Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La SARL Politext a demandé au tribunal administratif de Marseille de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices 2013 à 2015 en raison de la remise en cause du crédit d'impôt recherche prévu au II de l'article 244 quater B du code général des impôts.
Par un jugement n° 1809697 du 26 mars 2020, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 25 mai 2020, et un mémoire complémentaire, enregistré le 5 octobre 2020, la SARL Politext, représentée par la SELARL SAJEF Avocats prise en la personne de Me Lo Pinto, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Marseille du 26 mars 2020 ;
2°) de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés en litige ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- elle est éligible au crédit d'impôt pour dépenses de recherches prévu par l'article 244 quater B du code général des impôts dès lors qu'elle élabore ses nouvelles collections et assure directement les étapes d'élaboration de ses produits qui représentent 60 % de leur prix de revient ;
- elle exerce une activité industrielle au sens de ces dispositions, nonobstant la circonstance qu'elle sous-traite la fabrication dont elle contrôle le processus ;
- elle est fondée à se prévaloir de l'instruction administrative référencée BOI-BIC-RICI-10-10-40-20120912 relative aux entreprises du secteur textile, habillement cuir selon laquelle peuvent bénéficier dudit crédit d'impôt les entreprises industrielles propriétaires de la matière première qui assument les risques liés à la fabrication et à la commercialisation des produits.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 19 août et le 28 octobre 2020, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. B...,
- et les conclusions de M. Ury, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. La SARL Politext, qui exerce à titre principal une activité de création et de production de vêtements de sport, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant notamment sur les dépenses engagées au titre du crédit d'impôt en faveur de la recherche, prévu par l'article 244 quater B du code général des impôts, à l'issue de laquelle l'administration a remis en cause l'éligibilité de ces dépenses au bénéfice du h et du i du II de cet article. La SARL Politext relève appel du jugement du 26 mars 2020 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa requête tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés en résultant.
Sur l'application de la loi fiscale :
2. Aux termes du II de l'article 244 quater B du code général des impôts dans sa rédaction alors applicable : " Les dépenses de recherche ouvrant droit au crédit d'impôt sont (...) / h) Les dépenses liées à l'élaboration de nouvelles collections exposées par les entreprises industrielles du secteur textile-habillement-cuir (...) ; / i) Les dépenses liées à l'élaboration de nouvelles collections confiée par les entreprises industrielles du secteur textile-habillement-cuir à des stylistes ou bureaux de style agréés selon des modalités définies par décret (...) ". En adoptant ces dispositions, le législateur a entendu, par l'octroi d'un avantage fiscal, soutenir l'industrie manufacturière en favorisant les systèmes économiques intégrés qui allient la conception et la fabrication de nouvelles collections. Il en résulte que le bénéfice du crédit d'impôt recherche est ouvert sur le fondement de ces dispositions aux entreprises qui exercent une activité industrielle dans le secteur du textile, de l'habillement et du cuir lorsque les dépenses liées à l'élaboration de nouvelles collections sont exposées en vue d'une production dans le cadre de cette activité. Ont une activité industrielle au sens de ces dispositions les entreprises exerçant une activité qui concourt directement à la fabrication ou à la transformation de biens corporels mobiliers et pour laquelle le rôle des installations techniques, matériels et outillages mis en œuvre est prépondérant.
3. Il résulte de l'instruction, notamment de la proposition de rectification du 30 juin 2017 notifiée à la société, et n'est au demeurant pas sérieusement contesté, que si la SARL Politext conçoit ses modèles et les commercialise, elle confie la totalité de leur fabrication à deux sociétés basées en Tunisie dirigées par M. A..., également dirigeant de la société appelante, laquelle ne dispose d'aucun moyen de production propre. A ce dernier égard, celle-ci ne conteste pas davantage la faiblesse du poste " installations techniques et outillages " de son actif immobilisé, qui se limitait, au cours des années en litige, à une imprimante numérique d'une valeur de 17 750 euros, alors que le montant total des immobilisations représentait 381 723 euros au 31 décembre 2014 et 319 425 euros au 31 décembre 2015. A cet égard, les factures produites devant la Cour au titre des années 2013 à 2015 sont relatives non pas à l'outil de production, mais à la maintenance d'un outil de gestion, le logiciel Nova. Si la SARL Politext soutient assumer les risques liés à la production des vêtements, elle ne l'établit pas, de même qu'elle n'établit pas que sa contribution propre à la production, consistant en l'élaboration des modèles, l'achat des matières premières, le contrôle de la production ou encore le transport représenteraient 60 % du prix de revient d'un article. En outre, ces circonstances sont, en tout état de cause, sans incidence sur le caractère industriel de la société appelante au sens des dispositions des h et i du II de l'article 244 quater B du code général des impôts. Dans ces conditions, la SARL Politext n'est pas fondée à soutenir qu'en estimant qu'elle ne pouvait bénéficier du crédit d'impôt pour la recherche, le tribunal aurait méconnu ces dispositions.
Sur l'interprétation administrative de la loi fiscale :
4. Aux termes de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales : " Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration. / Lorsque le redevable a appliqué un texte fiscal selon l'interprétation que l'administration avait fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu'elle n'avait pas rapportée à la date des opérations en cause, elle ne peut poursuivre aucun rehaussement en soutenant une interprétation différente. Sont également opposables à l'administration, dans les mêmes conditions, les instructions ou circulaires publiées relatives au recouvrement de l'impôt et aux pénalités fiscales ".
5. Selon le paragraphe 30 de l'instruction administrative référencée BOI-BIC-RICI-10-10-40 du 12 septembre 2012, le bénéfice du CIR ne peut être refusé aux entreprises industrielles du secteur " textile-habillement-cuir " qui ont recours à la sous-traitance, dès lors qu'elles sont propriétaires de la matière première et qu'elles assurent tous les risques de la fabrication et la commercialisation. Contrairement à ce qu'elle soutient, la société appelante n'est pas fondée à s'en prévaloir dès lors que, ainsi qu'il a été dit au point 3, elle n'est pas une entreprise industrielle au sens des dispositions des h et i du II de l'article 244 quater B du code général des impôts.
6. Il résulte de ce qui précède que la SARL Politext n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté sa demande. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D É C I D E
Article 1er : La requête de la SARL Politext est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société SARL Politext et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Est Outre-mer.
Délibéré après l'audience du 13 octobre 2022, où siégeaient :
- Mme Paix, présidente,
- Mme Carotenuto, première conseillère,
- M. Claudé-Mougel, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 3 novembre 2022.
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N° 20MA01868