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08/12/2022 | FRANCE | N°20MA03442

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 2ème chambre, 08 décembre 2022, 20MA03442


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... E... épouse B..., M. C... B... et M. F... B... ont demandé au tribunal administratif de Marseille, d'une part, de condamner solidairement le centre hospitalier intercommunal des Alpes du Sud (CHICAS) et la société hospitalière d'assurances mutuelles (SHAM) à les indemniser des préjudices subis à la suite de la prise en charge médicale de Mme E..., à hauteur d'un montant total de 248 874 euros pour Mme E..., de 2 846,59 euros pour M. C... B... et de 543,79 euros pour M. F... B..., et, d'autre pa

rt, de condamner solidairement le centre hospitalier des Escartons de Br...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... E... épouse B..., M. C... B... et M. F... B... ont demandé au tribunal administratif de Marseille, d'une part, de condamner solidairement le centre hospitalier intercommunal des Alpes du Sud (CHICAS) et la société hospitalière d'assurances mutuelles (SHAM) à les indemniser des préjudices subis à la suite de la prise en charge médicale de Mme E..., à hauteur d'un montant total de 248 874 euros pour Mme E..., de 2 846,59 euros pour M. C... B... et de 543,79 euros pour M. F... B..., et, d'autre part, de condamner solidairement le centre hospitalier des Escartons de Briançon et la SHAM à les indemniser de ces mêmes préjudices à hauteur de 746 621 euros pour Mme E..., de 8 539,78 euros pour M. C... B... et de 1 631,38 euros pour M. F... B..., et, enfin, de condamner l'APHM et son assureur à leur rembourser les frais d'expertise d'un montant de 1 960 euros et les honoraires d'assistance à expertise d'un montant de 500 euros.

La caisse primaire d'assurance maladie des Hautes-Alpes a demandé au tribunal administratif de Marseille de condamner le CHICAS solidairement avec la SHAM à lui payer la somme de 57 846,79 euros correspondant aux 10 % de la somme totale des débours exposés, ainsi qu'un montant correspondant à 10 % des débours exposés au titre des frais futurs au fur et à mesure de leur réalisation, de condamner le centre hospitalier des Escartons solidairement avec la SHAM à lui payer une provision de 173 540,37 euros correspondants aux 30 % de la somme totale des débours exposés, ainsi qu'un montant correspondant à 30 % des débours exposés au titre des frais futurs au fur et à mesure de leur réalisation, et, enfin, de condamner solidairement le CHICAS et le centre hospitalier des Escartons de Briançon à leur verser une provision de 25 euros au titre du solde de l'indemnité forfaitaire de gestion.

J... un jugement n° 1802578 du 13 juillet 2020, le tribunal administratif de Marseille a :

- condamné solidairement le centre hospitalier intercommunal des Alpes du Sud avec la SHAM à verser à Mme E... la somme de 57 613,51 euros, en tenant compte du versement de la prestation de compensation du handicap dans les conditions exposées au point 16 de son jugement, de laquelle devra être déduite la somme de 44 220 euros versée à l'intéressée à titre provisionnel ;

- condamné solidairement le centre hospitalier intercommunal des Alpes du Sud avec la SHAM à verser, d'une part, à M. C... B... la somme de 1 231,47 euros, de laquelle devra être déduite la somme de 1 000 euros versée à titre de provision à l'intéressé, et, d'autre part, à M. F... B... la somme de 378,83 euros, de laquelle devra être déduite la somme de 200 euros versée à titre de provision à l'intéressé ;

- condamné solidairement le centre hospitalier intercommunal des Alpes du Sud avec la SHAM à verser à la caisse primaire d'assurance maladie des Hautes-Alpes la somme de 37 143,98 euros de laquelle devront être déduites les sommes de 28 605,95 euros et de 8 130,31 euros versées à titre de provision, ainsi qu'une rente annuelle de 1 240,15 euros, qui sera revalorisée J... application des coefficients prévus à l'article L. 434-17 du code de la sécurité sociale ;

