Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme C... A... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler la décision de suppression de l'emploi qu'elle occupait jusqu'en mars 2017, et le changement d'affectation qui lui a été imposé, ainsi que la décision du 4 décembre 2017 par laquelle le maire de la commune de Trets a rejeté sa demande indemnitaire et sa demande de protection fonctionnelle, d'enjoindre à la commune de Trets de la rétablir dans son emploi de responsable de la gestion administrative des marchés publics, de lui accorder le bénéfice de la protection fonctionnelle, enfin, de condamner la commune de Trets à lui verser la somme de
44 177,64 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis et des frais de justice exposés, assortie des intérêts au taux légal, à compter de sa demande du 2 octobre 2017.
Par un jugement n° 1800869 du 6 janvier 2020, le tribunal administratif de Marseille a rejeté ses demandes et mis à sa charge une somme de 1 200 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 10 mars 2020 et le 24 mai 2022,
Mme A..., représentée par Me Melich, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du 6 janvier 2020 ;
2°) d'annuler la décision de changement d'office de son affectation :
3°) d'annuler la décision, en date du 4 décembre 2017, par laquelle le maire de la commune de Trets a rejeté sa demande indemnitaire et sa demande de protection fonctionnelle ;
4°) d'enjoindre à la commune de Trets de la rétablir dans son emploi de responsable de la gestion administrative des marchés publics ou dans un emploi équivalent correspondant à son grade, et de lui accorder le bénéfice de la protection fonctionnelle ;
5°) de condamner la commune de Trets à lui verser la somme de 40 477,63 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis et des frais de justice exposés, assortie des intérêts au taux légal à compter de sa demande du 2 octobre 2017 ;
6°) de mettre à la charge de la commune de Trets la somme de 2 300 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la décision de changement d'affectation d'office ne peut être regardée comme une mesure d'ordre intérieur, dès lors qu'elle l'a privée des responsabilités exercées dans son poste précédent et que le poste d'affectation ne correspond pas aux fonctions auxquelles ouvre droit son grade de rédacteur territorial principal de première classe ;
- elle est entachée d'un vice de procédure dès lors que la commission administrative paritaire n'a pas été consultée alors que ses responsabilités professionnelles ont été diminuées en tant qu'elle exerce non plus des fonctions d'encadrement mais des fonctions subalternes sous l'autorité d'un agent de catégorie C et que l'emploi sur lequel elle a été affectée ne correspond pas à son grade de rédacteur territorial, en méconnaissance de l'article 52 de la loi du
26 janvier 1984 ;
- son affectation définitive à la direction des ressources humaines a été prise sans être précédée d'un avis de vacance, en méconnaissance des articles 14 et 41 de la loi du
26 janvier 1984 ;
- elle est entachée d'un vice de procédure dès lors qu'elle n'a pas été préalablement invitée à consulter son dossier avant son changement d'affectation, mesure qui a été prise en considération de sa personne ;
- elle a été reclassée dans un emploi non défini au service des ressources humaines ne correspondant pas à son grade, en méconnaissance du II de l'article 2 du décret n° 2012-924 du 30 juillet 2012 ;
- la décision n'a pas été prise dans l'intérêt du service ; les lacunes et erreurs qui lui ont été reprochées sont sans fondement ; elle n'a jamais été informée de la décision prise par l'autorité territoriale d'externaliser la gestion administrative des nouveaux marchés publics ; la proposition technique et financière produite par la commune ne suffit pas à établir l'externalisation de la gestion des marchés publics ; la passation et la gestion des marchés publics n'ont pas été transférées à la métropole en ce qui concerne les compétences communales ; la commune de Trets démontre qu'elle continue à gérer ses propres marchés publics, en témoignent les recrutements successifs effectués par le maire de la commune en 2020 et 2022 pour occuper l'emploi de responsable du service de marchés publics, à temps complet ;
- elle a été victime de faits de harcèlement moral ;
- ces faits de harcèlement moral justifiaient qu'il lui soit accordé la protection fonctionnelle, et, dans ce cadre, que soient pris en charge ses frais d'avocat ;
- elle a subi un préjudice résultant des frais d'avocat exposés à hauteur de la somme de 2 400 euros en première instance et de 2 300 euros en appel ;
- le préjudice financier occasionné par la perte des primes RIFSEEP consécutive à son absentéisme doit être évalué, à la date du 1er août 2019, à la somme de 15 360,01 euros, somme à parfaire ;
- la baisse de 50 % de la prime de fin d'année 2017 consécutive à son absentéisme représente un préjudice de 1 242, 06 euros net auquel s'ajoute les cotisations sociales ;
- les frais de réservation avancés pour ses congés annuels prévus en septembre 2017 et annulés en raison de son état de santé représentent une somme de 500 euros ;
- le préjudice résultant des pertes liées aux participations dans le collège des élus aux jurys de concours ou examens professionnels doit être évalué à la somme de 950 euros ;
- la perte de chance d'obtenir une promotion interne au grade d'attachée territoriale doit être chiffrée à la somme de 14 440 euros, à laquelle s'ajoutent les pertes de pensions de retraite eu égard à l'indice qu'elle aurait dû détenir six mois avant la jouissance de ses droits ;
- son préjudice moral doit être indemnisé à hauteur de la somme de 10 000 euros.
