Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
L'association Argos Fitness, représentée par M. A... B..., en sa qualité de liquidateur, a demandé au tribunal administratif de Marseille de prononcer la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2013 et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2014, ainsi que des pénalités correspondantes.
Par un jugement n° 1900569 du 29 juillet 2020, le tribunal administratif de Marseille a rejeté cette demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 17 septembre 2020, l'association Argos Fitness, représentée par M. B..., en qualité de liquidateur, représenté par Me Pandelon, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Marseille du 29 juillet 2020 ;
2°) de prononcer la décharge des impositions et pénalités en litige ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'administration a été déloyale dans la mise en œuvre de la procédure de taxation d'office ;
- c'est à tort que l'administration a estimé qu'elle devait être soumise aux impôts commerciaux, dès lors que son activité n'entre pas en concurrence avec le secteur commercial ;
- l'administration a méconnu la doctrine administrative référencée BOI-IS-CHAMP-10-50-10-20 n° 700 et 710, relative à l'utilisation de sites internet par les organismes sans but lucratif ;
- l'administration a été déloyale en faisant application de la majoration pour 40 % prévue par l'article 1728 du code général des impôts ;
- l'application de la majoration de 40 % n'est pas motivée ;
- l'administration ne s'est pas conformée à la doctrine qui impose une motivation distincte de la majoration appliquée en matière d'impôt sur les sociétés et de la majoration appliquée à la taxe sur la valeur ajoutée.
Par un mémoire en défense, enregistré le 7 décembre 2020, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés par l'association Argos Fitness ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme C...,
- et les conclusions de M. Ury, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. A l'issue d'une vérification de comptabilité de l'association Argos Fitness, qui avait pour objet la création et la gestion d'un lieu sportif, l'administration fiscale a estimé que, si sa gestion était désintéressée, son activité ne pouvait toutefois pas être regardée comme non lucrative et a, par conséquent, estimé qu'elle devait être assujettie aux impôts commerciaux. L'association Argos Fitness, représentée par son liquidateur, relève appel du jugement du 29 juillet 2020 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont ainsi été réclamés au titre de la période du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2014, de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2013, et des pénalités correspondantes.
Sur le principe de l'assujettissement aux impôts commerciaux :
2. En premier lieu, aux termes de l'article 206 du code général des impôts : " 1. (...) sont passibles de l'impôt sur les sociétés, quel que soit leur objet, les sociétés anonymes (...) et toutes autres personnes morales se livrant à une exploitation ou à des opérations de caractère lucratif. / 1 bis. Toutefois, ne sont pas passibles de l'impôt sur les sociétés prévu au 1 les associations régies par la loi du 1er juillet 1901 (...) dont la gestion est désintéressée, lorsque leurs activités non lucratives restent significativement prépondérantes et le montant de leurs recettes d'exploitation encaissées au cours de l'année civile au titre de leurs activités lucratives n'excède pas 60 000 euros. / Les organismes mentionnés au premier alinéa deviennent passibles de l'impôt sur les sociétés prévu au 1 à compter du 1er janvier de l'année au cours de laquelle l'une des trois conditions prévues à l'alinéa précité n'est plus remplie (...) ". Aux termes de l'article 207 du même code : " I. Sont exonérés de l'impôt sur les sociétés : (...) 5° bis. Les organismes sans but lucratif mentionnés au 1° du 7 de l'article 261 pour les opérations à raison desquelles ils sont exonérés de taxe sur la valeur ajoutée ; (...) " ; Aux termes de l'article 261 du même code : " Sont exonérés de la taxe sur la valeur ajoutée : / (...) 7 (organismes d'utilité générale)/ 1° a : les services de caractère social, éducatif, culturel ou sportif rendus à leurs membres par les organismes légalement constitués agissant sans but lucratif et dont la gestion est désintéressée (...) ".
3. Pour l'application de ces dispositions, les associations ne sont exonérées de l'impôt sur les sociétés et de la taxe sur la valeur ajoutée que si, d'une part, leur gestion présente un caractère désintéressé, et, d'autre part, les services qu'elles rendent ne sont pas offerts en concurrence dans la même zone géographique d'attraction avec ceux proposés au même public par des entreprises commerciales exerçant une activité identique. Toutefois, même dans le cas où l'association intervient dans un domaine d'activité et dans un secteur géographique où existent des entreprises commerciales, elle reste exclue du champ de l'impôt sur les sociétés et continue de bénéficier de l'exonération de taxe sur la valeur ajoutée si elle exerce son activité dans des conditions différentes de celles des entreprises commerciales, soit en répondant à certains besoins insuffisamment satisfaits par le marché, soit en s'adressant à un public qui ne peut normalement accéder aux services offerts par les entreprises commerciales, notamment en pratiquant des prix inférieurs à ceux du secteur concurrentiel et à tout le moins des tarifs modulés en fonction de la situation des bénéficiaires, sous réserve de ne pas recourir à des méthodes commerciales excédant les besoins de l'information du public sur les services qu'elle offre.
