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10/11/2022 | FRANCE | N°21MA05015

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 2ème chambre, 10 novembre 2022, 21MA05015


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... H... a demandé au tribunal administratif de Marseille de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 2009 à 2011.

Par un jugement n°1503140 du 19 mai 2017, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa requête.

Par un arrêt n°17MA03144 du 12 décembre 2019, la cour administrative d'appel de Marseille a annulé le jugement du 19 mai 2017 et déchargé M. H..., en droit

s et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été ass...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... H... a demandé au tribunal administratif de Marseille de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 2009 à 2011.

Par un jugement n°1503140 du 19 mai 2017, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa requête.

Par un arrêt n°17MA03144 du 12 décembre 2019, la cour administrative d'appel de Marseille a annulé le jugement du 19 mai 2017 et déchargé M. H..., en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 2009 à 2011 et rejeté les conclusions présentées au titre de l'article L761-1 du code de justice administrative.

Par une décision n°s 438338 et 438344 du 24 décembre 2021, le Conseil d'Etat a, sur pourvoi du ministre de l'action et des comptes publics du 7 février 2020, annulé cet arrêt et renvoyé l'affaire devant la cour administrative d'appel de Marseille.

Procédure devant la cour après renvoi :

Par des mémoires enregistrés les 4 février et 7 mars 2022, M. B... H..., représenté par Me Dutel, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n°s 1407578 et 1503140 rendu le 19 mai 2017 par le tribunal administratif de Marseille ;

1°) de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 2009 à 2011 ;

2°) de condamner l'Etat à lui payer une somme de 6 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'administration qui ne pouvait ignorer, compte tenu des informations dont elle disposait antérieurement à la perquisition fiscale du 23 avril 2012, que, gérant de la société Intérim A... SP Zoo, il était domicilié à la même adresse que Mme G... A..., à Velaux, 248 chemin de la Fontaine Laurent et occupant également des locaux sis à Berre l'Etang, 150 cité La Boétie, et était toujours occupant des lieux après cette perquisition ; dès lors, au jour de la restitution intervenue en juin 2012, les documents saisis auraient dû lui être restitués ; la sanction de l'obligation de restitution est l'inopposabilité au contribuable des informations recueillies ; en l'espèce la restitution avant l'engagement de la procédure de contrôle n'a été faite qu'à Mme A... le 25 juin 2012 ;

- en méconnaissance des dispositions de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales, lors de la perquisition, le consentement exprès de Mme A... n'a pas été recueilli, le procès-verbal de perquisition n'en faisant pas mention ;

- l'administration devra justifier de la régularité et de l'effectivité de la mise en recouvrement des impositions et pénalités mises à sa charge par la production devant la cour, des copies intégrales des rôles concernés (ainsi que les états matrices), les décisions d'homologation, l'ensemble des actes et pièces compatibles avec le caractère écrit de la procédure justifiant de la régularité des délégations et subdélégations, de leur publication ; à défaut de communication de ces documents, il devra être déchargé ;

- il n'est pas imposable en France, dès lors que la gestion de la société Interim A... SP Zoo était exercée en Pologne et qu'elle ne disposait pas en France d'un établissement stable, la majorité des pièces saisies étant des copies, les originaux se trouvant en Pologne ;

- il ne peut être imposé personnellement sur le fondement des articles 4 A et 8 du code général des impôts, applicable aux seules sociétés de droit français, dès lors que la société Interim A... SP Zoo, dont le siège est situé en Pologne, est une société non transparente, soumise en Pologne à l'impôt sur les sociétés en application du droit polonais ;

- l'imposition en France de cette société aboutit à une double imposition en France et en Pologne, en méconnaissance de la convention fiscale franco-polonaise du 20 juin 1975 ;

- l'évaluation d'office des bases imposables de la société Interim A... SP Zoo est erronée, dès lors que la méthode de reconstitution de son chiffre d'affaires est viciée ;

- les pénalités pour activité occulte ne sont pas justifiées, dès lors que la société Interim A... SP Zoo n'est pas fictive et exerce une véritable activité depuis son siège en Pologne.

