Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La SELARL MJ Synergie, désignée par le tribunal de commerce de Bourg-en-Bresse le 16 juillet 2014 en qualité de liquidateur judiciaire de la SARL UP2M, et la SARL ADP Dubois ont demandé au tribunal administratif de Montpellier de fixer le montant du solde du marché de maîtrise d'œuvre confié au groupement momentané d'entreprises solidaires UP2M (mandataire) et ADP Dubois, à la somme de 1 492 846,23 euros hors taxes, de condamner la commune de Béziers à verser aux sociétés du groupement de maîtrise d'œuvre la somme de 253 692,52 euros hors taxes en ajoutant la taxe sur la valeur ajoutée de 19,6 % et les intérêts au titre du solde du marché et de rejeter les demandes reconventionnelles de la commune de Béziers. Par des conclusions reconventionnelles, la commune de Béziers a demandé au tribunal que le groupement de maîtrise d'œuvre lui rembourse au titre d'un trop perçu la somme de 107 785,61 euros hors taxes outre la TVA et les intérêts.
Par un jugement n° 1601014 du 13 décembre 2018, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté cette requête et condamné le groupement de maîtrise d'œuvre UP2M - ADP Dubois à payer à la commune de Béziers la somme de 107 785,50 euros.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et trois mémoires en réplique, enregistrés les 14 février, 18 octobre, 13 décembre 2019 et 13 janvier 2020, la SELARL MJ Synergie, en qualité de liquidateur judiciaire de la SARL UP2M Consultants, et la SARL ADP Dubois, représentées par Me Richard, demandent à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) à titre principal :
- de fixer le montant du marché à 1 492 846,24 euros hors taxes ;
- de condamner la ville de Béziers et l'OPH Béziers Méditerranée Habitat à verser aux entreprises membres du groupement d'entreprises solidaires de maîtrise d'œuvre UP2M (mandataire) / ADP Dubois la somme de 163 180,21 euros hors taxes, outre la TVA à 19,6 % et intérêts de droit, avec capitalisation ;
- de condamner la ville de Béziers au paiement de la somme de 107 785,61 euros hors taxes aux entreprises membres du groupement d'entreprises solidaires de maîtrise d'œuvre UP2M (mandataire) / ADP Dubois sous réserve du règlement par ces dernières de la condamnation fixée par le tribunal administratif de Montpellier ;
3°) à titre subsidiaire :
- de fixer le montant du marché à 1 370 784,67 euros hors taxes, tel qu'il résulte de l'application de l'index ING ;
- de condamner la ville de Béziers et l'OPH Béziers Méditerranée Habitat à verser aux entreprises membres du groupement d'entreprises solidaires de maîtrise d'œuvre UP2M (mandataire) / ADP Dubois la somme de 41 118,64 euros hors taxes au titre du solde contractuel, outre la TVA à 19,6 % et intérêts de droit, avec capitalisation ;
- de condamner la ville de Béziers et l'OPH Béziers Méditerranée Habitat à verser aux entreprises membres du groupement conjoint d'entreprises de maîtrise d'œuvre UP2M (mandataire) / ADP Dubois la somme de 122 061,57 euros hors taxes au titre des prestations supplémentaires, outre la TVA à 19,6 % et intérêts de droit, avec capitalisation ;
4°) à titre plus subsidiaire :
- de fixer le montant du marché à 1 294 003,39 euros hors taxes tel qu'il résulte de l'application de l'index TP 01 ;
- de condamner la ville de Béziers et l'OPH Béziers Méditerranée Habitat à verser aux entreprises membres du groupement d'entreprises solidaires de maîtrise d'œuvre UP2M (mandataire) / ADP Dubois, la somme de 198 842,85 euros hors taxes, au titre des prestations supplémentaires, outre la TVA à 19,6 % et intérêts de droit, avec capitalisation ;
5°) en tout état de cause :
- de condamner la ville de Béziers au paiement de la somme de 107 785,61 euros hors taxes aux entreprises membres du groupement d'entreprises solidaires de maîtrise d'œuvre UP2M (mandataire) / ADP Dubois sous réserve du règlement par ces dernières de la condamnation fixée par le tribunal administratif de Montpellier ;
