Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
L'association Transparence des canaux de la narbonnaise, MM. E... et Mmes C... ont demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté n° DREAL-UID11-2017-39 du préfet de l'Aude du 8 novembre 2017 actualisant les prescriptions techniques applicables aux installations de purification de concentrés uranifères et de fabrication de tétrafluorure d'uranium exploitées par la société Areva NC et situées sur le territoire de la commune de Narbonne et autorisant l'exploitation d'une unité complémentaire de traitement des nitrates dénommée TDN.
Par un jugement n° 1801078 du 15 octobre 2019, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté cette demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 15 décembre 2019 et 11 novembre 2021, sous le n° 19MA05469, l'association Transparence des canaux de la narbonnaise, MM. D... et Mmes C..., représentés par Me Ambroselli, demandent à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier du 15 octobre 2019 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de l'Aude du 8 novembre 2017 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat et de la société Orano cycle la somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- leur requête est recevable ;
- l'étude d'impact est insuffisante dès lors qu'elle ne comporte aucune justification de la compatibilité du projet avec le plan de prévention des risques technologiques et que l'analyse des effets sur la santé et l'environnement est insuffisante, ces insuffisances ayant eu pour effet de nuire à l'information complète de la population et d'exercer une influence sur la décision de l'autorité administrative ;
- la puissance calorifique totale des activités de combustion a été sous-estimée, celle-ci étant en réalité supérieure à 20MW ; les activités du site comprennent donc des installations relevant des dispositions des articles L. 229-5 et L. 229-6 du code de l'environnement et sont en conséquence soumises au plan national d'affectation des quotas (PNAQ) ;
- les procédés et techniques mis en œuvre sont insuffisamment justifiés ;
- le sort des déchets radioactifs n'est exposé que de façon laconique ;
- la capacité financière d'Areva NC à construire, exploiter et cesser ses activités n'est exposée que de façon laconique ;
- la tierce expertise de M. A... n'est pas impartiale ;
- l'avis émis par l'autorité environnementale est irrégulier ;
- les deux rapports de tierce-expertise n'ont pas été soumis à enquête publique ;
- les intérêts protégés par l'article L. 511-1 du code de l'environnement ne sont pas respectés ;
- les stipulations de la convention de Barcelone et de son protocole signé à Athènes le 17 mai 1980 contre la pollution provenant de sources et activités situées à terre, qui ne sont pas mentionnés dans les pièces de la demande, ni dans celles de l'instruction, ont été méconnues ;
- les activités du site comprennent des installations relevant des dispositions des articles L. 229-5 et L. 229-6 du code de l'environnement et sont en conséquence soumises au plan national d'affectation des quotas ;
- l'arrêté attaqué méconnaît le règlement du plan de prévention des risques technologiques dès lors que la construction envisagée n'est pas indispensable.
Par une intervention, enregistrée le 7 mars 2020 et présentée à l'appui de la requête, l'association Réseau sortir du nucléaire (RSN), représentée par Me Ambroselli, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Montpellier du 15 octobre 2019 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de l'Aude du 8 novembre 2017 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat et de la société Orano cycle la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- son intervention volontaire est recevable ;
- l'étude d'impact est insuffisante dès lors qu'elle ne comporte aucune justification de la compatibilité du projet avec le plan de prévention des risques technologiques, que l'analyse des effets sur la santé et l'environnement est insuffisante, notamment s'agissant de l'analyse des effets du projet TDN cumulés avec l'ensemble des pollutions déjà émises par le site, ces insuffisances ayant eu pour effet de nuire à l'information complète de la population et d'exercer une influence sur la décision de l'autorité administrative ;
- la puissance calorifique totale des activités de combustion a été sous-estimée, celle-ci étant en réalité supérieure à 20MW ; les activités du site comprennent donc des installations relevant des dispositions des articles L. 229-5 et L. 229-6 du code de l'environnement et sont en conséquence soumises au plan national d'affectation des quotas (PNAQ) ;
- les procédés et techniques mis en œuvre sont insuffisamment justifiés ;
- le sort des déchets radioactifs n'est exposé que de façon laconique ;
- la capacité financière d'Areva NC à construire, exploiter et cesser ses activités n'est exposée que de façon laconique ;
- la tierce expertise de M. A... n'est pas impartiale ;
- l'avis émis par l'autorité environnementale est irrégulier ;
- les deux rapports de tierce-expertise n'ont pas été soumis à enquête publique ;
- les intérêts protégés par l'article L. 511-1 du code de l'environnement ne sont pas respectés ;
- les stipulations de la convention de Barcelone et de son protocole signé à Athènes le 17 mai 1980 contre la pollution provenant de sources et activités situées à terre, qui ne sont pas mentionnés dans les pièces de la demande, ni dans celles de l'instruction, ont été méconnues ;
- les activités du site comprennent des installations relevant des dispositions des articles L. 229-5 et L. 229-6 du code de l'environnement et sont en conséquence soumises au plan national d'affectation des quotas ;
- l'arrêté attaqué méconnaît le règlement du plan de prévention des risques technologiques dès lors que la construction envisagée n'est pas indispensable.
Par un mémoire en défense, enregistré le 21 juillet 2020, la société Orano Cycle, représentée par Me Boivin, conclut, à titre principal, au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge des requérants la somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, à titre subsidiaire, à ce que le juge d'appel fasse usage des pouvoirs qui lui sont conférés par l'article L. 181-18 du code de l'environnement et, à titre infiniment subsidiaire, à ce que le juge d'appel fasse usage de ses pouvoirs de juge de plein contentieux en autorisant, à titre provisoire, et le cas échéant sous réserve de prescriptions complémentaires, la poursuite de l'exploitation dans l'attente de la délivrance d'une nouvelle autorisation par le préfet de l'Aude.
Elle soutient que :
- l'intervention volontaire de l'association RSN est irrecevable ;
- les moyens soulevés par les requérants et l'association intervenante ne sont pas fondés.
Par un mémoire en défense, enregistré le 11 novembre 2021, la ministre de la transition écologique conclut au rejet de la requête.
Elle soutient que les moyens soulevés par les requérants ne sont pas fondés.
Un mémoire, présenté pour la société Orano Chimie Enrichissement, venant aux droits de la société Orano Cycle, par Me Boivin, et enregistré le 16 décembre 2021, n'a pas été communiqué en application de l'article R. 611-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la Constitution, notamment la Charte de l'environnement à laquelle renvoie son Préambule ;
- la convention de Barcelone du 16 février 1976 pour la protection de la mer Méditerranée contre la pollution modifiée ;
- le protocole d'Athènes du 17 mai 1980 modifié relatif à la protection de la mer Méditerranée contre la pollution d'origine tellurique ;
- la directive 2011/92/UE du Parlement européen et du Conseil du 13 décembre 2011 ;
- le code de l'environnement ;
- l'ordonnance n° 2017-80 du 26 janvier 2017 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Ciréfice,
- les conclusions de M. Guillaumont, rapporteur public,
- et les observations de Me Ambroselli représentant l'association Transparence des canaux de la narbonnaise et autres, ainsi que l'association Réseau sortir du nucléaire, et de Me Souchon représentant la société Orano Chimie Enrichissement.