Par des mémoires en défense enregistrés les 8 février, 11 avril et 4 mai 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens invoqués par le requérant ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention fiscale franco-polonaise du 20 juin 1975 ;

- le code général des impôts ;

- le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. C... F... ;

- et les conclusions de M. Allan Gautron, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La société de droit polonais Interim A... SP Zoo, ayant pour gérant et associé unique M. H..., a fait l'objet d'une vérification de comptabilité concernant la période du 1er janvier 2009 au 31 décembre 2011. A l'issue de cette vérification, l'administration a estimé que la société disposait d'un établissement stable en France et, par application des dispositions combinées des articles 4 A et 8 du code général des impôts, les bénéfices évalués par l'administration au titre des exercices 2009, 2010 et 2011 ont été imposés dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux au nom de M. H.... Ces rehaussements d'imposition ont été notifiés au requérant suivant la procédure contradictoire s'agissant de l'exercice 2009 et selon la procédure d'évaluation d'office pour les exercices 2010 et 2011. Par un jugement n°s1407578 et 1503140 du 19 mai 2017, le tribunal administratif de Marseille a rejeté la requête de M. H... tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu, ainsi que des pénalités y afférentes, qui lui ont été assignées au titre des années 2009, 2010 et 2011. Par un arrêt n°17MA03144 du 12 décembre 2019, la cour administrative d'appel de Marseille a, sur appel de M. H..., annulé ce jugement, et l'a déchargé en droits et pénalités. Par une décision n°s 438338 et 438344 du 24 décembre 2021, le Conseil d'Etat statuant au contentieux a, sur pourvoi du ministre de l'action et des comptes publics du 7 février 2020, annulé cet arrêt et renvoyé l'affaire devant la cour administrative d'appel de Marseille.

En ce qui concerne le principe de l'imposition en France :

2. Aux termes de l'article 7 de la convention fiscale franco-polonaise du 20 juin 1975: " 1. Les bénéfices d'une entreprise d'un État contractant ne sont imposables que dans cet État, à moins que l'entreprise n'exerce son activité dans l'autre État contractant par l'intermédiaire d'un établissement stable qui y est situé. Si l'entreprise exerce son activité d'une telle façon, les bénéfices de l'entreprise sont imposables dans l'autre État mais uniquement dans la mesure où ils sont imputables audit établissement stable... ". Aux termes du d du 1 de l'article 3 de ladite convention : " Les expressions " entreprise d'un Etat contractant " et " entreprise de l'autre Etat contractant " désignent respectivement une entreprise exploitée par un résident d'un Etat contractant et une entreprise exploitée par un résident de l'autre Etat contractant ; ". Aux termes de l'article 4 de ladite convention : " 1. Au sens de la présente convention, l'expression " résident d'un Etat contractant " désigne toute personne qui, en vertu de la législation dudit Etat, est assujettie à l'impôt dans cet Etat, en raison de son domicile, de sa résidence, de son siège de direction ou de tout autre critère de nature analogue, mais n'inclut pas les personnes qui ne sont imposables dans cet Etat que pour le revenu qu'elles tirent de sources situées dans ledit Etat ou pour la fortune qu'elles possèdent dans cet Etat. / 2. Lorsque, selon la disposition du paragraphe 1, une personne physique est considérée comme résident de chacun des Etats contractants, sa situation est réglée de la manière suivante : / a) Cette personne est considérée comme résident de l'Etat contractant où elle dispose d'un foyer d'habitation permanent. Lorsqu'elle dispose d'un foyer d'habitation permanent dans chacun des Etats contractants, elle est considérée comme résident de l'Etat contractant avec lequel ses liens personnels et économiques sont les plus étroits (centre des intérêts vitaux) ; / b) Si l'Etat contractant où cette personne a le centre de ses intérêts vitaux ne peut pas être déterminé, ou si elle ne dispose d'un foyer d'habitation permanent dans aucun des Etats contractants, elle est considérée comme résident de l'Etat contractant où elle séjourne de façon habituelle ; / c) Si cette personne séjourne de façon habituelle dans chacun des Etats contractants ou si elle ne séjourne de façon habituelle dans aucun d'eux, elle est considérée comme résident de l'Etat contractant dont elle possède la nationalité ; / d) Si la situation de cette personne ne peut être réglée conformément aux dispositions des alinéas a), b), c) ci-dessus, les autorités compétentes des Etats contractants tranchent la question d'un commun accord... ". Aux termes de l'article 5 de cette même convention : " 1. Au sens de la présente Convention, l'expression " établissement stable " désigne une installation fixe d'affaires où l'entreprise exerce tout ou partie de son activité. 2. L'expression " établissement stable " comprend notamment : a) Un siège de direction ; ...c) Un bureau... ". Il résulte de ces stipulations que les bénéfices réalisés en France par une entreprise polonaise, par l'intermédiaire d'un établissement stable situé en France, soit une installation fixe d'affaires comprenant notamment un siège de direction ou un bureau d'affaires commerciales, sont imposables en France.

