Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La SAS OCBAT a demandé au tribunal administratif de Montpellier, à titre principal, d'annuler le décompte général définitif qu'elle a reçu le 25 août 2015 en ce qui concerne les pénalités mises à sa charge par Habitat Audois, et à titre subsidiaire, de recalculer les pénalités en se fondant sur le marché, exclusion faite des avenants. Habitat Audois, qui a conclu au rejet de la requête, a demandé à ce qu'il soit garanti de toute condamnation éventuellement prononcée à son encontre, par Architecture Signal Bansard-Di Tucci, la SARL CBIT, la SARL Bageci et la SARL Patrice Durand. La société Architecture Signal Bansard-Di Tucci a conclu au rejet des demandes d'Habitat Audois et à ce qu'elle soit garantie de toute condamnation prononcée à son encontre par la SARL CBIT.
Par jugement n° 1606203 du 15 novembre 2018, le tribunal administratif de Montpellier a annulé les pénalités mises à la charge de la société OCBAT pour un montant total de 16 695,03 euros, mis à la charge d'Habitat Audois au profit de la société OCBAT une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et rejeté le surplus des conclusions de la requête ainsi que les conclusions d'Habitat Audois et de Architecture Signal Bansard-Di Tucci.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire en réplique enregistrés les 9 janvier 2019 et 27 mars 2020, Habitat Audois, Office public d'H.L.M. de l'Aude, représenté par Me d'Albenas, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1606203 du 15 novembre 2018 du tribunal administratif de Montpellier, en tant qu'il a annulé les pénalités mises à la charge de la société OCBAT pour un montant total de 16 695,03 euros et l'a condamné à payer à la société OCBAT la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
2°) de condamner les entreprises composant le groupement de maîtrise d'œuvre conjoint à le garantir de toutes les condamnations qui seraient prononcées à son encontre ;
3°) de mettre à la charge de la société OCBAT la somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le tribunal a commis une erreur d'appréciation des faits ;
- le tribunal n'est pas fondé à juger que n'est pas établi par les pièces du dossier un retard de soixante jours ;
- sur vingt-quatre mois de retard par rapport à la date initiale de fin des travaux, huit seulement sont neutralisés par les deux ordres de services d'arrêts de chantier et prolongement de l'arrêt, et deux mois sont imputables à l'entreprise OCBAT pour ce qui est de son lot 1 " gros œuvre " ;
- la société OCBAT a fait preuve du même comportement dans un autre marché qui lui a été confié ;
- il appartient donc à la société OCBAT, si elle s'estime fondée, d'engager la responsabilité du maître d'œuvre en raison des fautes à l'origine de l'allongement de la durée du chantier qui lui sont imputables ;
- elle n'établit pas, en reprenant ses moyens de première instance, que l'allongement des délais d'exécution des travaux trouverait son origine dans une faute contractuelle du maître d'ouvrage ou dans une faute quasi-délictuelle du groupement de maîtrise d'œuvre.
Par un mémoire en défense et un mémoire complémentaire enregistrés les 26 février 2020 et 29 avril 2020, la SAS OCBAT, représentée par la SCP d'avocats Monferran-Carrière-Espagno, conclut au rejet de la requête d'appel, à la confirmation en toutes ses dispositions du jugement du tribunal de Montpellier et à la mise à la charge à son profit de toutes parties perdantes d'une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les retards de chantier sont entièrement imputables au maître d'œuvre et au maître d'ouvrage, l'OPC (ordonnancement, pilotage et coordination) n'ayant jamais élaboré le moindre calendrier de travaux ;
- c'est seulement le 6 septembre 2011 qu'elle a reçu des plans de fondation conformes, ce qui se traduit par un retard d'un mois ; c'est seulement le 17 novembre 2011 qu'elle a reçu des plans d'élévation suivant des plans de réservation du menuisier, ce qui se traduit par un retard de trois mois ; c'est seulement le 17 avril 2012 qu'elle a reçu des plans de ferraillages des paliers d'escalier, ce qui se traduit par un retard de sept mois de retard pour le gros-œuvre ;
- le rapport du maître d'œuvre OPC (ordonnancement, pilotage et coordination) du 25 novembre 2013, sur lequel s'est fondé Habitat Audois pour mettre à sa charge des pénalités, comporte plusieurs erreurs ;
- certains des plans ont été refusés par le Bureau de contrôle, alors que le délai contractuel imposait la fourniture des plans d'exécution pendant la période de préparation, soit en novembre 2010 ;
- le décompte définitif est bien le fait d'Habitat Audois, et non du maître d'œuvre.