Considérant ce qui suit :
1. La société Areva NC, devenue la société Orano Cycle, puis Orano Chimie enrichissement exploite, dans le cadre de ses activités de fabrication de combustibles nucléaires, une usine de conversion de l'uranium au lieu-dit " Malvési " sur le territoire de la commune de Narbonne. L'usine réceptionne des concentrés miniers d'uranium et met en œuvre la première étape de la conversion de ces concentrés uranifères en précédant à leur purification à un très haut degré puis à leur conversion en tétrafluorure d'uranium. Les activités exploitées sur le site de Malvési relèvent, d'une part, de la législation sur les installations classées, l'établissement étant classé Seveso seuil haut pour la zone " usine ", et, d'autre part, de la réglementation des installations nucléaires de base, s'agissant de la partie du site constituée des anciens bassins de décantation B1 et B2. La société Areva a déposé, le 16 décembre 2015, une demande d'autorisation pour la création sur le site de Malvési à Narbonne d'une installation dénommée TDN (Traitement des Nitrates) ayant pour objectif de traiter les effluents accumulés dans les lagunes d'évaporation afin de résorber le passif d'environ 350 000 m3 ainsi que les effluents qui continueront d'être produits par les installations de production via l'étape d'évaporation dans les lagunes. Le principe de traitement consiste en une décomposition chimique et thermique des effluents nitratés de façon à transformer les nitrates en azote moléculaire, d'une part, et d'autre part à piéger les substances indésirables au sein d'une matrice minérale solide évacuée vers une filière adaptée pour y être traités. Le préfet de l'Aude a, par arrêté du 8 novembre 2017, autorisé la société Areva à poursuivre l'exploitation des installations de purification de concentrés uranifères et de fabrication de tétrafluorure d'uranium et à créer une unité complémentaire de traitement des nitrates dénommée TDN au sein de son usine. L'association Transparence des canaux de la narbonnaise et autres relèvent appel du jugement 1801078 du 15 octobre 2019 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté leur demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur les fins de non-recevoir opposées à la demande de première instance par le préfet de l'Aude :
2. Il ressort des statuts versés au dossier que l'association Transparence des canaux de la narbonnaise s'est donnée pour objet de " protéger et prévenir les populations contre les risques de pollution industrielle (...) " et " protéger l'environnement (eau, air, sols) dans le pays de la Narbonnaise (communauté d'agglomération) " L'exploitation de l'installation en litige, par sa nature même, est susceptible de porter atteinte aux intérêts que ladite association est conduite à défendre aux termes de ses statuts. Dans ces conditions, cette association justifie de son intérêt à agir à l'encontre de l'arrêté contesté. Sa demande présentée devant le tribunal était, par suite, recevable. Il en va de même de la demande collective dans son ensemble, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur sa recevabilité en tant qu'elle émane de chacun des autres demandeurs.
Sur la fin de non-recevoir opposée par la Société Orano Chimie Enrichissement à l'intervention de l'association RSN :
3. Est recevable à former une intervention devant le juge du fond comme devant le juge de cassation, toute personne qui justifie d'un intérêt suffisant eu égard à la nature et à l'objet du litige. S'agissant d'un litige portant sur une autorisation délivrée au titre de la police des installations classées, devenue autorisation environnementale, l'intérêt d'un tiers à intervenir au soutien d'une demande d'annulation d'une telle autorisation doit s'apprécier compte tenu des inconvénients et dangers que présente l'installation en cause, appréciés notamment en fonction de la situation de l'intervenant et de la configuration des lieux.
4. L'association RSN, qui intervient au soutien des conclusions de la requête d'appel présentée par l'association Transparence des canaux de la narbonnaise et autres, a pour objet selon ses statuts " d'engager toutes les réflexions et actions permettant à la France de sortir du nucléaire civil et militaire, notamment en promouvant une autre politique énergétique. A cette fin, le Réseau se propose de lutter contre les pollutions et les risques pour l'environnement et la santé que représentent l'industrie nucléaire et les activités et projets d'aménagement qui y sont liés (...) ". Eu égard aux fins ainsi poursuivies et aux conséquences éventuelles du projet précité sur l'environnement, cette association, qui est par ailleurs une association agréée au titre de la protection de l'environnement sur le fondement de l'article L 141-1 du code de l'environnement, justifie d'un intérêt suffisant pour intervenir dans la présence instance. Par suite, son intervention est recevable.
Sur le droit applicable et l'office du juge :
5. Les dispositions de l'ordonnance du 26 janvier 2017 susvisée relative à l'autorisation environnementale et codifiées aux articles L. 181-1 et suivants du code de l'environnement, instituent une autorisation environnementale dont l'objet est de permettre qu'une décision unique tienne lieu de plusieurs décisions auparavant distinctes dans les conditions qu'elles précisent.
6. L'article 15 de cette ordonnance précise les conditions d'entrée en vigueur de ces dispositions : " Les dispositions de la présente ordonnance entrent en vigueur le 1er mars 2017, sous réserve des dispositions suivantes : / 1° Les autorisations délivrées au titre du chapitre IV du titre Ier du livre II ou du chapitre II du titre Ier du livre V du code de l'environnement dans leur rédaction antérieure à la présente ordonnance, ou au titre de l'ordonnance n° 2014-355 du 20 mars 2014 ou de l'ordonnance n° 2014-619 du 12 juin 2014, avant le 1er mars 2017, sont considérées comme des autorisations environnementales relevant du chapitre unique du titre VIII du livre Ier de ce code, avec les autorisations, enregistrements, déclarations, absences d'opposition, approbations et agréments énumérés par le I de l'article L. 181-2 du même code que les projets ainsi autorisés ont le cas échéant nécessités ; les dispositions de ce chapitre leur sont dès lors applicables, notamment lorsque ces autorisations sont contrôlées, modifiées, abrogées, retirées, renouvelées, transférées, contestées ou lorsque le projet autorisé est définitivement arrêté et nécessite une remise en état ; / 2° Les demandes d'autorisation au titre du chapitre IV du titre Ier du livre II ou du chapitre II du titre Ier du livre V du code de l'environnement, ou de l'ordonnance n° 2014-355 du 20 mars 2014 ou de l'ordonnance n° 2014-619 du 12 juin 2014 régulièrement déposées avant le 1er mars 2017 sont instruites et délivrées selon les dispositions législatives et réglementaires dans leur rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de la présente ordonnance ; après leur délivrance, le régime prévu par le 1° leur est applicable ; (...) / Les dispositions du présent article sont précisées et, le cas échéant, complétées par décret en Conseil d'Etat ".
7. En vertu de l'article L. 181-17 du code de l'environnement, issu de l'article 1er de l'ordonnance du 26 janvier 2017 et applicable depuis le 1er mars 2017, l'autorisation environnementale est soumise, comme l'autorisation unique l'était avant elle ainsi que les autres autorisations mentionnées au 1° de l'article 15 de cette même ordonnance, à un contentieux de pleine juridiction. Il appartient, dès lors, au juge du plein contentieux d'apprécier le respect des règles de procédure régissant la demande d'autorisation au regard des circonstances de fait et de droit en vigueur à la date de délivrance de l'autorisation et celui des règles de fond régissant l'installation au regard des circonstances de fait et de droit en vigueur à la date à laquelle il se prononce, sous réserve du respect des règles d'urbanisme qui s'apprécie au regard des circonstances de fait et de droit applicables à la date de l'autorisation.