Par un mémoire en défense, enregistré le 4 mai 2022, la commune de Trets, représentée par Me Guin, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de Mme A... la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- c'est à bon droit que le tribunal a qualifié le changement d'affectation en litige de mesure d'ordre intérieur, qui est dépourvue de tout effet sur la situation de l'intéressée, dont la rémunération demeure inchangée et dont les nouvelles responsabilités et attributions sont équivalentes à celles de son précédent poste et correspondent à son grade ;
- cette décision a été prise dans l'intérêt du service, les fonctions occupées correspondent à son grade, elle n'a pas été prise en considération de sa personne, mais résulte des transferts d'une grande partie des compétences communales à la métropole à compter du
1er janvier 2018 ;
- les vices de procédure allégués ne sont pas fondés ;
- la commune ne peut être accusée d'aucun acte constitutif de harcèlement moral, elle était donc fondée à rejeter sa demande de protection fonctionnelle et ses demandes indemnitaires.
Par ordonnance du 31 mai 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 27 juin 2022,
à 12 heures.
Par une lettre du 3 juin 2022 la Cour a demandé à la commune de Trets, sur le fondement de l'article R. 613-1-1 du code de justice administrative, de produire les conventions d'assistance à maîtrise d'ouvrage en matière de marchés publics, conclues avec la société Carlys ou tout autre prestataire, ainsi que l'organigramme du personnel de la commune affecté dans les services support, entre 2017 et 2020.
La commune de Trets a produit les pièces demandées les 14 et 24 juin 2022, qui ont été communiquées, ainsi qu'un mémoire, enregistré, après clôture, le 27 juin 2022, qui n'a pas été communiqué.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
- le décret n° 2012-924 du 30 juillet 2012 ;
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la Cour a désigné M. Michaël Revert, président assesseur, pour présider la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme B...,
- les conclusions de M. Angéniol, rapporteur public,
- et les observations de Me Melich, représentant Mme A..., et de Me Guin, représentant la commune de Trets.
La commune de Trets a produit une note en délibéré, enregistrée le 8 juillet 2022.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A..., fonctionnaire territoriale recrutée par la commune de Trets depuis le 1er septembre 1990, a été intégrée à compter du 1er mars 2010 dans le cadre d'emplois des rédacteurs territoriaux, et a atteint le grade de rédactrice territoriale de 1ère classe. Lors de réunions qui se sont déroulées à la mairie de Trets en mars 2017, Mme A..., jusqu'alors responsable des marchés publics, a été informée qu'elle n'exercerait plus ses anciennes fonctions à plein temps mais seulement une journée par semaine, le reste de son temps de travail devant être effectué au service des ressources humaines. Par lettre du 26 septembre 2017, Mme A... a présenté une demande indemnitaire auprès du maire de la commune de Trets au titre du harcèlement moral dont elle s'estimait victime et sollicité le bénéfice de la protection fonctionnelle. Par une décision du 4 décembre 2017, le maire de la commune de Trets a rejeté ces demandes. Mme A... relève appel du jugement du tribunal administratif de Marseille du
6 janvier 2020 en tant qu'il a, d'une part, rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de la décision du maire de la commune modifiant d'office ses tâches et son affectation, et, d'autre part, rejeté ses demandes indemnitaires en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis et tendant au bénéfice de la protection fonctionnelle.