- de condamner in solidum la ville de Béziers et l'OPH Béziers Méditerranée Habitat à leur verser la somme de 4 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elles soutiennent que :
1°) à titre principal :
- le tribunal n'était pas fondé à estimer que le maître d'œuvre ne pouvait pas invoquer l'avenant n° 3, dans la mesure où ce dernier ne serait pas signé par le maître d'ouvrage, dès lors qu'il résulte de la pièce n° 13 l'accord de la maîtrise d'ouvrage sur cet avenant, à la fois dans le courrier de transmission et du fait de la signature de ce document ;
- c'est également à tort que le tribunal a estimé que l'avenant n° 3 du 1er juin 2010, soit près d'un an après la signature de l'avenant n° 2, ne fixait pas non plus la rémunération définitive du maître d'œuvre, mais ne faisait que modifier la répartition des honoraires ;
- la fixation du montant du forfait définitif de maîtrise d'œuvre par les premiers juges est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- le rejet de la demande d'indemnisation des prestations supplémentaires effectuées par la maîtrise d'œuvre est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;
2°) à titre subsidiaire, sur l'erreur manifeste d'appréciation relative au montant de la demande reconventionnelle de la commune de Béziers tendant au paiement de la somme de 107 785,61 euros hors taxes en raison, selon elle, du trop-plein versé de rémunération par elle au groupement de maîtrise d'œuvre, dès lors que le solde du marché était créditeur avec (163 180,21 euros hors taxes) ou sans travaux supplémentaires (41 118,64 euros hors taxes), la demande reconventionnelle du maître d'ouvrage n'était pas fondée.
Par des mémoires en défense et d'appel incident, enregistrés les 12 septembre, 9 novembre 2019 et 9 janvier 2020, la commune de Béziers, représentée par Me Caudrelier, demande à la Cour :
1°) de rejeter l'intégralité des demandes formulées d'une part par la SELARL MJ Synergie, en sa qualité de liquidateur de la société UP2M, et d'autre part par la société ADP Dubois ;
2°) d'annuler le jugement en ce qu'il a condamné le groupement d'entreprises solidaires de maîtrise d'œuvre UP2M (mandataire) / ADP Dubois à lui payer la somme de 107 785,50 euros au titre d'un trop-perçu ;
3°) de condamner la société UP2M représentée par son mandataire judiciaire SELARL MJ Synergie à lui payer la somme de 6 865,25 euros, outre la TVA de 19,6 % applicable avec les intérêts à compter de la décision à intervenir ;
4°) de condamner la société ADP Dubois à lui payer la somme de 43 562 euros, outre la TVA de 19,6 % applicable, avec les intérêts à compter de la décision à intervenir ;
5°) de condamner solidairement la société UP2M représentée par son mandataire judiciaire SELARL MJ Synergie et la société ADP Dubois à lui payer la somme de 44 268,78 euros, outre la TVA de 19,6 % applicable, avec les intérêts à compter de la décision à intervenir ;
6°) de condamner solidairement la société UP2M, représentée par son mandataire judiciaire SELARL MJ Synergie, et la société ADP Dubois à lui payer la somme de 4 000 euros, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'avenant n° 2 ne fixe pas la rémunération du maître d'œuvre ; l'avenant n° 3 ne fixe pas non plus sa rémunération définitive ;
- sur une prétendue erreur d'appréciation dans le calcul de la rémunération de la maîtrise d'œuvre, les appelants opèrent une confusion entre l'actualisation du prix de leur marché et l'actualisation des prix des marchés de travaux qui servent au calcul de leur rémunération, ce qui constitue deux choses totalement différentes ;
- sur la rémunération supplémentaire réclamée pour des travaux supplémentaires, les juridictions ont considéré à chaque fois et à juste titre qu'il n'était pas établi que la sectorisation qui existait déjà dans les faits, décidée d'un commun accord, aurait entraîné un surcoût de travail pour la maîtrise d'œuvre ;
