Vu la procédure suivante :
Procédures contentieuses antérieures :
Sous le n° 1800187, M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Bastia de condamner le centre hospitalier d'Ajaccio à lui verser la somme de 15 000 euros en réparation des préjudices résultant de la rupture de la convention passée le 23 mai 2013 pour l'utilisation du bloc opératoire d'ophtalmologie de l'établissement à titre libéral ou, à titre subsidiaire, si les stipulations contractuelles de cette convention de mise à disposition devaient être écartées, une somme de 8 963,625 euros en remboursement du montant cumulé de redevance prélevé à tort au titre des années 2012 à 2016.
Sous le n° 1800571, M. C... a demandé au tribunal administratif de Bastia d'annuler le titre de recettes émis le 16 avril 2018 par le trésorier du centre hospitalier d'Ajaccio pour le recouvrement d'une somme de 9 225 euros et de condamner le centre hospitalier d'Ajaccio à lui verser, d'une part, la somme de 15 000 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis du fait de la rupture de la convention du 23 mai 2013 ou, à titre subsidiaire, la somme de 8 963,625 euros en remboursement du montant cumulé de redevance prélevé à tort au titre des années 2012 à 2016, et, d'autre part, la somme de 2 448 euros au titre de ses honoraires pour le mois de septembre 2013, ou, si les stipulations de la convention devaient être écartées, une somme de 2 606,57 euros.
Par un jugement n° 1800187, 1800571 du 17 octobre 2019, le tribunal administratif de Bastia a annulé le titre exécutoire émis le 16 avril 2018 par le directeur du centre hospitalier d'Ajaccio, a déchargé M. C... de l'obligation de payer la somme procédant de ce titre de recettes et a rejeté le surplus des conclusions des parties.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 17 décembre 2019 et le 20 octobre 2020, le centre hospitalier d'Ajaccio, représenté par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bastia du 17 octobre 2019 en tant qu'il a annulé le titre exécutoire émis le 16 avril 2018 par le directeur du centre hospitalier d'Ajaccio et qu'il a déchargé M. C... de l'obligation de payer la somme procédant de ce titre de recettes ;
2°) de rejeter la demande de M. C... devant le tribunal administratif ;
3°) de mettre à la charge de M. C... une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement attaqué est insuffisamment motivé ;
- contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, la créance litigieuse ne repose pas directement sur l'article L. 6154-3 du code de la santé publique, mais sur l'enrichissement sans cause dont a bénéficié M. C... ;
- il est ainsi fondé à demander à M. C... de lui restituer la différence entre le montant de la redevance à laquelle il a irrégulièrement été assujetti et celui qui aurait été appliqué si la convention avait reposé sur le fondement de l'article L. 6146-2 du code de la santé publique ;
- la lettre du 16 avril 2018, jointe au titre exécutoire du même jour qui a été adressé à M. C..., comporte de façon circonstanciée les bases de liquidation du titre ;
- le titre exécutoire du 16 avril 2018 correspond à la régularisation du montant de la redevance que M. C... aurait dû verser au titre de l'activité libérale qu'il a illégalement menée au sein de l'établissement depuis 2013 ;
- le taux de 4,17% dont M. C... se prévaut, au titre de la " valeur utile et économique " de la redevance ne repose sur une aucune disposition règlementaire ;
- la demande tendant au remboursement de la redevance pour le mois de septembre 2013 est irrecevable dès lors que M. C... n'a pas formé de demande indemnitaire préalable ;
- les autres préjudices invoqués ne sont pas fondés.