En ce qui concerne l'étude d'impact :
8. Aux termes de l'article R. 122-5 du code de l'environnement dans sa version alors applicable : " I. - Le contenu de l'étude d'impact est proportionné à la sensibilité environnementale de la zone susceptible d'être affectée par le projet, à l'importance et la nature des travaux, ouvrages et aménagements projetés et à leurs incidences prévisibles sur l'environnement ou la santé humaine. / II. - L'étude d'impact présente : 1° Une description du projet comportant des informations relatives à sa conception et à ses dimensions, y compris, en particulier, une description des caractéristiques physiques de l'ensemble du projet et des exigences techniques en matière d'utilisation du sol lors des phases de construction et de fonctionnement et, le cas échéant, une description des principales caractéristiques des procédés de stockage, de production et de fabrication, notamment mis en œuvre pendant l'exploitation, telles que la nature et la quantité des matériaux utilisés, ainsi qu'une estimation des types et des quantités des résidus et des émissions attendus résultant du fonctionnement du projet proposé. (...) 2° Une analyse de l'état initial de la zone et des milieux susceptibles d'être affectés par le projet, portant notamment sur la population, la faune et la flore, les habitats naturels, les sites et paysages, les biens matériels, les continuités écologiques telles que définies par l'article L. 371-1, les équilibres biologiques, les facteurs climatiques, le patrimoine culturel et archéologique, le sol, l'eau, l'air, le bruit, les espaces naturels, agricoles, forestiers, maritimes ou de loisirs, ainsi que les interrelations entre ces éléments ;/ 3° Une analyse des effets négatifs et positifs, directs et indirects, temporaires (y compris pendant la phase des travaux) et permanents, à court, moyen et long terme, du projet sur l'environnement, en particulier sur les éléments énumérés au 2° et sur la consommation énergétique, la commodité du voisinage (bruits, vibrations, odeurs, émissions lumineuses), l'hygiène, la santé, la sécurité, la salubrité publique, ainsi que l'addition et l'interaction de ces effets entre eux ; / 4° Une analyse des effets cumulés du projet avec d'autres projets connus. Ces projets sont ceux qui, lors du dépôt de l'étude d'impact : - ont fait l'objet d'un document d'incidences au titre de l'article R. 214-6 et d'une enquête publique ; - ont fait l'objet d'une étude d'impact au titre du présent code et pour lesquels un avis de l'autorité administrative de l'Etat compétente en matière d'environnement a été rendu public. / Sont exclus les projets ayant fait l'objet d'un arrêté au titre des articles R. 214-6 à R. 214-31 mentionnant un délai et devenu caduc, ceux dont la décision d'autorisation, d'approbation ou d'exécution est devenue caduque, dont l'enquête publique n'est plus valable ainsi que ceux qui ont été officiellement abandonnés par le pétitionnaire ou le maître d'ouvrage ; / 5° Une esquisse des principales solutions de substitution examinées par le pétitionnaire ou le maître d'ouvrage et les raisons pour lesquelles, eu égard aux effets sur l'environnement ou la santé humaine, le projet présenté a été retenu ; / 6° Les éléments permettant d'apprécier la compatibilité du projet avec l'affectation des sols définie par le document d'urbanisme opposable, ainsi que, si nécessaire, son articulation avec les plans, schémas et programmes mentionnés à l'article R. 122-17, et la prise en compte du schéma régional de cohérence écologique dans les cas mentionnés à l'article L. 371-3 ; (...) / 7° Les mesures prévues par le pétitionnaire ou le maître de l'ouvrage pour : - éviter les effets négatifs notables du projet sur l'environnement ou la santé humaine et réduire les effets n'ayant pu être évités ; - compenser, lorsque cela est possible, les effets négatifs notables du projet sur l'environnement ou la santé humaine qui n'ont pu être ni évités ni suffisamment réduits. S'il n'est pas possible de compenser ces effets, le pétitionnaire ou le maître d'ouvrage justifie cette impossibilité./ La description de ces mesures doit être accompagnée de l'estimation des dépenses correspondantes, de l'exposé des effets attendus de ces mesures à l'égard des impacts du projet sur les éléments visés au 3° ainsi que d'une présentation des principales modalités de suivi de ces mesures et du suivi de leurs effets sur les éléments visés au 3° ; / 8° Une présentation des méthodes utilisées pour établir l'état initial visé au 2° et évaluer les effets du projet sur l'environnement et, lorsque plusieurs méthodes sont disponibles, une explication des raisons ayant conduit au choix opéré ; / 9° Une description des difficultés éventuelles, de nature technique ou scientifique, rencontrées par le maître d'ouvrage pour réaliser cette étude ; / 10° Les noms et qualités précises et complètes du ou des auteurs de l'étude d'impact et des études qui ont contribué à sa réalisation ; / 11° Lorsque certains des éléments requis en application du II figurent dans l'étude de maîtrise des risques pour les installations nucléaires de base ou dans l'étude des dangers pour les installations classées pour la protection de l'environnement, il en est fait état dans l'étude d'impact ; / 12° Lorsque le projet concourt à la réalisation d'un programme de travaux dont la réalisation est échelonnée dans le temps, l'étude d'impact comprend une appréciation des impacts de l'ensemble du programme. (...) IV. - Afin de faciliter la prise de connaissance par le public des informations contenues dans l'étude, celle-ci est précédée d'un résumé non technique des informations visées aux II et III. Ce résumé peut faire l'objet d'un document indépendant (...) ". VII. - Pour les installations classées pour la protection de l'environnement relevant du titre Ier du livre V du présent code et les installations nucléaires de base relevant du titre IV de la loi du 13 juin 2006 susmentionnée, le contenu de l'étude d'impact est précisé et complété en tant que de besoin conformément aux articles R. 512-6 et R. 512-8 du présent code et à l'article 9 du décret du 2 novembre 2007 susmentionné. ".
9. Et aux termes de l'article R. 512-8 du code de l'environnement dans sa version alors applicable : " I.- Le contenu de l'étude d'impact mentionnée à l'article R. 512-6 doit être en relation avec l'importance de l'installation projetée et avec ses incidences prévisibles sur l'environnement, au regard des intérêts mentionnés aux articles L. 211-1 et L. 511-1. / II.- Le contenu de l'étude d'impact est défini à l'article R. 122-5. Il est complété par les éléments suivants : 1° L'analyse mentionnée au 3° du II de l'article R. 122-5 précise notamment, en tant que de besoin, l'origine, la nature et la gravité des pollutions de l'air, de l'eau et des sols, les effets sur le climat le volume et le caractère polluant des déchets, le niveau acoustique des appareils qui seront employés ainsi que les vibrations qu'ils peuvent provoquer, le mode et les conditions d'approvisionnement en eau et d'utilisation de l'eau ; / 2° Les mesures réductrices et compensatoires mentionnées au 7° du II de l'article R. 122-5 font l'objet d'une description des performances attendues, notamment en ce qui concerne la protection des eaux souterraines, l'épuration et l'évacuation des eaux résiduelles et des émanations gazeuses ainsi que leur surveillance, l'élimination des déchets et résidus de l'exploitation, les conditions d'apport à l'installation des matières destinées à y être traitées, du transport des produits fabriqués et de l'utilisation rationnelle de l'énergie ; / 3° Elle présente les conditions de remise en état du site après exploitation. / III.- Pour les installations visées à la section 8 du chapitre V du présent titre, le contenu de l'étude d'impact comporte en outre les compléments mentionnés au I de l'article R. 515-59. (...) ".
10. Les inexactitudes, omissions ou insuffisances d'une étude d'impact ne sont susceptibles de vicier la procédure et donc d'entraîner l'illégalité de la décision prise au vu de cette étude que si elles ont pu avoir pour effet de nuire à l'information complète de la population ou si elles ont été de nature à exercer une influence sur le sens de la décision de l'autorité administrative.
S'agissant de l'absence de justification dans l'étude d'impact de l'articulation du projet avec le plan de prévention des risques technologiques (PPRT) :
11. Les requérants reprennent en appel le moyen tiré de l'absence de justification de la comptabilité du projet avec le plan de prévention des risques technologiques. Il résulte toutefois de l'instruction que l'étude d'impact comporte, dans son volume 2 chapitre 8 intitulé " articulation du projet avec les plans de prévention des risques ", un titre 8.2 sur cette articulation du projet avec le plan de prévention des risques technologiques. Ce titre présente le plan de prévention des risques technologiques applicable au site de Malvési, décrit le zonage du projet, mentionne le principe d'interdiction de construction sans lien avec le site à l'origine du risque et renvoie pour l'étude du risque technologique à l'étude des dangers, renvoi expressément prévu au point 11° du II de l'article R. 122-5 du code de l'environnement précité. Ladite étude des dangers développe les risques externes auxquels sont exposées les installations ainsi que les potentiels dangers liés aux substances, réactifs et produits utilisés. Elle expose par ailleurs les dispositions prises vis-à-vis de certains risques, l'organisation de la sécurité et les moyens d'intervention. L'ensemble de ces éléments correspondent au contenu du PPRT de l'établissement AREVA NC approuvé par arrêté préfectoral du 23 janvier 2013. Enfin, l'étude des dangers précise que " parmi les entreprises au voisinage recensées au paragraphe 2.2.1.2, aucune n'est susceptible de générer d'effet dangereux sur les installations AREVA NC Malvési et donc sur la zone d'implantation du projet TDN. " Par suite, il ne résulte pas de l'instruction que les éléments de l'étude d'impact, combinés avec l'étude des dangers, relatifs à la compatibilité du projet avec le plan de prévention des risques technologiques seraient insuffisants.