- sur sa demande reconventionnelle, il conviendra de réformer le jugement car le groupement n'a pas la personnalité morale et ne pouvait donc pas être condamné ; il était d'ailleurs demandé en première instance la condamnation des sociétés UP2M et ADP Dubois et non celle du groupement ; au total, elle a réglé indument à l'ensemble des intervenants de maîtrise d'œuvre (ADP Dubois, UP2M, E2CA) une somme totale de 107 785,61 euros ; toutefois, la Cour ne peut condamner qu'ADP Dubois et UP2M, seuls membres du groupement engagés dans la présente procédure ; or, la société ADP Dubois devait encore percevoir 142 266,03 euros selon le forfait provisoire, alors que 68,58 % des 270 965,81 euros de moins-value du marché sont imputables à ses prestations, soit une moins-value de ses honoraires de 185 828,35 euros après calcul de la rémunération définitive au mois m0 ; dans la mesure où, en se fondant sur le forfait provisoire, il restait à mandater en faveur d'ADP Dubois une somme de 142 266,03 euros selon le forfait provisoire, il apparait finalement que cette société a reçu indûment 43 562,32 euros (185 828,35 - 142 266,03) ; pour sa part, la société UP2M est concernée à hauteur de 10,81 % de la moins-value totale après calcul du prix au mois m0, soit une diminution de ses honoraires de 29 291,40 euros, alors qu'il restait, selon le forfait provisoire, une somme de 22 426,15 euros à mandater en sa faveur, soit un trop-payé de 6 865,25 euros (29 291,40 - 22 426,15) ; en outre, il faut ajouter à ces sommes un montant de 44 268,78 euros hors taxes versé à la suite de l'arrêt du 10 novembre 2014 au profit d'UP2M agissant, selon les termes de l'arrêt, pour le compte du groupement qu'elle forme avec ADP Dubois ; cette somme de 44 268,78 euros hors taxes devra donc être remboursée par UP2M mais également par ADP Dubois, l'instance ayant été engagée aussi pour le compte de cette dernière ; la Cour devra donc condamner individuellement les sociétés ADP Dubois et UP2M à payer respectivement les sommes de 43 562,32 euros et de 6 865,25 euros ; elle devra également condamner solidairement lesdites sociétés à lui payer la somme de 44 268,78 euros hors taxes en conséquence de l'annulation de l'arrêt de la Cour du 10 novembre 2014 par le Conseil d'Etat ;
- si les sociétés UP2M et ADP Dubois sollicitent de la Cour à titre subsidiaire que, faute de retenir le montant des honoraires fixé par l'avenant n° 3, soit retenu le montant de 1 405 020,19 euros mentionné dans le courrier de la commune du 15 octobre 2010, ce courrier adressé par un agent de la commune n'emporte aucun engagement contractuel de la part de la collectivité ; postérieurement à ce courrier, le montant définitif a été calculé par les services techniques de la commune ; ce calcul fait en réalité apparaître un honoraire total de 1 221 880,42 euros hors taxes pour la maîtrise d'œuvre ; la première erreur consiste à appliquer un seul indice aux marchés de travaux : pour déterminer le coût prévisionnel des travaux au mois zéro, UP2M et ADP Dubois utilisent uniquement l'indice TP 01 alors que certains marchés de travaux font référence à d'autres indices (notamment TP 12, BT 42...) ; la deuxième erreur est de faire application d'un coefficient de correction à l'ensemble des PRO, coefficient inapplicable puisqu'il n'a aucune réalité contractuelle ; enfin, la troisième erreur est de faire application de l'index ING à leur rémunération.
Par une ordonnance du 7 octobre 2020, la clôture d'instruction a été fixée au 3 novembre 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des marchés publics ;
- le code civil ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. A... Taormina, rapporteur,
- les conclusions de M. B... Thielé, rapporteur public,
- et les observations de Me Vuillemenot représentant la SELARL MJ Synergie, en qualité de liquidateur judiciaire de la SARL UP2M Consultants, et la société ADP Dubois, et de Me Caudrelier représentant la commune de Béziers.