S'agissant de l'existence d'un établissement stable en France de la société de droit polonais la société Intérim A... SP Zoo :

3. L'administration fait valoir que la société " Interim A... SP Zoo " avait un établissement stable en France dans les locaux de l'EURL " Elisabeth A... ", caractérisé par la disposition personnelle et permanente d'une installation comportant les moyens humains et techniques nécessaires à son activité de mise à disposition de personnel et d'élaboration de contrats de sous-traitance. Ces moyens comportaient, notamment, des documents juridiques relatifs à la société " Interim A... SP Zoo ", des dossiers relatifs aux salariés domiciliés en France (contrats de travail, justificatifs de revenus, bulletins de salaires, fiches individuelles, registre du personnel) et des correspondances avec les services de l'inspection du travail et d'autres organismes. La société qui disposait, par ailleurs, d'un bureau à Berre pour lequel une facturation mensuelle était établie par l'EURL " Elisabeth A... ", se borne, pour justifier de l'importance et de l'effectivité d'une activité exercée en Pologne, à produire des tableaux censés récapituler les charges patronales et salariales et d'exploitation acquittées en Pologne, ainsi que des factures et des documents rédigés en langue polonaise, sans liens avérés avec une activité quelconque du siège social de la société dans ce pays dans le secteur d'activité concerné. Dès lors, le siège social de l'activité économique de la société requérante en Pologne ne saurait être regardé comme le point de rattachement prioritaire des prestations de services fournies et l'établissement français ne constitue pas un simple bureau de liaison de cette société, mais une agence d'intérim procédant au placement de travailleurs en provenance de Pologne, auprès d'entreprises utilisatrice établies et exerçant leur activité en France. Par suite, l'administration fiscale doit être regardée comme établissant, ainsi qu'il lui incombe, que la société " Interim A... SP Zoo " immatriculée en Pologne disposait d'un établissement stable en France au sens des dispositions précitées, constituant le lieu des prestations de services en cause.

S'agissant de l'imposition en France dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux des résultats de la société " Interim A... SP Zoo " :

4. Si une convention bilatérale conclue en vue d'éviter les doubles impositions peut, en vertu de l'article 55 de la Constitution, conduire à écarter, sur tel ou tel point, la loi fiscale nationale, elle ne peut pas, par elle-même, directement servir de base légale à une décision relative à l'imposition ; que, par suite, il incombe au juge de l'impôt, lorsqu'il est saisi d'une contestation relative à une telle convention, de se placer d'abord au regard de la loi fiscale nationale pour rechercher si, à ce titre, l'imposition contestée a été valablement établie et, dans l'affirmative, sur le fondement de quelle qualification ; qu'il lui appartient ensuite, le cas échéant, en rapprochant cette qualification des stipulations de la convention, de déterminer, en fonction des moyens invoqués devant lui ou même, s'agissant de déterminer le champ d'application de la loi, d'office, si cette convention fait ou non obstacle à l'application de la loi fiscale.