Par mémoire enregistré le 24 février 2020, la société Architecture Signal Bansard-Di Tucci, représentée par Me Ensenat, conclut au rejet de la requête d'appel et à la mise à la charge d'Habitat Audois d'une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- Habitat Audois ne démontre aucune faute à son encontre ;
- appliquer les pénalités de retard à une entreprise relève de la seule décision du maître d'ouvrage.
Par ordonnance du 16 avril 2021, la clôture de l'instruction a été fixée au 4 mai 2021 à 12h00.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le décret n° 76-87 du 21 janvier 1976 approuvant le cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux ;
- le code des marchés publics ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. A... Taormina, rapporteur,
- les conclusions de M. B... Thielé, rapporteur public,
- et les observations de Me d'Albenas, représentant Habitat Audois.
Considérant ce qui suit :
1. La SAS OCBAT a été attributaire du marché relatif au lot n° 1 " gros œuvre " signé le 19 octobre 2010, pour un montant initial de 213 346,76 euros hors taxe (255 162 euros toutes taxes comprises), pour un délai d'exécution de huit mois (dont un mois de préparation du chantier), dans le cadre de la construction de dix logements sur le territoire de la commune de Quillan, marché passé par l'Office Public de l'Habitat de l'Aude, Habitat Audois, maître d'ouvrage, la maîtrise d'œuvre étant assurée par le cabinet Architecture Signal Bansard-Di Tucci. Ce marché a fait l'objet de trois avenants, respectivement les 16 août 2011 d'un montant de 35 232,43 euros toutes taxes comprises. (29 458,55 euros hors taxe) pour l'adaptation des fondations et les 30 novembre 2012 et 10 juin 2013 pour des travaux supplémentaires s'élevant respectivement à 8 996,56 euros hors taxe (10 759,89 euros toutes taxes comprises) et 26 448,70 euros hors taxe (31 632,65 euros toutes taxes comprises), le montant total du marché pour la SAS OCBAT ayant donc été porté à la somme de 332 786,97 euros toutes taxes comprises.
2. Un premier ordre de service a été notifié le 22 octobre 2010 par Habitat Audois à la société OCBAT, pour le démarrage du lot n° 1. Le calendrier initial des travaux, qui prévoyait un démarrage au 23 novembre 2010 pour le lot n° 1, a dû être modifié dès le 20 décembre 2010 en raison de l'impossibilité d'accéder à la voirie centrale. Une étude géotechnique devant être refaite, la suspension des travaux s'est poursuivie jusqu'au 20 août 2011. Les travaux ont repris le 29 août suivant, ce qui a conduit à proroger jusqu'au 29 mars 2012 leur délai d'exécution. La réception des travaux a été prononcée avec réserves le 26 janvier 2013 et la levée de celles-ci est intervenue le 24 septembre 2013.
3. La société OCBAT a accusé réception, par courrier du 23 septembre 2015, du décompte général qui lui avait été adressé par Habitat Audois, maître d'ouvrage, par courrier du 21 août 2015. Ce décompte fixant à la somme de 17 595,03 euros le montant des " pénalités travaux " concernant le lot n° 1, la société OCBAT a contesté ce décompte par mémoire joint à son courrier du 23 septembre 2015. L'Office Public a répondu par courrier du 20 novembre 2015 qu'il maintenait le montant de ces pénalités.
4. Le comité consultatif interrégional de règlement amiable des différends et litiges en matière de marchés publics de Marseille ayant été saisi par la société OCBAT par courrier du 20 janvier 2016, ce comité, par avis rendu le 22 septembre 2016, concluait que " le litige trouverait une solution équitable par la renonciation d'Habitat Audois aux pénalités infligées à la société OCBAT ". Par courrier du 10 novembre 2016, Habitat Audois s'est opposé à toute remise des pénalités.
5. Habitat Audois relève appel du jugement n° 1606203 du 15 novembre 2018 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a, à la requête de la société OCBAT, annulé les pénalités mises à la charge de la société OCBAT pour un montant de total de 16 695,03 euros et mis à sa charge, au profit de la société OCBAT, la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Sur le bien-fondé du jugement :
6. Aux termes de l'article 6.1 du cahier des clauses administratives particulières du marché sur le délai d'exécution des travaux : " ...Le délai d'exécution de l'ensemble des travaux est stipulé à l'acte d'engagement./ Le délai d'exécution de chaque lot s'insère dans ce délai d'ensemble, conformément au calendrier prévisionnel d'exécution qui sera joint en annexe de ce présent C.C.A.P./ L'ordre de service adressé au titulaire du lot commençant le premier l'exécution des travaux est porté à la connaissance des entreprises chargées des autres lots... ". Aux termes de l'article 6.3 sur les pénalités pour retard : " ...Le titulaire subira, par jour de retard dans l'achèvement des travaux, une pénalité journalière de 1/1000 du montant hors taxe du marché... ".
