Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 12 avril 2021 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office.
Par un jugement n° 2106626 du 30 novembre 2021, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
I. Par une requête n° 22MA01225 et un mémoire enregistrés le 23 avril 2022 et le 26 mai 2022, M. A..., représenté par Me Guarnieri, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler cet arrêté ;
3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer un titre de séjour d'un an
l'autorisant à travailler, dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard, à défaut, de lui enjoindre d'instruire à nouveau sa demande et de prendre une nouvelle décision dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de la commune de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- l'arrêté est insuffisamment motivé, ce qui révèle un défaut d'examen particulier de la situation personnelle ;
- la décision portant refus d'admission au séjour méconnaît le 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- elle méconnaît l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- elle méconnaît les orientations de la circulaire de 28 novembre 2012 ;
- elle méconnaît le paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- l'obligation de quitter le territoire français est illégale en conséquence de l'illégalité du refus de titre de séjour ;
- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- elle méconnaît le paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
Par un mémoire en défense enregistré le 18 mai 2022, le préfet des Bouches-du-Rhône conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 24 mars 2022.
II. Par une requête n° 22MA01228 et un mémoire enregistrés le 23 avril 2022 et le 26 mai 2022, M. A..., représenté par Me Guarnieri, demande à la Cour :
1°) d'ordonner le sursis à exécution, sur le fondement de l'article R. 811-17 du code de justice administrative, de ce jugement du 30 novembre 2021 ;
2°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler jusqu'à ce qu'il soit statué sur le recours au fond, et ce dans un délai de huit jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que l'exécution du jugement attaqué risque d'entraîner des conséquences difficilement réparables et que les moyens énoncés dans la requête sont sérieux.
Par un mémoire en défense enregistré le 18 mai 2022, le préfet des Bouches-du-Rhône conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 24 mars 2022.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New York le 26 janvier 1990 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. d'Izarn de Villefort,
- et les observations de Me Guarneri, représentant M. A....
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant comorien, a présenté une demande d'admission exceptionnelle au séjour par le travail. Par un arrêté du 12 avril 2021, le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination. L'intéressé relève appel du jugement du 30 novembre 2021 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
2. Les requêtes susvisées n° 22MA01225 et n° 22MA01228 présentées par M. A... étant dirigées contre le même jugement, il y a lieu de les joindre pour qu'elles fassent l'objet d'un seul arrêt.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
3. Aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. ". Aux termes de l'article 9 de cette convention : " les Etats parties veillent à ce que l'enfant ne soit pas séparé de ses parents contre leur gré, à moins que les autorités compétentes ne décident, sous réserve de révision judiciaire et conformément aux lois et procédures applicables, que cette séparation est nécessaire dans l'intérêt supérieur de l'enfant ".
4. Il ressort des pièces du dossier que M. A..., né le 31 décembre 1982, a fait l'objet d'une mesure d'éloignement le 25 juin 2013 après un premier séjour en France, qui a été exécutée le 2 septembre suivant. Il justifie par la production de bulletins de salaires et de formulaires établis par Pôle Emploi qu'il est revenu en France au plus tard en août 2015. Occupant auprès de différents employeurs un emploi d'agent d'entretien, il a noué une relation avec une compatriote titulaire d'une carte de résident valable jusqu'au 21 septembre 2031. Deux enfants sont nés de cette relation, le 7 septembre 2019 et le 1er mars 2021. Postérieurement à l'arrêté attaqué, le couple a conclu un pacte civil de solidarité enregistré le 12 octobre 2021. A l'exception de quelques factures, l'adresse du requérant mentionnée sur les documents produits, tels que les bulletins de salaire et les factures de gaz établis à partir de 2020 est celle de la mère et de ses enfants. Sa partenaire ayant attesté de sa participation, notamment à l'éducation de ces derniers, il justifie de sa présence lors de consultations médicales les concernant et d'achats d'aliments pour enfants en bas âge. Dans ces conditions, il est fondé à soutenir que le préfet des Bouches-du-Rhône a porté atteinte à l'intérêt supérieur de ses enfants en lui refusant la délivrance d'un titre de séjour et qu'ainsi, cette décision méconnaît les stipulations du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention relative aux droits de l'enfant.
5. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
6. Eu égard au motif d'annulation retenu au point 4 et alors qu'il ne résulte pas de l'instruction que des éléments de fait ou de droit nouveaux justifieraient que l'autorité administrative oppose une nouvelle décision de refus le présent arrêt implique pour le préfet des Bouches-du-Rhône de délivrer au requérant un titre de séjour d'un an l'autorisant à travailler. Il y a donc lieu d'adresser au préfet une injonction en ce sens, en lui impartissant, dans les circonstances de l'espèce, un délai d'un mois pour s'exécuter, sans qu'il y ait lieu d'assortir cette mesure d'une astreinte.
Sur les conclusions à fin de sursis :
7. La Cour statuant par le présent arrêt sur les conclusions de la requête de M. A... tendant à l'annulation du jugement attaqué, les conclusions de la requête n° 22MA01228 tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement sont privées d'objet. Il n'y a pas lieu, par suite, d'y statuer.
Sur les frais liés au litige :
8. M. A... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Guarnieri, avocat de M. A..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Guarnieri de la somme de 1 500 euros.
D É C I D E :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête n° 22MA01228.
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Marseille du 30 novembre 2021 et l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 12 avril 2021 sont annulés.
Article 3 : Il est enjoint au préfet des Bouches-du-Rhône de délivrer à M. A... une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée vie familiale " dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 4 : L'Etat versera à Me Guarnieri une somme de 1 500 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Guarnieri renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., au ministre de l'intérieur et des Outre-mer et à Me Guarnieri.
Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône et au procureur de la république près le tribunal judiciaire de Marseille.
Délibéré après l'audience du 15 septembre 2022, où siégeaient :
- M. Portail, président,
- M. d'Izarn de Villefort, président assesseur,
- M. Quenette, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 29 septembre 2022.
N°S 22MA01225, 22MA01228 2
nb