- condamné solidairement le centre hospitalier des Escartons de Briançon avec la SHAM à verser à Mme E... la somme de 172 840,55 euros, en tenant compte du versement de la prestation de compensation du handicap dans les conditions exposées au point 16 de son jugement, de laquelle devra être déduite la somme de 132 659 euros versée à l'intéressée à titre provisionnel ;

- condamné solidairement le centre hospitalier des Escartons de Briançon avec la SHAM à verser, d'une part, à M. C... B... la somme de 3 694,16 euros, de laquelle devra être déduite la somme de 3 000 euros versée à titre de provision, et, d'autre part, à M. F... B... la somme de 1 136,51 euros, de laquelle devra être déduite la somme de 600 euros versée à titre de provision à l'intéressé ;

- condamné solidairement le centre hospitalier des Escartons de Briançon avec la SHAM à verser à la caisse primaire d'assurance maladie des Hautes-Alpes la somme de 111 432,05 euros de laquelle devront être déduites les sommes de 85 817,85 euros et de 24 390,94 euros versées à titre de provision, ainsi qu'une rente annuelle de 3 720,46 euros, qui sera revalorisée J... application des coefficients prévus à l'article L. 434-17 du code de la sécurité sociale ;

- condamné solidairement le centre hospitalier intercommunal des Alpes du Sud, le centre hospitalier des Escartons et la SHAM à verser à la caisse primaire d'assurance maladie des Hautes-Alpes la somme de 1 091 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion.

Procédure devant la cour :

I. - J... une requête et un mémoire, enregistrés le 10 septembre et le 6 novembre 2020 sous le numéro 20MA03442, Mme D... E..., épouse B..., M. C... B... et M. F... B..., représentés J... Me Gerbi, demandent à la cour :

1°) d'annuler les articles 1er, 2, 4, 5, 8 et 9 du jugement n° 1802578 rendu le 13 juillet 2020 J... le tribunal administratif de Marseille ;

2°) de condamner solidairement le centre hospitalier intercommunal des Alpes du Sud (CHICAS) et la société hospitalière d'assurances mutuelles (SHAM) à les indemniser des préjudices subis à la suite de la prise en charge médicale de Mme E..., à hauteur d'un montant total de 256 266 euros pour Mme E..., de 2 846,59 euros pour M. C... B... et de 543,79 euros pour M. F... B... ;

3°) de condamner solidairement le centre hospitalier des Escartons de Briançon et la SHAM à les indemniser de ces mêmes préjudices à hauteur de 768 798 euros pour Mme E..., de 8 539,78 euros pour M. C... B... et de 1 631,38 euros pour M. F... B... ;

4°) de mettre à la charge solidaire du centre hospitalier intercommunal des Alpes du Sud, du centre hospitalier des Escartons de Briançon et de la SHAM la somme de 2 500 euros au bénéfice de Mme E..., de 1 000 euros au bénéfice de M. C... B... et de 1 000 euros au bénéfice de M. F... B... en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- la prise en charge de Mme E... J... le CHICAS le 16 décembre 2013 n'a pas été conforme aux règles de l'art et constitue un manquement fautif à l'origine d'une perte de chance, évaluée à 10 %, d'éviter l'amputation de la cuisse pratiquée le 24 décembre 2013 ainsi qu'une désarticulation de la hanche gauche le 30 décembre 2013 ; en outre, la prise en charge de l'intéressée J... le centre hospitalier des Escartons, à compter du 17 décembre 2013, a également été défaillante et à l'origine d'une perte de chance de 30 % d'éviter l'aggravation de son dommage ;

