Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société par actions simplifiée (SAS) Manexe a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler la décision du 16 mai 2017 par laquelle le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur lui a infligée une amende de 12 000 euros pour non-respect du décompte de la durée de travail des salariés.
Par un jugement n° 1704847 du 19 novembre 2019, le tribunal administratif de Marseille a, à l'article 1er, ramené le montant de l'amende, prononcée par le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi de Provence-Alpes-Côte d'Azur par sa décision du 16 mai 2017, à la somme de 10 000 euros et à l'article 3, rejeté le surplus des conclusions de la requête de la SAS Manexe.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 11 décembre 2019 sous le n° 19MA05420, la société Manexe représentée par Me Arnaud, demande à la Cour :
1°) d'annuler les articles 1 et 3 du jugement du tribunal administratif de Marseille du 19 novembre 2019 ;
2°) d'annuler la décision du 16 mai 2017 ;
3°) subsidiairement, de ramener le montant de l'amende à 1 euros par salarié ;
4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la décision contestée est insuffisamment motivée concernant le choix de ne pas sanctionner le gérant de la société Manexe ;
- elle est dans l'impossibilité de savoir sur quelle base l'administration se fonde pour lui imposer une lourde sanction ;
- le gérant n'a jamais signé de procès-verbal de déclaration ;
- cette motivation est entachée de contradiction ;
- la lettre du 26 septembre 2016 de l'inspecteur du travail n'est qu'une simple lettre d'observations ;
- la sanction n'est pas fondée dès lors qu'il existait des plannings et qu'il n'y a eu aucune dissimulation d'emploi ;
- il ne peut lui être reprochée à la fois l'inexistence d'un horaire collectif et l'obligation d'un décompte quotidien et individuel de chaque salarié ;
- la décision contestée est entachée d'erreur de fait dès lors qu'aucun délit de travail dissimulé n'a été commis ;
- elle viole le principe de la présomption d'innocence ;
- la gravité des faits doit être atténuée dès lors qu'elle a tenu compte des observations de l'inspecteur du travail ;
- le montant de l'amende doit être ramené à 1 euro par salarié compte tenu de la gravité de la faute commise par l'administration qui lui impute un délit pénal sans preuve ;
- elle n'a aucun antécédent et est une jeune société ;
- l'amende ne pouvait être calculée à partir de 1 500 euros par huit salariés à temps plein dès lors que la moitié de ses salariés sont à temps partiel ;
- la DIRECCTE ne justifie pas de la raison pour laquelle il a été décidé d'appliquer l'amende à la société plutôt qu'à son gérant ;
- la progression de son chiffre d'affaires et de son résultat n'est pas pertinente ;
- en application de la loi pénale la plus douce, elle aurait dû bénéficier d'un avertissement et non d'une amende, selon la dernière version de l'article L. 8115-1 du code du travail.
Par un mémoire en défense, enregistré le 2 février 2022, la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion conclut au rejet de la requête de la société Manexe.
