Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Marseille de condamner le conseil national de l'ordre des masseurs-kine´sithe´rapeutes et le conseil départemental de l'ordre des masseurs-kine´sithe´rapeutes des Bouches-du-Rhône a` lui verser la somme provisionnelle de 120 000 euros au titre de ses préjudices économiques, le montant de cette somme, étant a` parfaire après expertise, en réparation du préjudice subi a` la suite des décisions illégales prises respectivement les 25 juin 2009 et 16 septembre 2008 par ces deux instances disciplinaires.
Par une ordonnance n° 1802179 du 25 mai 2018, le président de la 7ème chambre
du tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande sur le fondement du 4° de
l'article R. 222-1 du code de justice administrative.
Par un arrêt n° 18MA03506 du 3 mars 2020, la Cour a annulé cette ordonnance du
25 mai 2018 et a renvoyé M. A... devant le tribunal administratif de Marseille pour qu'il soit statué sur sa demande.
Par une ordonnance n° 2002014 du 8 mars 2021, la présidente de la 9ème chambre du tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande sur le fondement du 4° de l'article
R. 222-1 du code de justice administrative.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 10 mai 2021, M. A..., représenté par Me Laib, demande à la Cour :
1°) d'annuler cette ordonnance du tribunal administratif de Marseille du 8 mars 2021 ;
2°) de renvoyer l'affaire devant le tribunal administratif de Marseille.
Il soutient que :
- l'ordonnance attaquée est intervenue au terme d'une procédure irrégulière, dès lors que le conseil du requérant n'a pas été rendu destinataire de l'invitation à régulariser la requête du 20 mars 2020, le courriel de mise à disposition sur l'application Télérecours ne comportant aucun fichier joint, ce dont il n'a pas manqué d'informer le greffe de la juridiction ;
- l'ordonnance attaquée comporte des numéros d'enregistrement différents en première page et dans les pages suivantes ;
- en tout état de cause, si l'invitation à régulariser porte sur la production de la demande d'indemnisation préalable, celle-ci a été communiquée devant la Cour avant qu'elle ne renvoie l'affaire au tribunal et qu'elle lui transmette nécessairement cette pièce.
Par un mémoire en défense, enregistré le 5 juillet 2021, le conseil national de l'ordre des masseurs-kinésithérapeutes et le conseil départemental de l'ordre des masseurs-kinésithérapeutes des Bouches-du-Rhône, représentés par Me Buisson, concluent au rejet de la requête et à ce que soient mis à la charge de son auteur les entiers dépens et la somme de 3 000 euros, au bénéfice de chacun des intimés, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Une lettre du 25 janvier 2022 a informé les parties, sur le fondement de l'article
R. 611-7 du code de justice administrative, que la Cour était susceptible de fonder son arrêt sur le moyen, relevé d'office, tiré de ce que les conclusions indemnitaires du requérant, tendant à la condamnation du conseil national de l'ordre des masseurs-kinésithérapeutes et du conseil départemental de l'ordre des masseurs-kinésithérapeutes des Bouches-du-Rhône, sont mal dirigées, la fonction de juger étant exercée au nom de l'Etat.
Par des observations enregistrées le 28 janvier 2022, le conseil national de l'ordre
des masseurs-kinésithérapeutes et le conseil départemental de l'ordre des masseurs-kinésithérapeutes des Bouches-du-Rhône déclarent faire leur le moyen relevé d'office et persister dans leurs précédentes écritures.
Par des observations enregistrées le 31 janvier 2022, M. A... conclut à ce que ne soit pas accueilli le moyen relevé d'office, en précisant que son recours indemnitaire s'appuie sur plusieurs fautes commises par les ordres professionnels, que la fin de non-recevoir ne lui est pas opposable, compte tenu de l'effet dévolutif de l'appel limité au motif de l'ordonnance querellée, aucune des parties n'ayant conclu au fond, et que cette cause d'irrecevabilité aurait dû donner lieu à une invitation à régulariser.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Revert,
- les conclusions de M. Angéniol, rapporteur public,
- et les observations de Me Laib, représentant M. A....