Considérant ce qui suit :
1. Dans le cadre de l'opération de renouvellement urbain du quartier de la Devèze, la commune de Béziers et l'OPHLM Béziers Méditerranée, devenu l'OPH Béziers Méditerranée Habitat, ont constitué un groupement de commandes dont la commune était mandataire. Par acte d'engagement en date du 12 mars 2004, la commune de Béziers a confié l'exécution du marché de maîtrise d'œuvre pour la réalisation de cette opération au groupement conjoint momentané d'entreprises UP2M mandataire et ADP Dubois.
2. En cours d'exécution du marché, la commune de Béziers a estimé que le projet devait être affiné et découpé en quatre secteurs : PRO 1, PRO 2, PRO 3 et PRO 4. Le 2 octobre 2009, les parties ont conclu un avenant au marché ayant pour objet de modifier la répartition des honoraires au sein du groupement et de définir les secteurs opérationnels sur l'emprise du projet. La réception des marchés de travaux a été prononcée entre juillet 2007 pour le secteur PRO 1 et novembre 2012 pour les secteurs PRO 3 et 4.
3. A la suite d'un différend relatif au paiement des prestations prévues au marché, et en particulier de l'interprétation à donner à l'avenant n° 2 à ce marché, la société UP2M a saisi, en qualité de mandataire du groupement, le tribunal administratif de Montpellier d'une demande tendant à la condamnation de la commune de Béziers à lui verser la somme de 81 939,10 euros. Par un jugement en date du 8 juin 2012, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté cette demande. La Cour de céans a, par arrêt n° 12MA03411 du 10 novembre 2014, annulé ce jugement, condamné la commune de Béziers à payer à la société UP2M, en qualité de mandataire, la somme de 52 945,46 euros hors taxes et rejeté le surplus des conclusions de la société UP2M. Par une décision n° 387064 du 27 juillet 2016, le Conseil d'Etat a annulé cet arrêt au motif que la Cour avait dénaturé les pièces du dossier concernant l'interprétation de l'avenant n° 2 au marché et lui a renvoyé cette affaire. Par arrêt n° 16MA03232 du 13 février 2017, la Cour de céans a jugé que l'avenant n° 2 avait eu pour seul objet de modifier la répartition des honoraires entre les cotraitants et le sous-traitant, sans aucune incidence financière sur les sommes fixées dans l'acte d'engagement, comme le stipulait expressément celui-ci, et qu'il n'était nullement justifié de ce que la sectorisation prévue par cet avenant ait entraîné un quelconque surcoût pour la maîtrise d'œuvre.
4. La SARL ADP Dubois et la SELARL MJ Synergie, désignée par le tribunal de commerce de Bourg-en-Bresse le 16 juillet 2014 en qualité de liquidateur judiciaire de la SARL UP2M, ayant à nouveau demandé au tribunal administratif de Montpellier de fixer le montant du solde du marché à la somme de 1 492 846,23 euros hors taxes et de condamner la commune de Béziers à verser aux sociétés du groupement de maîtrise d'œuvre la somme de 253 692,52 euros hors taxes en ajoutant la TVA à 19,6 % et les intérêts au titre du solde du marché, la commune de Béziers, tout en concluant au rejet de cette requête, a demandé reconventionnellement à ce que le groupement de maîtrise d'œuvre lui rembourse, au titre d'un trop-perçu, la somme de 107 785,61 euros hors taxes, outre la TVA et les intérêts à compter du jugement.
5. La SELARL MJ Synergie, en qualité de liquidateur judiciaire de la SARL UP2M Consultants, et la société ADP Dubois relèvent appel du jugement n° 1601014 du 13 décembre 2018 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté leur requête et a condamné le groupement de maîtrise d'œuvre UP2M - ADP Dubois à payer à la commune de Béziers la somme de 107 785,50 euros.