Elle fait valoir que les moyens soulevés par la société Manexe ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la Constitution ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code du travail ;
- la loi n° 2018-727 du 10 août 2018 ;
- la loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Marchessaux,
- et les conclusions de M. Chanon, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. La SAS Manexe, qui exerce une activité de restauration, a fait l'objet de contrôles de l'inspection du travail les 23 août 2016 et 11 septembre 2016 au restaurant " le Rendez-vous ", à Aix-en-Provence, qui ont révélé des manquements à l'obligation de tenue de documents de décompte individuel du temps de travail des salariés. L'inspectrice du travail a informé la société de son intention de prononcer une amende et l'a invitée à faire part de ses observations par courrier du 10 janvier 2017, auquel la requérante a répondu les 10 mars et 23 mars 2017. Par décision du 16 mai 2017, le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) de la région Provence-Alpes-Côte- d'Azur a prononcé à l'encontre de la société une amende d'un montant de 12 000 euros. La société Manexe relève appel du jugement du 19 novembre 2019 par lequel le tribunal administratif de Marseille a, à l'article 1er, ramené le montant de l'amende précitée à la somme de 10 000 euros et à l'article 3, rejeté le surplus des conclusions de la requête de la SAS Manexe.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne le bien-fondé de la sanction contestée :
2. D'une part, selon l'article L. 8113-7 du code du travail en vigueur à la date de la décision contestée : " Les agents de contrôle de l'inspection du travail mentionnés à l'article L. 8112-1 et les fonctionnaires de contrôle assimilés constatent les infractions par des procès-verbaux qui font foi jusqu'à preuve du contraire. / Ces procès-verbaux sont transmis au procureur de la République. Un exemplaire est également adressé au représentant de l'Etat dans le département. / Avant la transmission au procureur de la République, l'agent de contrôle informe la personne visée au procès-verbal des faits susceptibles de constituer une infraction pénale ainsi que des sanctions encourues. / Lorsqu'il constate des infractions pour lesquelles une amende administrative est prévue au titre V du livre VII de la quatrième partie ou à l'article L. 8115-1, l'agent de contrôle de l'inspection du travail peut, lorsqu'il n'a pas dressé un procès-verbal à l'attention du procureur de la République, adresser un rapport à l'autorité administrative compétente, dans le cadre de la procédure prévue au chapitre V du présent titre. ". Aux termes de l'article L. 8115-1 du code du travail, dans sa rédaction en vigueur à la date de la décision en litige : " L'autorité administrative compétente peut, sur rapport de l'agent de contrôle de l'inspection du travail mentionné à l'article L. 8112-1, et sous réserve de l'absence de poursuites pénales, prononcer à l'encontre de l'employeur une amende en cas de manquement : (...) / 3° A l'article L. 3171-2 relatif à l'établissement d'un décompte de la durée de travail et aux dispositions réglementaires prises pour son application ; (...) ".
3. D'autre part, aux termes de l'article L. 3171-1 du code du travail en vigueur à la date de la décision en litige : " L'employeur affiche les heures auxquelles commence et finit le travail ainsi que les heures et la durée des repos. (...) ". Selon l'article L. 3171-2 du code du travail : " Lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l'employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés. (...) ". L'article D. 3171-8 du même code dispose que : " Lorsque les salariés d'un atelier, d'un service ou d'une équipe, au sens de l'article D. 3171-7, ne travaillent pas selon le même horaire collectif de travail affiché, la durée du travail de chaque salarié concerné est décomptée selon les modalités suivantes : / 1° Quotidiennement, par enregistrement, selon tous moyens, des heures de début et de fin de chaque période de travail ou par le relevé du nombre d'heures de travail accomplies ; / 2° Chaque semaine, par récapitulation selon tous moyens du nombre d'heures de travail accomplies par chaque salarié. ". Aux termes de l'article L. 3171-3 du même code : " L'employeur tient à la disposition de l'agent de contrôle de l'inspection du travail mentionné à l'article L. 8112-1 les documents permettant de comptabiliser le temps de travail accompli par chaque salarié. La nature des documents et la durée pendant laquelle ils sont tenus à disposition sont déterminées par voie réglementaire. ". Par ailleurs, l'article R. 3173-3 de ce code prévoit que : " Le fait de ne pas présenter à l'inspection du travail les documents permettant de comptabiliser les heures de travail accomplies par chaque salarié, en méconnaissance des dispositions de l'article L. 3171-3, est puni de l'amende prévue pour les contraventions de la troisième classe ".
4. Aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : / (...) 2° Infligent une sanction (...) ".
5. La décision contestée, après avoir visé les articles L. 8115-1 à L. 8115-8, L. 3171-2 et D. 3171-8 du code du travail sur lesquels elle se fonde, mentionne que, lors de deux visites de contrôle effectuées les 23 août et 11 septembre 2016 par les services de l'inspection du travail au sein du restaurant " le Rendez-vous ", l'inspectrice du travail a constaté l'absence d'affichage d'horaires collectifs dans les locaux de travail, d'enregistrement quotidien et de récapitulatif hebdomadaire des heures de travail accomplies par les huit salariés présents. Cette décision détaille, en outre, la procédure contradictoire appliquée et les échanges intervenus avec la société Manexe, ainsi que les motifs ayant donné lieu à l'application d'une sanction de 12 000 euros à l'encontre de la société Manexe. Elle précise également qu'a été pris en compte, au titre des circonstances et de la gravité du manquement, le caractère préjudiciable du manquement pour les salariés ainsi que le fait que l'infraction concerne l'ensemble des salariés. Cette décision comporte ainsi les considérations de droit et de fait sur lesquelles elle se fonde. L'obligation de motivation résultant de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration ni aucune autre disposition législative ou réglementaire, ni aucun principe n'impose une motivation sur le choix de ne pas infliger la sanction à la personne physique qui est le représentant légal de l'entreprise. La société requérante n'est, par suite, pas fondée à soutenir qu'elle serait dans l'impossibilité de savoir sur quelle base l'administration s'est fondée pour lui imposer cette sanction.