Sur la recevabilité de la demande d'annulation de la décision de modification des tâches et l'affectation de Mme A... :
2. Les mesures prises à l'égard d'agents publics qui, compte tenu de leurs effets, ne peuvent être regardées comme leur faisant grief, constituent de simples mesures d'ordre intérieur insusceptibles de recours. Il en va ainsi des mesures qui, tout en modifiant leur affectation ou les tâches qu'ils ont à accomplir, ne portent pas atteinte aux droits et prérogatives qu'ils tiennent de leur statut ou de leur contrat ou à l'exercice de leurs droits et libertés fondamentaux, ni n'emportent de perte de responsabilités ou de rémunération. Le recours contre de telles mesures, à moins qu'elles ne traduisent une discrimination ou une sanction, est irrecevable.
3. Par ailleurs, aux termes de l'article 3 du décret du 30 juillet 2012 portant statut particulier du cadre d'emplois des rédacteurs territoriaux : " I. - Les rédacteurs territoriaux sont chargés de fonctions administratives d'application. Ils assurent en particulier des tâches de gestion administrative, budgétaire et comptable, et participent à la rédaction des actes juridiques. Ils contribuent à l'élaboration et à la réalisation des actions de communication, d'animation et de développement économique, social, culturel et sportif de la collectivité. / Les rédacteurs peuvent se voir confier des fonctions d'encadrement des agents d'exécution. Ils peuvent être chargés des fonctions d'assistant de direction ainsi que de celles de secrétaire de mairie d'une commune de moins de 2 000 habitants. / II. - Les rédacteurs principaux de 2e classe et les rédacteurs principaux de 1re classe ont vocation à occuper les emplois qui, relevant des domaines d'activité mentionnés au I, correspondent à un niveau d'expertise acquis par la formation initiale, par l'expérience professionnelle ou par la formation professionnelle tout au long de la vie. Ils peuvent à ce titre réaliser certaines tâches complexes de gestion administrative, budgétaire et comptable, être chargés de l'analyse, du suivi ou du contrôle de dispositifs ou assurer la coordination de projets. Ils peuvent également se voir confier la coordination d'une ou de plusieurs équipes, et la gestion ou l'animation d'un ou de plusieurs services. ".
4. Il ressort des pièces du dossier qu'à l'issue de réunions s'étant tenues en mairie de Trets, pour la première, le 8 mars 2017, en présence du maire de la commune, du directeur général de services (DGS) de l'élu adjoint en charge des marchés publics et de Mme A... et, pour la seconde, le 14 mars 2017, en présence des mêmes personnes et de la responsable du service des ressources humaines de la commune, il a été décidé par le maire de la commune de Trets de modifier les fonctions de Mme A... en l'affectant, du lundi au jeudi au service des ressources humaines, sous l'autorité de la responsable du service, agent de catégorie C, et, le vendredi, dans son ancien service, afin de continuer à assurer le suivi des dossiers de marchés publics en cours et que Mme A... s'est conformée à cette nouvelle organisation de ses missions, soumise à l'avis du comité technique de la commune prévu le 26 juin 2017, au plus tard à la fin du mois de mars 2017. Pour rejeter comme irrecevable la demande de Mme A... dirigée contre la décision modifiant les tâches qui lui sont confiées et, en partie, son affectation, le tribunal a qualifié cette décision de mesure d'ordre intérieur, insusceptible de recours.
