Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme D... C... née B... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 22 mai 2019 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination.
Par jugement n° 1905802 du 4 novembre 2019, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 17 décembre 2019 et un mémoire complémentaire enregistré le 12 avril 2021, Mme C..., représentée par la SELARL Henry Tierny Avocats Associés, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du 4 novembre 2019 du tribunal administratif de Marseille ;
2°) d'annuler l'arrêté du 22 mai 2019 du préfet des Bouches-du-Rhône ;
3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de réexaminer sa situation et de lui délivrer dans l'attente une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler, dans le délai de quinze jours à compter de la notification du présent arrêt, sous astreinte de 100 euros par jour de retard passé ce délai ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
Sur le refus de titre de séjour :
- elle abandonne son moyen de première instance tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte ;
- la décision en litige est insuffisamment motivée et révèle un défaut d'examen particulier de sa vie privée et familiale ;
- la décision en litige méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation personnelle;
- elle justifie de circonstances pour être admise exceptionnellement au séjour sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Sur l'obligation de quitter le territoire français :
- elle méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;
Sur la décision fixant le pays de destination :
- cette décision n'a pas fait l'objet d'un examen particulier de sa situation ;
- elle méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- les premiers juges ont méconnu leur compétence en se référant aux décisions de l'office français de protection des réfugiés et apatrides et de la Cour nationale du droit d'asile ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation personnelle.
La requête a été transmise au préfet des Bouches-du-Rhône qui n'a pas produit de mémoire.
La demande d'aide juridictionnelle de Mme C... a été rejetée le 26 juin 2020 et le recours qu'elle a formé sur le rejet de sa demande a été rejeté le 16 décembre 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention internationale des droits de l'enfant signée à New-York le 26 janvier 1990 ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
La présidente de la Cour a décidé, par décision du 24 août 2021, de désigner M. Portail, président assesseur, pour statuer dans les conditions prévues à l'article R. 222-26 du code de justice administrative.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Carassic,
- et les observations de Me Henry représentant Mme C....
Considérant ce qui suit :
1. Par jugement n° 1900045, 1900046 du 19 février 2019, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Marseille a annulé, pour défaut d'examen particulier de la situation personnelle et familiale de Mme C..., de nationalité kosovare et pour méconnaissance de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant, l'arrêté du 5 décembre 2018 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a prononcé à l'encontre de Mme C... une obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Le magistrat désigné a enjoint au préfet des Bouches-du-Rhône de procéder au réexamen de la situation de la requérante dans le délai d'un mois à compter de la notification de ce jugement. La requérante a demandé le 1er avril 2019 au préfet des Bouches-du-Rhône un titre de séjour au titre de sa vie privée et familiale. Par l'arrêté en litige du 22 mai 2019, le préfet a refusé de lui délivrer ce titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de destination. Par le jugement dont Mme C... relève appel, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur le bien-fondé du jugement :
En ce qui concerne le refus de titre de séjour :
2. En premier lieu, l'arrêté en litige vise les textes dont il fait application, notamment, les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, la convention internationale des droits de l'enfant ainsi que le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et celui des relations entre le public et l'administration. Il vise également les faits qui en constituent le fondement, notamment les circonstances de l'entrée et du séjour de l'intéressée en France et sa situation familiale. Il est ainsi suffisamment motivé. La seule circonstance que, par le jugement du 19 février 2019, le magistrat désigné a annulé pour défaut d'examen particulier de sa situation personnelle et familiale la précédente obligation faite à Mme C... de quitter le territoire français ne permet pas d'établir que le préfet, qui a précisé notamment que la requérante et son époux étaient tous deux en attente d'un titre de séjour et que leur fille âgée de deux ans le 8 juin 2019 n'était pas scolarisée, n'aurait pas procédé à un examen particulier de sa situation et de celle de son enfant.
3. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". Il appartient par ailleurs au préfet de vérifier que la décision d'éloignement qu'il envisage de prendre ne comporte pas de conséquences d'une gravité exceptionnelle sur la situation personnelle de l'intéressé et n'est pas ainsi entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
4. La requérante déclare être entrée en France en 2016 et y résider habituellement depuis. Son époux, de même nationalité, a fait l'objet de la part du préfet des Bouches-du-Rhône d'une obligation de quitter le territoire français datée du même jour. Sa fille née le 8 juin 2017 en France n'est pas scolarisée à la date de la décision en litige. La circonstance que le couple a donné naissance en 2020, soit postérieurement à la décision en litige, à un second enfant est sans incidence sur la légalité de la décision en litige. Les dispositions précitées ne consacrent pas un droit aux étrangers de choisir librement le pays où établir leur vie familiale. En se bornant à invoquer, sans l'établir, de graves tensions entre leurs deux familles au regard de la vendetta dite " Kanun " et des risques pour leur intégrité physique en cas de retour au Kosovo, la requérante ne fait état d'aucun obstacle majeur l'empêchant de reconstituer la cellule familiale hors de France. La requérante n'est pas dépourvue d'attache au Kosovo où elle a vécu selon ses propres dires jusqu'à l'âge de vingt-six ans. Elle n'établit pas son intégration socio-professionnelle en France en invoquant son apprentissage de la langue française et des activités de bénévolat et alors qu'elle s'est maintenue illégalement, après le rejet de sa demande d'asile, au sein d'un logement mis à disposition du couple par une association et dédié aux seuls demandeurs d'asile. Dans ces conditions, Mme C... n'établit pas avoir fixé en France le centre de ses intérêts privés et familiaux. Par suite, le préfet n'a pas porté une atteinte disproportionnée au droit de Mme C... au respect de sa vie privée et familiale. Ainsi, le refus litigieux du droit au séjour de la requérante en France ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, le préfet n'a pas entaché la décision en litige d'une erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation personnelle.