6. La société Manexe ne peut utilement soutenir que le gérant n'a jamais signé le procès-verbal de déclaration dès lors qu'une telle formalité n'est prévue par aucun aucune disposition législative ou réglementaire. En tout état de cause, il résulte des dispositions mentionnées au point 2 que les procès-verbaux établis par les agents de l'inspection du travail font foi jusqu'à preuve du contraire. Par ailleurs, une procédure contradictoire a bien été respectée dès lors que la société Manexe a été mise à même de présenter ses observations par un courrier du 10 janvier 2017 et entendue lors d'un entretien du 7 mars 2017.
7. La décision contestée précise qu'aux termes des articles L. 3171-2 et D. 3171-8 du code du travail, lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon un horaire collectif, l'employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective pour chacun des salariés concernés. Ainsi, en l'absence d'un décompte collectif, la société Manexe devait établir les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés au sens de l'article L. 3171-2 du code du travail, ce qu'elle s'est abstenue de faire. Par suite, elle ne peut utilement soutenir que la motivation de cette décision est entachée de contradiction.
8. Il résulte de l'instruction que lors des deux visites de contrôle effectuées les 23 août et 11 septembre 2016 au sein de l'établissement " Le Rendez-vous ", l'inspectrice du travail a constaté la présence de huit salariés. Interrogés, ces derniers n'ont pas fait état d'enregistrement horaire mais de l'existence de plannings. Toutefois, la société requérante n'établit pas que ces plannings correspondraient aux documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés prévus par l'article L. 3171-2 du code du travail. Par ailleurs, le rapport du 27 septembre 2016 que l'inspectrice du travail a adressé au DIRECCTE mentionne qu'aucun décompte n'a été présenté lors du contrôle ni lorsque l'employeur a été invité à les présenter au bureau, ce dernier ayant déclaré ne pas tenir de tels décomptes. Si lors de l'entretien du 7 mars 2017, l'employeur a présenté des décomptes horaires et des plannings qu'il s'est engagé à respecter, cette circonstance est sans incidence sur les manquements constatés lors des contrôles des 23 août et 11 septembre 2016. Il en va de même de la lettre du 26 septembre 2016 par laquelle l'inspectrice du travail a fait part à la SAS Manexe d'une série d'observations faisant suite aux visites de contrôle précitées et lui demandait de bien vouloir l'informer des suites réservées à ces observations dans les meilleurs délais sans toutefois fixer de délai ferme, cette lettre n'étant pas, par ailleurs, une simple lettre d'observations dès lors qu'elle attirait l'attention de l'employeur sur le fait que le directeur régional peut, sur rapport de l'agent de contrôle de l'inspection du travail, prononcer à son encontre une amende d'un montant maximal de 2 000 euros par salarié.
9. Il résulte de la décision contestée que le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi de la région Provence-Alpes Côte d'Azur a également pris en compte, comme élément aggravant, " le délit de travail dissimulé " pour défaut de déclaration préalable à l'embauche de deux salariés présents lors des contrôles des 23 août et 11 septembre 2016 et constaté par l'inspectrice du travail. Toutefois, si ce grief n'est pas au nombre des manquements permettant le prononcé d'une sanction administrative sur le fondement de l'article L. 8115-1 du code du travail, il ne constitue qu'un élément aggravant et sa censure n'est pas susceptible d'entacher d'illégalité le bien-fondé de la sanction.