6. La commune de Béziers conclut au rejet de cet appel principal et relève appel incident de ce jugement en tant qu'il a condamné le groupement d'entreprises solidaires de maîtrise d'œuvre UP2M (mandataire) / ADP Dubois à lui payer la somme de 107 785,50 euros au titre d'un trop-perçu.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne l'appel principal de la SARL ADP Dubois et de la SELARL MJ Synergie désignée en tant que liquidateur judiciaire de la SARL UP2M :
7. En premier lieu, il résulte de l'instruction, notamment des stipulations de l'article 4 du cahier des clauses administratives particulières (CCAP) applicable au marché et de l'article 3.2 de l'acte d'engagement, que la rémunération du maître d'œuvre devait faire l'objet, dans un premier temps, d'un forfait provisoire de rémunération, calculé par application du taux définitif de rémunération à la partie affectée aux travaux de l'enveloppe prévisionnelle puis, une fois connu le coût prévisionnel des travaux sur la base de l'estimation prévisionnelle définitive du maître d'œuvre, d'un forfait définitif, calculé par application du taux définitif de rémunération au montant de ce coût prévisionnel. Il était prévu qu'un avenant serait conclu entre les parties en cas de différence entre le montant du forfait provisoire et celui du forfait définitif et que, dans l'hypothèse où le forfait définitif serait égal au forfait provisoire, il serait simplement demandé au maître d'œuvre de s'engager par écrit sur le coût prévisionnel des travaux.
8. L'avenant n° 2 signé le 19 octobre 2009 ne stipule pas que les honoraires nouvellement répartis seront définitifs ni qu'il maintiendrait, à titre définitif, le montant du forfait provisoire. Les montants initiaux hors taxes et toutes taxes comprises sont indiqués comme étant provisoires. La circonstance que la nouvelle répartition des honoraires indiquée par l'avenant ne précise plus qu'il s'agit de montants " provisoires " ne permet pas de les considérer comme définitifs. L'existence d'un forfait définitif n'est pas non plus démontrée par le fait que l'avenant n° 2 aurait été signé deux mois après la signature des marchés de travaux de la dernière phase " PRO4 " dès lors qu'en vertu des stipulations des documents du marché, tels que précisées au point n° 3, un tel forfait ne peut être calculé qu'une fois connu le coût prévisionnel des travaux, lequel n'est pas indiqué dans l'avenant en litige. La commune de Béziers justifie n'avoir eu connaissance de ce coût que par courrier du 22 juillet 2010 de la société ADP Dubois lui transmettant un tableau récapitulatif des estimations des différentes phases, soit postérieurement à la signature de l'avenant n° 2. En outre, par lettre du 18 octobre 2010, la commune de Béziers a rappelé à cette société que sa rémunération affichée dans l'acte d'engagement était provisoire et lui a communiqué son forfait de rémunération définitif. La prétendue intention de fixer le forfait définitif de rémunération ne ressort pas davantage du projet de l'avenant rédigé par le maître d'œuvre et qui n'a finalement pas été retenu, ni de l'avenant n° 3 dont l'objet était, comme l'avenant n° 2, de modifier la répartition des honoraires de la tranche conditionnelle à la suite de l'arrêt de la mission du sous-traitant BEI au 16 mars 2010. Il s'ensuit que le caractère définitif du forfait de rémunération allégué ne résulte ni des termes de l'avenant n° 2 ni de la chronologie de son intervention, pas plus que de la commune intention des parties. Par ailleurs, les documents produits par les appelantes principales qui font, notamment, mention du nombre de réunions, de comptes rendus et des délais de travaux ne démontrent pas que la sectorisation prévue à l'avenant n° 2 aurait induit un surcoût de travail pour le groupement de maîtrise d'œuvre. Dans ces conditions et comme l'a déjà jugé la Cour de céans dans son arrêt n° 16MA03232 du 13 février 2017 revêtu de l'autorité relative de la chose jugée et définitif, rendu après renvoi devant elle à la suite de l'arrêt de cassation rendu le 27 juillet 2016 par le Conseil d'Etat, lui aussi revêtu de l'autorité relative de la chose jugée, il résulte des termes mêmes de l'avenant n° 2 signé le 19 octobre 2009, qui a eu pour effet de fixer forfaitairement et définitivement la rémunération du maître d'œuvre, que celui-ci n'avait pour objet que " de redéfinir la répartition des honoraires au sein du groupement et définir les secteurs opérationnels sur l'emprise du projet " sans conséquence financière sur le montant du marché initial.