5. Aux termes de l'article 4A du code général des impôts : " Les personnes qui ont en France leur domicile fiscal sont passibles de l'impôt sur le revenu en raison de l'ensemble de leurs revenus... ". Aux termes de l'article 8 du même code : " Sous réserve des dispositions de l'article 6, les associés des sociétés en nom collectif et les commandités des sociétés en commandite simple sont, lorsque ces sociétés n'ont pas opté pour le régime fiscal des sociétés de capitaux, personnellement soumis à l'impôt sur le revenu pour la part de bénéfices sociaux correspondant à leurs droits dans la société... Il en est de même, sous les mêmes conditions : ...4° De l'associé unique d'une société à responsabilité limitée lorsque cet associé est une personne physique ; ". Aux termes de l'article 206 du même code : " ...3. Sont soumis à l'impôt sur les sociétés s'ils optent pour leur assujettissement à cet impôt dans les conditions prévues à l'article 239 : ...e. Les sociétés à responsabilité limitée dont l'associé unique est une personne physique... ". Il résulte de la combinaison de ces dispositions que les bénéfices réalisés en France par une société à responsabilité limitée ayant un unique associé sont, sauf stipulation conventionnelle contraire, imposables à l'impôt sur le revenu au nom de cet associé.

6. Compte tenu de ce qui a été dit au point 3, la société de droit polonais " Interim A... SP Zoo " disposant en France d'un établissement stable dans les locaux de l'EURL " Elisabeth A... " et étant une société unipersonnelle à responsabilité limitée, assimilable à une société à responsabilité limitée, dont M. H... est l'unique associé, en l'absence de toute stipulation conventionnelle contraire, les résultats de cette société doivent, en vertu du 4° de l'article 8 et du e du 3 de l'article 206 du code général des impôts, être imposés à l'impôt sur le revenu des personnes physiques dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux, en l'absence d'option pour l'imposition de ses bénéfices à l'impôt sur les sociétés, au nom de M. H... qui avait la possibilité de faire connaître à l'administration fiscale l'existence de son établissement stable en France et d'exercer sa faculté d'option et ne démontre pas en quoi cette imposition aboutirait à une double imposition au regard des dispositions de l'article 7 de la convention fiscale franco-polonaise du 20 juin 1975, se bornant à affirmer que les bénéfices de la société " Intérim A... SP Zoo " ont été imposés à l'impôt sur les sociétés en Pologne sans produire aucun élément à l'appui de ses allégations.

En ce qui concerne la régularité de la procédure d'imposition :

7. En premier lieu, aux termes de l'article L.16 B du livre des procédures fiscales : " ...IV. Un procès-verbal relatant les modalités et le déroulement de l'opération et consignant les constatations effectuées est dressé sur-le-champ par les agents de l'administration des impôts. Un inventaire des pièces et documents saisis lui est annexé s'il y a lieu... / V. Les originaux du procès-verbal et de l'inventaire sont, dès qu'ils ont été établis, adressés au juge qui a autorisé la visite ; une copie de ces mêmes documents est remise à l'occupant des lieux ou à son représentant. Une copie est également adressée par lettre recommandée avec demande d'avis de réception à l'auteur présumé des agissements mentionnés au I, nonobstant les dispositions de l'article L.103./ Les pièces et documents saisis sont restitués à l'occupant des locaux dans les six mois de la visite ; toutefois, lorsque des poursuites pénales sont engagées, leur restitution est autorisée par l'autorité judiciaire compétente./ Le procès-verbal et l'inventaire mentionnent le délai et la voie de recours./ ... ".