S'agissant des insuffisances de l'étude d'impact sur les effets du projet sur la santé humaine et l'environnement :
12. Les requérants soutiennent que l'analyse des effets sur la santé et l'environnement est insuffisante, et notamment s'agissant des effets cumulés des rejets chimiques et radiologiques, en se prévalant de plusieurs expertises effectuées à la demande d'associations de protection de l'environnement et à la lecture de la tierce expertise du professeur A.... Il résulte toutefois de l'instruction que le chapitre IV de l'étude d'impact, ainsi que son annexe 2, sont spécifiquement dédiés à l'exposé de chaque étape de l'évaluation des risques sanitaires du projet TDN et présente successivement la démarche de modélisation des rejets atmosphériques liés au projet TDN et la démarche de caractérisation du risque sanitaire qui en découle et qui utilise des " quotients de danger " et des " excès de risque sanitaire " calculés pour les différentes substances. En outre, les études fournies par les requérants ont fait l'objet d'un examen circonstancié par la DREAL, lequel a donné lieu à la rédaction d'un rapport complémentaire duquel il ressort que lesdites études ne sont pas de nature à remettre en cause les avis favorables émis par l'ensemble des experts sur le dossier en litige. L'étude d'impact ne peut ainsi être regardée comme insuffisante sur ce point.
S'agissant de l'insuffisance de l'analyse des effets cumulés :
13. Les requérants soutiennent que l'étude d'impact est insuffisante en ce qui concerne l'analyse des effets cumulés dans la mesure où cette étude ne prend en compte que deux installations classées du site Malvési qui en comporte au total vingt-deux. Toutefois, si l'étude d'impact se réfère aux impacts existants de " COMURHEX II " et de " l'INB ECRIN ", ces deux dénominations doivent être regardées comme englobant l'ensemble des installations du site de Malvési, comme l'indiquent les définitions utilisées au chapitre 5 de l'étude d'impact. Il est notamment précisé : " l'évaluation des effets cumulés du projet TDN est également réalisée en prenant en compte l'impact des installations du site AREVA NC Malvési existantes au moment de la rédaction du présent dossier, et qui seront toujours en fonctionnement au moment de l'exploitation de TDN : il s'agit des installations classées pour la protection de l'environnement (ICPE) AREVA NC Malvési (anciennement dénommées, COMURHEX Malvési) et l'installation nucléaire de base (INB) ECRIN ". L'analyse des effets cumulés de l'installation TDN avec les installations existantes du site de Malvési a ainsi été présentée dans le chapitre 5 de l'étude d'impact, lequel chapitre fait également état des effets cumulés du stockage de déchets et matières radioactifs, des effets cumulés liés à l'ozone et de l'impact cumulé du transport par camions des résidus solides. Par suite, ce moyen doit être écarté.
S'agissant de l'estimation de la puissance calorifique du projet :
14. Il ressort des écritures présentées par les requérants le 11 novembre 2021 que ces derniers ont entendu expressément abandonner ce moyen.
S'agissant de la justification des procédés techniques mis en œuvre :
15. Il résulte de l'instruction que l'étude d'impact contient un chapitre 6 exclusivement dédié aux raisons techniques du choix du projet, précisant notamment les différentes possibilités de traitement des effluents nitratés. Elle décrit également, dans son chapitre 8, les performances attendues du procédé TDN vis-à-vis des meilleures techniques possibles. La société Areva a par ailleurs produit une étude du 7 décembre 2016 relative aux solutions alternatives au procédé retenu. Par suite, l'étude d'impact peut être regardée comme suffisante s'agissant du choix des procédés et techniques mis en œuvre.
S'agissant de la gestion des déchets radioactifs de très faible activité :
16. Les requérants soutiennent que l'étude d'impact est dépourvue de précision concernant la gestion des déchets radioactifs générés par l'installation TDN projetée.
17. Ainsi qu'il a été précisé au point 1, le procédé TDN a pour objectif de traiter les effluents nitratés par un procédé de reformage à la vapeur en lit fluidisé (dit procédé Thor) et d'aboutir, en sortie de traitement, à des déchets solides de très faible activité (TFA), qui seront eux-mêmes évacués vers une filière adaptée à ce type de déchets. Le dossier de demande d'autorisation présenté par le pétitionnaire prévoit notamment que ces déchets TFA, constitués de résidus solidifiés, seront stockés, sur le site de Malvési, dans des " big bags ", lesquels seront entreposés dans un local dit local d'entreposage GRVS, puis envoyés vers le centre industriel de regroupement, d'entreposage et de stockage (Cires) exploité par l'agence nationale de gestion des déchets et matières radioactifs (ANDRA) dans l'Aube. Par ailleurs, un arrêté ministériel du 23 février 2017 établissant les prescriptions du plan national de gestion des matières et des déchets radioactifs (PNGMDR) confirme que les déchets solides issus du procédé TDN, produits sur le site de Malvési à compter du 1er janvier 2019, seront bien identifiés et déclarés dans la catégorie des déchets TFA, susceptibles de relever de la filière TFA.
18. Toutefois, le préfet de l'Aude a demandé à la société dans son " relevé des insuffisances " du 11 février 2015 de compléter le dossier précisément sur la filière de déchets radioactifs émis par l'usine TDN et sur les conditions d'entreposage de ces déchets dans l'attente de leur éventuelle acceptation par l'ANDRA. Il ressort en effet de l'étude d'impact que si la société Orano a précisé dans sa demande d'autorisation qu'elle pouvait traiter 20 000 m3 d'effluents par an et 7100 m3 de déchets solides TFA par an, avec une capacité d'entreposage temporaire dans l'attente d'un transfert vers le Cires d'environ 2 mois de production, elle n'a en revanche apporté aucune précision concernant les effets liés à un entreposage important des déchets solides en cas d'indisponibilité du Cires, alors que 350 000 m3 d'effluents nitratés sont déjà entreposés dans les bassins d'évaporation. Elle n'a, par ailleurs, pas produit d'étude sur une solution alternative visant à créer localement des installations dédiées au stockage adaptées à certains types de déchets TFA, alors même que ladite étude était recommandée tant par l'institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) dans son courrier du 29 mars 2017 que par l'autorité de sûreté nucléaire (ASN) dans son courrier du 2 septembre 2019. Enfin, aucune précision n'est apportée dans l'étude d'impact sur les modalités de transport vers la filière dédiée. Par suite, compte tenu des volumes importants de déchets concernés, à savoir 110 000 m3 de résidus solides après 2019 et de la nature physico-chimique de ces déchets, les requérants sont fondés à soutenir que l'étude d'impact est insuffisante s'agissant de la gestion des déchets radioactifs. Cette insuffisance est de nature à avoir nui à l'information complète de la population.
En ce qui concerne la présentation des capacités financières :
19. En vertu du 5° de l'article R. 512-3 du code de l'environnement, dans sa rédaction applicable à la date de délivrance de la décision attaquée, la demande d'autorisation mentionne " les capacités techniques et financières de l'exploitant ". Il résulte de ces dispositions que le pétitionnaire est tenu de fournir, à l'appui de sa demande, des indications précises et étayées sur ses capacités techniques et financières, lesquelles indications doivent permettre de justifier que l'exploitant sera en capacité de mener son projet à terme et d'exploiter l'installation avec des moyens financiers lui permettant d'assumer ses obligations en terme de sécurité, de surveillance et d'entretien. Si cette règle a été ultérieurement modifiée par le décret du 26 janvier 2017 relatif à l'autorisation environnementale, qui a créé l'article D. 181-15-2 du code de l'environnement en vertu duquel le dossier comprend une description des capacités techniques et financières dont le pétitionnaire dispose, ou, lorsque ces capacités ne sont pas constituées au dépôt de la demande d'autorisation, les modalités prévues pour en justifier, l'exploitant devant, dans ce dernier cas, adresser au préfet les éléments justifiant de ses capacités techniques et financières au plus tard à la mise en service de l'installation, cette évolution de la règle de droit ne dispense pas le pétitionnaire de l'obligation de régulariser une irrégularité dans la composition du dossier au vu des règles applicables à la date de délivrance de l'autorisation dès lors que l'irrégularité en cause a eu pour effet de nuire à l'information complète du public.