9. En deuxième lieu, l'avenant n° 3 ne fixe pas non plus sa rémunération définitive, contrairement à ce que soutient désormais la maîtrise d'œuvre, cet avenant disposant seulement qu'il " a pour objet de modifier la répartition des honoraires de la tranche conditionnelle, suite à l'arrêt de la mission du sous-traitant BEI au 16/03/2010... ".
10. En troisième lieu, en ce qui concerne l'existence d'une erreur d'appréciation dans le calcul de la rémunération de la maîtrise d'œuvre, les appelantes principales, en reprochant au maître d'ouvrage d'avoir utilisé les indices BT et TP pour actualiser le prix des marchés de travaux et non l'indice ING résultant de l'article 5.3 du CCAP et d'avoir retenu une mauvaise date pour les indices selon l'article 5.4 du CCAP, opèrent une confusion entre l'actualisation du prix de leur marché et l'actualisation des prix des marchés de travaux qui servent au calcul de leur rémunération. Or, il résulte de l'instruction que l'acte d'engagement prévoit que la rémunération de la maîtrise d'œuvre est établie en fonction du coût des travaux et précise que l'offre est réputée établie sur la base des conditions économiques en vigueur au mois de janvier 2004, mois m0. Pour déterminer le prix des travaux au mois de janvier 2004, il faut donc se référer aux prix desdits travaux arrêtés au stade " Projet ", soit entre 2006 et 2008 selon les différents secteurs PRO1 à PRO4, et calculer leurs valeurs au mois m0, c'est-à-dire janvier 2004, en se fondant sur l'indice figurant dans les marchés de travaux, soit les indices BT et TP. Sur la base des indices BT et TP figurant dans les marchés de travaux, la commune de Béziers a calculé, à partir des prix donnés entre 2006 et 2008, les prix desdits travaux au mois m0 c'est-à-dire janvier 2004. L'indice ING, qui est un indice spécifique pour les prestations d'ingénierie comme les prestations de maîtrise d'œuvre, sert seulement à actualiser le prix des prestations du maître d'œuvre lorsqu'il existe un décalage temporel entre la fixation de la rémunération de la maîtrise d'œuvre et l'ordre de commencement des prestations, selon l'article 5.4 du CCAP.
11. En quatrième lieu, en ce qui concerne la rémunération supplémentaire réclamée par la maîtrise d'œuvre pour des travaux supplémentaires, il n'est pas établi que la sectorisation qui existait déjà dans les faits, décidée d'un commun accord, aurait entraîné un surcoût de travail pour la maîtrise d'œuvre, laquelle se borne à faire une liste des modifications en soutenant qu'elles ont entrainé un surcroit de travail, mais sans préciser ni détailler le travail supplémentaire, en sorte qu'il demeure impossible, à la lecture du tableau produit par les appelantes, de déterminer à l'initiative de qui sont intervenues les modifications de périmètre et de programme. En tout état de cause, les adaptations mineures ne permettent pas de solliciter une rémunération supplémentaire, et si la maîtrise d'œuvre indique qu'elle aurait réalisé des prestations supplémentaires liées à la conclusion des marchés de travaux à prix unitaires, elle n'apporte aucun élément permettant de vérifier cette affirmation. Si elle indique qu'il y a eu des prestations supplémentaires liées à l'interaction avec les programmes privés, elle ajoute que ces prestations ne procèdent pas d'une commande du maître d'ouvrage. Or, seule une modification de programme ou une modification de prestations décidées par le maître de l'ouvrage peut donner lieu à une adaptation et, le cas échéant, à une augmentation de sa rémunération. Enfin, l'allongement de la durée du chantier ne justifie pas le versement d'une rémunération supplémentaire.
