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03/11/2022 | FRANCE | N°20MA03479

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 3ème chambre, 03 novembre 2022, 20MA03479


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) Anis a demandé au tribunal administratif de Nice de prononcer la décharge des suppléments de cotisations foncières des entreprises auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2010 à 2013, ainsi que des pénalités correspondantes, et la réduction des cotisations foncières des entreprises auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2014 à 2017.

Par un jugement n° 1804904 du 10 juillet 2020, le tribunal administratif de Nice a pro

noncé un non-lieu à statuer sur les conclusions de la demande à concurrence du dégrèvement...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) Anis a demandé au tribunal administratif de Nice de prononcer la décharge des suppléments de cotisations foncières des entreprises auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2010 à 2013, ainsi que des pénalités correspondantes, et la réduction des cotisations foncières des entreprises auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2014 à 2017.

Par un jugement n° 1804904 du 10 juillet 2020, le tribunal administratif de Nice a prononcé un non-lieu à statuer sur les conclusions de la demande à concurrence du dégrèvement de 23 321 euros prononcé en cours d'instance, et par l'article 2 a rejeté le surplus des conclusions de cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 13 septembre 2020 et le 10 octobre 2022, la SARL Anis, représentée par Me Herrou, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nice du 10 juillet 2020 ;

2°) de prononcer la décharge des impositions et pénalités demeurant en litige au titre des années 2010 à 2013 et la réduction des impositions demeurant en litige au titre des années 2014 à 2017 ;

3°) de sursoir à statuer dans l'attente du jugement du litige relatif à la taxe foncière due par la société propriétaire des locaux ;

4°) d'ordonner une expertise à l'effet de déterminer par comparaison la valeur locative cadastrale des locaux ;

5°) de condamner l'Etat aux entiers dépens et de mettre à sa charge une somme de 3 600 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le tribunal administratif n'a pas répondu à sa demande de sursis à statuer ;

- le tribunal administratif a omis de répondre au moyen tiré de ce que la décision rejetant sa réclamation préalable est dénuée de motivation ;

- le défaut de mention, dans la proposition de rectification, des détails nécessaires à son information est constitutif d'un détournement de procédure ;

- l'administration a méconnu les principes d'impartialité, de neutralité et d'objectivité ;

- la décision rejetant sa réclamation préalable n'est pas motivée ;

- les locaux-types retenus pour l'évaluation par comparaison sont inappropriés ;

- la valeur locative retenue est exagérée ;

- les dégrèvements prononcés en cours d'instance et la différence inexpliquée entre le montant finalement retenu pour la cotisation de l'année 2017 et le montant précédemment indiqué démontrent cette exagération ;

- la position de l'administration n'est pas cohérente, dès lors que s'agissant de l'impôt sur les sociétés, elle a considéré que les loyers déduits sont excessifs.

Par un mémoire en défense, enregistré le 14 janvier 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par la SARL Anis ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B...,

- et les conclusions de M. Ury, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La SARL Anis, qui exploite un hôtel-restaurant classé trois étoiles situé à Nice, a été assujettie à des suppléments de cotisation foncière des entreprises au titre des années 2010 à 2013. Après que ses réclamations préalables relatives à ces suppléments et aux cotisations foncières des entreprises auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2014 à 2017 ont été rejetées, elle a porté le litige devant le tribunal administratif de Nice, qui, par un jugement du 10 juillet 2020, a constaté le non-lieu à statuer sur les conclusions à fin de décharge de la demande à hauteur du dégrèvement prononcé en cours d'instance et rejeté le surplus des conclusions de la demande. La SARL Anis relève appel de ce jugement dans cette mesure.

Sur la régularité du jugement :

2. En premier lieu, le juge, auquel il incombe de veiller à la bonne administration de la justice, n'a aucune obligation, hormis le cas où des motifs exceptionnels tirés des exigences du débat contradictoire l'imposeraient, de faire droit à une demande de sursis à statuer formulée par une partie. Il n'a pas davantage à motiver le refus qu'il oppose à une telle demande. Par suite, le moyen tiré de ce que le tribunal administratif n'a pas répondu à la demande de sursis à statuer formulée par la SARL Anis doit être écarté.