Considérant ce qui suit :
1. M. A... a saisi le tribunal administratif de Marseille, le 20 mars 2018, d'un recours tendant à l'engagement de la responsabilité du conseil départemental de l'ordre des masseurs-kine´sithe´rapeutes des Bouches-du-Rhône et du conseil national de l'ordre des masseurs-kine´sithe´rapeutes, à raison des décisions rendues les 16 septembre 2008 et
25 juin 2009 respectivement par la chambre disciplinaire de première instance du conseil régional de l'ordre des masseurs-kinésithérapeutes de Provence-Alpes-Côte-d'Azur-Corse et par la chambre disciplinaire nationale de l'ordre, et à leur condamnation a` lui verser la somme provisionnelle de 120 000 euros au titre de ses préjudices économiques. Par une ordonnance du 25 mai 2018, le président de la 7ème chambre du tribunal administratif a rejeté cette demande sur le fondement des dispositions du 4° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative, au motif que M. A... n'avait pas justifié de la présentation aux conseils de l'ordre d'une demande d'indemnisation préalable, malgré l'invitation à régulariser sur ce point sa demande que le tribunal lui avait adressée. Par un arrêt du 3 mars 2020, la Cour, saisie de l'appel de M. A..., a annulé cette ordonnance et renvoyé l'intéressé devant le tribunal administratif de Marseille pour qu'il soit statué sur sa demande. Par une ordonnance du 8 mars 2021, dont il relève appel, la présidente de la 9ème chambre du tribunal a rejeté cette demande.
Sur le bien-fondé de l'ordonnance attaquée :
2. Aux termes de l'article R. 421-1 du code de justice administrative : " La juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée. / Lorsque la requête tend au paiement d'une somme d'argent, elle n'est recevable qu'après l'intervention de la décision prise par l'administration sur une demande préalablement formée devant elle ". Il résulte de ces dispositions qu'en l'absence d'une décision de l'administration rejetant une demande formée devant elle par le requérant ou pour son compte, une requête tendant au versement d'une somme d'argent est irrecevable et peut être rejetée pour ce motif même si, dans son mémoire en défense, l'administration n'a pas soutenu que cette requête était irrecevable, mais seulement que les conclusions du requérant n'étaient pas fondées. En revanche, les termes du second alinéa de l'article R. 421-1 du code de justice administrative n'impliquent pas que la condition de recevabilité de la requête tenant à l'existence d'une décision de l'administration s'apprécie à la date de son introduction. Cette condition doit être regardée comme remplie si, à la date à laquelle le juge statue, l'administration a pris une décision, expresse ou implicite, sur une demande formée devant elle. Par suite, l'intervention d'une telle décision en cours d'instance régularise la requête, sans qu'il soit nécessaire que le requérant confirme ses conclusions et alors même que l'administration aurait auparavant opposé une fin de non-recevoir fondée sur l'absence de décision.
3. En outre, en vertu du 4° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative, les présidents de formation de jugement des tribunaux peuvent, par ordonnance, " rejeter les requêtes manifestement irrecevables, lorsque la juridiction n'est pas tenue d'inviter leur auteur à les régulariser ou qu'elles n'ont pas été régularisées à l'expiration du délai imparti par une demande en ce sens ".
4. Il ressort des énonciations de l'ordonnance attaquée que, pour rejeter la demande indemnitaire de M. A..., le premier juge, faisant application des dispositions citées au point 3, s'est fondé sur le motif que, en dépit de la demande de régularisation qui lui avait été adressée
le 20 mars 2020 et dont son conseil avait accusé réception le même jour, il n'avait produit, dans le délai de quinze jours qui lui était imparti et le respect des articles R. 412-1 et 421-1 du code de justice administrative, " ni la décision de l'administration statuant sur sa réclamation préalable, ni la preuve du dépôt de cette réclamation préalable auprès de l'administration, tendant à l'octroi d'indemnités en réparation des préjudices allégués, qui soit susceptible de faire naître une décision ".