12. Compte tenu de tout ce qui précède, la SELARL MJ Synergie, en qualité de liquidateur judiciaire de la SARL UP2M Consultants, et la SARL ADP Dubois ne sont pas fondées à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 13 décembre 2018, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté leur demande tendant à la condamnation de la commune de Béziers.
En ce qui concerne l'appel incident et les conclusions reconventionnelles de la commune de Béziers :
13. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que, par un mémoire en défense enregistré le 3 mars 2017, la commune de Béziers avait demandé au tribunal administratif de Montpellier de condamner solidairement la société ADP Dubois et la SELARL MJ Synergie, en sa qualité de liquidateur de la société UP2M, à lui rembourser la somme de 107 785,61 hors taxes, outre la taxe sur la valeur ajoutée au taux de 19,6 % applicable avec les intérêts à compter de la décision à intervenir. Dès lors, le tribunal ne pouvait au point 11 de son jugement, faisant droit à ces conclusions reconventionnelles, après avoir considéré que " ...les conclusions reconventionnelles de la commune de Béziers doivent être accueillies ", dire, à son article 2, que " ...Le groupement de maîtrise d'œuvre versera la somme de 107 785,50 euros à la commune de Béziers ", alors que ce groupement d'entreprises conjointes qui n'avait, au demeurant, pas la personnalité juridique, n'existait plus et que la société UP2M était en liquidation judiciaire, au lieu de condamner la société ADP Dubois et la SELARL MJ Synergie, en sa qualité de liquidateur de la société UP2M, à lui rembourser cette somme. Il résulte, en outre, des conclusions de la commune de Béziers que la somme qui lui est due est hors taxes et que doit y être ajoutée la taxe sur la valeur ajoutée au taux de 19,6 %.
14. Toutefois, et en second lieu, le groupement de maîtrise d'œuvre n'ayant pas la personnalité juridique et n'existant plus, et la société UP2M étant en liquidation judiciaire, le tribunal administratif de Montpellier devant, par conséquent, être regardé comme n'ayant pas statué sur les conclusions reconventionnelles formulées par la commune de Béziers, cette dernière est recevable et fondée à formuler à nouveau devant la Cour lesdites conclusions.
15. Aux termes du cahier des clauses administratives particulières : " Art. 4.2. - Le forfait définitif est réputé établi sur la base des conditions économiques en vigueur au mois m0 des études figurant à l'acte d'engagement. Art. 9. - Le coût prévisionnel des travaux est réputé établi sur la base des conditions économiques du mois zéro (m0 études) fixé par l'acte d'engagement ". Aux termes de l'article 3 de l'acte d'engagement : " le forfait définitif de rémunération (F) est arrêté dès l'établissement, au stade des études de projet (PRO), du coût prévisionnel des travaux (C) sur la base de l'estimation prévisionnelle définitive du maître d'œuvre... ". En application de ces dispositions, le montant du marché servant de base de calcul pour le forfait définitif de rémunération est de 11 240 850,25 euros. L'application des taux de rémunération à cette somme permet de fixer la rémunération définitive du maître d'œuvre à la somme de 1 221 880,42 euros, ce qui fait apparaître une moins-value des honoraires de 270 965,81 euros. Il ressort, en outre, des éléments du dossier que le maître d'ouvrage a versé au groupement de maîtrise d'œuvre la somme de 1 285 397,25 euros correspondant à 92 702,05 euros pour l'AVP, 715 617,11 euros pour les situations 1 à 23 supportés par la commune de Béziers et 477 078,09 euros supportés par l'OPH. Au titre du marché, le maître d'ouvrage a donc payé un surplus de 63 516,83 euros. Toutefois, la société ADP Dubois devait encore percevoir 142 266,03 euros selon le forfait provisoire, alors que 68,58 % des 270 965,81 euros de moins-value du marché sont imputables à ses prestations, soit une moins-value de ses honoraires de 185 828,35 euros après calcul de la rémunération définitive au mois m0. Dans la mesure où, en se fondant sur le forfait provisoire, il restait à mandater en faveur d'ADP Dubois une somme de 142 266,03 euros selon le forfait provisoire, il apparaît que cette société a reçu indûment une somme de 43 562,32 euros. La liquidation de la société UP2M est concernée à hauteur de 10,81 % de la moins-value totale, après calcul du prix au mois m0, soit une diminution de ses honoraires de 29 291,40 euros, alors qu'il restait, selon le forfait provisoire, une somme de 22 426,15 euros à mandater en sa faveur, soit un trop-payé de 6 865,25 euros.