- en tenant compte des taux de perte de chance précédemment cités, ils sont fondés à demander la condamnation solidaire, d'une part du CHICAS et de la SHAM, et, d'autre part, du centre hospitalier des Escartons de Briançon et de la SHAM, à les indemniser des préjudices subis évalués, s'agissant des préjudices de Mme E..., aux sommes totales de 14 658 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire, de 22 000 euros au titre des souffrances endurées, de 20 000 euros au titre du préjudice esthétique temporaire et permanent, de 115 500 euros au titre du déficit fonctionnel permanent, de 8 000 euros au titre du préjudice sexuel, de 15 000 euros au titre du préjudice d'agrément, de 35 473 euros au titre de l'assistance J... tierce personne avant consolidation et de 2 052 426 euros au titre des frais d'assistance J... tierce personne après consolidation, de 19 321,34 euros au titre des pertes de gains professionnels actuels, de 107 961 euros au titre des frais de véhicule adapté, de 23 925,15 euros au titre des frais de logement adapté, de 125 321 euros au titre des aides techniques et de 3 075,55 euros au titre des frais divers ; s'agissant de M. C... B... et M. F... B..., les requérants sont fondés à demander la réparation de leur préjudice d'affection et d'accompagnement évalué à 800 euros et 2 400 euros pour M. C... B... et à 500 euros et 1 500 euros pour M. F... B..., ainsi que des troubles dans les conditions d'existence subis J... M. C... B..., préjudice évalué à 1 000 euros et 3 000 euros, et, enfin, des frais engagés J... les intéressés à hauteur de 1 046,59 euros pour M. C... B... et de 43,79 euros pour M. F... B....

J... un mémoire en défense, enregistré le 15 octobre 2020, le centre hospitalier intercommunal des Alpes du Sud (CHICAS), le centre hospitalier des Escartons de Briançon et la société hospitalière d'assurances mutuelles (SHAM), représentés J... Me Le Prado, concluent :

1°) J... la voie de l'appel incident, à réduire les indemnités allouées à Mme E... au titre de l'assistance à tierce personne, au titre des frais d'aménagement du véhicule et au titre des travaux d'aménagement du logement et à M. F... B... et à M. C... B... en rejetant leurs demandes au titre du préjudice d'affection ;

2°) en toute hypothèse, au rejet de la requête.

Ils soutiennent que les prétentions indemnitaires des requérants sont, pour certaines, infondées et pour d'autres, excessives.

J... un mémoire, enregistré le 3 décembre 2020, la caisse primaire centrale d'assurance maladie des Hautes-Alpes, représentée J... Me Hamdi, demande à la cour :

1°) confirmer les condamnations prononcées à son profit J... le jugement attaqué ;

2°) rejeter toutes les prétentions contraires à ces condamnations ;

3°) de mettre à la charge solidaire du CHICAS et du centre hospitalier des Escartons la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que c'est à bon droit que le tribunal administratif de Marseille a, J... le jugement attaqué, condamné le CHICAS et le centre hospitalier des Escartons à lui verser les indemnités qu'il a fixées.

Des pièces, produites J... le département des Hautes-Alpes en réponse à des mesures supplémentaires d'instruction, ont été communiquées aux parties les 29 avril et 7 septembre 2022.

II. - J... une requête et des mémoires enregistrés les 14 septembre et 15 octobre 2020 et le 8 juillet 2021, sous le numéro 20MA03532, le CHICAS et le centre hospitalier des Escartons et la SHAM, représentés J... Me Le Prado, demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1802578 rendu le 13 juillet 2020 J... le tribunal administratif de Marseille ;

2°) de réduire les indemnités allouées à Mme E... au titre de l'assistance à tierce personne, au titre des frais d'aménagement du véhicule et au titre des travaux d'aménagement du logement et à M. F... B... et à M. C... B... en rejetant leurs demandes au titre du préjudice d'affection.

