de justice administrative tenant aux conséquences difficilement réparables de la décision de première instance, la société Sablière de la Salanque et la ministre de la transition écologique ne sont pas fondées à demander qu'il soit sursis à l'exécution du jugement du 18 mai 2020 du tribunal administratif de Montpellier en tant qu'il a annulé l'arrêté du 16 août 2018 du préfet des Pyrénées-Orientales.

Sur les conclusions subsidiaires tendant à ce que soit prononcé le sursis à exécution du jugement du 18 mai 2020 en tant qu'il ne fait pas droit à la demande d'effet différé au 16 août 2023 de l'annulation de l'arrêté préfectoral n° PREF/DCL/BCLUE/2018228-0001 du 16 août 2018 portant autorisation de poursuite et d'extension de l'exploitation :

10. Après avoir relevé que les arrêtés du préfet des Pyrénées-Orientales du 16 août 2018 portant, d'une part, autorisation au titre des installations classées pour la protection de l'environnement et, d'autre part, dérogation aux interdictions de destructions d'espèces protégées en application du 4° du I de l'article L. 411-2 du code de l'environnement formaient ensemble l'autorisation environnementale instituée par l'ordonnance du 26 janvier 2017, le tribunal administratif a jugé que le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions était opérant et fondé et a annulé l'arrêté du 16 août 2018 du préfet des Pyrénées-Orientales en tant qu'il autorisait la société Sablière de la Salanque à étendre l'exploitation de la carrière de Salses-le-Château sur une surface de 13,9 hectares. Pour demander qu'il soit sursis à l'exécution de cette disposition du jugement en tant qu'il porte sur l'annulation de l'autorisation d'extension d'exploitation d'une superficie de 4,3 hectares alors même que les travaux d'extraction dans la zone définie dans la phase 1 ont débuté après suppression de la biodiversité, la société Sablière de la Salanque se prévaut de la circonstance selon laquelle il a d'ores et déjà été procédé, sur une superficie correspondant à cinq années d'exploitation, au décapage et au débroussaillage des terrains assiette de l'extension de périmètre de la carrière comme le permettait le calendrier des travaux prévu par l'arrêté d'autorisation du 16 août 2018, et qu'ainsi tout impact sur la biodiversité pour ces cinq premières années d'exploitation a totalement disparu. Toutefois, la circonstance invoquée est sans influence sur la légalité de l'arrêté de dérogation aux interdictions de destruction d'espèces et d'habitats protégés et de l'autorisation d'exploiter elle-même, dès lors qu'à la date du présent arrêt l'exploitant porte atteinte à la biodiversité, alors même que cette atteinte résulterait d'un décapage dont il est soutenu qu'il serait irréversible. Il en est de même de la circonstance selon laquelle l'annulation prononcée rendrait impossible la mise en oeuvre des mesures compensatoires qui étaient prévues par l'arrêté d'autorisation. Les conclusions tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution du jugement en cause en tant qu'il n'autorise pas la poursuite de l'exploitation de cette extension pour les cinq premières années doivent par suite être rejetées.

11. Enfin si la société Sablière de la Salanque fait valoir qu'il y a lieu de prendre en compte la situation de fait actuelle et de moduler dans le temps les effets de l'annulation prononcée par le tribunal, en différant cette annulation au terme de la période d'exploitation du périmètre ayant fait l'objet des travaux rendant les terrains inaccessibles et inutilisables pour la faune et la flore, soit 4,3 hectares, correspondant à un délai de cinq années, de telles conclusions ne relèvent pas de l'office du juge du sursis à exécution statuant sur le fondement des articles R. 811-15 et R. 811-17 du code de justice administrative.

Sur les frais liés au litige :

12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de la fédération pour les espaces naturels et l'environnement des Pyrénées-Orientales (FRENE 66), de l'association " Mieux vivre à Salses ", de M. C... F... et du groupement foncier agricole (GFA) du Mas de la Bresse, qui ne sont pas, dans les présentes instances, les parties perdantes. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Sablière de la Salanque, de la commune de Salses-le-Château et de l'Etat la somme de 1 500 euros chacun à verser solidairement à la fédération pour les espaces naturels et l'environnement des Pyrénées-Orientales (FRENE 66), l'association " Mieux vivre à Salses ", M. C... F... et au groupement foncier agricole (GFA) du Mas de la Bresse au titre des mêmes dispositions.

D É C I D E :

Article 1er : Les requêtes de la société Sablière de la Salanque, de la commune de Salses-le-Château et de la ministre de la transition écologique sont rejetées.

Article 2 : La société Sablière de la Salanque, la commune de Salses-le-Château et l'Etat verseront chacun la somme de 1 500 euros, solidairement, à la fédération pour les espaces naturels et l'environnement des Pyrénées-Orientales (FRENE 66), l'association " Mieux vivre à Salses ", M. C... F... et au groupement foncier agricole (GFA) du Mas de la Bresse, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Sablière de la Salanque, à la commune de Salses-le-Château, à la ministre de la transition écologique, à la fédération pour les espaces naturels et l'environnement des Pyrénées-Orientales (FRENE 66), à l'association " Mieux vivre à Salses ", à M. C... F... et au groupement foncier agricole (GFA) du Mas de la Bresse.

Délibéré après l'audience du 18 décembre 2020, à laquelle siégeaient :

- M. Guidal, président assesseur, président de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- M. Coutier, premier conseiller,

- Mme H..., première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 31 décembre 2020.

2

N° 20MA02236, 20MA02261, 20MA03883

bb


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 20MA02236-20MA02261-20MA03883
Date de la décision : 31/12/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Nature et environnement - Installations classées pour la protection de l'environnement.

Nature et environnement.

Procédure - Procédures de référé autres que celles instituées par la loi du 30 juin 2000.


Composition du Tribunal
Président : M. GUIDAL
Rapporteur ?: M. Bruno COUTIER
Rapporteur public ?: M. CHANON
Avocat(s) : CABINET PIETRA et ASSOCIES - AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 27/01/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2020-12-31;20ma02236.20ma02261.20ma03883 ?
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