En ce qui concerne l'application de la loi répressive la plus douce :
10. Aux termes de l'article L. 8115-1 du code du travail dans sa rédaction résultant de la loi du 10 août 2018 pour un Etat au service d'une société de confiance : " L'autorité administrative compétente peut, sur rapport de l'agent de contrôle de l'inspection du travail mentionné à l'article L. 8112-1, et sous réserve de l'absence de poursuites pénales, soit adresser à l'employeur un avertissement, soit prononcer à l'encontre de l'employeur une amende en cas de manquement : / 1° Aux dispositions relatives aux durées maximales du travail fixées aux articles L. 3121-18 à L. 3121-25 et aux mesures réglementaires prises pour leur application ; / 2° Aux dispositions relatives aux repos fixées aux articles L. 3131-1 à L. 3131-3 et L. 3132-2 et aux mesures réglementaires prises pour leur application (...) ".
11. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 8115-3 du même code, dans sa rédaction en vigueur à la date des faits sanctionnés, antérieure à celle résultant de la loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel : " Le montant maximal de l'amende est de 2 000 euros et peut être appliqué autant de fois qu'il y a de travailleurs concernés par le manquement. "
12. Aux termes de l'article L. 8115-4 du même code, dans sa rédaction issue de la loi du 10 août 2018 : " Pour déterminer si elle prononce un avertissement ou une amende et, le cas échéant, pour fixer le montant de cette dernière, l'autorité administrative prend en compte les circonstances et la gravité du manquement, le comportement de son auteur, notamment sa bonne foi, ainsi que ses ressources et ses charges ".
13. Il appartient au juge administratif, statuant comme juge de plein contentieux sur une contestation portant sur une sanction que l'administration inflige à un administré, de faire application, le cas échéant, d'une loi nouvelle plus douce entrée en vigueur entre la date à laquelle l'infraction a été commise et celle à laquelle il statue.
14. En l'espèce et à ce titre, d'une part, l'article 18 de la loi du 10 août 2018, entré en vigueur postérieurement à la date à laquelle les manquements reprochés ont été commis, a ajouté à la possibilité de sanctionner un manquement de l'employeur par une amende, seule ouverte jusque-là par les articles L. 8115-1 et L. 8115-4 du code du travail, la possibilité, alternative, de prononcer à son encontre un simple avertissement, qui constitue, par rapport à l'amende, une sanction plus douce. D'autre part, en revanche, les dispositions de l'article 95 de la loi du 5 septembre 2018, qui ont modifié l'article L. 8115-3 en rehaussant le montant maximal de l'amende encourue de 2 000 à 4 000 euros par travailleur concerné, présentent le caractère de dispositions répressives plus sévères qui ne peuvent être appliquées à des manquements commis antérieurement à leur entrée en vigueur. Il s'ensuit que sont applicables en l'espèce les dispositions des articles L. 8115-1 et L. 8115-4 du code du travail, telles que citées aux points 10 et 12 ci-dessus dans leur rédaction résultant de la loi du 10 août 2018, ainsi que les dispositions du premier alinéa de l'article L. 8115-3 du même code, telles que citées au point 11 ci-dessus dans leur rédaction issue de l'ordonnance du 7 avril 2016 et antérieure à la loi du 5 septembre 2018.
15. Ces dispositions du code du travail permettent à l'autorité administrative de sanctionner, de manière distincte, d'un avertissement ou d'une amende d'un montant maximal de 2 000 euros par travailleur concerné chaque manquement constaté aux dispositions mentionnées aux 1° à 5° de l'article L. 8115-1, en prenant en compte, conformément à l'article L. 8115-4, les circonstances et la gravité du manquement, le comportement de son auteur, notamment sa bonne foi, ainsi que ses ressources et ses charges.