Ils soutiennent que :

1°) sur la régularité du jugement attaqué, le jugement attaqué est insuffisamment motivé au regard des conclusions dont le tribunal a été saisi ;

2°) sur le bien-fondé du jugement attaqué :

- c'est à tort que le tribunal administratif de Marseille a retenu leur responsabilité pour faute ;

- c'est à tort que le tribunal administratif de Marseille a retenu au titre de l'assistance à tierce personne pour la période passée, entre la date de consolidation de Mme E... et la date du jugement, le 13 juillet 2020, un taux horaire de 13 euros ; 1. Pour la période antérieure à la consolidation, l'assistance à tierce personne sera calculée de la manière suivante : 1.1. pour l'aide-ménagère, à raison de dix heures J... mois : 10 x 4 x 12 = 480 euros ; 1.2. pour l'aide non spécialisée familiale : 118 x 12 = 1 416 euros ; au total, l'assistance à tierce personne du 24 décembre 2014 au 22 mars 2015 et du 1er mai 2015 au 31 mai 2015 sera fixée à un montant de 1 896 euros avant d'appliquer le taux de perte de chance ; 2. pour la période postérieure à la consolidation et jusqu'au 13 juillet 2020, l'expert ayant retenu une aide familiale de trois heures J... jour chaque jour de la semaine, l'assistance à tierce personne se calcule de la manière suivante : 3 heures x 412 jours = 1 236 heures J... an, soit avec un taux horaire de 12 euros, la somme de 4 832 euros, à laquelle il convient d'ôter le montant annuel de la prestation de compensation handicap perçue J... Mme E..., à savoir 2 185,80 euros, soit un total annuel de 12 646,20 euros et sur la période courant jusqu'au 13 juillet 2020 : du 1er juin 2015 au 1er juin 2016 = 12 646,20 euros, du 1er juin 2016 au 1er juin 2017 = 12 646,20 euros, du 1er juin 2017 au 1er juin 2018 = 12 646,20 euros, du 1er juin 2018 au 1er juin 2019 = 12 646,20 euros, du 1er juin 2019 au 1er juin 2020 = 12 646,20 euros, du 1er juin 2020 au 13 juillet 2020 = 1 152 euros (32 jours x 3 heures x 12 euros) ; au total, l'assistance à tierce personne du 1er juin 2015 au 13 juillet 2020 sera fixée à un montant de 64 383 euros avant d'appliquer le taux de perte de chance ; c'est également à tort que le tribunal a indemnisé Mme E... au titre de l'assistance J... une tierce personne sous forme de capital, et non sous forme de rente ;

- c'est à tort que le tribunal a considéré que Mme E... était fondée à demander une somme de 9 893,77 euros au titre des frais d'aménagement de son véhicule et a évalué les frais futurs liés au surcoût du véhicule à la somme de 23 110,43 euros ; ce poste de préjudice sera réformé de la manière suivante, sous déduction le cas échéant des sommes perçues au titre de la prestation de compensation du handicap ou du fonds départemental de compensation du handicap : 1 366,57 euros au titre des frais d'aménagement de son véhicule, eu égard à la fréquence de renouvellement qui est de sept ans, et compte tenu de l'âge de Mme E... au premier renouvellement et du coefficient de capitalisation fixé à 16,351 J... le barème de capitalisation publié à la Gazette du Palais de 2018, les frais futurs liés au surcoût du véhicule adapté seront évalués à 3 198 euros ;

- c'est à tort que le tribunal a évalué le préjudice des travaux d'aménagement du logement à hauteur de 16 763,41 euros ; si l'indemnisation d'un montant de 13 154,31 euros au titre de l'aménagement de la salle de bains avec douche sans seuil n'est pas contestée J... les requérants, il n'en va pas de même de l'indemnisation complémentaire au titre de l'aménagement de l'accès à la terrasse du domicile de Mme B..., évaluée à hauteur de 3 609,10 euros J... le tribunal ;

- c'est à tort que le tribunal administratif a retenu l'existence d'un préjudice d'affection pour M. C... B..., époux de Mme E..., et pour M. F... B..., fils de A... E..., car leur proche n'est pas décédée.

