Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler la décision en date du 23 octobre 2018 par laquelle le directeur du centre pénitentiaire de Villeneuve-lès-Maguelonne a refusé de proposer son inscription au tableau d'avancement au grade de premier surveillant pénitentiaire au titre de l'année 2019, ensemble la décision du 16 novembre 2018 rejetant son recours gracieux contre ce refus.
Par une ordonnance n°1900221 du 13 octobre 2020, le président de la troisième chambre du tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 10 décembre 2020, M. B..., représenté par Me Janura, demande à la Cour :
1°) d'annuler cette ordonnance du tribunal administratif de Montpellier du 3 octobre 2020 ;
2°) d'annuler la décision de son chef d'établissement du 23 octobre 2018 refusant de proposer son inscription au tableau d'avancement au grade de premier surveillant pénitentiaire pour l'année 2019, ainsi que la décision du 16 novembre 2018 rejetant son recours gracieux contre ce refus ;
3°) d'enjoindre au garde des sceaux, ministre de la justice, de réexaminer sa candidature pour l'inscription au projet de prochain tableau d'avancement au grade de premier surveillant ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- l'ordonnance est entachée d'irrégularité et d'erreur de droit, dès lors qu'elle procède d'une dénaturation des conclusions dont le tribunal était saisi et que le refus de proposer l'inscription d'un agent au tableau d'avancement est susceptible de recours ;
- les décisions de refus en litige ont été prises par une autorité incompétente, seul le directeur interrégional ayant compétence pour ce faire ;
- en retenant des motifs qui sont étrangers à l'appréciation de sa valeur professionnelle, le chef du centre pénitentiaire a commis une erreur de droit.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 23 novembre et 1er décembre 2021, le garde des sceaux, ministre de la justice, conclut au rejet de la requête, en soutenant que la demande est irrecevable car dirigée contre une mesure insusceptible de recours.
Vu :
- les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n°83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n°84-16 du 11 janvier 1984 ;
- le décret n°2006-441 du 14 avril 2006 ;
- le décret n° 2010-888 du 28 juillet 2010 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Revert,
- les conclusions de M. Ury, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., surveillant brigadier en poste au centre pénitentiaire de Villeneuve-lès-Maguelonne, a présenté le 7 septembre 2018 sa candidature pour l'avancement au grade de premier surveillant pénitentiaire, au titre de l'année 2019. Par décision du 23 octobre 2018, le directeur du centre pénitentiaire a refusé de proposer son inscription au tableau d'avancement à ce grade et a rejeté son recours gracieux par décision du 16 novembre 2018. Par ordonnance du 3 octobre 2020, dont M. B... relève appel, le président de la troisième chambre du tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces deux décisions.
2. Aux termes de l'article R. 222-1 du code de justice administrative : "(...) les présidents de formation de jugement des tribunaux et des cours et les magistrats ayant une ancienneté minimale de deux ans et ayant atteint au moins le grade de premier conseiller désignés à cet effet par le président de leur juridiction peuvent, par ordonnance : (...) 4° Rejeter les requêtes manifestement irrecevables, lorsque la juridiction n'est pas tenue d'inviter leur auteur à les régulariser ou qu'elles n'ont pas été régularisées à l'expiration du délai imparti par une demande en ce sens ; (...) ".