5. En troisième lieu, en se bornant à invoquer son intégration non établie en France et la présence de ses deux jeunes enfants, la requérante n'établit pas justifier de considérations humanitaires ou d'un motif exceptionnel pour être admise exceptionnellement au séjour sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, le préfet n'a pas méconnu les dispositions de cet article en refusant de régulariser sa situation sur ce fondement.
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
6. Aux termes du 1 de l'article 3 de la convention relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait (...) des tribunaux, des autorités administratives (...), l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant. Ainsi qu'il a été dit au point 4, il n'est pas établi que la famille A... la requérante ne pourrait pas se reconstituer dans son pays d'origine. La circonstance que le premier enfant A... la requérante soit désormais scolarisé en France ne suffit pas à établir, eu égard notamment à son jeune âge, qu'il ne pourrait pas suivre au Kosovo une scolarité normale et que le préfet, auquel il a été enjoint de procéder au réexamen de la situation de la requérante par le jugement du 19 février 2019 du magistrat désigné du tribunal administratif de Marseille, n'aurait pas à nouveau pris en considération l'intérêt supérieur de cet enfant en prenant la mesure d'éloignement en litige. Par suite, le moyen tiré de la violation de l'article 3-1 de la convention de New York doit être écarté.
En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :
7. La décision en litige vise notamment l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Elle mentionne, dans l'article 3, que l'obligation de quitter le territoire français sera exécutée d'office à destination du pays dont elle a la nationalité ou qui lui a délivré un titre de voyage en cours de validité ou à destination de tout autre pays dans lequel elle établit être légalement admissible. En se bornant à soutenir qu'aucune question ne lui aurait été posée pendant l'instruction de sa demande concernant l'existence d'un État qui aurait été susceptible de lui délivrer un titre de voyage en cours de validité ou de tout autre pays dans lequel elle établirait être légalement admissible, la requérante n'établit pas que le préfet n'aurait pas procédé à un examen particulier de sa situation.
8. Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". Ces stipulations font obstacle à ce que puisse être légalement désigné comme pays de renvoi d'un étranger faisant l'objet d'une mesure d'éloignement un Etat pour lequel il existe des motifs sérieux de croire que l'intéressé s'y trouverait exposé à un risque réel pour sa personne soit du fait des autorités de cet Etat, soit même du fait de personnes ou groupes de personnes ne relevant pas des autorités publiques, dès lors que, dans ce dernier cas, les autorités de l'Etat de renvoi ne sont pas en mesure de parer à un tel risque par une protection appropriée
9. Mme C..., dont la demande d'asile a d'ailleurs été rejetée par l'OFPRA et la CNDA les 31 mars 2017 et 27 septembre 2017, ainsi que sa demande de réexamen par décisions de ces deux mêmes instances rendues respectivement les 20 février 2018 et 22 août 2018, se borne à soutenir qu'elle encourt des risques en cas de retour au Kosovo en raison d'une " vendetta balkanique " au titre de la loi dite du Kanun pour ne pas avoir épousé l'homme auquel elle aurait été promise dès l'enfance. Toutefois, la requérante, en se bornant à produire une attestation datée du 21 janvier 2019 de l'Association pour le règlement des querelles de la région de Mitrovica selon laquelle la famille de son mari, la sienne et celle de l'homme éconduit n'ont pas pu se réconcilier, n'établit pas l'existence d'un risque actuel et personnel d'être exposée à des traitements inhumains ou dégradants en cas de retour dans son pays d'origine. Par suite, en désignant le Kosovo ou tout autre pays pour lequel la requérante établit être légalement admissible comme pays de destination de la mesure d'éloignement, le préfet des Bouches-du-Rhône n'a pas méconnu les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ainsi que l'ont estimé à bon droit les premiers juges qui ne se sont pas cru liés par les décisions de la Cour nationale du droit d'asile.
10. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 4 et en l'absence d'argumentation spécifique à l'encontre de la décision fixant le pays de destination, le préfet n'a pas entaché sa décision d'erreur manifeste dans l'appréciation de la situation personnelle de la requérante.
11. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, les premiers juges ont rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de réexaminer sa demande sous conditions de délai et d'astreinte et celles tendant à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'Etat sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent en tout état de cause être rejetées.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... C..., au ministre de l'intérieur et à Me Henry.
Copie pour information sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.
Délibéré après l'audience du 28 septembre 2021, où siégeaient :
- M. Portail, président par intérim, présidant la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,
- Mme Carassic, première conseillère,
- M. Mérenne, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 12 octobre 2021.
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N° 19MA05721