Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
L'association Avenir Haute-Durance a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 19 octobre 2015 du préfet des Hautes-Alpes qui a accordé à la société Réseau de transport d'électricité (RTE) une dérogation à l'interdiction de destruction d'espèces végétales et animales protégées, dans le cadre des projets P3 à P6 de rénovation du réseau électrique de la Haute Durance, ainsi que la décision du 18 janvier 2016 par laquelle le préfet des Hautes-Alpes a rejeté son recours gracieux tendant à l'annulation de l'arrêté du 19 octobre 2015.
Par un jugement n° 1602355 du 8 août 2018, le tribunal administratif de Marseille a annulé cet arrêté du 19 octobre 2015.
Procédure devant la Cour :
I. Par une requête et des mémoires, enregistrés les 17 septembre 2018, 18 septembre 2018, 15 mars 2019 et 26 avril 2019, sous le n° 18MA04271, la société Réseau de transport d'électricité (RTE), représentée par Me C..., demande à la Cour :
1°) d'ordonner le sursis à exécution du jugement du tribunal administratif de Marseille du 8 août 2018 ;
2°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 8 août 2018 ;
3°) de rejeter la demande de l'association Avenir Haute-Durance présentée devant le tribunal administratif de Marseille ;
4°) de mettre à la charge de l'association Avenir Haute-Durance la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- il y a lieu de sursoir à l'exécution du jugement attaqué en ce qu'il fait obstacle à la finalisation d'une opération d'utilité publique majeure, que l'arrêt des travaux présente un bilan environnemental négatif et a des répercussions préjudiciables sur les acteurs du projet qui sont déjà impliqués dans la mise en oeuvre des mesures compensatoires ;
- le motif d'annulation tiré de l'insuffisance de motivation du fait du manque de justification de l'absence de solution alternative ne répond pas à un moyen soulevé par l'association Avenir Haute-Durance ;
- en soulevant d'office ce moyen sans le communiquer aux parties, le tribunal a commis une irrégularité ;
- le moyen tiré de l'insuffisance de motivation n'est pas opérant ;
- ce moyen n'est en tout état de cause pas fondé ;
- le moyen tiré de l'erreur de droit retenu par le tribunal n'était pas soulevé ;
- en soulevant d'office ce moyen sans le communiquer aux parties, le tribunal a commis une irrégularité ;
- l'absence d'alternative suffisante a été démontrée ;
- le tribunal s'est, à tort, fondé sur l'insuffisance des études d'impact :
- le tribunal a commis une erreur de droit en exigeant du dossier de demande de dérogation qu'il présente une comparaison spécifique entre les différentes solutions alternatives ;
- il a commis une deuxième erreur de droit en considérant que les développements de l'étude d'impact relatifs aux solutions de substitution ne sauraient par principe permettre au préfet d'apprécier s'il existait une autre solution satisfaisante ;
- il a estimé à tort que le pétitionnaire ne peut se limiter à mentionner les solutions écartées en amont de la déclaration d'utilité publique ;
- le tribunal a commis une quatrième erreur de droit en exigeant du préfet qu'il procède à une comparaison des différentes alternatives envisageables dans le cadre du projet déclaré d'utilité publique.
Par deux mémoires en défense, enregistrés les 31 décembre 2018 et 10 avril 2019, l'association Avenir Haute-Durance, représentée par Me A..., conclut au rejet de la requête de la société RTE et demande à la Cour de mettre à sa charge ainsi qu'à celle de l'Etat la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens soulevés par la société RTE ne sont pas fondés.
II. Par une requête, enregistrée le 9 octobre 2018, sous le n° 18MA04438, le ministre de la transition écologique et solidaire demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 8 août 2018 ;
2°) de rejeter la demande de l'association Avenir Haute-Durance présentée devant le tribunal administratif de Marseille.
Il soutient que :
- sous couvert de l'insuffisance de motivation de l'arrêté contesté, le tribunal a en réalité sanctionné les motifs retenus par le préfet pour considérer qu'il n'existait pas d'alternative satisfaisante ;
- l'arrêté contesté est suffisamment motivé ;
- le tribunal a estimé à tort que l'examen des solutions alternatives auquel procède le pétitionnaire dans le cadre de l'étude d'impact fournie au dossier portant sur la déclaration d'utilité publique, ne permet pas, par principe, de répondre aux exigences de l'article L. 411-2 du code de l'environnement ;
- la notion de raison d'intérêt public pertinente respective retenue par le tribunal ne peut trouver à s'appliquer en matière de demande de dérogation aux mesures de protection des espèces protégées ;
- la méthodologie préconisée par le tribunal repose essentiellement sur un chiffrage des alternatives qui ne peut être regardé comme pertinent en matière de dérogation aux mesures de protection des espèces protégées ;
- l'examen des solutions alternatives effectué dans le cadre de l'instruction de la demande de dérogation répond aux exigences de l'article L. 411-2 du code de l'environnement.