20. En l'espèce, les informations contenues dans le dossier de demande d'autorisation d'exploiter, qui font état notamment d'un chiffre d'affaires global du groupe Areva sur 4 ans et plus particulièrement du chiffre d'affaires de la société Areva NC lequel s'élevait à 2,321 milliards d'euros pour la seule année 2014 ainsi que du montant de l'investissement à réaliser au titre du projet TDN, lequel s'élève à 80 millions d'euros, soit 3,4 % du chiffre d'affaires annuel de la société Areva NC, permettent d'apprécier suffisamment les capacités financières de la société Orano Chimie enrichissement pour assumer la mise en œuvre et le suivi du projet TDN. En outre, l'ensemble des garanties financières ont été détaillées dans la partie 10 de l'étude d'impact intitulée " Garanties financières ". Par suite, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que la demande d'autorisation présentée par la société pétitionnaire serait insuffisamment détaillée sur ce point.
En ce qui concerne la régularité de l'avis de l'autorité environnementale :
S'agissant de la recevabilité du moyen :
21. Si les requérants et l'association RSN soutiennent devant la Cour que l'autorisation en litige a été délivrée sur une procédure irrégulière, à défaut d'un avis régulier de l'autorité environnementale, et si ce moyen, qui n'est pas d'ordre public, a été présenté pour la première fois en appel, il ressort des pièces du dossier de première instance que les requérants avaient invoqué dans leur demande présentée devant le tribunal administratif, avant l'expiration du délai de recours contentieux, des moyens qui se rattachent à la même cause juridique. Par suite, ce moyen nouveau est recevable.
S'agissant du bien-fondé du moyen :
22. Aux termes du paragraphe 1 de l'article 6 de la directive du 13 décembre 2011 concernant l'évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l'environnement : " Les États membres prennent les mesures nécessaires pour que les autorités susceptibles d'être concernées par le projet, en raison de leurs responsabilités spécifiques en matière d'environnement, aient la possibilité de donner leur avis sur les informations fournies par le maître d'ouvrage et sur la demande d'autorisation. À cet effet, les États membres désignent les autorités à consulter, d'une manière générale ou au cas par cas. (...) ". L'article L. 122-1 du code de l'environnement, pris pour la transposition des articles 2 et 6 de cette directive, dispose, dans sa rédaction applicable en l'espèce, que : " I. - Les projets de travaux, d'ouvrages ou d'aménagements publics et privés qui, par leur nature, leurs dimensions ou leur localisation sont susceptibles d'avoir des incidences notables sur l'environnement ou la santé humaine sont précédés d'une étude d'impact. (...) / III. - Dans le cas d'un projet relevant des catégories d'opérations soumises à étude d'impact, le dossier présentant le projet, comprenant l'étude d'impact et la demande d'autorisation, est transmis pour avis à l'autorité administrative de l'Etat compétente en matière d'environnement. (...). / IV. - La décision de l'autorité compétente qui autorise le pétitionnaire ou le maître d'ouvrage à réaliser le projet prend en considération l'étude d'impact, l'avis de l'autorité administrative de l'Etat compétente en matière d'environnement et le résultat de la consultation du public (...) ". En vertu du III de l'article R. 122-6 du même code, dans sa version issue du décret du 29 décembre 2011 portant réforme des études d'impact des projets de travaux, d'ouvrages ou d'aménagement, applicable au litige, l'autorité administrative de l'Etat compétente en matière d'environnement mentionnée à l'article L. 122-1, lorsqu'elle n'est ni le ministre chargé de l'environnement, dans les cas prévus au I de cet article, ni la formation compétente du Conseil général de l'environnement et du développement durable, dans les cas prévus au II de ce même article, est le préfet de la région sur le territoire de laquelle le projet de travaux, d'ouvrage ou d'aménagement doit être réalisé.
23. L'article 6 de la directive du 13 décembre 2011 a pour objet de garantir qu'une autorité compétente et objective en matière d'environnement soit en mesure de rendre un avis sur l'évaluation environnementale des projets susceptibles d'avoir des incidences notables sur l'environnement, avant leur approbation ou leur autorisation, afin de permettre la prise en compte de ces incidences. Eu égard à l'interprétation de l'article 6 de la directive du 27 juin 2001 donnée par la Cour de justice de l'Union européenne par son arrêt rendu le 20 octobre 2011 dans l'affaire C-474/10, il résulte clairement des dispositions de l'article 6 de la directive du 13 décembre 2011 que, si elles ne font pas obstacle à ce que l'autorité publique compétente pour autoriser un projet soit en même temps chargée de la consultation en matière environnementale, elles imposent cependant que, dans une telle situation, une séparation fonctionnelle soit organisée au sein de cette autorité, de manière à ce que l'entité administrative concernée dispose d'une autonomie réelle, impliquant notamment qu'elle soit pourvue de moyens administratifs et humains qui lui soient propres, et soit ainsi en mesure de remplir la mission de consultation qui lui est confiée en donnant un avis objectif sur le projet concerné.
24. Lorsque le projet est autorisé par un préfet de département autre que le préfet de région, l'avis rendu sur le projet par le préfet de région en tant qu'autorité environnementale doit, en principe, être regardé comme ayant été émis par une autorité disposant d'une autonomie réelle répondant aux exigences de l'article 6 de la directive du 13 décembre 2011, sauf dans le cas où c'est le même service qui a, à la fois, instruit la demande d'autorisation et préparé l'avis de l'autorité environnementale. En particulier, les exigences de la directive, tenant à ce que l'entité administrative appelée à rendre l'avis environnemental sur le projet dispose d'une autonomie réelle, impliquant notamment qu'elle soit pourvue de moyens administratifs et humains qui lui soient propres, ne peuvent être regardées comme satisfaites lorsque le projet a été instruit pour le compte du préfet de département par la direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL) et que l'avis environnemental émis par le préfet de région a été préparé par la même direction, à moins que l'avis n'ait été préparé, au sein de cette direction, par le service mentionné à l'article R. 122-21 du code de l'environnement qui a spécialement pour rôle de préparer les avis des autorités environnementales.
25. Il résulte de l'instruction que le rapport de l'inspection de l'environnement sur la demande d'autorisation d'exploiter en litige a été signé par un inspecteur de l'environnement de l'unité interdépartementale Aude-Pyrénées Orientales de la direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement Occitanie. Il ressort par ailleurs des énonciations de l'avis rendu sur le projet le 29 avril 2016 par l'autorité environnementale qu'il a été préparé par la " division évaluation environnementale ", au sein de cette même unité territoriale de la DREAL, cet avis ayant été signé par le directeur adjoint de la direction. Le projet en litige a donc été instruit pour le compte du préfet de l'Aude par le service de l'unité interdépartementale Aude-Pyrénées Orientales de la DREAL Occitanie et l'avis environnemental du 29 avril 2016 émis par le préfet de région a été préparé par ce même service. Dans ces conditions, l'avis environnemental n'a pas été rendu par une entité interne disposant d'une autonomie réelle à l'égard de l'auteur de la décision attaquée. Par suite, les exigences découlant des dispositions précitées de l'article 6 de la directive du 13 décembre 2011 ont été méconnues, entachant en conséquence l'autorisation litigieuse d'un vice de procédure. Ce vice a été de nature à priver le public de la garantie tendant à ce qu'un avis objectif soit émis sur les projets susceptibles d'avoir des incidences notables sur l'environnement par une autorité disposant d'une autonomie réelle.
