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07/12/2022 | FRANCE | N°21MA02596

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 4ème chambre, 07 décembre 2022, 21MA02596


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E... D... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler 1'arrêté du 25 septembre 2019 par lequel le maire de Briançon lui a infligé la sanction disciplinaire de révocation et l'a radiée des effectifs de cette commune.

Par un jugement n° 1909634 du 2 juin 2021, le tribunal administratif de Marseille a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 5 juillet 2021, Mme D..., représentée par Me Guy, demande à la Cour :

1°) d'

annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 2 juin 2021 ;

2°) d'annuler cet arrêté ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E... D... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler 1'arrêté du 25 septembre 2019 par lequel le maire de Briançon lui a infligé la sanction disciplinaire de révocation et l'a radiée des effectifs de cette commune.

Par un jugement n° 1909634 du 2 juin 2021, le tribunal administratif de Marseille a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 5 juillet 2021, Mme D..., représentée par Me Guy, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 2 juin 2021 ;

2°) d'annuler cet arrêté du maire de Briançon du 25 septembre 2019 ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Briançon la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- sa requête est recevable :

. elle a intérêt à agir ;

. sa requête n'est pas tardive ;

- sur le fond :

. en méconnaissance des dispositions de l'article 4 du décret n° 89-677 du 18 septembre 1989, le courrier du 8 avril 2019 l'informant qu'une procédure était envisagée à son encontre ne mentionnait pas la sanction envisagée et le procès-verbal de communication du dossier du 16 avril 2019 fait référence à un " dossier administratif ", sans préciser s'il s'agissait du dossier disciplinaire ou individuel ;

. elle n'a pas eu la possibilité de s'expliquer sur les faits qui lui étaient reprochés ;

. l'arrêté contesté du 25 septembre 2019 est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;

. le maire de Briançon a voulu tronquer les débats dès le début de la procédure.

Par un mémoire en défense, enregistré le 18 juillet 2022, la commune de Briançon, représentée par Me Pinatel, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de Mme D... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que les moyens de la requête sont inopérants ou infondés et elle demande la confirmation, en toutes ses dispositions, du jugement attaqué rendu le 2 juin 2021 par le tribunal administratif de Marseille.

Un courrier du 12 septembre 2022, adressé aux parties en application des dispositions de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative, les a informées de la période à laquelle il était envisagé d'appeler l'affaire à l'audience et leur a indiqué la date à partir de laquelle l'instruction pourrait être close, dans les conditions prévues par le dernier alinéa de l'article R. 613-1 et le dernier alinéa de l'article R. 613-2 du même code.

Par une ordonnance du 10 octobre 2022, la clôture de l'instruction a été prononcée avec effet immédiat, en application du dernier alinéa de l'article R. 613-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- le décret n° 89-677 du 18 septembre 1989 ;

- le décret n° 92-850 du 28 août 1992 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. C...,

- les conclusions de M. Angéniol, rapporteur public,

- et les observations de Me Pinatel, représentant la commune de Briançon.

Considérant ce qui suit :

1. Agent territorial spécialisé des écoles maternelles (ATSEM), employée par la commune de Briançon, Mme D... était affectée, depuis l'année 2017, à l'école de Forville. Après l'avoir, par un arrêté du 19 février 2019, suspendue de ses fonctions à compter du 25 février suivant, puis placée en congé administratif durant le temps de la procédure disciplinaire, par un arrêté du 7 juin 2019, et à compter du 25 juin suivant, le maire de Briançon a, par un arrêté du 25 septembre 2019, infligé à Mme D... la sanction disciplinaire de révocation et l'a radiée des effectifs de sa commune. Mme D... relève appel du jugement du 2 juin 2021 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté du 25 septembre 2019.

Sur la légalité de l'arrêté du maire de Briançon du 25 septembre 2019 :

En ce qui concerne le moyen de légalité externe :

2. Mme D... reprend en appel le moyen tiré du vice de procédure ci-dessus analysé et déjà soulevé en première instance, sans apporter d'éléments nouveaux de fait ou de droit. Dans ces conditions, il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges, aux points 2 à 4 de leur jugement attaqué du 2 juin 2021.