Par un mémoire en défense, enregistré le 31 décembre 2018, l'association Avenir Haute-Durance, représentée par Me A..., conclut au rejet de la requête du ministre de la transition écologique et solidaire et demande à la Cour de mettre à la charge de l'Etat et de la société RTE la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens soulevés par le ministre de la transition écologique et solidaire ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'environnement ;
- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;
- l'arrêté du 19 février 2007 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme F...,
- les conclusions de M. Chanon, rapporteur public,
- et les observations de Me C... représentant la société Réseau de transport d'électricité et de Me B..., substituant Me A..., représentant l'association Avenir Haute- Durance.
Considérant ce qui suit :
1. Les requêtes de la société Réseau de transport d'électricité (RTE) et du ministre de la transition écologique et solidaire sont dirigées contre le même jugement. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.
2. La société RTE et le ministre de la transition écologique et solidaire relèvent appel du jugement du 8 août 2018 du tribunal administratif de Marseille qui a annulé l'arrêté du 19 octobre 2015 par lequel le préfet des Hautes-Alpes a accordé à la société RTE une dérogation à l'interdiction de destruction d'espèces végétales et animales protégées, dans le cadre des projets P3 à P6 de rénovation du réseau électrique de la Haute-Durance. Par ailleurs, dans sa requête d'appel, la société RTE demande qu'il soit ordonné le sursis à exécution de ce jugement.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
3. Il ressort du jugement attaqué que les premiers juges ont annulé l'arrêté contesté aux motifs qu'il était, d'une part, insuffisamment motivé au regard de la condition tenant à l'absence de solution alternative et, d'autre part, entaché d'une erreur de droit faute pour le préfet des Hautes-Alpes d'établir que " l'examen des solutions alternatives qu'il a effectué répondait aux exigences de l'article L. 411-2 du code de l'environnement ".
En ce qui concerne le premier motif d'annulation retenu par le tribunal tiré de l'insuffisance de motivation :
4. Le I de l'article L. 411-1 du code de l'environnement comporte un ensemble d'interdictions visant à assurer la conservation d'espèces animales ou végétales protégées et de leurs habitats. Sont ainsi interdits en vertu du 1° du I de cet article : " La destruction ou l'enlèvement des oeufs ou des nids, la mutilation, la destruction, la capture ou l'enlèvement, la perturbation intentionnelle, la naturalisation d'animaux de ces espèces ou, qu'ils soient vivants ou morts, leur transport, leur colportage, leur utilisation, leur détention, leur mise en vente, leur vente ou leur achat ". Sont interdits en vertu du 2° du I du même article : " La destruction, la coupe, la mutilation, l'arrachage, la cueillette ou l'enlèvement de végétaux de ces espèces, de leurs fructifications ou de toute autre forme prise par ces espèces au cours de leur cycle biologique, leur transport, leur colportage, leur utilisation, leur mise en vente, leur vente ou leur achat, la détention de spécimens prélevés dans le milieu naturel ". Sont interdits en vertu du 3 du I du même article : " La destruction, l'altération ou la dégradation de ces habitats naturels ou de ces habitats d'espèces ". Toutefois, le 4° du I de l'article L. 411-2 du même code permet à l'autorité administrative de délivrer des dérogations à ces interdictions dès lors que sont remplies trois conditions distinctes et cumulatives tenant à l'absence de solution alternative satisfaisante, à la condition de ne pas nuire " au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle " et, enfin, à la justification de la dérogation par l'un des cinq motifs qu'il énumère limitativement, dont celui énoncé au c) qui mentionne " l'intérêt de la santé et de la sécurité publiques ", " d'autres raisons impératives d'intérêt public majeur, y compris de nature sociale ou économique " et " les motifs qui comporteraient des conséquences bénéfiques primordiales pour l'environnement ".
5. Aux termes de l'article 1er de la loi susvisée du 11 juillet 1979 dans sa version en vigueur à la date de l'arrêté contesté : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent (...) ". L'article 2 de la même loi dispose que : " Doivent également être motivées les décisions administratives individuelles qui dérogent aux règles générales fixées par la loi ou le règlement. ".