5. Ainsi que l'ont relevé les premiers juges, cette modification des tâches et de l'affectation de Mme A... est compatible avec son grade, ne porte pas atteinte aux droits et prérogatives qu'elle tient de son statut dès lors qu'aucune disposition ni aucun principe général applicable aux fonctionnaires n'interdit à l'administration de prévoir qu'un fonctionnaire puisse être placé sous les ordres d'un agent de grade inférieur au sien, et ne lui ôte aucune fonction d'encadrement ni n'entraîne de perte de rémunération. Il ressort, toutefois, des pièces du dossier que si elle n'exerçait, dans ses précédentes attributions, aucune fonction d'encadrement, elle était placée sous l'autorité directe de la DGS, jouissait d'une grande autonomie dans son travail et entretenait des relations nombreuses et variées avec des partenaires extérieurs, tandis que la nouvelle organisation de son travail la place durant la majeure partie de son activité, au sein du service des ressources humaines, sous l'autorité d'une cheffe de service, elle-même sous l'autorité de la DGS, pour effectuer des tâches qui lui sont affectées par la cheffe de service, et qu'elle n'a pas la même latitude de concevoir et d'organiser. La décision de modification de ses tâches et de son affectation a ainsi eu pour effet d'amoindrir sensiblement ses responsabilités. Dans ces conditions, c'est à tort que par le jugement attaqué, les premiers juges ont considéré que la décision d'affectation en litige ne faisait pas grief à Mme A... et que sa demande tendant à l'annulation de cette mesure devait être rejetée pour ce motif, et celle-ci est fondée à demander que le jugement attaqué soit, dans cette mesure, annulé.
6. Il y a donc lieu d'annuler, dans cette mesure, le jugement attaqué et, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu pour la Cour d'évoquer partiellement le litige et de statuer dans cette limite sur les demandes tendant à l'annulation de la décision par laquelle les tâches réalisées par Mme A... et son affectation ont été partiellement modifiées, et, d'autre part, de se prononcer sur les autres demandes dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel.
Sur la légalité de la décision de modification des tâches et l'affectation de Mme A... :
7. Aux termes de l'article 52 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, dans leur rédaction applicable au litige : " L'autorité territoriale procède aux mouvements des fonctionnaires au sein de la collectivité ou de l'établissement ; seules les mutations comportant changement de résidence ou modification de la situation des intéressés sont soumises à l'avis des commissions administratives paritaires. / Dans le cas où il s'agit de remplir une vacance d'emploi compromettant le fonctionnement du service et à laquelle il n'est pas possible de pourvoir par un autre moyen, même provisoirement, la mutation peut être prononcée sous réserve d'examen ultérieur par la commission compétente ". (...) ". Si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il ressort des pièces du dossier qu'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu'il a privé les intéressés d'une garantie.
8. Il ressort des pièces du dossier et n'est pas contesté que la commune n'a pas saisi la commission administrative paritaire de la modification partielle des tâches et de l'affectation de
Mme A..., au cours de l'une des quelconques séances qui ont précédé cette nouvelle affectation, laquelle traduit pourtant une modification de la situation de l'intéressée au sens du 1er alinéa de l'article 52 de la loi du 26 janvier 1984 cité au point 7. Dans ces conditions et alors que la commune ne se prévaut pas des dispositions du second alinéa de cet article, le maire de Trets, en prenant la décision de mutation contestée sans attendre l'avis de la commission administrative paritaire, a privé Mme A... du bénéfice effectif de la garantie constituée par la consultation préalable obligatoire de cet organe consultatif paritaire. Par suite et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de sa demande, Mme A... est fondée à demander l'annulation de cette décision.
Sur les agissements de harcèlement moral allégués :
9. Aux termes de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. (...) ".
10. D'une part, il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral, de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile.
11. D'autre part, pour apprécier si des agissements dont il est allégué qu'ils sont constitutifs d'un harcèlement moral revêtent un tel caractère, le juge administratif doit tenir compte des comportements respectifs de l'agent auquel il est reproché d'avoir exercé de tels agissements et de l'agent qui estime avoir été victime d'un harcèlement moral. En revanche, la nature même des agissements en cause exclut, lorsque l'existence d'un harcèlement moral est établie, qu'il puisse être tenu compte du comportement de l'agent qui en a été victime pour atténuer les conséquences dommageables qui en ont résulté pour lui. Le préjudice résultant de ces agissements pour l'agent victime doit alors être intégralement réparé.
12. Mme A... soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral du fait de la présentation déloyale que le maire de la commune de Trets et sa DGS lui auraient fait de la modification de ses fonctions et de son affectation, à laquelle n'aurait pas correspondu leur réalité effective, de son placement sous les ordres d'un agent de grade inférieure au sien, de l'agressivité des remarques qui lui étaient faites par la responsable du service des ressources humaines, d'une éviction de son bureau dans lequel a été installé un autre agent, et de l'acharnement dont aurait fait preuve sa hiérarchie en lui adressant des reproches injustifiés et la menaçant de revoir à la baisse son régime indemnitaire.