4. Il résulte de l'instruction que l'association requérante exploitait à Vitrolles une salle de sports d'environ 500 m², composée notamment d'une salle de gymnastique, d'une salle de musculation équipée d'appareils et de vélos ainsi que de vestiaires comprenant des douches et saunas, et ouverte de 8h30 à 20h30. Elle était ouverte à toute personne majeure, et proposait notamment des cours collectifs de gymnastique, zumba, cardio, fitness ainsi que des cours de musculation sur les appareils, à l'instar des salles de sport exploitées par des sociétés commerciales à Vitrolles et à Marignane. Ainsi, alors que la seule production d'attestations rédigées par des adhérents postérieurement à la notification de la proposition de rectification, d'une " offre séniors " datée de 2016 et d'une attestation de l'adjoint au maire de Vitrolles relative aux emplois aidés, également datée de 2016, sont insuffisantes pour démontrer le caractère social de l'activité de l'association au cours des années 2013 et 2014, l'association Argos Fitness, contrairement à ce qui est soutenu, concurrençait des salles de sport exploitées commercialement dans la même zone géographique d'attraction par des entreprises commerciales. Par ailleurs, cette association pratiquait, au cours de la période d'imposition en litige, des cotisations annuelles de 250 euros pour la gym et la musculation, de 230 euros pour la musculation, ou une cotisation mensuelle de 40 euros, soit des tarifs qui n'étaient pas significativement inférieurs à ceux pratiqués par les entreprises commerciales, qui exploitaient des salles de superficies supérieures. Enfin, la société, qui disposait d'un site internet, avait recours à des documents publicitaires, avait fait publier son activité dans les Pages Jaunes et disposait d'un panneau publicitaire à l'entrée de l'enceinte. Dans ces conditions, l'association Argos Fitness ne pouvait être regardée comme exerçant son activité dans des conditions différentes de celles des entreprises commerciales exploitant des salles de sport dans la même zone géographique d'attraction et avec lesquelles elle se trouvait en situation de concurrence. Par suite, la requérante, qui doit être regardée comme ayant eu un but lucratif, même s'il n'est pas contesté que sa gestion était désintéressée, était passible de l'impôt sur les sociétés et ne pouvait bénéficier d'une exonération de taxe sur la valeur ajoutée sur le fondement de la loi fiscale.
5. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales : " Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration. / Lorsque le redevable a appliqué un texte fiscal selon l'interprétation que l'administration avait fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu'elle n'avait pas rapportée à la date des opérations en cause, elle ne peut poursuivre aucun rehaussement en soutenant une interprétation différente. Sont également opposables à l'administration, dans les mêmes conditions, les instructions ou circulaires publiées relatives au recouvrement de l'impôt et aux pénalités fiscales ".
6. L'association Argos Fitness n'est pas fondée à se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, des énonciations de la doctrine administrative référencée BOI-IS-CHAMP-10-50-10-20 n° 700 et 710, relative à l'utilisation de sites internet par les organismes sans but lucratif, qui ne comportent aucune interprétation de la loi fiscale différente de celle dont il a été fait application.
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
7. Aux termes de l'article L. 66 du livre des procédures fiscales : Sont taxés d'office : / (...) 2° à l'impôt sur les sociétés, les personnes morales passibles de cet impôt qui n'ont pas déposé dans le délai légal leur déclaration, sous réserve de la procédure de régularisation prévue à l'article L. 68 ; / 3° aux taxes sur le chiffre d'affaires, les personnes qui n'ont pas déposé dans le délai légal les déclarations qu'elles sont tenues de souscrire en leur qualité de redevables des taxes (...) ". Aux termes de l'article L. 68 du même livre : " La procédure de taxation d'office prévue aux 2° et 5° de l'article L. 66 n'est applicable que si le contribuable n'a pas régularisé sa situation dans les trente jours de la notification d'une mise en demeure (...) ".