6. Le 4° de l'article L. 411-2 du code de l'environnement permet l'octroi de dérogations aux interdictions mentionnées aux 1°, 2° et 3° de l'article L. 411-1 du même code. Ainsi, l'arrêté par lequel le préfet accorde une telle dérogation constitue une décision administrative individuelle qui déroge aux règles générales fixées par la loi ou le règlement au sens de l'article 2 de la loi du 11 juillet 1979 susvisée, et est donc soumise à l'obligation de motivation prévue par ces dispositions. Par suite, ce moyen est opérant.
7. Il ressort des pièces du dossier que l'arrêté contesté mentionne que " Considérant la justification de ce projet et sa localisation (intérêt public, analyse de variante et choix de l'option la moins impactante pour l'environnement) ". Ce point fait dès lors référence aux conditions exigées par le 4° de l'article L. 411-2 du code de l'environnement. Par, ailleurs, il précise que " la recommandation du CNPN (expert délégué faune) mentionnée dans l'avis susvisé, demandant de modifier le choix initial par des solutions techniques alternatives tel l'enfouissement supplémentaire de certaines portions des projets P4 et P6, ne peut être recevable, à ce stade de la procédure qui a déclaré l'utilité publique du projet sur la base d'un choix ayant mesuré l'ensemble des incidences environnementales ". En se fondant ainsi sur la déclaration d'utilité publique du projet, le préfet des Hautes-Alpes a bien justifié ne pas pouvoir mettre en oeuvre la solution alternative proposée par le conseil national de protection de la nature (CNPN). Par suite, les requérants sont fondés à soutenir que c'est à tort que le tribunal a estimé que l'arrêté en litige était insuffisamment motivé au regard de la condition tenant à l'absence de solution alternative satisfaisante prévue par le 4° de l'article L. 411-2 du code de l'environnement.
En ce qui concerne le second motif d'annulation retenu par le tribunal tiré de la méconnaissance du 4° du I de l'article L. 411-2 du code de l'environnement :
8. Il résulte des dispositions mentionnées au point 4 qu'un projet d'aménagement ou de construction d'une personne publique ou privée susceptible d'affecter la conservation d'espèces animales ou végétales protégées et de leurs habitats ne peut être autorisé, à titre dérogatoire, que s'il répond à une raison impérative d'intérêt public majeur. En présence d'un tel intérêt, le projet ne peut cependant être autorisé, eu égard aux atteintes portées aux espèces protégées appréciées en tenant compte des mesures de réduction et de compensation prévues, que si, d'une part, il n'existe pas d'autre solution satisfaisante et, d'autre part, cette dérogation ne nuit pas au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle.
9. Il ressort des pièces du dossier que le dossier de saisine du conseil national de protection de la nature (CNPN) relatif à la demande de dérogation aux interdictions de destruction d'espèces végétales et animales protégées relatifs aux projets P3 à P6 comprend une partie 2.5 relative à l'absence de solution alternative laquelle a étudié, pour chaque projet, plusieurs variantes A, A' et B des fuseaux au regard de leur impact sur des critères globaux relatifs au milieu physique, au milieu naturel, au paysage et patrimoine, au cadre de vie, ainsi qu'aux activités socio-économiques. Ces fuseaux correspondent aux tracés de principe des lignes aériennes ou souterraines validés par la déclaration d'utilité publique et s'inscrivent dans une bande de 50 à 100 mètres de largeur, et non de 1 000 mètres comme le fait valoir l'association, cette dernière distance correspondant aux " fuseaux de moindre impact " définis antérieurement à la déclaration précitée. Il ressort de cette étude multi-critères qu'il a bien été procédé à la comparaison de la solution retenue et des fuseaux alternatifs envisagés. Il n'était pas nécessaire de procéder à un chiffrage de ces solutions dans le dossier, les textes applicables ne prévoyant pas une telle obligation. L'enfouissement a, en outre, été retenu pour certains projets comme le P3 et le P5 et écarté pour les projets P4 et P6 dès lors qu'il n'était pas techniquement réalisable car il aurait nécessité de procéder à des allers-retours multiples entre les flancs de montage et le fond de la vallée. Il n'est pas établi par l'association intimée que le bureau d'études Eco-Med n'aurait pas validé les éléments du dossier de dérogation sur l'absence de solution alternative, même si celui-ci mentionne une " source RTE ". Par ailleurs, le préfet des Hautes-Alpes a pris en compte, en les prescrivant expressément dans l'arrêté contesté, les mesures d'évitement proposées par la société RTE dans son dossier de demande. Ces mesures, qui permettent de définir les tracés de détail comportant notamment l'implantation exacte des pylônes des lignes aériennes, consistent en des modifications de tracés du projet à l'intérieur du fuseau retenu, pour éviter les habitats favorables à l'Agrion de Mercure comme proposé par la mesure E1. D'autres modifications de tracés sont imposées dans des mesures de réduction, qui relèvent en réalité de l'évitement, en particulier la mesure R1 relative à l'impact sur les éléments patrimoniaux et la mesure R8 portant sur la préservation des milieux humides et aquatiques. Ces mesures d'évitement démontrent par elles-mêmes l'étude de solutions alternatives au niveau des tracés de détail, lesquelles sont moins satisfaisantes que le tracé finalement retenu, même si cette étude reste dans le cadre des fuseaux résultant de la déclaration d'utilité publique du projet que la demande de dérogation en cause vise à mettre en oeuvre. Dans ces conditions, sans qu'il soit besoin de se fonder sur le document complémentaire produit dans le cadre de la note en délibéré de première instance et compte tenu de la nécessaire procédure itérative du projet en cause, la société RTE et le ministre de la transition écologique et solidaire sont fondés à soutenir que c'est à tort que le tribunal a estimé que l'arrêté en litige était entaché d'une erreur de droit faute pour le préfet des Hautes-Alpes d'établir que l'examen des solutions alternatives répondait aux exigences de l'article L. 411-2 du code de l'environnement.