7. Les pénalités de retard prévues par les clauses d'un marché public ont pour objet de réparer forfaitairement le préjudice qu'est susceptible de causer au pouvoir adjudicateur le non-respect, par le titulaire du marché, des délais d'exécution contractuellement prévus. Elles sont applicables au seul motif qu'un retard dans l'exécution du marché est constaté et alors même que le pouvoir adjudicateur n'aurait subi aucun préjudice ou que le montant des pénalités mises à la charge du titulaire du marché qui résulte de leur application serait supérieur au préjudice subi.
8. En premier lieu, si la réception des travaux du lot n° 1 a été prononcée avec réserves le 26 janvier 2013 et si la levée de celles-ci est intervenue le 24 septembre 2013, soit au-delà de la durée de huit mois dont un mois de préparation du chantier prévue contractuellement, il ressort des pièces du dossier et il n'est contesté ni par Habitat Audois, maître d'ouvrage, ni par le cabinet Architecture Signal Bansard-Di Tucci, auteur du rapport de synthèse OPC du 15 octobre 2013 , que, comme l'ont relevé les premiers juges, après une interruption du chantier du 7 janvier au 5 août 2011 pour la réalisation d'une étude géotechnique et la reprise du chantier le 29 août 2011, la société OCBAT n'a été destinataire des nouveaux plans validés par le bureau de contrôle que le 27 septembre 2011 s'agissant du plan ferraillage des fondations, le 17 novembre 2011 suivant pour les plans de coffrage Ht RDC avec mise à jour des réservations de la menuiserie et, enfin, le 17 avril 2012 en ce qui concerne les ferraillages des paliers d'escalier, ce qui impliquait des retards d'exécution qui n'étaient pas imputables à la société OCBAT.
9. Toutefois, et en second lieu, il ressort du compte rendu de chantier n° 47 du 1er juin 2012, joint au rapport de l'OPC, que certaines prestations de gros-œuvre - en l'espèce le seuil de deux garages et les chapes de ravoirage sur les trois dernières maisons - n'avaient toujours pas été réalisées, plus de neuf mois après la reprise du chantier. Or, la société OCBAT n'apporte pas la preuve qui lui incombe que ce retard de soixante jours résultait de la désorganisation du chantier dans son ensemble imputable au retard pris par le cabinet Architecture Signal Bansard-Di Tucci dans la réalisation des nouveaux plans, d'une part, et par le bureau de contrôle dans la validation de ces plans, d'autre part. Dès lors, Habitat Audois était fondé à appliquer à la société OCBAT les pénalités de retard litigieuses.
10. Par suite, Habitat Audois est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a annulé les pénalités de retard de soixante jours qui ont été infligées à la société OCBAT pour un montant total de 16 695,03 euros. Doivent dès lors être rejetées les conclusions présentées devant ce tribunal par la société OCBAT tendant à l'annulation du décompte général définitif en ce qui concerne les pénalités mises à sa charge par Habitat Audois, et à titre subsidiaire, à ce que soient recalculées les pénalités en se fondant sur le marché, exclusion faite des avenants.
Sur les conclusions d'appel en garantie :
11. Aucune condamnation n'étant prononcée à l'encontre d'Habitat Audois, il n'y a pas lieu de statuer sur ses conclusions d'appel en garantie. Par suite, elles doivent être rejetées.
Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
12. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".
13. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge d'aucune des parties une somme, au titre des frais non compris dans les dépens, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 1606203 du 15 novembre 2018 du tribunal administratif de Montpellier est annulé.
Article 2 : Les conclusions de la société OCBAT tendant à l'annulation du décompte général définitif en ce qui concerne les pénalités mises à sa charge par Habitat Audois, et à titre subsidiaire, à ce que soient recalculées les pénalités en se fondant sur le marché, exclusion faite des avenants, sont rejetées.
Article 3 : Les conclusions des parties tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Habitat Audois, à la société OCBAT, au cabinet Architecture Signal Bansard-Di Tucci, à la SARL Patrice Durand, à la SARL CBIT et à la SARL Bageci.
Délibéré après l'audience du 13 septembre 2021, où siégeaient :
- M. Guy Fédou, président,
- M. A... Taormina, président assesseur,
- M. François Point, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 27 septembre 2021.
N° 19MA00055 6