3. En deuxième lieu, dès lors que les vices qui entachent la décision par laquelle la réclamation préalable du contribuable est rejetée sont sans influence sur la régularité des impositions contestées, la SARL Anis ne pouvait utilement soutenir que la décision rejetant sa réclamation préalable est entachée d'un défaut de motivation. Par conséquent, le moyen tiré de ce que le tribunal administratif aurait omis de répondre à ce moyen doit être écarté.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne la régularité de la procédure :

4. En premier lieu, aux termes de l'article L. 55 du livre des procédures fiscales : " Sous réserve des dispositions de l'article L. 56, lorsque l'administration des impôts constate une insuffisance, une inexactitude, une omission ou une dissimulation dans les éléments servant de base au calcul des impôts, droits, taxes, redevances ou sommes quelconques dues en vertu du code général des impôts ou de l'article L. 2333-55-2 du code général des collectivités territoriales, les rectifications correspondantes sont effectuées suivant la procédure de rectification contradictoire définie aux articles L. 57 à L. 61 A (...) ". Aux termes de l'article L. 56 du même livre : " La procédure de rectification contradictoire n'est pas applicable : / 1° En matière d'impositions directes perçues au profit des collectivités locales ou d'organismes divers, à l'exclusion de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises prévue à l'article 1586 ter du code général des impôts ; (...) ".

5. Il résulte de l'instruction que la société civile immobilière A..., propriétaire des locaux loués par la SARL Anis, a déposé des déclarations relatives aux locaux commerciaux au vu desquelles la valeur locative retenue pour asseoir la cotisation foncière des entreprises due par la SARL Anis au titre des années 2010 à 2013 a été rehaussée par l'administration, compte tenu des modifications de superficie déclarées, ainsi qu'il a été indiqué dans la lettre d'information adressée à la société le 18 décembre 2013. L'administration n'était pas tenue d'établir les impositions supplémentaires correspondantes selon la procédure de rectification contradictoire prévue aux articles L. 55 et suivants du livre des procédures fiscales, alors même que ces déclarations ont été déposées à la suite d'une demande formulée par elle au cours de la vérification de comptabilité dont la SARL Anis faisait alors l'objet. Ainsi, alors qu'eu égard aux mentions de la lettre du 18 décembre 2013, la société requérante doit être regardée comme ayant été mise à même de présenter utilement ses observations conformément au principe général des droits de la défense, elle n'est pas fondée à soutenir que le défaut de mention des termes de comparaison retenus pour l'évaluation de l'établissement serait constitutif d'un détournement de procédure.

6. En deuxième lieu, les rehaussements de cotisation foncière des entreprises en litige au titre des années 2010 à 2013 résultent, ainsi qu'il vient d'être dit, de la seule modification des surfaces déclarées par la propriétaire des locaux. Par conséquent, les circonstances que l'administration aurait sciemment choisi des termes de comparaison inappropriés s'agissant de l'évaluation de la valeur locative retenue en matière d'impôt sur les sociétés et s'agissant de l'évaluation par comparaison mise en œuvre pour déterminer la base de la cotisation foncière des entreprises ne pourraient, en tout état de cause, caractériser une méconnaissance par le vérificateur des principes d'impartialité, de neutralité et d'objectivité. Il en va de même de la circonstance que les bases d'imposition à la cotisation foncière des entreprises des immeubles retenus pour évaluer la valeur locative en matière d'impôt sur les sociétés n'ont pas été communiquées à la requérante malgré sa demande.

7. En troisième lieu, il résulte de ce qui a été dit au point 3 que la SARL Anis ne peut utilement soutenir que la décision rejetant sa réclamation préalable n'est pas motivée.

En ce qui concerne le bien-fondé de l'imposition :

8. En premier lieu, aux termes de l'article 1467 du code général des impôts : " La cotisation foncière des entreprises a pour base la valeur locative des biens passibles d'une taxe foncière situés en France (...) dont le redevable a disposé pour les besoins de son activité professionnelle (...) ". Aux termes de l'article 1494 du même code : " La valeur locative des biens passibles de la taxe foncière sur les propriétés bâties (...) est déterminée, conformément aux règles définies par les articles 1495 à 1508, pour chaque propriété ou fraction de propriété normalement destinée à une utilisation distincte ". Aux termes de l'article 1498 de ce code, dans sa rédaction applicable jusqu'au 31 décembre 2017 : " La valeur locative de tous les biens autres que les locaux visés au I de l'article 1496 et que les établissements industriels visés à l'article 1499 est déterminée au moyen de l'une des méthodes indiquées ci-après : / 1° Pour les biens donnés en location à des conditions de prix normales, la valeur locative est celle qui ressort de cette location ; / 2° a. Pour les biens loués à des conditions de prix anormales ou occupés par leur propriétaire, occupés par un tiers à un autre titre que la location, vacants ou concédés à titre gratuit, la valeur locative est déterminée par comparaison. / Les termes de comparaison sont choisis dans la commune. Ils peuvent être choisis hors de la commune pour procéder à l'évaluation des immeubles d'un caractère particulier ou exceptionnel ; / b. La valeur locative des termes de comparaison est arrêtée : / Soit en partant du bail en cours à la date de référence de la révision lorsque l'immeuble type était loué normalement à cette date, / Soit, dans le cas contraire, par comparaison avec des immeubles similaires situés dans la commune ou dans une localité présentant, du point de vue économique, une situation analogue à celle de la commune en cause et qui faisaient l'objet à cette date de locations consenties à des conditions de prix normales ; / 3° A défaut de ces bases, la valeur locative est déterminée par voie d'appréciation directe ".