26. Il résulte de ce qui précède que l'association Transparence des canaux de la narbonnaise et autres et l'association Réseau sortir du nucléaire sont fondées à soutenir que l'avis environnemental a été rendu dans des conditions irrégulières de nature à affecter la légalité de l'arrêté du 8 novembre 2017 du préfet de l'Aude.
En ce qui concerne l'impartialité d'un des deux tiers-experts :
27. L'arrêté attaqué vise le rapport du 29 septembre 2017 relatif à l'unité de traitement des nitrates établi par un tiers-expert ayant la qualité de professeur d'université à l'école nationale supérieure de chimie et de directeur scientifique du département chimie du CNRS de 1996 à 2004. Les requérants soutiennent que cet expert n'était pas impartial. Toutefois, la seule collaboration de ce dernier, en tant que conseil, avec le commissariat à l'énergie atomique, actionnaire de la société requérante, n'est pas suffisante pour établir le défaut d'impartialité allégué. Si les requérants produisent un article de cet expert dans lequel il exprime ses doutes quant au réchauffement climatique, ainsi qu'une de ses chroniques publiée dans la revue " actualité chimique " intitulée " on va manquer d'uranium ", ces seuls éléments ne démontrent pas une quelconque prise de position sur les différents procédés de traitement des nitrates. Le moyen tiré du défaut d'impartialité de ce tiers-expert doit ainsi être écarté.
En ce qui concerne l'absence des deux rapports de tierce-expertise au dossier d'enquête publique :
28. Aux termes de l'article L. 123-1 dans sa rédaction applicable au litige : " L'enquête publique a pour objet d'assurer l'information et la participation du public ainsi que la prise en compte des intérêts des tiers lors de l'élaboration des décisions susceptibles d'affecter l'environnement mentionnées à l'article L. 123-2. Les observations et propositions recueillies au cours de l'enquête sont prises en considération par le maître d'ouvrage et par l'autorité compétente pour prendre la décision. ". Et aux termes de l'article R. 512-7 du même code : " Lorsque l'importance particulière des dangers ou inconvénients de l'installation le justifie, le préfet peut exiger la production, aux frais du demandeur, d'une analyse critique d'éléments du dossier justifiant des vérifications particulières, effectuée par un organisme extérieur expert choisi en accord avec l'administration. / La décision du préfet d'imposer une analyse critique peut intervenir à tout moment de la procédure. Elle n'interrompt pas le délai prévu à l'article R. 512-14. Lorsque l'analyse critique est produite avant la clôture de l'enquête publique, elle est jointe au dossier ".
29. Les requérants invoquent, pour la première fois en appel, l'absence de deux rapports rendus les 29 septembre et 2 octobre 2017, soit près d'un an après la clôture de l'enquête publique en date du 5 octobre 2016, au dossier d'enquête publique. Toutefois, d'une part, les conclusions du rapport rendu par le professeur A..., lesquelles consistent essentiellement en une synthèse des données confirmant cette conclusion, n'apportent en elles-mêmes aucun élément nouveau par rapport aux éléments produits par le pétitionnaire dans le dossier de demande d'autorisation d'exploiter. D'autre part, le second rapport sollicité par le préfet de l'Aude, rendu par l'INSERM, conclut à ce que l'impact radiologique des rejets atmosphériques de l'installation TDN devrait être extrêmement faible et n'appelle pas à mettre en œuvre des dispositions complémentaires à celles retenues par l'exploitant dans son dossier. Si ce même rapport suggère la mise en place d'un espace de dialogue entre les experts et le public, relatif aux enjeux sanitaires liés au projet, cette seule circonstance ne constitue pas une modification essentielle apportée au projet. Dans ces conditions, la circonstance que ces deux rapports de tierce-expertise, établis postérieurement à l'enquête publique, n'ont été portés à la connaissance du public dans le cadre de cette enquête n'est pas de nature à entacher cette enquête d'irrégularité ou d'insuffisance dès lors que ces éléments ne constituaient pas une modification substantielle du projet. Ainsi, l'absence de ces deux rapports au dossier d'enquête publique n'a pas été, en l'espèce, de nature à avoir nui à l'information du public.
En ce qui concerne la méconnaissance des dispositions de l'article L. 511-1 du code de l'environnement :
30. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'environnement : " Sont soumis aux dispositions du présent titre les usines, ateliers, dépôts, chantiers et, d'une manière générale, les installations exploitées ou détenues par toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui peuvent présenter des dangers ou des inconvénients soit pour la commodité du voisinage, soit pour la santé, la sécurité, la salubrité publiques, soit pour l'agriculture, soit pour la protection de la nature, de l'environnement et des paysages, soit pour l'utilisation rationnelle de l'énergie, soit pour la conservation des sites et des monuments ainsi que des éléments du patrimoine archéologique ". Aux termes de l'article L. 512-1 du même code, dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 26 janvier 2017 relative à l'autorisation environnementale, applicable en l'espèce : " Sont soumises à autorisation les installations qui présentent de graves dangers ou inconvénients pour les intérêts mentionnés à l'article L. 511-1. / L'autorisation, dénommée autorisation environnementale, est délivrée dans les conditions prévues au chapitre unique du titre VIII du livre Ier. " Par ailleurs, aux termes de l'article L. 181-3 du même code, créé par la même ordonnance, dont les dispositions ont été rendues applicables aux autorisations d'exploiter délivrées avant son entrée en vigueur en vertu des dispositions de l'article 15 de l'ordonnance du 26 janvier 2017 : " I. - L'autorisation environnementale ne peut être accordée que si les mesures qu'elle comporte assurent la prévention des dangers ou inconvénients pour les intérêts mentionnés aux articles L. 211-1 et L. 511-1, selon les cas. (...) ".
31. Dans l'exercice de ses pouvoirs de police administrative en matière d'installations classées pour la protection de l'environnement, il appartient à l'autorité administrative d'assortir l'autorisation d'exploiter délivrée en application de l'article L. 512-1 du code de l'environnement des prescriptions de nature à assurer la protection des intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 du même code, en tenant compte des conditions d'installation et d'exploitation précisées par le pétitionnaire dans le dossier de demande, celles-ci comprenant notamment les engagements qu'il prend afin d'éviter, réduire et compenser les dangers ou inconvénients de son exploitation pour ces intérêts.
32. En l'espèce, l'autorisation en litige a pour objet, d'une part, de poursuivre l'exploitation des installations de purification de concentrés uranifères et de fabrication de tétrafluorure d'uranium et, d'autre part, de créer une unité complémentaire de traitement des nitrates dénommée TDN au sein de son usine afin de résorber un entreposage historique d'effluents salins renfermant de faibles quantités de substances radioactives sur le site de Malvési. Le traitement réalisé permet de transformer cet effluent liquide en un déchet solide de plus faible volume. Ce déchet, chimiquement inerte, peut être évacué vers une filière de stockage adaptée. Il résulte de l'instruction, notamment de l'étude d'impact que les installations de traitement ont été conçues pour limiter les effets sur l'environnement, en particulier le confinement des matières à traiter. Par ailleurs, les études produites par les requérants afin de démontrer le caractère massif et la dangerosité des rejets atmosphériques ont été prises en compte par le conseil départemental de l'environnement, des risques sanitaires et technologiques (CODERST) de l'Aude qui a émis dans sa séance du 13 octobre 2017 un avis favorable au projet TDN après avoir notamment entendu les critiques de certains élus et d'une association en ce qui concerne les rejets atmosphériques et la consommation énergétique élevée. Ces études ont amené le préfet de l'Aude à baisser, par des arrêtés ultérieurs, les valeurs limites de DEHP (phtalate de bis) à ne pas dépasser. Des mesures, notamment par la présence d'un oxydateur thermique et d'un filtre à bougies permettant de piéger les particules solides présentes, ont été prises afin de limiter les rejets atmosphériques. Il ne résulte ainsi pas de l'instruction que l'installation projetée aurait, malgré ces mesures, des conséquences graves sur la santé ou l'environnement. Par ailleurs, un observatoire du suivi des émissions (air, eau, déchets) du site de Malvési a été mis en place, au sein de la commission de suivi du site, par un arrêté préfectoral du 7 mars 2018. Enfin, si la consommation de matières premières nécessaires au fonctionnement de l'installation est relativement importante, elle est justifiée et proportionnée tant en ce qui concerne le choix des matériaux que la quantité utilisée qui, contrairement à d'autres procédés, notamment l'extraction par solvant, sont plus consommateurs de matières premières. Par suite, il ne résulte pas de l'instruction que les effets du projet seraient tels qu'ils caractériseraient une atteinte aux intérêts visés à l'article L. 511-1 du code de l'environnement qui auraient justifié un refus d'autorisation.
