Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 4 janvier 2020 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône l'a obligé à quitter le territoire français sans délai.
Par un jugement n° 2000052 du 16 mars 2020, le magistrat désigné du tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 23 juin 2020, M. B..., représenté par Me D..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 16 mars 2020 ;
2°) d'annuler l'arrêté précité et la décision du même jour l'assignant à résidence ;
3°) à titre principal, d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " et, à titre subsidiaire de lui enjoindre de réexaminer sa situation, et dans l'attente de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour de six mois, assortie d'une autorisation de travail ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 à verser à son conseil qui renonce dans ce cas à percevoir la part contributive de l'Etat due au titre de l'aide juridictionnelle.
Il soutient que :
- le refus de séjour est entaché d'incompétence de son auteur, à défaut de délégation de signature régulière faisant état de l'empêchement ou de l'absence du préfet ;
- le refus de séjour méconnait l'article 6 alinéa 2 de l'accord franco-algérien
- il porte une atteinte disproportionnée à sa vie privée et familiale au regard de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entaché d'erreur manifeste d'appréciation ;
- l'obligation de quitter le territoire est illégale, par voie de conséquence de l'illégalité du refus de séjour, qui méconnait l'article 6 de l'accord franco-algérien et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'incompétence de son auteur.
La requête a été communiquée au préfet des Bouches-du-Rhône qui n'a pas produit d'observations en défense.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 10 juillet 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme C... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Par arrêté du 4 janvier 2020, le préfet des Bouches-du-Rhône a enjoint à M. B..., ressortissant algérien, de quitter le territoire français sans délai. M. B... relève appel du jugement du 16 mars 2020 par lequel le magistrat désigné du tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur les conclusions en annulation de la décision d'assignation à résidence:
2. Le requérant ne développe aucun moyen au soutien de ses conclusions tendant à annuler la décision d'assignation à résidence. De telles conclusions ne peuvent par suite, en tout état de cause, qu'être rejetées.
Sur les conclusions en annulation de l'obligation de quitter le territoire sans délai:
3. Aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : [...] 2° Au ressortissant algérien, marié avec un ressortissant de nationalité française, à condition que son entrée sur le territoire français ait été régulière, que le conjoint ait conservé la nationalité française et, lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, qu'il ait été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français ".
4. En arguant que la mesure d'éloignement est illégale par voie de conséquence de l'illégalité du refus de séjour en méconnaissance de l'article 6 de l'accord franco-algérien au motif qu'il est marié avec une ressortissante française, le requérant doit être regardé comme soutenant qu'il ne pouvait faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français, alors qu'il pouvait bénéficier d'un titre de séjour de plein droit sur le fondement de l'article 6 alinéa 2 de l'accord franco-algérien précité.
5. Indépendamment de l'énumération donnée par l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, des catégories d'étrangers qui ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français, l'autorité administrative ne peut légalement édicter une telle mesure à l'encontre d'un étranger que si ce dernier se trouve en situation irrégulière au regard des règles relatives à l'entrée et au séjour des étrangers sur le territoire français. Ainsi, lorsque la loi prescrit ou qu'une convention internationale stipule qu'un étranger doit se voir délivrer de plein droit un titre de séjour, cette circonstance fait légalement obstacle à ce qu'il puisse faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français.
6. Pour prendre à l'encontre de M. B... l'obligation de quitter le territoire attaquée, le préfet des Bouches-du-Rhône s'est notamment fondé sur le fait que l'intéressé s'est maintenu en situation irrégulière sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa de trente jours, sans être titulaire d'un premier titre de séjour régulièrement délivré et qu'il n'entrait dans aucune des catégories de plein droit définies aux articles 6 et 7 bis de l'accord précité.
7. Mais un ressortissant algérien, régulièrement entré sur le territoire français sous un visa de court séjour, peut se prévaloir de cette entrée pour obtenir le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " prévu au 2° de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, alors même qu'il a fait l'objet, au-delà de la durée de validité du visa, de décisions notifiées de refus de titre de séjour assorties d'invitation à quitter le territoire et d'une mesure de reconduite à la frontière.
8. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que M. B... est entré en France le 1er juillet 2017 sous couvert d'un visa de court séjour et s'est marié le 14 janvier 2019 avec une ressortissante française. Ainsi qu'il a été dit au point 7, quel que soit le caractère récent de son mariage, il était donc fondé à se prévaloir des stipulations de l'article 6 alinéa 2 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 précitées pour obtenir la délivrance d'un certificat de résidence algérien portant la mention " vie privée et familiale ", en tant que conjoint de français. Dès lors qu'il pouvait bénéficier de la délivrance de ce titre de séjour de plein droit, cette circonstance fait légalement obstacle à ce qu'il puisse faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français, ainsi qu'il a été dit au point 5.
9. Par suite, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'ensemble des moyens de la requête, M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné du tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.
Sur les conclusions en injonction :
10. Aux termes de l'article L. 512- 4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Si l'obligation de quitter le territoire français est annulée, il est immédiatement mis fin aux mesures de surveillance prévues aux articles L. 513-4, L. 551-1, L. 552-4, L. 561-1 et L. 561-2 et l'étranger est muni d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que l'autorité administrative ait à nouveau statué sur son cas. ".
11. L'exécution de la présente décision implique nécessairement, en application de l'article L. 512-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de munir immédiatement M. B... d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que l'autorité administrative ait à nouveau statué sur son cas et de fixer à quatre mois le délai dans lequel il devra prendre une décision sur son droit au séjour en France.
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
12. M. B... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me D..., avocat de M. B..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me D... de la somme de 1 500 euros.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 2000052 du magistrat désigné du tribunal administratif de Marseille du 16 mars 2020 et l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 4 janvier 2020 sont annulés.
Article 2: Il est enjoint au préfet des Bouches-du-Rhône de munir immédiatement M. B... d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que l'autorité administrative ait à nouveau statué sur son cas. La décision prise à l'issue de l'examen du droit au séjour de M. B... devra intervenir dans un délai de quatre mois.
Article 3 : L'État versera à Me D... une somme de 1 500 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me D... renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., au ministre de l'intérieur et à Me D....
Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône et au Procureur de la République près le tribunal judiciaire de Marseille.
Délibéré après l'audience du 25 mars 2021, où siégeaient :
- M. Poujade, président de chambre,
- M. Portail, président assesseur,
- Mme C..., premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 8 avril 2021.
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N° 20MA02065
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