Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La SAS MCO a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler la décision du 11 juin 2018, par laquelle le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi de Provence-Alpes-Côte d'Azur lui a infligé une amende administrative de 55 000 euros en raison des délais excessifs de paiement de ses fournisseurs. Elle a également demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler la décision du 7 mars 2019, par laquelle le ministre chargé de l'économie a pris une décision se substituant à celle du 11 juin 2018 et lui infligeant une amende administrative ramenée à 52 000 euros en raison de ces mêmes délais excessifs de paiement de ses fournisseurs.
Par un jugement no 1810362, 1903979 du 18 décembre 2020, le tribunal administratif de Marseille a décidé qu'il n'y avait plus lieu de statuer sur les conclusions tendant à l'annulation de la décision du 11 juin 2018, a rejeté le surplus de sa demande enregistrée sous le n° 1810362 et rejeté sa demande enregistrée sous le n° 1903979.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 20 février 2021, la SAS MCO, représentée par Me Gervais de Lafond, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement no 1810362, 1903979 du tribunal administratif de Marseille ;
2°) d'annuler la décision en date du 7 mars 2019 prise par le ministre chargé de l'économie portant sanction administrative de la SAS MCO et réformant la décision du 11 juin 2018 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 500 euros sur le fondement de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
Sur la régularité des jugements :
- les premiers juges se sont mépris sur la portée du mécanisme de l'acquiescement aux faits tel que prévu par les dispositions de l'article R. 612-6 du code de justice administrative, en admettant, en absence de défense de la part de l'administration, que la compétence de l'auteur de la décision était justifiée et que le procès-verbal d'enquête était régulier ;
Sur le bien-fondé des jugements :
- la compétence du signataire de la décision du 7 mars 2019 n'est pas justifiée ;
- le procès-verbal d'enquête sur lequel s'est fondé le ministre pour lui infliger une sanction a été établi en méconnaissance des garanties instituées par les dispositions de l'article R. 450-1 du code de commerce ;
- le ministre et les premiers juges ont commis une erreur de droit et se sont mépris sur les délais de paiement auxquels elle devait se conformer en application des dispositions de l'article L. 441-6 du code de commerce ;
- la sanction qui lui a été infligée est disproportionnée.
Par un mémoire en défense, enregistré le 25 juin 2021, le ministre chargé de l'économie, conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.
Par ordonnance du 1er juillet 2021, la clôture d'instruction a été fixée au 2 septembre 2021.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de commerce ;
- le décret n° 2005-850 du 27 juillet 2005 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Isabelle Ruiz, rapporteure,
- les conclusions de M. François Point, rapporteur public,
- et les observations de Me Gervais de Lafond, représentant la SAS MCO.
Considérant ce qui suit :
1. La SAS MCO, société spécialisée dans l'organisation de congrès, notamment médicaux, a fait l'objet d'un contrôle relatif au respect des délais de paiement inter-entreprises par la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi Provence-Alpes-Côte d'Azur. Par une décision du 11 juin 2018, elle s'est vue infliger une amende de 55 000 euros. Le recours qu'elle a adressé au ministre de l'économie et des finances, par lettre du 13 août 2018, a été implicitement rejeté. Par une décision du 7 mars 2019, le ministre a ramené le montant de cette amende à 52 000 euros. Par jugement du 18 décembre 2020, dont la société requérante relève appel, le tribunal administratif de Marseille a considéré qu'il n'y avait plus lieu de statuer sur les conclusions tendant à l'annulation de la décision du 11 juin 2018, a rejeté le surplus de la demande et rejeté la seconde demande présentée par la SAS MCO tendant à l'annulation de la décision du 7 mars 2019.
Sur la régularité du jugement :
2. En premier lieu, aux termes de l'article R. 612-6 du code de justice administrative : " Si, malgré une mise en demeure, la partie défenderesse n'a produit aucun mémoire, elle est réputée avoir acquiescé aux faits exposés dans les mémoires du requérant. ". Si, lorsque le défendeur n'a produit aucun mémoire, le juge administratif n'est pas tenu de procéder à une telle mise en demeure avant de statuer, il doit, s'il y procède, en tirer toutes les conséquences de droit. Il lui appartient seulement, lorsque les dispositions précitées sont applicables, de vérifier que l'inexactitude des faits exposés dans les mémoires du requérant ne ressort d'aucune pièce du dossier.
3. Il ne saurait être reproché aux premiers juges de ne pas avoir tenu pour fondés les moyens et arguments soulevés par la société requérante dans ses écritures, même en l'absence de défense de la part de l'administration. Ainsi, alors que ni le juge ni les parties ne sont censés ignorer les actes réglementaires publiés au Journal officiel, il ne peut davantage être reproché aux premiers juges de s'être fondés sur un arrêté émanant du Premier ministre et du ministre de l'économie et des finances en date du 16 mai 2018 et ayant fait l'objet d'une publication au Journal officiel, pour écarter le moyen d'incompétence, même en l'absence de production de cet acte par l'administration. Par suite, la SAS MCO n'est pas fondée à soutenir que le jugement attaqué serait entaché d'une irrégularité tenant à la méconnaissance de la règle de l'acquiescement aux faits et à en demander, pour ce motif, l'annulation.