13. En premier lieu, Mme A..., qui ne présente aucun document à l'appui de ses dires et n'établit ni n'allègue avoir demandé en vain l'établissement d'une décision formalisée modifiant ses attributions et son affectation, ni de comptes rendus des réunions en présence du maire, seul ou avec d'autres personnes, ne justifie pas suffisamment de ce que la modification partielle de ses fonctions et de son affectation différeraient de ce qui lui avait été indiqué lors de la réunion du 8 mars 2017, ni des assurances que lui aurait données le maire de la commune à ce sujet lors d'une réunion le 13 juin 2017. Il ne résulte pas davantage de l'instruction que la motivation de la modification de ses fonctions aurait varié au cours du temps, en particulier que cette décision serait motivée par les insuffisances qui lui ont été reprochées par courrier du
28 juin 2017, dès lors que la décision n'est pas motivée par les reproches qui lui ont été formulés postérieurement à la décision, mais en raison de l'anticipation d'une baisse de l'activité du service du fait du transfert de nombreuses compétences de la commune à la métropole à compter du 1er janvier 2018, et du projet de recourir à un prestataire extérieur pour assurer la gestion des marchés publics de la commune, ainsi que des besoins de personnel dans le service des ressources humaines, comme le rappelle le maire de la commune dans sa décision du
4 décembre 2017. Dans ces conditions elle ne saurait reprocher à la commune une conduite déloyale envers elle.
14. En deuxième lieu, ainsi qu'il a été dit au point 5, aucune disposition ni aucun principe général applicable aux fonctionnaires n'interdit à l'administration de prévoir qu'un fonctionnaire puisse être placé sous les ordres d'un agent de grade inférieur au sien. La commune de Trets pouvait donc, sans commettre d'illégalité, et sans porter atteinte à sa dignité ou aux prérogatives attachées à son statut, affecter Mme A..., trois jours et demi par semaine, au service des ressources humaines de la commune de Trets, sous l'autorité hiérarchique d'un agent de catégorie C et l'intéressée n'apporte pas, par la seule production d'une attestation faisant état de son mal être au travail au cours du mois de mai 2017 d'éléments propres à faire présumer le comportement agressif de la responsable du service à son égard.
15. En troisième lieu, si Mme A... se plaint de ce qu'une autre agente de la commune se soit installée, durant ses congés, et sur ordre de sa hiérarchie, dans le bureau qu'elle occupait en qualité de responsable des marchés publics, ce que cette agente a qualifié de " situation un peu gênante ", il résulte de l'instruction qu'il lui avait été demandé, par courriel de la DGS du 29 mai 2017, de transférer l'ensemble de ses affaires dans le bureau qu'elle occupait désormais une partie de la semaine au service des ressources humaines afin de pouvoir installer un autre agent dans son ancien bureau, et qu'elle n'a pas donné suite à ce message. Cette situation ne saurait, dans ces conditions, révéler une humiliation publique de Mme A....
16. En quatrième lieu, par lettre du 28 juin 2017, qui lui a été notifiée alors qu'elle était placée en arrêt maladie, le maire de la commune lui a fait part de différents griefs concernant la réalisation de tâches qui lui ont été confiées postérieurement à la modification de son poste. Toutefois, si Mme A... conteste les faits qui lui sont reprochés, qui n'ont, au demeurant, donné lieu à aucune sanction, ni aucune révision de son régime indemnitaire de ce fait, les griefs invoqués n'excèdent pas l'exercice normal du pouvoir hiérarchique et, s'il est regrettable que la lettre en question ait été adressée à l'intéressée durant son arrêt maladie, cette seule circonstance ne permet pas de faire présumer l'existence d'un harcèlement moral à son égard.
17. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A..., qui ne précise pas quelles autres fautes, distinctes, auraient pu engager la responsabilité de la commune, ne fait pas état de circonstances susceptibles de recevoir la qualification du harcèlement moral dont elle aurait été victime, constitutif d'une faute de la commune de Trets de nature à engager sa responsabilité. En conséquence, elle n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont rejeté ses conclusions à fin d'indemnisation.
