Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme C... A... épouse B... a demandé au tribunal administratif de Bastia d'annuler pour excès de pouvoir les décisions des 1er et 19 octobre 2018, des 29 novembre et 18 décembre 2018 et des 18 février, 19 avril et 25 juin 2019 par lesquelles le directeur du centre hospitalier départemental de Castelluccio a décidé à titre provisoire et conservatoire de suspendre ses activités cliniques et thérapeutiques avec maintien de son traitement.
Par un jugement n° 1801262, 1900028, 1900269, 1900763 et 1901059 du 7 juillet 2020, le tribunal administratif de Bastia a rejeté ses demandes.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 30 juillet 2020, Mme A..., représentée par Me Recchi, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du 7 juillet 2020 du tribunal administratif de Bastia ;
2°) d'annuler les décisions des 1er et 19 octobre 2018, des 29 novembre et 18 décembre 2018 et des 18 février, 19 avril et 25 juin 2019 par lesquelles le directeur du centre hospitalier départemental de Castelluccio a décidé à titre provisoire et conservatoire de suspendre ses activités cliniques et thérapeutiques avec maintien de son traitement ;
3°) de mettre à la charge du centre hospitalier départemental de Castelluccio le versement de la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
Sur la légalité externe :
- les décisions attaquées sont entachées d'incompétence, l'article R. 6152-74 du code de la santé publique prévoyant que les sanctions disciplinaires infligées aux praticiens hospitaliers relèvent du ministre de la santé ;
- les décisions attaquées ne font pas état des circonstances exceptionnelles et les juges de première instance ne les ont pas qualifiées ;
- en méconnaissance des dispositions de l'article R. 6152-77 du code de la santé publique, le chef d'établissement n'a pas informé immédiatement le directeur général du centre national de gestion des praticiens hospitaliers (CNG) ;
Sur la légalité interne :
- contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, les moyens de légalité interne développés devant n'étaient pas tardifs et par suite pas irrecevables dès lors que dans sa requête introductive d'instance, elle a expressément indiqué que l'absence de motivation des décisions lui interdisait ainsi qu'au juge d'en apprécier la régularité interne ;
- les problématiques de continuité du service et de sécurité des patients du service oncologie ne résultent pas de son comportement mais de la carence de la politique managériale de la direction de l'hôpital ; elles n'ont au demeurant pas été résolues par sa suspension d'activité ;
- contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, dans la mesure où elle n'a pas commis de faute, elle ne pouvait pas être suspendue ;
- les décisions contestées présentent le caractère d'une sanction disciplinaire déguisée ;
- elles sont entachées de détournement de pouvoir.
La requête a été communiquée le 20 août 2020 au centre hospitalier départemental de Castelluccio qui n'a pas produit de mémoire malgré la mise en demeure qui lui a été adressée le 19 novembre 2020.
Par ordonnance du 17 mars 2021, la clôture de l'instruction a été fixée au 19 avril 2021.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la santé publique ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Massé-Degois,
- et les conclusions de M. Gautron, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A..., oncologue, praticienne hospitalière, a été suspendue à titre provisoire et conservatoire, avec maintien de traitement, par des décisions en date des 1er et 19 octobre 2018, des 29 novembre et 18 décembre 2018 et des 18 février, 19 avril et 25 juin 2019 du directeur du centre hospitalier de Castelluccio pour des durées d'un mois couvrant la période du 2 octobre 2018 au 2 août 2019 pour des motifs tirés de la sécurité des malades et de la continuité du service. Elle relève appel du jugement n° 1801262, 1900028, 1900269, 1900763 et 1901059 du 7 juillet 2020 par lequel le tribunal administratif de Bastia a rejeté ses demandes.
2. S'il appartient au directeur général de l'agence régionale de santé compétent de suspendre immédiatement, sur le fondement de l'article L. 4113-14 du code de la santé publique, le droit d'exercer d'un médecin qui exposerait ses patients à un danger grave et au directeur général du Centre national de gestion (CNG) des praticiens hospitaliers de suspendre un praticien pour une durée maximale de six mois en application des dispositions de l'article R. 6152-77 du code de la santé publique dans le cas où l'intéressé fait l'objet d'une procédure disciplinaire, le directeur d'un centre hospitalier, qui aux termes de l'article L. 6143-7 du même code " exerce son autorité sur l'ensemble du personnel " de son établissement, peut également, dans des circonstances exceptionnelles où sont mises en péril la continuité du service et la sécurité des patients, décider de suspendre les activités cliniques et thérapeutiques d'un praticien hospitalier au sein de l'établissement, à condition cependant d'en référer immédiatement aux autorités compétentes pour prononcer la nomination du praticien concerné.
3. Il ne ressort d'aucune des pièces du dossier et il n'est pas même allégué que le directeur du centre hospitalier de Castelluccio, qui a suspendu Mme A... à plusieurs reprises pour des périodes d'un mois à compter du 2 octobre 2018 jusqu'au 2 août 2019, aurait transmis au directeur général du CNG ses décisions de suspension prises les 1er et 19 octobre 2018, les 29 novembre et 18 décembre 2018 et les 18 février, 19 avril et 25 juin 2019 ou aurait informé cette autorité, ou une autre autorité compétente, de ces décisions. Dans ces conditions, et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête, Mme A... est fondée à soutenir que ces sept décisions sont entachées d'illégalité et que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande tendant à leur annulation.
Sur les frais liés au litige :
4. En application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du centre hospitalier de Castelluccio une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par Mme A... et non compris dans les dépens.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Bastia du 7 juillet 2020 et les décisions des 1er et 19 octobre 2018, des 29 novembre et 18 décembre 2018 et des 18 février, 19 avril et 25 juin 2019 du directeur du centre hospitalier de Castelluccio sont annulés.
Article 2 : Le centre hospitalier de Castelluccio versera à Mme A... une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... A... épouse B... et au centre hospitalier de Castelluccio.
Délibéré après l'audience du 21 octobre 2021, où siégeaient :
- M. Alfonsi, président de chambre,
- Mme Massé-Degois, présidente assesseure,
- M. Sanson, conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 10 novembre 2021.
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N° 20MA02597