4. En second lieu, si la SAS MCO entend remettre en cause la régularité du jugement attaqué en se fondant sur ce que les premiers juges, en considérant régulier le procès-verbal établi le 20 février 2018 à l'issue du contrôle dont elle a fait l'objet, n'auraient pas tenu compte de l'absence de sa signature de ce procès-verbal, un tel moyen tend en réalité à remettre en cause leur appréciation sur le fond du litige qui leur était soumis et ne peut être utilement soulevé à l'appui d'une contestation de la régularité du jugement.
Sur le bien-fondé du jugement :
5. D'une part, aux termes du VI des dispositions de l'article L. 441-6 du code du commerce dans sa version applicable du 8 août 2015 au 11 décembre 2016 alors en vigueur au moment des manquements commis entre novembre 2015 et octobre 2016 : " VI.- Sont passibles d'une amende administrative dont le montant ne peut excéder 75 000 € pour une personne physique et 375 00 € pour une personne morale le fait de ne pas respecter les délais de paiement mentionnés aux huitième, neuvième, onzième et dernier alinéas du I du présent article, (...). L'amende est prononcée dans les conditions prévues à l'article L. 465-2. Le montant de l'amende encourue est doublé en cas de réitération du manquement dans un délai de deux ans à compter de la date à laquelle la première décision de sanction est devenue définitive. ".
6. D'autre part, l'article L. 465-2 alors applicable et dont les dispositions sont désormais reprises à l'article L. 470-2 du code de commerce prévoit que : " I. ' L'autorité administrative chargée de la concurrence et de la consommation est l'autorité compétente pour prononcer les amendes administratives sanctionnant les manquements mentionnés au titre IV du présent livre (...) ".
7. Enfin, aux termes de l'article R. 470-1 du code du commerce, alors applicable à la date d'édiction de la décision infligeant la sanction en litige : " L'injonction mentionnée à l'article L. 470-1 peut être contestée par la personne qui en fait l'objet devant le ministre chargé de l'économie. Ce recours est exclusif de tout autre recours hiérarchique. ".
8. Il appartient au juge administratif, lorsqu'il est saisi comme juge de plein contentieux d'une contestation portant sur une sanction prononcée sur le fondement des dispositions précitées, d'examiner tant les moyens tirés des vices propres de la décision de sanction que ceux mettant en cause le bien-fondé de cette décision.
En ce qui concerne la régularité de la sanction :
9. En premier lieu, aux termes de l'article 1er du décret du 27 juillet 2005 modifié relatif aux délégations de signature des membres du Gouvernement : " A compter du jour suivant la publication au Journal officiel de la République française de l'acte les nommant dans leurs fonctions ou à compter du jour où cet acte prend effet, si ce jour est postérieur, peuvent signer, au nom du ministre ou du secrétaire d'Etat et par délégation, l'ensemble des actes, à l'exception des décrets, relatifs aux affaires des services placés sous leur autorité : / (...) / 2° Les chefs de service (...) / Cette délégation s'exerce sous l'autorité du ou des ministres et secrétaires d'Etat dont relèvent les agents, ainsi que, le cas échéant, de leur supérieur hiérarchique immédiat. / Le changement de ministre ou de secrétaire d'Etat ne met pas fin à cette délégation, sous réserve des dispositions de l'article 4. (...) ".
10. Par arrêté du Premier ministre et du ministre de l'économie et des finances en date du 16 mai 2018, régulièrement publié au Journal officiel du 18 mai suivant, M. B... A..., administrateur civil hors classe, est " renouvelé dans l'emploi de chef du service de la protection des consommateurs et de la régulation des marchés à la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, à l'administration centrale du ministère de l'économie et des finances, pour une durée de deux ans, à compter du 13 juin 2018. ". Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de la décision en litige manque en fait.
11. En second lieu, si la société requérante se plaint de ce que le procès-verbal établi le 20 février 2018 et prévu par les dispositions de l'article L. 450-2 du code du commerce ne comporte que la signature de son auteur, elle ne saurait se prévaloir du non-respect de la garantie instituée par décret du 7 octobre 2021, soit postérieurement à la procédure en cause et à l'acte attaqué, décret qui a modifié l'article R. 450-1 du code du commerce et qui impose désormais que le procès-verbal comporte également la signature de la personne concernée par les investigations. Il s'en déduit que le moyen tiré du vice de procédure doit être écarté en raison de son caractère inopérant.
En ce qui concerne le bien-fondé de la sanction :
S'agissant du principe de la sanction :
12. Aux termes des alinéas 8 et 9 du I de l'article L. 441-6 du code du commerce dans sa version en vigueur au moment des faits : " Sauf dispositions contraires figurant aux conditions de vente ou convenues entre les parties, le délai de règlement des sommes dues est fixé au trentième jour suivant la date de réception des marchandises ou d'exécution de la prestation demandée. / Le délai convenu entre les parties pour régler les sommes dues ne peut dépasser soixante jours à compter de la date d'émission de la facture. (...) ".