En ce qui concerne la méconnaissance de la convention de Barcelone et de son protocole signé à Athènes :
33. Aux termes de l'article 8 de la convention de Barcelone modifiée : " Les Parties contractantes prennent toutes mesures appropriées pour prévenir, réduire, combattre et dans toute la mesure du possible éliminer la pollution de la zone de la mer Méditerranée et pour élaborer et mettre en œuvre des plans en vue de la réduction et de l'élimination progressive des substances d'origine tellurique qui sont toxiques, persistantes et susceptibles de bioaccumulation. Ces mesures s'appliquent : (a) à la pollution d'origine tellurique émanant de territoires des Parties et atteignant la mer : - directement, par des émissaires en mer ou par dépôt ou déversements effectués sur la côte ou à partir de celle-ci ; et - indirectement, par l'intermédiaire des fleuves, canaux ou autres cours d'eau, y compris des cours d'eau souterrains, ou du ruissellement ; (b) à la pollution d'origine tellurique transportée par l'atmosphère. ". Ladite convention est complétée par le protocole d'Athènes du 17 mai 1980 modifié, désormais dénommé " protocole relatif à la protection de la mer Méditerranée contre la pollution provenant de sources et activités situées à terre ".
34. Les requérants soutiennent que les rejets de l'usine Malvési et de l'usine TDN projetée doivent être regardés comme des " émissions dans l'atmosphère qui atteignent et peuvent affecter la zone de la Méditerranée " au sens des stipulations du protocole d'Athènes et que les risques sanitaires résultant notamment des rejets atmosphériques ont été insuffisamment prévenus, réduits et compensés par le dossier de demande d'autorisation. Il résulte toutefois de l'instruction, comme il a été dit au point précédent, que les études produites par les requérants ont amené le préfet de l'Aude à baisser les valeurs limites de DEHP (phtalate de bis) à ne pas dépasser dans l'arrêté attaqué et que des mesures, notamment par la présence d'un oxydateur thermique et d'un filtre à bougies permettant de piéger les particules solides présentes, ont été prises afin de limiter les rejets atmosphériques. Ainsi, il ne résulte pas de l'instruction que les émissions gazeuses liées au projet seraient de nature à affecter la Méditerranée. Par suite, le moyen tiré de la violation des stipulations de la convention de Barcelone et du protocole d'Athènes doit être écarté.
En ce qui concerne la soumission des activités du site au plan national d'affectation des quotas :
35. Il ressort des écritures présentées par les requérants le 11 novembre 2021 que ces derniers ont entendu expressément abandonner ce moyen.
En ce qui concerne la méconnaissance du règlement du plan de prévention des risques technologiques :
36. Le site de purification de l'uranium de Malvési a fait l'objet d'un plan de prévention des risques technologiques (PPRT) approuvé le 23 janvier 2013. Les requérants soutiennent que le projet TDN méconnaît le règlement de ce PPRT dès lors qu'il ne serait pas indispensable pour la continuité de l'activité du site de Malvési. Le site d'implantation du projet de traitement des nitrates est situé en zone grise de ce plan, dont le règlement prévoit, en son article 2.1.1.2, que " Sont autorisés sous réserve du respect des conditions définies à l'art. 2.1.2. du présent règlement : Toute construction, aménagement ou ouvrage indispensables à l'activité à l'origine du risque technologique, et sans augmentation de l'aléa à l'extérieur des limites de la zone grisée (...) ainsi que : " Toute construction ou installation de nature à réduire les effets du risque technologique objet du présent document, et indispensables au respect de la réglementation des activités existantes à la date d'approbation du présent PPRT ". En l'espèce, eu égard à la saturation prévisible des bassins d'évaporation des effluents existants, l'élimination des effluents dans ces bassins d'évaporation n'est plus envisageable à long terme. Il résulte en outre de l'instruction que la solution retenue par le projet en litige n'est pas susceptible de conduire à une aggravation des effets figurant dans le PPRT et se fera sans augmentation de l'aléa à l'extérieur des limites de la zone grisée de ce PPRT. Par suite, le projet TDN, qui vise à réduire le volume des effluents existants, doit être regardé dans ce contexte comme un projet indispensable, au sens des dispositions de ce règlement, à la continuité de l'activité du site de Malvési.
37. Il résulte de tout ce qui précède que l'arrêté en litige est entaché d'illégalité en raison seulement de l'irrégularité qui affecte l'avis de l'autorité environnementale et l'étude d'impact concernant le stockage, le transport et le traitement des déchets de très faible activité.
Sur l'application des dispositions du I de l'article L. 181-18 du code de l'environnement :
38. Aux termes du I de l'article L. 181-18 du code de l'environnement : " Le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre une autorisation environnementale, estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés : 1° Qu'un vice n'affecte qu'une phase de l'instruction de la demande d'autorisation environnementale, ou une partie de cette autorisation, peut limiter à cette phase ou à cette partie la portée de l'annulation qu'il prononce et demander à l'autorité administrative compétente de reprendre l'instruction à la phase ou sur la partie qui a été entachée d'irrégularité ; 2° Qu'un vice entraînant l'illégalité de cet acte est susceptible d'être régularisé par une autorisation modificative peut, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, surseoir à statuer jusqu'à l'expiration du délai qu'il fixe pour cette régularisation. Si une telle autorisation modificative est notifiée dans ce délai au juge, celui-ci statue après avoir invité les parties à présenter leurs observations ".
39. Les dispositions précitées du 2° du I de l'article L. 181-18 du code de l'environnement permettent au juge, même pour la première fois en appel, lorsqu'il constate un vice qui entache la légalité de l'autorisation environnementale attaquée mais qui peut être régularisé par une décision modificative, de rendre un jugement avant dire droit par lequel il fixe un délai pour cette régularisation et sursoit à statuer sur le recours dont il est saisi. Cette faculté relève d'un pouvoir propre du juge qui n'est pas subordonné à la présentation de conclusion en ce sens. Le juge peut préciser, par son jugement avant dire droit, les modalités de cette régularisation, qui implique l'intervention d'une décision corrigeant le vice dont est entachée la décision attaquée. Un vice de procédure, dont l'existence et la consistance sont appréciées au regard des règles applicables à la date de la décision attaquée, doit en principe être réparé selon les modalités prévues à cette même date. Si ces modalités ne sont pas légalement applicables, notamment du fait de l'illégalité des dispositions qui les définissent, il appartient au juge de rechercher si la régularisation peut être effectuée selon d'autres modalités qu'il lui revient de définir en prenant en compte les finalités poursuivies par les règles qui les ont instituées et en se référant, le cas échéant, aux dispositions en vigueur à la date à laquelle il statue.
40. Ainsi qu'il a été dit aux points 18 et 26 ci-dessus, l'autorisation délivrée à la société Orano Chimie Enrichissement par l'arrêté contesté du 8 novembre 2017 du préfet de l'Aude est entachée d'illégalité en ce que l'étude d'impact concernant le stockage, le transport et le traitement des déchets de très faible activité était insuffisante et en ce qu'elle n'a pas été précédée d'un avis régulièrement émis par l'autorité environnementale. De tels vices peuvent être régularisés par une décision modificative.