8. Il résulte de ces dispositions que l'indépendance de la procédure de visite et de saisie instituée par l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales par rapport à la procédure de vérification de comptabilité ou d'examen contradictoire de la situation fiscale personnelle concernant le même contribuable, qui constituent deux étapes distinctes de la procédure d'imposition, ne saurait avoir pour effet de réduire dans chacune d'entre elles les garanties accordées au contribuable. Si l'administration peut valablement engager une vérification de comptabilité sans avoir au préalable restitué au contribuable les pièces et documents, notamment comptables, qu'elle a saisis dans le cadre d'une opération de visite domiciliaire, elle est tenue de lui restituer ces documents en principe avant l'engagement de la vérification de comptabilité, en tout état de cause dans les six mois de la visite, et, avant ce terme, dans un délai permettant au contribuable d'avoir, sur place, un débat oral et contradictoire avec le vérificateur, eu égard à la teneur de ces documents, à leur portée et à l'usage que l'administration pourrait en faire à l'issue de la vérification de comptabilité. A défaut de restitution de ces pièces et documents dans ces délais, la vérification est entachée d'une irrégularité qui vicie la procédure d'imposition dès lors que les redressements contestés procèdent de cette vérification. Dans l'hypothèse d'une pluralité d'occupants de locaux ayant fait l'objet d'une visite domiciliaire, les dispositions de l'article L. 16 B précité obligent, en principe, l'administration à restituer à chacun de ces occupants, dans les conditions prévues par ce texte, les pièces et documents lui appartenant qu'elle a saisis dans le cadre de cette visite. L'administration n'est toutefois tenue à cette obligation qu'à l'égard des occupants dont elle connaissait l'existence à la date de la visite. La circonstance que l'exploitation de documents saisis révèle ultérieurement qu'un contribuable occupait des locaux alors que l'administration n'était pas en mesure d'en avoir connaissance auparavant ne saurait entraîner la décharge des impositions contestées par ce contribuable au seul motif qu'elle ne lui aurait pas restitué ces documents dans les délais prescrits par le V de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales.

9. Par ordonnances du 19 avril 2012, le juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance d'Aix-en-Provence a autorisé l'administration fiscale à procéder à une visite et une saisie le 23 avril 2012 dans les locaux situés 348 chemin de la Fontaine Laurent à Velaux (13880), occupés par Mme G... A..., M. B... H... et l'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée (EURL) Elisabeth A... et dans les locaux situés 150 bis Cité La Boétie à Berre l'Etang, (13130), dont une partie est mis à disposition par l'EURL Elisabeth A... à la société Interim A... SP Zoo. Il résulte de l'instruction et notamment des procès-verbaux du 25 juin 2012 que les documents saisis à ces deux adresses, qu'il s'agisse de documents papiers ou de fichiers informatiques, ont été restitués, en intégralité, à Mme G... A..., " à titre personnel et en sa qualité de gérante de l'EURL Elisabeth A... " s'agissant des documents saisis à Velaux et à Mme G... A... " en sa qualité de gérante de l'EURL Elisabeth A... " s'agissant de ceux saisis à Berre-l'Etang, après que l'administration fiscale en ait pris copie et non à M. H.... Il est par ailleurs constant que les rectifications notifiées à la société Interim A... SP Zoo à l'issue de la vérification de comptabilité dont elle a fait l'objet à compter du 5 novembre 2012, et mises à la charge, s'agissant des bénéfices industriels et commerciaux, de M. B... H..., sont fondées sur les pièces saisies à l'occasion de ces visites domiciliaires, sur lesquelles l'administration s'est appuyée pour considérer que la société Interim A... SP Zoo disposait, en France, d'un établissement stable. Il ressort des pièces du dossier, que, d'une part, les rectifications contestées portent sur la période allant de 2009 à 2011, soit une période antérieure à la date de la visite, et, d'autre part, que les mentions figurant dans les propositions de rectification du 29 juillet 2013 résultent de l'exploitation des documents saisis. En outre, il ressort clairement du procès-verbal de la visite domiciliaire des locaux situés à Velaux, 248 chemin de la Fontaine Laurent à Berre l'Etang, 150 cité La Boétie, que Mme G... A... avait signalé aux agents sur place que ni M. H..., ni la société Intérim A... SP Zoo n'occupaient ces locaux à cette date. Dans ces conditions, le service vérificateur n'était pas tenu de restituer à M. H..., dans le délai de six mois prévu par les dispositions précitées du V de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales et avant l'engagement de la procédure d'examen contradictoire de sa situation fiscale personnelle, les documents saisis dans les locaux occupés par la société dont il est le gérant.

10. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales : " ...IV. ...Le premier président de la cour d'appel connaît des recours contre le déroulement des opérations de visite ou de saisie.... / L'ordonnance du premier président de la cour d'appel est susceptible d'un pourvoi en cassation ... ". Dans ces conditions, il n'appartient pas au juge administratif de se prononcer sur la régularité des opérations de visite et de saisie, cette compétence appartenant au seul président de la cour d'appel judiciaire territorialement compétente et sur pourvoi devant la cour de cassation, juridictions de l'ordre judiciaire qui, en l'espèce, n'ont été saisies d'aucun recours en temps utile par M. H.... Dès lors, il n'appartient pas à la cour de céans de se prononcer sur cette régularité.

11. En troisième lieu, il résulte de l'article 1658 du code général des impôts, que les impôts directs et les taxes assimilées sont recouvrés en vertu, soit de rôles rendus exécutoires par arrêté du directeur général des finances publiques, soit d'avis de mise en recouvrement. Pour l'application de la procédure de recouvrement par voie de rôle, le représentant de l'État dans le département peut déléguer ses pouvoirs aux agents de catégorie A placés sous l'autorité des directeurs départementaux des finances publiques ou des responsables des services à compétence nationale, détenant au moins un grade fixé par décret en Conseil d'État. La publicité de ces délégations est assurée par la publication des arrêtés de délégation au recueil des actes administratifs de la préfecture. Les délégations de pouvoirs sont impersonnelles et ne sont pas affectées par les changements de personnes.

12. En l'espèce, l'arrêté n° 2011348-0001 du 14 décembre 2011 portant délégation de pouvoir d'homologuer les rôles d'impôt pour rendre exécutoires les rôles d'impôts directs et taxes assimilées et abrogeant le précédent arrêté du 6 décembre 2010 a été publié au recueil des actes administratifs n° 190 de décembre 2011. La délégation spéciale de signature du pôle fiscal, signée par la directrice régionale des finances publiques de Provence-Alpes-Côte d'Azur et du département des Bouches-du-Rhône le 2 septembre 2013, accordant, notamment, à M. D... E..., une délégation spéciale de signature pour signer les pièces ou documents relatifs aux attributions de leur division ou service a été publiée au recueil des actes administratifs n° 193 du 8 octobre 2013, " Autre ", de la préfecture des Bouches-du-Rhône. Le rôle n° 911 " contrôle fiscal sur pièces et autres impositions " incorporant les impositions mises à la charge de M. B... H..., a été homologué par une décision du 17 janvier 2014 signée par M. D... E..., administrateur des finances publiques adjoint (AFIPA) à la direction des finances publiques de PACA et du département des Bouches-du-Rhône. Le rôle n°921 " contrôle fiscal sur pièces et autres impositions " incorporant les impositions mises à la charge de M. B... H..., a été homologué par une décision du 2 juin 2014, signée par M. D... E..., administrateur des finances publiques adjoint (AFIPA) à la direction des finances Publiques de PACA et du département des Bouches-du-Rhône. Dès lors, les rôles n°s 911 et 921 homologués les 17 janvier 2014 et 2 juin 2014, soit après la date de publication, le 14 décembre 2011, de l'arrêté n°2011348-0001, étant signés par M. D... E..., administrateur des finances publiques adjoint, dûment mandaté à cet effet par la directrice régionale des finances publiques de Provence-Alpes-Côte d'Azur et du département des Bouches-du-Rhône le 2 septembre 2013, M. H... n'est pas fondé à soutenir que la mise en recouvrement des impositions litigieuses serait entachée d'irrégularité.