J... un mémoire en défense, enregistré le 18 juin 2021, Mme D... E..., épouse B..., M. C... B... et M. F... B..., représentés J... Me Gerbi, demandent à la cour :

1°) de rejeter la requête ;

2°) d'annuler les articles 1er, 2, 4, 5, 8 et 9 du jugement n° 1802578 rendu le 13 juillet 2020 J... le tribunal administratif de Marseille ;

3°) de condamner solidairement le centre hospitalier intercommunal des Alpes du Sud (CHICAS) et la société hospitalière d'assurances mutuelles (SHAM) à les indemniser des préjudices subis à la suite de la prise en charge médicale de Mme E..., à hauteur d'un montant total de 256 266 euros pour Mme E..., de 2 846,59 euros pour M. C... B... et de 543,79 euros pour M. F... B... ;

4°) de condamner solidairement le centre hospitalier des Escartons de Briançon et la SHAM à les indemniser de ces mêmes préjudices à hauteur de 768 798 euros pour Mme E..., de 8 539,78 euros pour M. C... B... et de 1 631,38 euros pour M. F... B... ;

5°) de mettre à la charge solidaire du centre hospitalier intercommunal des Alpes du Sud, du centre hospitalier des Escartons de Briançon et de la SHAM la somme de 2 500 euros au bénéfice de Mme E..., de 1 000 euros au bénéfice de M. C... B... et de 1 000 euros au bénéfice de M. F... B... en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent les mêmes moyens que dans leur requête enregistrée sous le n° 20MA03442.

La requête a été communiquée à la caisse primaire centrale d'assurance maladie des Hautes-Alpes qui n'a pas produit de mémoire.

Des pièces, produites J... le département des Hautes-Alpes en réponse à des mesures supplémentaires d'instruction, ont été communiquées aux parties les 29 avril et 7 septembre 2022.

Dans ces deux affaires, la clôture de l'instruction a été fixée au 9 septembre 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de la sécurité sociale ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

La présidente de la cour a désigné M. Taormina, président-assesseur de la 2ème chambre, pour présider, en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative, la formation de jugement.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. G...,

- les conclusions de M. Gautron, rapporteur public,

- et les observations de Me Gerbi pour Mme E..., M. C... B... et M. F... B..., et de Me Demailly pour le CHI des Alpes-du-Sud, le centre hospitalier des Escartons et la SHAM.

Considérant ce qui suit :

1. Mme D... E..., épouse B..., alors âgée de 62 ans, s'est présentée le 16 décembre 2013 à 14h00 au centre hospitalier intercommunal des Alpes du Sud (CHICAS), en raison d'une douleur invalidante de la cuisse gauche. Une déchirure musculaire a alors été diagnostiquée, traitée J... injection d'anti-inflammatoires non stéroïdiens. Mme E... a quitté le centre hospitalier vers 18h00, un traitement à base de ces mêmes anti-inflammatoires per os lui ayant été prescrit à domicile. Le lendemain, en l'absence d'amélioration de son état, elle a été transportée en urgence au centre hospitalier des Escartons de Briançon. Face au tableau septique présenté J... la patiente, une laparotomie exploratrice a été réalisée. Si cette intervention n'a révélé aucun élément anormal, un problème majeur au niveau de la jambe gauche survenu dès le 18 décembre 2013 a mis en évidence une fasciite nécrosante qui a conduit à la réalisation d'une aponévrotomie. Le 24 décembre suivant, une amputation de cuisse a dû être pratiquée, suivie, le 30 décembre 2013, d'une désarticulation de la hanche gauche.