En ce qui concerne le vice affectant l'étude d'impact :
41. Le préfet de l'Aude devra enjoindre à l'exploitant de compléter l'étude d'impact sur la question tenant au stockage, au transport et au traitement des déchets de très faible activité, puis, une fois cette étude actualisée, faire réaliser une nouvelle consultation du public sur ces points, consistant en une enquête publique complémentaire organisée selon les modalités prévues par les articles L. 123-14 et R. 123-23 du code de l'environnement, en vue de l'adoption d'un arrêté préfectoral modificatif contenant le cas échéant des prescriptions complémentaires.
En ce qui concerne le vice affectant l'avis de l'autorité environnementale :
42. Par sa décision n° 400559 du 6 décembre 2017, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a annulé le décret du 28 avril 2016 portant réforme de l'autorité environnementale en tant qu'il maintient, au IV de l'article R. 122-6 du code de l'environnement, la désignation du préfet de région en qualité d'autorité compétente de l'Etat en matière d'environnement, en méconnaissance des objectifs énoncés au paragraphe 1 de l'article 6 de la directive du 13 décembre 2011 concernant l'évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l'environnement. Le vice de procédure qui résulte de ce que l'avis prévu par le III de l'article L. 122-1 du code de l'environnement a été rendu en méconnaissance des dispositions de l'article 6 de la directive du 13 décembre 2011, peut être réparé par la consultation, sur le projet en cause, à titre de régularisation, d'une autorité présentant les garanties d'impartialité requises.
43. L'illégalité de l'avis émis le 29 avril 2016 par l'autorité environnementale peut être régularisée par la consultation, s'agissant du projet présenté par la société Orano Chimie enrichissement, d'une autorité environnementale présentant les garanties d'impartialité requises. Pour que cette régularisation puisse être effectuée, ce nouvel avis devra être rendu dans les conditions définies aux articles R. 122-6 à R. 122-8 et R. 122-24 du code de l'environnement, applicables à la date de l'émission de cet avis ou de la constatation de l'expiration du délai requis pour qu'il soit rendu, par la mission régionale de l'autorité environnementale (MRAE) du Conseil général de l'environnement et du développement durable (CGEDD) compétente pour la région Occitanie.
44. Lorsque ce nouvel avis aura été rendu, ou lorsqu'il sera constaté que la MRAE du CGEDD compétente pour la région Occitanie n'a pas émis d'observations dans le délai qui lui est imparti par les dispositions du code de l'environnement mentionnées au point précédent, ce nouvel avis ou l'information relative à l'absence d'observations émises par la MRAE sera mis en ligne sur un site internet suffisamment accessible et ayant une notoriété suffisante, tels que le site de la préfecture de la région Occitanie ou celui de la préfecture de l'Aude, de manière à ce qu'une information suffisante du public soit assurée et que celui-ci ait la possibilité, par des cadres définis et pouvant accepter un nombre suffisant de caractères, de présenter ses observations et propositions. L'accessibilité de cet avis implique également qu'il soit renvoyé à son contenu intégral par un lien hypertexte figurant sur la page d'accueil du site en cause.
45. Dès lors qu'une enquête publique complémentaire est rendue nécessaire dans le cadre de la régularisation du vice relatif à l'insuffisance de l'étude d'impact, organisée à titre de régularisation selon les modalités prévues par les articles L. 123-14 et R. 123-23 du code de l'environnement, le nouvel avis émis par l'autorité environnementale (MRAE) sera également soumis à cette procédure d'enquête publique, dans le cadre de laquelle le dossier d'enquête publique initiale pourra utilement être mis à la disposition du public pour sa complète information.
46. Dans ces circonstances, il y a lieu pour la Cour, de surseoir à statuer sur la requête dans l'attente de l'autorisation modificative qui devra être prise dans le respect des principes précédemment mentionnés, dans' un délai de douze mois à compter de la notification du présent arrêt. Pendant cette période, il appartiendra au préfet de justifier auprès de la Cour de l'accomplissement des mesures de régularisation.
Sur l'éventuelle suspension de l'exécution de l'autorisation :
47. En vertu du II de l'article L. 181-18 du code de l'environnement : " En cas d'annulation ou de sursis à statuer affectant une partie seulement de l'autorisation environnementale, le juge détermine s'il y a lieu de suspendre l'exécution des parties de l'autorisation non viciées ". Il résulte de ces dispositions que lorsque le juge prononce l'annulation d'une partie divisible de l'autorisation, il peut suspendre l'exécution des parties non annulées dans l'attente de la nouvelle décision que l'administration devra prendre sur la partie annulée. Il en résulte également, d'une part, que le juge qui sursoit à statuer pour permettre la régularisation de l'autorisation a la faculté de suspendre l'exécution de celle-ci et, d'autre part, que lorsque le vice qui motive le sursis ne concerne qu'une partie divisible de l'autorisation, cette faculté concerne à la fois cette partie et les parties non viciées. Par ailleurs, lorsqu'il prononce l'annulation, totale ou partielle, d'une autorisation environnementale, le juge de pleine juridiction des autorisations environnementales a toujours la faculté, au titre de son office, d'autoriser lui-même, à titre provisoire, et le cas échéant sous réserve de prescriptions complémentaires qu'il fixe lui-même et pour un délai qu'il détermine, la poursuite de l'exploitation, des activités ou des travaux en cause dans l'attente de la délivrance d'une nouvelle autorisation par l'autorité administrative. Les dispositions de l'article L. 181-18 n'ont ni pour objet ni pour effet de lui retirer ce pouvoir. Dans tous les cas, que ce soit pour suspendre l'exécution de l'autorisation attaquée ou pour délivrer une autorisation provisoire, il appartient au juge de prendre en compte, pour déterminer l'opportunité de telles mesures, l'ensemble des éléments de l'espèce, notamment la nature et la portée de l'illégalité en cause, les considérations d'ordre économique et social ou tout autre motif d'intérêt général pouvant justifier la poursuite de l'exploitation, des activités ou des travaux et l'atteinte éventuellement causée par ceux-ci aux intérêts mentionnés aux articles L. 181-3 et L. 181-4 du code l'environnement ou à d'autres intérêts publics et privés.
48. Dans les circonstances de l'espèce, eu égard au rôle crucial des installations exploitées sur le site de Malvési dans la filière nucléaire française, il n'y a pas lieu de faire usage de la faculté prévue par les dispositions précitées de suspendre l'exécution de l'autorisation délivrée à l'exploitant.
D É C I D E :
Article 1er : L'intervention de l'association Réseau sortir du nucléaire est admise.
Article 2 : Il est sursis à statuer sur la requête de l'association Transparence des canaux de la narbonnaise et autres jusqu'à ce que le préfet de l'Aude ait procédé à la transmission d'un arrêté de régularisation édicté après le respect des différentes modalités définies aux points 41 à 46 du présent arrêt et jusqu'à l'expiration d'un délai de douze mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : Le préfet de l'Aude fournira à la Cour (greffe de la 7ème chambre), au fur et à mesure de leur accomplissement, les actes entrepris en vue de la régularisation prévue à l'article précédent.
Article 4 : Tous droits et conclusions des parties, sur lesquels il n'a pas été statué par le présent arrêt, sont réservés jusqu'à la fin de l'instance.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à l'association Transparence des canaux de la narbonnaise, première dénommée de la requête en qualité de représentante unique en application de l'article R. 751-3 du code de justice administrative, à l'association Réseau sortir du nucléaire, au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires et à la société Orano Chimie Enrichissement.
Copie en sera adressée au préfet de l'Aude.
Délibéré après l'audience du 7 octobre 2022, où siégeaient :
- Mme Chenal-Peter, présidente de chambre,
- Mme Ciréfice, présidente assesseure,
- M. Prieto, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 21 octobre 2022.
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N° 19MA05469
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