En ce qui concerne les moyens de légalité interne :

S'agissant de la légalité de la sanction de révocation infligée à Mme D... :

3. Il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes (Conseil d'Etat, Assemblée, 13 novembre 2013, n° 347704).

Quant à la matérialité des faits reprochés à Mme D... et à leur qualification de fautes disciplinaires :

4. Aux termes de l'article 29 de la loi susvisée du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, dans sa rédaction applicable au présent litige : " Toute faute commise par un fonctionnaire dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions l'expose à une sanction disciplinaire (...) ".

5. En l'espèce, il ressort de la lecture de l'arrêté contesté du 25 septembre 2019 que, pour prononcer la révocation de Mme D..., après avoir été alerté par les témoignages de deux de ses collègues de travail, le maire de Briançon lui a reproché d'avoir adopté, dans le courant de l'année scolaire 2018-2019, pendant le temps périscolaire (accueil et garderie) et la pause méridienne, des comportements inadaptés, humiliants et vexatoires à l'égard d'au moins trois enfants âgés de 3 à 6 ans : ..., atteints tous deux de handicap, et ....

6. Il ressort des pièces du dossier que Mme D... a, par un jugement du tribunal correctionnel de Gap du 22 juin 2020, puis un arrêt de la cour d'appel de Grenoble du 1er avril 2021, été déclarée coupable des faits de harcèlement de mineurs de moins de quinze ans, commis à l'encontre des jeunes ..., consistant en des " propos ou comportements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de vie altérant la santé commis du 1er septembre 2017 au 28 février 2019 ", et qu'elle a été condamnée à une peine d'emprisonnement de six mois avec sursis, assortie notamment d'une interdiction d'exercer l'activité professionnelle d'ATSEM. Le 2 février 2022, la Cour de cassation a cassé et annulé, par voie de retranchement, cet arrêt de la cour d'appel de Grenoble en ses seules dispositions ayant confirmé les condamnations de Mme D... au paiement de dommages-intérêts aux parties civiles. En raison de l'autorité de la chose jugée qui s'attache aux constatations matérielles, retenues par le juge pénal dans une décision devenue définitive, et qui s'impose tant aux autorités qu'aux juridictions administratives, la matérialité de ces faits, également retenus dans les motifs de l'arrêté contesté du 25 septembre 2019, doit être regardée comme établie. Il doit, en outre, en être de même s'agissant du comportement reproché à Mme D... à l'encontre de la jeune B... alors qu'ainsi que l'ont relevé à raison les premiers juges, les témoignages concordants et circonstanciés des deux collègues de travail de Mme D... sont corroborés par les pièces versées aux débats. L'ensemble de ces faits constitue des manquements caractérisés de l'appelante à ses obligations professionnelles, en particulier à ses obligations de dignité, de probité et de loyauté, et présentent le caractère de fautes disciplinaires.

7. En revanche, si, concernant un quatrième enfant qui était scolarisé seulement les vendredis au sein de l'école de Forville et le reste du temps en institut spécialisé, le maire de Briançon a également, dans son arrêté contesté du 25 septembre 2019, fait grief à Mme D... d'avoir, en méconnaissance de ses devoirs de réserve et de discrétion professionnelle, critiqué auprès de ses parents les choix de l'équipe enseignante, ces faits ne sont relatés que dans des documents émanant de l'administration, à l'instar de la lettre en date du 8 avril 2019 portant convocation de l'intéressée à un entretien préalable ou le courrier d'engagement de procédure disciplinaire du 29 mai 2019, et tant le rapport hiérarchique du 18 février 2019 dressé par la directrice des ressources humaines de la commune de Briançon que le rapport de saisine du conseil de discipline du 29 mai 2019, sont insuffisants à eux seuls, en l'absence d'autres pièces versées aux débats, pour établir leur matérialité.

Quant à la proportionnalité de la sanction infligée à Mme D... :

8. Aux termes de l'article 89 de la loi susvisée du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, dans sa rédaction applicable au présent litige : " Les sanctions disciplinaires sont réparties en quatre groupes : / Premier groupe : / l'avertissement ; / le blâme ; / l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée maximale de trois jours ; / Deuxième groupe : / la radiation du tableau d'avancement ; / l'abaissement d'échelon à l'échelon immédiatement inférieur à celui détenu par l'agent ; / l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de quatre à quinze jours ; / Troisième groupe : / la rétrogradation au grade immédiatement inférieur et à un échelon correspondant à un indice égal ou immédiatement inférieur à celui détenu par l'agent ; / l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de seize jours à deux ans ; / Quatrième groupe : / la mise à la retraite d'office ; / la révocation. (...) ".