16. Il résulte de l'instruction que l'inspectrice du travail a constaté, lors de deux contrôles successifs des 23 août 2016 et 11 septembre 2016, un manquement à l'article L. 3171-2 relatif à l'établissement d'un décompte de la durée de travail et aux dispositions réglementaires prises pour son application pour l'ensemble des huit salariés de l'établissement de la société Manexe. Elle a également pris en compte le fait que l'employeur qui, entre ces deux visites, n'a mis en place aucun système de décompte de la durée du travail, ne s'est manifesté qu'à partir de la réception du courrier du 10 janvier 2017 par lequel l'inspectrice du travail l'a informé de son intention de prononcer une amende. Par ailleurs, la société Manexe n'a régularisé sa situation que lors de l'entretien du 7 mars 2017, en présentant des décomptes horaires et des plannings qu'il s'est engagé à respecter. Par suite, eu égard à la nature et à la gravité des manquements, du comportement de l'employeur et du nombre de salariés en cause, et alors que la société requérante n'établit pas ni même n'allègue connaître des difficultés financières, le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi de la région Provence-Alpes Côte d'Azur a pu légalement prononcer une amende plutôt qu'un avertissement alors même qu'elle serait une société nouvellement créée, sans précédent, cette seule circonstance n'étant pas suffisante pour lui infliger seulement un avertissement.
En ce qui concerne le montant de l'amende en litige :
17. Si la société requérante soutient que la moitié des salariés sont à temps partiel, cette circonstance est sans incidence sur le montant de l'amende contestée dès lors que les dispositions de l'article L. 8115-3 du code du travail prévoient qu'il est fixé par travailleur concerné par le manquement nonobstant sa durée de travail. En outre, elle ne peut utilement soutenir que la prise en compte de la progression de son chiffre d'affaires n'est pas pertinente en raison du caractère récent de son activité.
18. En raison des responsabilités qui incombent aux personnes morales employeurs, les manquements commis par les dirigeants de ces sociétés ou leurs préposés au titre des dispositions de l'article L. 8115-1 du code du travail sont de nature à leur être directement imputés en leur qualité de personnes morales, dès lors qu'ils ont agi dans le cadre de leurs fonctions, sans que soit méconnu le principe constitutionnel de responsabilité personnelle. Il n'est pas contesté que le gérant de la SAS Manexe a agi dans le cadre de ses fonctions. Ainsi, le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi a pu légalement infliger une amende à la SAS Manexe, plutôt qu'à son gérant.
19. Compte tenu de ce qui a été dit au point 9, le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi de la région Provence-Alpes Côte d'Azur ne pouvait prendre en compte, comme élément aggravant, " le délit de travail dissimulé ". Ainsi, comme l'a estimé à juste titre le tribunal, cette circonstance est de nature à entraîner une réduction du montant de l'amende infligée à 1 250 euros par salarié, soit à la somme totale de 10 000 euros. La société Manexe ne peut utilement soutenir que le montant de l'amende doit être ramené à 1 euros par salarié en raison de la gravité de la faute commise par l'administration imputant à un administré sans preuve un délit pénal pour le sanctionner dès lors qu'une telle faute, à la supposer établie, ne peut être prise en compte au stade de la fixation de l'amende et qu'il revient à la société requérante, si elle s'y croit fondée, d'engager, le cas échant, la responsabilité de l'Etat. Par ailleurs, comme dit au point 8, l'inspectrice du travail a constaté un manquement à l'article L. 3171-2 du code du travail relatif à l'établissement d'un décompte de la durée de travail pour les huit salariés de l'établissement, lequel est établi et de nature à entraîner l'application d'une amende.
20. En relevant un " délit " de travail dissimulé, l'inspectrice du travail n'a commis aucun abus de pouvoir, ni méconnu la présomption d'innocence de la société Manexe dès lors qu'en vertu des articles L. 8271-7 et L. 8271-1-2 du code du travail, les infractions aux interdictions du travail dissimulé prévues à l'article L. 8221-1 du même code sont recherchées par les agents de contrôle de l'inspection du travail.
21. Il résulte de tout ce qui précède que la SAS Manexe n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par les articles 1 et 3 du jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille, a ramené le montant de l'amende, prononcée par le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi de Provence-Alpes-Côte d'Azur par sa décision du 16 mai 2017, à la somme de 10 000 euros et à l'article 3, rejeté le surplus des conclusions de la demande de la SAS Manexe.
Sur les frais liés au litige :
22. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. ".
23. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme demandée par la société Manexe au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de la SAS Manexe est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS Manexe et à la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion.
Copie en sera adressée à la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur.
Délibéré après l'audience du 25 mars 2022, où siégeaient :
- M. Pocheron, président de chambre,
- Mme Ciréfice, présidente assesseure,
- Mme Marchessaux, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 8 avril 2022.
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N° 19MA05420
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