16. Dès lors et compte tenu de ce qui précède, la commune de Béziers est fondée à demander d'une part, l'annulation du jugement du 13 décembre 2018 en ce que le tribunal administratif de Montpellier a condamné le groupement d'entreprises solidaires de maîtrise d'œuvre UP2M, mandataire / ADP Dubois à lui payer la somme de 107 785,50 euros au titre d'un trop-perçu, d'autre part, la condamnation de la SELARL MJ Synergie prise en sa qualité de liquidateur de la société UP2M à lui payer la somme de 6 865,25 euros hors taxes, outre la taxe sur la valeur ajoutée au taux de 19,6 %, et la condamnation de la société ADP Dubois à lui payer la somme de 43 562 euros hors taxes, outre la taxe sur la valeur ajoutée au taux de 19,6 %.
17. En revanche, si la commune de Béziers soutient qu'à ces sommes il y aurait lieu d'ajouter celle de 44 268,78 euros hors taxes versée à la suite de la condamnation prononcée par la cour administrative d'appel de céans le 10 novembre 2014 dont l'arrêt a été cassé par le Conseil d'Etat, de sorte qu'au total, elle aurait réglé indûment à l'ensemble des intervenants de maîtrise d'œuvre (ADP Dubois, UP2M, E2CA) une somme totale de 107 785,61 euros, il n'appartient pas à la Cour de statuer sur les restitutions éventuellement consécutives à l'annulation de ses arrêts par le Conseil d'Etat.
Sur les intérêts :
18. Aux termes de l'article 1231-7 du code civil : " En toute matière, la condamnation à une indemnité emporte intérêts au taux légal même en l'absence de demande ou de disposition spéciale du jugement. Sauf disposition contraire de la loi, ces intérêts courent à compter du prononcé du jugement à moins que le juge n'en décide autrement. / En cas de confirmation pure et simple par le juge d'appel d'une décision allouant une indemnité en réparation d'un dommage, celle-ci porte de plein droit intérêt au taux légal à compter du jugement de première instance. Dans les autres cas, l'indemnité allouée en appel porte intérêt à compter de la décision d'appel. Le juge d'appel peut toujours déroger aux dispositions du présent alinéa ".
19. En application des dispositions précitées du code civil, la commune de Béziers est fondée à demander que les sommes qui lui sont allouées portent intérêts au taux légal à compter du prononcé du présent arrêt.
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
20. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie... perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens... ".
21. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge d'une quelconque partie une somme au titre des frais exposés par une autre partie et non compris dans les dépens, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 1601014 rendu le 13 décembre 2018 par le tribunal administratif de Montpellier est annulé en son article 2.
Article 2 : La SELARL MJ Synergie prise en sa qualité de liquidateur de la société UP2M est condamnée à payer à la commune de Béziers la somme de 6 865,25 euros hors taxes soit 8 210,84 euros toutes taxes comprises.
Article 3 : La société ADP Dubois est condamnée à payer à la commune de Béziers la somme de 43 562 euros hors taxes soit 52 100,15 euros toutes taxes comprises.
Article 4 : Les sommes mentionnées aux articles 2 et 3 ci-dessus porteront intérêts au taux légal à compter du prononcé du présent arrêt.
Article 5 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL ADP Dubois, à la SELARL MJ Synergie en sa qualité de liquidateur judiciaire de la SARL UP2M et à la commune de Béziers.
Copie en sera adressée à l'office public d'habitat Béziers Méditerranée Habitat.
Délibéré après l'audience du 21 mars 2022, où siégeaient :
- M. Guy Fédou, président,
- M. A... Taormina, président assesseur,
- M. François Point, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 4 avril 2022.
N° 19MA00704 2