8. Il résulte de l'instruction que l'administration fiscale, après avoir adressé à l'association Argos Fitness un avis de vérification, lui a envoyé des mises en demeure de déposer dans le délai de trente jours des déclarations des résultats soumis à l'impôt sur les sociétés au titre des exercices clos en 2013 et 2014 et des déclarations de taxe sur la valeur ajoutée " CA 12 " pour l'activité professionnelle exercée au titre des années 2013 et 2014, qui ont été régulièrement notifiées le 6 mai 2016. L'article L. 68 du livre des procédures fiscales permet l'établissement de l'impôt sur les sociétés par taxation d'office lorsque le contribuable qui n'a pas déposé une déclaration de résultats dans le délai légal ne régularise pas la situation dans les trente jours de la mise en demeure qui lui est faite. En adressant à l'association Argos Fitness des mises en demeure permettant de régulariser sa situation en déposant des déclarations de résultat et des déclarations de taxe sur la valeur ajoutée pour son activité, quand bien même les opérations de contrôle n'avaient pas débuté, et alors d'ailleurs qu'en matière de taxe sur la valeur ajoutée la procédure de taxation d'office pouvait être appliquée sans mise en demeure, l'administration fiscale ne saurait être regardée comme ayant manqué de loyauté à l'égard de l'association.
Sur les pénalités :
9. En premier lieu, aux termes du 1 de l'article 1728 du code général des impôts : " Le défaut de production dans les délais prescrits d'une déclaration ou d'un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt entraîne l'application, sur le montant des droits mis à la charge du contribuable ou résultant de la déclaration ou de l'acte déposé tardivement, d'une majoration de : / (...) b. 40 % lorsque la déclaration ou l'acte n'a pas été déposé dans les trente jours suivant la réception d'une mise en demeure, notifiée par pli recommandé, d'avoir à le produire dans ce délai ; (...) ".
10. En adressant à l'association Argos Fitness, avant le début des opérations de contrôle des mises en demeure permettant de régulariser sa situation en déposant des déclarations de résultat et des déclarations de taxe sur la valeur ajoutée pour son activité, et en faisant application de la majoration de 40 % prévue par l'article 1728 précité du code général des impôts en l'absence de dépôt des déclarations dans les trente jours suivant la réception de ces mises en demeure, l'administration fiscale ne saurait être regardée comme ayant manqué de loyauté à l'égard de l'association.
11. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 80 D du livre des procédures fiscales : " Les décisions mettant à la charge des contribuables des sanctions fiscales sont motivées au sens des articles L. 211-2 à L. 211-7 du code des relations entre le public et l'administration, quand un document ou une décision adressés au plus tard lors de la notification du titre exécutoire ou de son extrait en a porté la motivation à la connaissance du contribuable (...) ".
12. Contrairement à ce que soutient l'association Argos Fitness, le vérificateur a suffisamment motivé l'application de la majoration pour défaut de dépôt des déclarations dans les trente jours suivant la réception d'une mise en demeure dans la proposition de rectification du 12 août 2016 en citant l'article 1728 du code et en indiquant notamment que des mises en demeure de dépôt de déclaration des résultats des exercices clos en 2013 et 2014 et de déclarations de taxe sur la valeur ajoutée au titre des années 2013 et 2014 ont été régulièrement notifiées à l'association le 6 mai 2016 et que les déclarations n'ont pas été déposées dans le délai de trente jours suivant la réception de ces mises en demeure.
13. En troisième et dernier lieu, sont opposables à l'administration, dans les conditions prévues par le second alinéa de l'article L. 80 A précité du livre des procédures fiscales, les instructions ou circulaires publiées relatives à l'assiette ou au recouvrement de l'impôt, ainsi que celles relatives au bien-fondé ou au recouvrement des pénalités fiscales, mais non celles relatives à la procédure d'établissement de l'impôt, ni celles relatives à la procédure d'établissement des pénalités fiscales. Par conséquent, la requérante ne saurait invoquer les énonciations de la doctrine administrative BOI-CF-INF-30-20 en tant que celles-ci ont trait à la procédure d'établissement des pénalités fiscales.
14. Il résulte de tout ce qui précède que l'association Argos Fitness n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de l'association Argos Fitness est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à l'association Argos Fitness, représentée par M. A... B... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Est Outre-mer.
Délibéré après l'audience du 17 novembre 2022, où siégeaient :
- Mme Paix, présidente,
- Mme Carotenuto, première conseillère,
- Mme Mastrantuono, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 1er décembre 2022.
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N° 20MA03594