13. Il résulte de l'instruction que l'enquêteur a procédé à un échantillonnage de contrôle s'agissant d'une dizaine de fournisseurs de marchandises non alimentaires diverses ou de prestataires de service et a constaté des dépassements du délai convenu prévu par l'alinéa 9 précité des dispositions de l'article 441-6 du code du commerce, sur un volume d'affaires portant sur 387 014,08 euros. La SAS MCO soutient que la règle de délai qui lui était applicable était celle prévue par l'alinéa 8 précité du même article, tenant compte comme point de départ du délai, de la date d'exécution de la prestation demandée et non, en l'absence d'accord avec ses fournisseurs, de celle prévue par l'alinéa 9 instituant un délai convenu et partant de la date d'émission de la facture. Cependant, elle ne conteste pas sérieusement le fait que les factures dont l'administration a tenu compte pour constater un dépassement du délai convenu comportaient une date d'échéance, attestant de l'existence d'un tel délai convenu. Par ailleurs, ainsi que l'a révélé l'enquête et l'a opposé l'administration, la société requérante n'apporte aucun document de nature à établir l'existence d'un quelconque accord avec ses fournisseurs qui prévoirait des délais dérogatoires au délai ainsi convenu ou serait de nature à le remettre en cause. Dans ces conditions, l'autorité administrative a pu à bon droit considérer que le délai de soixante jours avait été dépassé et lui infliger une sanction.
S'agissant du quantum de la sanction :
14. Il résulte de l'instruction qu'en ce qui concerne deux factures, la société requérante s'en est acquittée avant même l'exécution de la prestation alors que l'administration a retenu un retard de paiement. En effet, la société Viparis a émis le 12 février 2016 une facture d'un montant de 203 338,25 euros pour la location du palais des Congrès de Paris afin d'accueillir le congrès " Urgences 2016 ". Alors que le congrès n'a débuté que le 30 mai, la société requérante a réglé la facture le 27 mai soit de manière anticipée et l'administration a sanctionné un dépassement de quarante-cinq jours. De même alors que l'agence de voyages Turquoise a émis le 11 février 2016 une facture d'un montant de 7 128,50 euros pour un séjour qui devait se dérouler du 11 mai au 16 mai 2016, la société MCO s'en est acquittée le 10 mai, soit avant même l'exécution de la prestation et le dépassement sanctionné par l'administration était de vingt-neuf jours. Dans ces conditions, il ne saurait être retenu un quelconque manquement s'agissant de ces deux factures que la société a réglées avant même l'exécution de la prestation. Il en résulte qu'il y a lieu de réformer la sanction et de ramener, à proportion du volume d'affaires concerné, son montant à la somme de 14 000 euros.
Sur la proportionnalité de la sanction :
15. Alors que la société MCO cherche à faire valoir qu'aucun des fournisseurs ne s'est plaint de la date de ses paiements, que le préjudice matériel ni financier n'est pas établi par l'administration et que le dépassement des délais n'est pas motivé par une intention malveillante de sa part, ces éléments n'ont pas à être pris en compte pour l'établissement tant du principe que du quantum de la sanction. Elle invoque également le contexte particulier de la pandémie du COVID 19 qui aurait fragilisé sa situation financière. Toutefois, l'amende qui lui a été infligée et ramenée à 14 000 euros ne représente désormais plus que 0,1 % des 12,5 millions de chiffre d'affaires réalisé par l'entreprise en 2016 et 6 % de son résultat net alors que par ailleurs, elle ne justifie des difficultés économiques et financières qu'elle allègue. En outre, la société ne fournit aucun élément dont il ressortirait qu'en raison d'une situation financière fragile, l'amende serait d'un montant excessif et de nature à compromettre la pérennité de son activité. Dès lors, la sanction ainsi infligée et réduite n'est pas disproportionnée aux manquements constatés et à la situation financière de la société contrevenante.
16. Il résulte de ce qui précède que la SAS MCO est fondée à soutenir, dans la mesure de la réduction de sa sanction retenue par le présent arrêt, que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.
Sur les frais liés au litige :
17. Il y a lieu, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros qui sera versée à la SAS MCO au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.
D É C I D E :
Article 1er : La sanction infligée à la SAS MCO est ramenée à la somme de 14 000 euros.
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Marseille du 18 décembre 2020 est réformé en ce qu'il est contraire au présente arrêt.
Article 3 : L'Etat versera une somme de 2 000 euros à la SAS MCO au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS MCO et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Délibéré après l'audience du 26 septembre 2022, où siégeaient :
- M. Alexandre Badie, président de chambre,
- M. Renaud Thielé, président assesseur,
- Mme Isabelle Ruiz, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 10 octobre 2022.
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N° 21MA00749