13. Compte tenu de tout ce qui précède, M. H... n'est pas fondé à soutenir que les impositions contestées ont été mises à sa charge au terme d'une procédure irrégulière.

En ce qui concerne le bien-fondé des impositions et pénalités mises à la charge de M. H... :

S'agissant de la reconstitution des bénéfices de la société " Interim A... SP Zoo " :

14. La charge de la preuve de la réalité des dépenses portées en charges et de leur correcte transcription comptable incombe au contribuable, quelle que soit la procédure d'imposition suivie.

15. Pour contester le montant des charges déductibles retenu par l'administration pour évaluer le chiffre d'affaires de la société " Intérim A... SP Zoo ", M. H... se borne à produire des tableaux intitulés " Factures d'achat 2009 " élaborés par ses soins sans date certaine et des factures rédigées en Polonais sans lien avéré avec les montants portés en charges dans les tableaux précités. Par suite, il n'est pas fondé à soutenir que l'évaluation des bases d'imposition effectuée par l'administration serait erronée.

S'agissant des pénalités :

16. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : c. 80 % en cas de manœuvres frauduleuses... ". Aux termes de l'article L. 195 A du livre des procédures fiscales : " ...la preuve de la mauvaise foi et des manœuvres frauduleuses incombe à l'administration ".

17. Il résulte de tout ce qui précède, que M. H... est à la fois le seul associé et le seul représentant légal de la société " Interim A... SP Zoo " et qu'à ce titre, il ne pouvait ignorer le fait que celle-ci avait réalisé, durant les années en litige, des bénéfices sur le territoire français qui devaient être soumis à l'impôt en France. Comme l'ont constaté les premiers juges, afin de se soustraire à l'impôt sur les bénéfices, le requérant a créé une structure purement formelle en Pologne devant lui permettre de prétendre que l'activité commerciale de sa société était exercée dans ce pays, alors que le véritable centre de décision se situait en France, au domicile commun de M. H... et de Mme A.... Les modalités de fonctionnement de la société ont été uniquement conçues pour une activité exercée exclusivement en France, agissements qui révèlent une démarche délibérée de la part du requérant pour égarer l'administration fiscale en ce qui concerne le véritable lieu d'activité de la société. Dans ces conditions, l'administration doit être regardée comme ayant apporté la preuve de l'existence de manœuvres frauduleuses au sens des dispositions citées, de nature à justifier l'application de la majoration de 80 %.

18. Compte tenu de tout ce qui précède, M. H... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa requête tendant à la décharge des impositions et pénalités mises à sa charge. Par suite, ses conclusions formulées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. B... H... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... H..., au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique et au ministre délégué chargé des comptes publics.

Copie en sera adressée à la direction du contrôle fiscal sud-est.

Délibéré après l'audience du 20 octobre 2022, où siégeaient :

- Mme Cécile Fédi, présidente,

- M. Gilles Taormina, président assesseur,

- M. Nicolas Danveau, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 10 novembre 2022.

N°21MA05015 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21MA05015
Date de la décision : 10/11/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-01-02 Contributions et taxes. - Impôts sur les revenus et bénéfices. - Règles générales. - Impôt sur le revenu.


Composition du Tribunal
Président : Mme FEDI
Rapporteur ?: M. Gilles TAORMINA
Rapporteur public ?: M. GAUTRON
Avocat(s) : SCP LOUIT et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 27/11/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2022-11-10;21ma05015 ?
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