5. Toutefois, saisie de l'appel formé par M. A... contre cette ordonnance, il appartient à la Cour, statuant dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel, de tenir compte de l'ensemble des éléments, produits en première instance, de nature à établir le respect, devant le juge de première instance, de la condition tenant à l'existence d'une décision préalable posée par l'article
R. 421-1.
6. Il ressort des pièces du dossier soumis au tribunal, saisi à nouveau de la demande de M. A... par l'effet du renvoi décidé par l'arrêt de la Cour du 3 mars 2020, ainsi que de l'ensemble des pièces qui y étaient jointes, que l'intéressé avait produit dans l'instance ouverte devant la Cour, au soutien de son mémoire complémentaire, les demandes d'indemnisation présentées au conseil national de l'ordre et au conseil départemental le 5 juin 2018 et reçues
le 8 juin 2018, lesquelles ont pu faire naître des décisions tacites de rejet avant que le premier juge ne statue. Ainsi, le premier juge disposant au dossier qui lui était soumis des demandes préalables d'indemnisation présentées par M. A... ainsi que des preuves de leur réception, c'est irrégulièrement que le tribunal a invité celui-ci à justifier sur ce point de la recevabilité de sa demande. Sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de sa requête, M. A... est donc fondé à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, la présidente de la 9ème chambre du tribunal a rejeté sa demande comme irrecevable.
7. Dans les circonstances très particulières de l'espèce, et dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice, il y a lieu pour la Cour d'évoquer l'affaire, bien qu'elle ne soit pas saisie par l'une au moins des parties de conclusions au fond.
Sur la demande indemnitaire de M. A... :
8. La justice est rendue de façon indivisible au nom de l'Etat. Il n'appartient dès lors qu'à celui-ci de répondre, à l'égard des justiciables, des dommages pouvant résulter pour eux de l'exercice de la fonction juridictionnelle assurée, sous le contrôle du Conseil d'Etat, par les juridictions administratives. Il en va ainsi alors même que la loi a conféré à des instances relevant d'autres personnes morales compétence pour connaître, en premier ressort ou en appel, de certains litiges.
9. Les sanctions disciplinaires prononcées à l'encontre de M. A... les
16 septembre 2008 et 25 juin 2009, respectivement par la chambre disciplinaire de première instance du conseil régional de l'ordre des masseurs-kinésithérapeutes de Provence-Alpes-Côte-d'Azur-Corse et par la chambre disciplinaire nationale de l'ordre, ont été prises dans l'exercice des attributions juridictionnelles que la loi confère aux ordres professionnels. Il résulte de ce qui a été dit au point précédent que seule la responsabilité de l'Etat pourrait, le cas échéant, être engagée à l'égard de M. A... du fait de ces décisions juridictionnelles. Par suite, sa demande, qui ne tend à l'engagement de la responsabilité des conseils de l'ordre des masseurs-kinésithérapeutes qu'au titre de l'exercice de leur fonction juridictionnelle, contrairement à ce qu'affirme l'intéressé, est mal dirigée. Pour ce motif d'ordre public, qui a été dûment communiqué aux parties sur le fondement de l'article R. 611-7 du code de justice administrative et qui, ayant trait au bien-fondé des prétentions du demandeur et non à leur recevabilité, n'implique pour le juge aucune obligation d'inviter le demandeur à régulariser son recours, contrairement à ce que soutient M. A..., sa demande doit être rejetée.
Sur les frais liés au litige :
10. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de laisser à chaque partie la charge de ses frais d'instance.
DECIDE :
Article 1er : L'ordonnance n° 2002014 du 8 mars 2021 est annulée.
Article 2 : La demande de M. A..., ainsi que ses conclusions tendant à l'indemnisation de ses frais d'instance, sont rejetées.
Article 3 : Les conclusions du conseil national de l'ordre des masseurs-kinésithérapeutes et du conseil départemental de l'ordre des masseurs-kinésithérapeutes des Bouches-du-Rhône présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4: Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., au conseil national de l'ordre des masseurs-kinésithérapeutes et au conseil départemental de l'ordre des masseurs-kinésithérapeutes des Bouches-du-Rhône.
Copie en sera adressée au ministre des solidarités et de la santé.
Délibéré après l'audience du 1er février 2022, où siégeaient :
- M. Badie, président,
- M. Revert, président assesseur,
- M. Ury, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 février 2022.
N° 21MA017252