10. Toutefois, il appartient à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par l'association Avenir Haute-Durance devant le tribunal administratif de Marseille et devant la Cour.
11. Aux termes de l'article 4 de l'arrêté du 19 février 2007 fixant les conditions de demande et d'instruction des dérogations définies au 4° de l'article L. 411-2 du code de l'environnement portant sur des espèces de faune et de flore sauvages protégées : " " La décision précise : (...) / En cas d'octroi d'une dérogation et, en tant que de besoin, en fonction de la nature de l'opération projetée, les conditions de celle-ci, notamment : / indications relatives à l'identité du bénéficiaire ; / nom scientifique et nom commun des espèces concernées ; / nombre et sexe des spécimens sur lesquels porte la dérogation ; / période ou dates d'intervention ; / lieux d'intervention ; / s'il y a lieu, mesures d'atténuation ou de compensation mises en oeuvre, ayant des conséquences bénéfiques pour les espèces concernées ; / qualification des personnes amenées à intervenir ; / description du protocole des interventions ; / modalités de compte rendu des interventions ; / durée de validité de la dérogation ; / conditions particulières qui peuvent être imposées en application de l'article R. 411-11 du code de l'environnement. Pour les opérations d'inventaire de populations d'espèces animales ou végétales, l'octroi de la dérogation peut être conditionné au versement des données recueillies à des bases de données et selon un format déterminé ".
12. Le nombre de spécimens concernés est précisé à l'article 2 de l'arrêté contesté pour la flore. Le préfet fait valoir que la précision relative au sexe des spécimens est sans objet lorsque la demande porte, comme en l'espèce, sur la destruction ou l'altération de l'habitat de ces mêmes espèces. Par ailleurs, l'article 3 de l'arrêté relatif aux prescriptions et mesures en faveur de la biodiversité à mettre en oeuvre prévoit une mesure R12 concernant l'adaptation spécifique du calendrier d'intervention des travaux en accord avec la phénologie des espèces, en planifiant les travaux en dehors de la période de présence ou d'émancipation de certaines espèces à enjeu local de conservation. La qualification des personnes amenées à intervenir est précisée à l'article 2 de l'arrêté en litige, selon lequel les destructions et les manipulations seront exclusivement effectuées dans le cadre du chantier de réalisation et d'aménagement visé à l'article 1 par des personnes compétentes placées sous l'autorité du maître d'ouvrage et porteurs de la présente autorisation. En outre, la description du protocole des interventions est mentionnée dans les mesures d'évitement et de réduction des impacts prévues à l'article 3. Quant à l'article 4 de l'arrêté, il fait état des modalités de compte rendu des interventions et l'article 5 mentionne que l'autorisation est accordée pour la seule durée des travaux liés au chantier de rénovation du réseau électrique de la Haute-Durance (projets P3 à P6). Ces rubriques sont ainsi suffisamment renseignées au regard des dispositions de l'article 4 de l'arrêté du 19 février 2007.
13. La circonstance que la législation applicable aux déclarations d'utilité publique soit indépendante de celle relative à la dérogation prise sur le fondement de l'article L. 411-2 du code de l'environnement ne fait pas obstacle à ce que les éléments tirés de l'étude d'impact réalisée dans le cadre de la procédure de déclaration d'utilité publique du projet, étude dont le contenu est au demeurant défini par l'article R. 122-5 du code de l'environnement, soient pris en compte s'ils permettent de répondre aux dispositions de l'article L. 411-2 de ce code.