9. Il résulte de l'instruction que l'immeuble litigieux a été évalué pour les années 2010 à 2016 par comparaison au local-type n° 290 du procès-verbal des évaluations foncières de la commune de Nice s'agissant de l'hôtel, et au local type n° 117 du même procès-verbal s'agissant du restaurant. Le local type n° 290 correspond à un hôtel classé trois étoiles présentant des caractéristiques similaires à l'hôtel exploité par la requérante. Le local type n° 117 correspond à un restaurant présentant également des caractéristiques comparables à celui en litige. Par conséquent, dès lors que ces termes de comparaison, choisis dans la même commune que l'établissement exploité par la requérante, peuvent être regardés comme similaires à l'immeuble en litige, eu égard à leurs caractéristiques respectives, la SARL Anis ne combat pas utilement le choix de ces locaux types en se bornant à relever qu'ils sont situés dans le centre-ville de Nice, contrairement à l'établissement qu'elle exploite.

10. En deuxième lieu, les circonstances que la taxe foncière et la cotisation foncière des entreprises représenteraient 74 % du montant du loyer dont la déduction a été admise par l'administration, et que l'imposition à la cotisation foncière des entreprises d'autres hôtels situés à Nice serait inférieure à celle qui a été mise à la charge de la société requérante, à les supposer établies, sont sans influence sur les impositions en litige.

11. En troisième lieu, les circonstances que l'administration a prononcé au cours de l'instance devant le tribunal administratif des dégrèvements des cotisations en litige afin de corriger des erreurs affectant les surfaces et les coefficients d'ajustement retenus, et que l'administration précise dans son mémoire en défense que le dégrèvement relatif à la cotisation de l'année 2017, d'un montant de 3 083 euros, calculé en tenant compte d'un coefficient de pondération des surfaces erroné, aurait dû être limité au montant de 347 euros, sont sans influence sur le bien-fondé des impositions en litige.

12. En quatrième lieu, il résulte de l'instruction qu'à l'issue de la vérification de comptabilité dont la SARL Anis a fait l'objet, l'administration a estimé que les loyers versés pour la location de l'établissement excédaient la valeur locative réelle de l'immeuble, et a réintégré l'excédent aux résultats imposables de la société à l'impôt sur les sociétés. Contrairement à ce qui est soutenu, l'administration pouvait, sans se contredire, d'une part, regarder le loyer versé par la SARL Anis à raison de l'établissement comme excessif et, d'autre part, considérer que la base d'imposition à la cotisation foncière des entreprises était insuffisante au vu des éléments déclarés, alors, en outre que la valeur locative, telle que rectifiée reste inférieure à celle de 100 000 euros retenue pour les loyers versés par la SARL locataire à la SCI propriétaire.

13. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin ni de surseoir à statuer ni d'ordonner une expertise, que la SARL Anis n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté le surplus des conclusions de sa demande.

Sur les frais liés au litige :

14. En premier lieu, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font en tout état de cause obstacle à ce que l'Etat, qui n'a pas, dans la présente instance, la qualité de partie perdante, verse à la SARL Anis une quelconque somme au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

15. En second lieu, aucun dépens n'ayant été exposé dans cette instance, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de la SARL Anis tendant à l'application des dispositions de l'article R. 761-1 du code de justice administrative.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la SARL Anis est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société à responsabilité limitée Anis et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Est Outre-mer.

Délibéré après l'audience du 13 octobre 2022, où siégeaient :

- Mme Paix, présidente,

- Mme Carotenuto, première conseillère,

- Mme Mastrantuono, première conseillère.

Lu en audience publique, le 3 novembre 2022.

2

N° 20MA03479


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 20MA03479
Date de la décision : 03/11/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Contributions et taxes - Généralités - Règles générales d'établissement de l'impôt - Contrôle fiscal - Vérification de comptabilité - Procédure.

Contributions et taxes - Impositions locales ainsi que taxes assimilées et redevances - Taxe professionnelle - Assiette.


Composition du Tribunal
Président : Mme PAIX
Rapporteur ?: Mme Florence MASTRANTUONO
Rapporteur public ?: M. URY
Avocat(s) : CABINET PATRICK HERROU

Origine de la décision
Date de l'import : 20/11/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2022-11-03;20ma03479 ?
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