9. Les griefs énoncés au point 6 ci-dessus du présent arrêt, dont la matérialité est établie, et qui ont porté atteinte à de jeunes enfants, atteints de handicap ou ayant des difficultés d'apprentissage, placés sous sa responsabilité caractérisent des manquements d'une particulière gravité de Mme D... à ses obligations professionnelles telles qu'elles découlent notamment de l'article 2 du décret susvisé du 28 août 1992 portant statut particulier du cadre d'emplois des agents territoriaux spécialisés des écoles maternelles. Si Mme D... soutient ne s'être vue infliger jusqu'alors qu'un avertissement, le 24 novembre 2017, non pour des faits de même nature mais pour avoir utilisé, à des fins personnelles, un téléphone dans l'exercice de ses fonctions, cette circonstance révèle déjà, en tout état de cause, comme l'ont observé les premiers juges, outre un défaut de surveillance des enfants placés sous sa garde, un manque de professionnalisme et un certain désintérêt pour son travail, griefs qui sont au demeurant repris dans plusieurs pièces produites concernant les précédentes affectations de Mme D.... Eu égard à leur nature, à leur gravité, aux conséquences qu'ils ont eu sur les conditions de vie et la santé d'enfants mineurs, qui plus est particulièrement vulnérables, et à leur caractère répété, et nonobstant la circonstance que le conseil de discipline s'est prononcé, le 27 juin 2019, pour une sanction moins sévère, les fautes commises par l'appelante à l'égard des jeunes ...justifient que lui soit infligée la sanction de la révocation. Ainsi, alors qu'au surplus, contrairement à ce que Mme D... soutient, le maire de Briançon n'était pas tenu de lui proposer un poste sans contact avec les enfants, le moyen tiré de l'erreur d'appréciation qu'il aurait commise doit être écarté.

10. Il résulte de l'instruction que le maire de Briançon aurait infligé la même sanction de révocation à l'encontre de Mme D... en se fondant sur les seuls griefs tenant aux comportements de cette dernière à l'égard des jeunes F..., A... et B..., et sans retenir le motif non établi, en l'état des pièces du dossier, tenant à son comportement à vis-à-vis du quatrième enfant.

S'agissant du moyen tiré du détournement de pouvoir :

11. En admettant que Mme D... ait entendu se prévaloir d'un tel détournement de pouvoir, celui-ci n'est pas établi au vu des pièces du dossier. Ce moyen doit, dès lors, être également écarté.

12. Il résulte de tout ce qui précède que les conclusions présentées par Mme D... tendant à l'annulation de l'arrêté du 25 septembre 2019 devaient donc être rejetées et cette dernière n'est dès lors pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 2 juin 2021, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Sur les frais liés au litige :

13. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Les parties peuvent produire les justificatifs des sommes qu'elles demandent et le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. "

14. Ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Briançon, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que Mme D... sollicite au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

15. En revanche, dans les circonstances de l'espèce, et sur le fondement de ces mêmes dispositions, il y a lieu de mettre à la charge de l'appelante une somme de 2 000 euros à verser à la commune intimée.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme D... est rejetée.

Article 2 : Mme D... versera une somme de 2 000 euros à la commune de Briançon au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E... D... et à la commune de Briançon.

Délibéré après l'audience du 23 novembre 2022, où siégeaient :

- Mme Helmlinger, présidente,

- M. Revert, président assesseur,

- M. Lombart, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 décembre 2022.

Le rapporteur,

L. C...

La présidente,

L. HELMLINGERLa greffière,

C. LAUDIGEOIS

La République mande et ordonne au préfet des Hautes-Alpes en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

2

No 21MA02596


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 21MA02596
Date de la décision : 07/12/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-09-03-01 Fonctionnaires et agents publics. - Discipline. - Motifs. - Faits de nature à justifier une sanction.


Composition du Tribunal
Président : Mme HELMLINGER
Rapporteur ?: M. Laurent LOMBART
Rapporteur public ?: M. ANGENIOL
Avocat(s) : SCP BOLLET et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 18/12/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2022-12-07;21ma02596 ?
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