Sur la légalité de la décision refusant d'accorder à Mme A... la protection fonctionnelle :
18. Aux termes de l'article 11 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " I.-A raison de ses fonctions et indépendamment des règles fixées par le code pénal et par les lois spéciales, le fonctionnaire ou, le cas échéant, l'ancien fonctionnaire bénéficie, dans les conditions prévues au présent article, d'une protection organisée par la collectivité publique qui l'emploie à la date des faits en cause ou des faits ayant été imputés de façon diffamatoire. (...) IV.- La collectivité publique est tenue de protéger le fonctionnaire contre les atteintes volontaires à l'intégrité de la personne, les violences, les agissements constitutifs de harcèlement, les menaces, les injures, les diffamations ou les outrages dont il pourrait être victime sans qu'une faute personnelle puisse lui être imputée. Elle est tenue de réparer, le cas échéant, le préjudice qui en est résulté (...) ". Ces dispositions établissent à la charge de l'administration une obligation de protection de ses agents dans l'exercice de leurs fonctions, à laquelle il ne peut être dérogé que pour des motifs d'intérêt général. Cette obligation de protection a pour objet, non seulement de faire cesser les attaques auxquelles l'agent est exposé, mais aussi d'assurer à celui-ci une réparation adéquate des torts qu'il a subis. La mise en œuvre de cette obligation peut notamment conduire l'administration à assister son agent dans l'exercice des poursuites judiciaires qu'il entreprendrait pour se défendre. Il appartient dans chaque cas à l'autorité administrative compétente de prendre les mesures lui permettant de remplir son obligation vis-à-vis de son agent, sous le contrôle du juge et compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce.
19. Il résulte des points 12 à 17 que Mme A... n'établit pas avoir été victime de faits constitutifs de harcèlement moral. Par suite, elle n'est pas fondée à demander que la commune de Trets lui accorde, à ce titre, une protection fonctionnelle ni à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Marseille a refusé de faire droit à sa demande d'annulation de cette décision de refus.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
20. D'une part, dès lors que le maire de la commune de Trets pouvait légalement refuser d'accorder à Mme A... le bénéfice de la protection fonctionnelle, les conclusions de l'intéressée tendant à ce qu'il soit enjoint au maire de lui accorder cette protection fonctionnelle ne peuvent qu'être rejetées. D'autre part, l'annulation, par le présent arrêt, de la décision modifiant les tâches et l'affectation de Mme A..., dont il résulte de l'instruction qu'elle a été réintégrée dans les effectifs de la commune à compter du 1er avril 2021, au terme de son placement en congé de longue maladie à compter du 20 juin 2017, dans un emploi de chargée du suivi de l'exécution des marchés publics, conforme à son statut et à son grade, n'implique pas, en l'espèce, qu'elle soit réintégrée dans son ancien emploi de responsable de la gestion administrative des marchés publics, qui a été supprimé, ainsi que le montrent les organigrammes produits au dossier d'instance par la commune, ni dans le nouveau poste de chef de service des marchés publics de la commune, qui ne correspond pas à son grade.
Sur les conclusions relatives aux frais d'instance :
21. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la commune de Trets la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par Mme A... et non compris dans les dépens, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ces mêmes dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de Mme A..., qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, une somme quelconque au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 1800869 du 6 janvier 2020 du tribunal administratif de Marseille est annulé en tant qu'il a rejeté la demande de Mme A... dirigée contre la décision portant changement de ses fonctions et de son affectation, prise par le maire de la commune de Trets au mois de mars 2017.
Article 2 : La décision portant changement des fonctions et de l'affectation de Mme A..., prise par le maire de la commune au mois de mars 2017, est annulée.
Article 3 : La commune de Trets versera à Mme A... la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête d'appel de Mme A... est rejeté.
Article 5 : Les conclusions de la commune de Trets présentées sur le fondement de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... A... et à la commune de Trets.
Délibéré après l'audience du 5 juillet 2022, où siégeaient :
- M. Revert, président,
- M. Ury, premier conseiller,
- Mme Renault, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 13 juillet 2022.
N° 20MA011742