3. Par ailleurs, l'article 58 de la loi du 11 janvier 1984 dispose que : " Sauf pour les emplois laissés à la décision du Gouvernement, l'avancement de grade a lieu, selon les proportions définies par les statuts particuliers, suivant l'une ou plusieurs des modalités ci-après : 1° Soit au choix, par voie d'inscription à un tableau annuel d'avancement, établi après avis de la commission administrative paritaire, par appréciation de la valeur professionnelle des agents (...) ". Aux termes de l'article 14 du décret du 14 avril 2006 portant statut particulier des corps du personnel de surveillance de l'administration pénitentiaire : " Peuvent être promus au grade de premier surveillant : (...) 2° Dans la limite du neuvième de l'ensemble des promotions de grade de l'année à réaliser au titre du présent article, par voie d'inscription sur un tableau annuel d'avancement, les surveillants brigadiers qui comptent, au 1er janvier de l'année au titre de laquelle le tableau d'avancement est arrêté, quinze ans de services effectifs dans le corps.". Enfin, l'article 12 du décret du 28 juillet 2010 relatif aux conditions générales de l'appréciation de la valeur professionnelle des fonctionnaires de l'Etat dispose que : " " Le tableau d'avancement prévu à l'article 58 de la loi du 11 janvier 1984 susvisée est préparé, chaque année, par l'administration en tenant compte notamment :1° Des comptes rendus d'entretiens professionnels ou des notations pour les agents soumis au régime de la notation ;2° Des propositions motivées formulées par les chefs de service, notamment au regard des acquis de l'expérience professionnelle des agents au cours de leur carrière ; 3° Pour les périodes antérieures à l'entrée en vigueur du présent décret, des comptes rendus d'entretien professionnel ou des notations et, pour les agents qui y étaient soumis, des évaluations retracées par les comptes rendus de l'entretien d'évaluation. ".
4. Il résulte des dispositions législatives et réglementaires citées au point précédent que le tableau d'avancement au grade de premier surveillant de l'administration pénitentiaire, établi à partir d'un nombre maximum de postes ouverts à cette voie de promotion, égal à un neuvième de l'ensemble des promotions de grade de l'année en cause, revêt le caractère d'un acte indivisible, dont un agent public ne peut demander l'annulation seulement en tant qu'il n'y figure pas, mais doit demander l'annulation dans son entier. Par ailleurs, si en application de l'article 12 du décret du 28 juillet 2010, il est tenu compte dans l'établissement du tableau d'avancement "des propositions motivées formulées par les chefs de service", l'absence de proposition par un chef de service d'un agent pour un avancement de grade n'est pas détachable de la procédure d'avancement à la poursuite de laquelle elle ne fait pas obstacle et n'a pas le caractère d'une décision susceptible d'être déférée au juge de l'excès de pouvoir.
5. Il ressort des pièces du dossier que, par sa lettre du 23 octobre 2018, le directeur du centre pénitentiaire de Villeneuve-lès-Maguelone a refusé de proposer la candidature de M. B... à l'avancement au grade de premier surveillant pénitentiaire pour l'année 2019.La requête de l'intéressé tendait à l'annulation de cette mesure. Or, en rejetant sur le fondement des dispositions précitées de l'article R222-1 du code de justice administrative comme manifestement irrecevable son recours qui, en vertu de ses termes mêmes, avait ce seul objet, au motif que sa demande devait être regardée comme tendant à l'annulation partielle du tableau d'avancement au grade de premier surveillant au titre de l'année 2019, le premier juge s'est mépris sur l'objet de la demande dont il était saisi et a ainsi entaché son ordonnance d'irrégularité. Cette ordonnance doit donc être annulée.
6. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu d'évoquer l'affaire et de statuer sur la demande de M. B....
7. Il résulte de ce qui a été dit au point 3 que la lettre en litige, qui se borne à refuser de proposer le requérant pour un avancement au grade de premier surveillant, n'est pas détachable de la procédure d'avancement et n'est donc pas elle-même susceptible de recours direct devant le juge, le tableau d'avancement pris dans son entier étant quant à lui attaquable. Il en va de même de la décision du 16 novembre 2018 rejetant son recours gracieux contre ce refus. Par suite, la demande de M. B... tendant à l'annulation de ces deux décisions est irrecevable et doit être rejetée. Il en doit en aller de même, par voie de conséquence, de ses conclusions à fin d'injonction et de celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D É C I D E :
Article 1er : L'ordonnance n° 1900221 du 13 octobre 2020 est annulée.
Article 2 : La demande de M. B..., ainsi que ses conclusions d'appel tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sont rejetées.
Article 3: Le présent arrêt sera notifié à M. B... et au garde des sceaux, ministre de la justice.
Délibéré après l'audience du 7 décembre 2021, où siégeaient :
- M. Badie, président,
- M. Revert, président assesseur,
- Mme Renault, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 décembre 2021.
N° 20MA045845