Par un mémoire en défense, enregistré le 31 août 2020, M. C..., représenté par Me D..., conclut :
1°) au rejet de la requête ;
2°) par la voie de l'appel incident, à ce que le centre hospitalier d'Ajaccio soit condamné à lui verser :
- la somme de 15 000 euros en réparation des préjudices résultant de la rupture de la convention du 23 mai 2013 ou, à titre subsidiaire, une somme de 8 963 euros en remboursement du montant cumulé de redevance prélevé à tort au titre des années 2012 à 2016 ;
- la somme de 2 448 euros au titre de ses honoraires pour le mois de septembre 2013, ou la somme de 2 606,57 euros si les stipulations de la convention devaient être écartées ;
3°) à ce que soit mise à la charge du centre hospitalier d'Ajaccio la somme de 3 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir que :
- le titre exécutoire du 16 avril 2018 ne comporte pas les bases de sa liquidation ;
- ce titre a été émis sur le fondement des articles L. 6154-1 et suivants du code de la santé publique, qui n'étaient pas applicables en l'espèce dès lors qu'il exerçait les fonctions de praticien hospitalier à temps partiel ;
- les dispositions de l'article L. 6146-2 du code de la santé publique, dont le centre hospitalier d'Ajaccio demande la substitution, ne sont pas plus applicables au cas d'espèce dès lors qu'elles concernent la participation des médecins libéraux à l'activité de service public ;
- le centre hospitalier d'Ajaccio n'est pas fondé à solliciter rétroactivement l'application d'une redevance majorée, fixée arbitrairement, en lieu et place de celle convenue de bonne foi dans la convention du 23 mai 2013 ;
- le centre hospitalier d'Ajaccio ne démontre ni son appauvrissement, ni son enrichissement sans cause, et ne justifie pas le montant de la redevance qu'il a fixé arbitrairement à 16% ;
- son préjudice d'image et de désorganisation de son activité s'élève à la somme de 15 000 euros ;
- si les stipulations de la convention devaient être écartées, le trop-perçu par le centre hospitalier au titre des années 2012 à 2016 s'élèverait à la somme de 8 963 euros, en appliquant le taux de 4,17% à la redevance ;
- ses honoraires du mois de septembre 2013 doivent lui être versés à hauteur de 2 448 euros, ou à hauteur de 2 606,57 euros si les stipulations contractuelles devaient être écartées.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de la santé publique ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. B...,
- et les conclusions de M. Gautron, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Par une convention du 23 mai 2013, le centre hospitalier d'Ajaccio a mis à disposition de M. C..., praticien hospitalier à temps partiel, le bloc opératoire du service d'ophtalmologie de l'établissement à raison d'une demi-journée par semaine pour la réalisation d'actes opératoires au bénéfice de ses patients pris en charge dans un cadre libéral, en contrepartie d'une redevance correspondant à 10% des prestations facturées. Par courrier du 6 décembre 2016, le directeur du centre hospitalier a mis en demeure M. C... de cesser toute activité libérale au sein de l'établissement et a dénoncé cette convention comme " nulle et non avenue ". Le trésorier de l'établissement a émis le 16 avril 2018 un titre exécutoire d'un montant de 9 224,40 euros au titre de la redevance due par M. C... pour les années 2013 à 2016. Le centre hospitalier d'Ajaccio relève appel du jugement n° 1800187, 1800571 du 17 octobre 2019 du tribunal administratif de Bastia, en ce qu'il a annulé ce titre exécutoire et déchargé M. C... de son obligation de payer la somme ainsi mise à sa charge. Par la voie de l'appel incident, M. C... demande l'annulation de ce jugement en ce qu'il a rejeté ses conclusions indemnitaires.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Le jugement attaqué expose avec suffisamment de précision les motifs par lesquels il annule le titre exécutoire litigieux. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit être écarté.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne la légalité du titre exécutoire du 16 avril 2018 :
3. Aux termes de l'article L. 6154-1 du code de la santé publique, dans sa rédaction alors en vigueur : " Dès lors que l'exercice des missions de service public définies à l'article L. 6112-1 dans les conditions prévues à l'article L. 6112-3 n'y fait pas obstacle, les praticiens statutaires exerçant à temps plein dans les établissements publics de santé sont autorisés à exercer une activité libérale dans les conditions définies au présent chapitre. " L'article L. 6154-3 du même code dispose que : " Le praticien exerçant une activité libérale choisit de percevoir ses honoraires directement ou, par dérogation aux dispositions de l'article L. 162-2 du code de la sécurité sociale, par l'intermédiaire de l'administration de l'hôpital. / (...) /L'activité libérale donne lieu au versement à l'établissement par le praticien d'une redevance dans des conditions déterminées par décret. (...). Enfin, aux termes de l'article D. 6154-10-3 de ce code : " Le taux de la redevance mentionnée à l'article L. 6154-3 est ainsi fixé : 1° Consultations : 16 % pour les centres hospitaliers universitaires, 15 % pour les centres hospitaliers ; 2° Actes autres que les actes d'imagerie, de radiothérapie, de médecine nucléaire, de biologie : 25 % pour les centres hospitaliers universitaires, 16 % pour les centres hospitaliers ; 3° Actes d'imagerie, de radiothérapie, de médecine nucléaire, de biologie : 60 % pour les centres hospitaliers universitaires et pour les centres hospitaliers. (...) ".
4. Il résulte de l'instruction, et notamment du courrier du 16 avril 2018 adressé par le directeur du centre hospitalier d'Ajaccio à M. C..., praticien exerçant à temps partiel, que le montant de la créance litigieuse a été déterminé par référence aux dispositions précitées de l'article D. 6154-10-3 du code de la santé publique, qui ne sont applicables qu'aux praticiens hospitaliers exerçant à temps plein. Dès lors, ainsi que l'a jugé à bon droit le tribunal, le titre exécutoire litigieux est entaché d'erreur de droit.