14. Aucun texte législatif ou réglementaire n'impose que la demande de dérogation prévue à l'article L. 411-2 du code de l'environnement soit antérieure à la déclaration d'utilité publique du projet.
15. La circonstance que les études de détail annoncées lors de l'enquête publique de la déclaration d'utilité publique n'ont pas cherché le moindre impact environnemental sur les espèces protégées est sans incidence sur la légalité de l'arrêté contesté. Il en va de même du fait que l'autorité environnementale aurait estimé qu'il convenait de préciser, dans le dossier d'enquête publique, si des demandes de dérogation au titre des espèces protégées seront formulées et que ce dossier ne permettait pas de déterminer le nombre et l'importance de ces espèces détruites.
16. Le dossier de demande de dérogation comporte une partie 2.4 intitulée " raisons impératives d'intérêt public majeur " qui expose la problématique énergétique de la région de la Haute-Durance. Elle mentionne, en particulier, que le réseau n'est pas suffisamment dimensionné pour accompagner le développement économique de la Haute-Durance, que les consommations sont de 180 MW en 2008 et devraient atteindre environ 250 MW en 2020, puis 280 MW en 2025. En outre, le réseau actuel est constitué par une ligne unique de 150 KV construite en 1936 reliant le barrage de Serre-Ponçon et la vallée de la Maurienne en Savoie dont la fin de vie est estimée à 2020. Cette ligne ne permet pas de faire face à l'évolution prévisible des charges liée à l'évolution démographique et économique du territoire en terme notamment de tourisme hivernal, d'aménagement et d'extension des stations de ski. Ce dossier invoque aussi la vétusté des lignes électriques qui ont subi, à plusieurs reprises, des dommages liés aux avalanches et à la rigueur du climat montagnard et ne répondent pas aux conditions techniques de l'arrêté interministériel de 2001 fixant les critères de sécurisation mécanique, les campagnes régulières d'entretien menées par la société RTE n'étant pas suffisantes pour garantir leur pérennité à long terme. Par suite, le projet en litige répond à une raison impérative d'intérêt public majeur.
17. La circonstance que le nombre d'espèces concernées par l'arrêté querellé soit important est sans incidence sur sa légalité.
18. Si l'association Avenir Haute-Durance soutient que l'arrêté contesté ne vise pas l'intégralité des espèces dont la destruction est programmée, le putois D... citée par l'association intimée n'est pas protégé. Par ailleurs, le Grand Duc D..., l'Astragale queue de renard et le Faucon pélerin sont bien visés par l'arrêté. Si ce dernier ne mentionne pas l'Appolon, l'Isabelle de France, la Coronelle Lisse et la Vespère de Savi, l'intimée ne démontre pas que la réalisation du projet en cause entraînerait pour ces espèces des opérations interdites au titre de l'article L. 411-1 du code de l'environnement.
19. Le moyen tiré de la méconnaissance des articles 12 et 16 de la directive dite Habitats de 1992 et de la directive dite Oiseaux de 2009 n'est, en tout état de cause, pas assorti des précisions suffisantes permettant d'en apprécier le bien-fondé.
20. L'association Avenir Haute-Durance n'établit pas en quoi les mesures d'évitement et de réduction prévues seraient particulièrement faibles et la seule circonstance que le projet serait important n'est pas de nature à démontrer une telle insuffisance.
21. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la régularité du jugement attaqué, que la société RTE et le ministre de la transition écologique et solidaire sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par ce jugement, le tribunal administratif de Marseille a annulé l'arrêté du 19 octobre 2015. Les conclusions présentées par la société RTE sur le fondement de l'article R. 811-15 du code de justice administrative doivent, en tout état de cause, être rejetées par voie de conséquence.
Sur les frais liés au litige :
22. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat et de la société RTE, qui ne sont pas, dans la présente instance, les parties perdantes, la somme que l'association Avenir Haute-Durance demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'association Avenir Haute-Durance la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par la société Réseau de transport d'électricité et non compris dans les dépens.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Marseille du 8 août 2018 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par l'association Avenir Haute-Durance devant le tribunal administratif de Marseille est rejetée.
Article 3 : L'association Avenir Haute-Durance versera à la société Réseau de transport d'électricité une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de la société Réseau de transport d'électricité est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société Réseau de transport d'électricité, à l'association Avenir Haute-Durance et à la ministre de la transition écologique.
Délibéré après l'audience du 8 janvier 2021, où siégeaient :
- M. Pocheron, président de chambre,
- M. Coutier, premier conseiller,
- Mme F..., première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 janvier 2021.
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N° 18MA04271, 18MA04438
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