5. Toutefois, lorsqu'il constate que le titre de recettes dont l'annulation lui est demandée aurait pu être émis sur le fondement d'un texte pour lequel l'autorité administrative dispose du même pouvoir d'appréciation que celui sur lequel repose l'émission de ce titre, le juge de plein contentieux peut, le cas échéant d'office, substituer ce fondement à celui qui a servi de base légale à l'émission du titre litigieux, sous réserve que l'intéressé ait disposé des garanties dont est assortie l'application du texte sur le fondement duquel le montant de la créance litigieuse aurait dû être établi.
6. Aux termes de l'article L. 6146-2 du code de la santé publique, dans sa rédaction alors en vigueur : " Dans des conditions fixées par voie réglementaire, le directeur d'un établissement public de santé peut, sur proposition du chef de pôle, après avis du président de la commission médicale d'établissement, admettre des médecins (...) exerçant à titre libéral, autres que les praticiens statutaires exerçant dans le cadre des dispositions de l'article L. 6154-1, à participer à l'exercice des missions de service public mentionnées à l'article L. 6112-1 attribuées à cet établissement ainsi qu'aux activités de soins de l'établissement. (...) / Les professionnels de santé mentionnés au premier alinéa participent aux missions de l'établissement dans le cadre d'un contrat conclu avec l'établissement de santé, qui fixe les conditions et modalités de leur participation et assure le respect des garanties mentionnées à l'article L. 6112-3 du présent code. (...) ". Bien que ces dispositions dénomment " contrat " l'acte par lequel sont retracées les modalités de l'activité libérale exercées par un praticien hospitalier, les praticiens autorisés à exercer cette activité sont placés, vis-à-vis de l'administration, dans une situation réglementaire et non contractuelle.
7. La convention du 23 mai 2013 par laquelle le centre hospitalier d'Ajaccio a mis à disposition de M. C... le bloc opératoire du service d'ophtalmologie de l'établissement doit donc être regardée comme une décision individuelle, laquelle, bien qu'illégale en ce qu'elle fixe un taux de redevance déterminé sur la base de dispositions inapplicables à l'intéressé en sa qualité de praticien hospitalier à temps partiel, a créé des droits à son profit et ne pouvait, par suite, être retirée après l'expiration d'un délai de quatre mois suivant la date à laquelle elle a été prise. Il suit de là que la différence entre le montant de la redevance effectivement versée par M. C... au titre des années 2013 à 2016 et celle à laquelle il aurait dû, selon le centre hospitalier d'Ajaccio, être assujetti, trouve sa cause non dans un contrat entaché de nullité, mais dans les droits qu'il avait définitivement acquis antérieurement à l'émission du titre exécutoire contesté. Cette différence ne constituant pas, contrairement à ce que soutient le centre hospitalier d'Ajaccio, un enrichissement sans cause, il ne peut être fait droit à la substitution de base légale demandée.
En ce qui concerne les conclusions indemnitaires formulées par M. C... :
8. La demande de M. C... tendant à obtenir le versement de la différence entre la redevance de 10% à laquelle il a effectivement été assujetti et celle de 4,17% qu'il estime correspondre à la " valeur utile et économique " doit être rejetée par adoption des motifs retenus par les premiers juges qui y ont exactement répondu, au point 9 de leur jugement.
9. M. C..., qui ne produit aucun élément susceptible de démontrer la réalité du préjudice d'image et de " désorganisation " qu'il invoque, n'est fondé à demander aucune indemnité à ce titre.
10. Enfin, s'agissant de la demande de condamnation du centre hospitalier d'Ajaccio au paiement des activités effectuées par M. C... au titre du mois de septembre 2013, il résulte de l'instruction que, ainsi que le relève le centre hospitalier d'Ajaccio, aucune demande indemnitaire préalable ne lui a été adressée. C'est donc à bon droit que, par des motifs qu'il y a lieu d'adopter, les premiers juges ont rejeté comme irrecevables ces conclusions par application des dispositions de l'article R. 421-1 du code de justice administrative.
11. Il résulte de tout ce qui précède, d'une part, que le centre hospitalier d'Ajaccio n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bastia a annulé le titre exécutoire du 16 avril 2018 et a déchargé M. C... de son obligation de payer, et d'autre part, que les conclusions présentées par M. C... par la voie de l'appel incident doivent être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. C..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que le Centre hospitalier d'Ajaccio demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge du centre hospitalier d'Ajaccio une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par M. C... et non compris dans les dépens.
D É C I D E :
Article 1er : La requête du centre hospitalier d'Ajaccio est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de M. C... présentées par la voie de l'appel incident sont rejetées.
Article 3 : Le centre hospitalier d'Ajaccio versera à M. C... la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au centre hospitalier d'Ajaccio et à M. A... C....
Copie en sera adressée à la directrice départementale des finances publiques de la Corse-du-Sud.
Délibéré après l'audience du 1er avril 2021, où siégeaient :
- M. Alfonsi, président,
- Mme Jorda-Lecroq, présidente-assesseure,
- M. B..., conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 avril 2021.
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N° 19MA05527