2. Estimant que ses séquelles corporelles étaient en lien avec la prise en charge dont elle a fait l'objet, Mme E... a, le 4 septembre 2014, saisi la commission de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux de Provence-Alpes-Côte d'Azur, afin d'obtenir l'indemnisation de ses préjudices. Après remise le 19 décembre 2014 du rapport d'expertise du Pr. Faverel-Garrigues et du Dr. Laborde, la commission a estimé, J... un avis du 23 mars 2015, que la responsabilité du centre hospitalier des Escartons de Briançon et du CHICAS était engagée et que ces établissements devaient indemniser l'intéressée à hauteur de 30 % pour le premier et de 10 % pour le second de l'ensemble des préjudices subis. L'état de santé de Mme E... n'étant toutefois pas consolidé, une seconde expertise médicale a été diligentée et, à la suite de la remise, le 26 février 2016, d'un nouveau rapport d'expertise rédigé J... le docteur H..., la commission a rendu un avis le 24 mai 2016 au terme duquel l'assureur des établissements de santé en cause, la société hospitalière d'assurances mutuelles (SHAM), était invité à formuler une offre indemnitaire à Mme E..., ce qu'elle a fait J... trois courriers des 28 juillet et 8 décembre 2016 et du 20 janvier 2017. Non satisfaite de l'offre indemnitaire de la SHAM, Mme E... ainsi que M. C... B... et M. F... B... ont saisi le CHICAS et le centre hospitalier des Escartons de Briançon de deux demandes indemnitaires préalables J... courriers du 5 décembre 2017.

3. J... une ordonnance n° 1704720 du 2 février 2018, le juge des référés du tribunal administratif de Marseille a condamné solidairement le centre hospitalier intercommunal des Alpes du Sud et la SHAM, à verser à la caisse primaire d'assurance maladie des Hautes-Alpes une provision de 28 605,95 euros, solidairement le centre hospitalier des Escartons et la SHAM à verser à la caisse primaire d'assurance maladie des Hautes-Alpes une provision de 85 817,85 euros.

4. J... une ordonnance n° 1801316 du 28 septembre 2018, le juge des référés du tribunal administratif de Marseille a, d'une part, condamné solidairement le CHICAS et la SHAM à verser à Mme E... une provision de 44 220 euros et à M. C... B... et M. F... B..., respectivement ses mari et fils, une provision de 1 000 euros pour le premier et de 200 euros pour le second, et, d'autre part, condamné solidairement le centre hospitalier des Escartons de Briançon et la SHAM à verser les sommes provisionnelles de 132 659 euros au bénéfice de Mme E..., de 3 000 euros au bénéfice de M. C... B... et, enfin, de 600 euros au bénéfice de M. F... B....

5. Mme D... E..., M. C... B..., son époux, et M. F... B..., son fils, le centre hospitalier intercommunal des Alpes-du-Sud, le centre hospitalier des Escartons et la SHAM, relèvent appel du jugement n° 1802578 du 13 juillet 2020 J... lequel le tribunal administratif de Marseille a condamné solidairement le centre hospitalier intercommunal des Alpes du Sud (CHICAS), le centre hospitalier des Escartons de Briançon et la société hospitalière d'assurances mutuelles (SHAM) à verser diverses indemnités à Mme E..., M. C... B... et M. F... B... ainsi qu'à la caisse primaire centrale d'assurance-maladie des Hautes-Alpes. Les consorts B... relèvent appel de ce jugement en sollicitant une meilleure indemnisation de leurs préjudices. Les établissements hospitaliers et leur assureur, la SHAM, demandent l'annulation du jugement attaqué ou, à tout le moins, sa réformation en tant qu'il a fait une évaluation excessive des préjudices subis. La caisse primaire centrale d'assurance maladie des Hautes-Alpes demande à la cour de confirmer les condamnations prononcées à son profit J... le jugement attaqué.

Sur la jonction :

6. Les requêtes, enregistrées sous les nos 20MA03442 et 20MA03532, qui présentent à juger des questions similaires, ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a donc lieu de les joindre afin d'y statuer J... un seul arrêt.

Sur la régularité du jugement attaqué :

7. En se bornant à soutenir que " le jugement attaqué est insuffisamment motivé au regard des conclusions dont le tribunal a été saisi ", les établissements hospitaliers et la SHAM ne permettent pas à la cour d'apprécier le bien-fondé de ce moyen. Au demeurant, il résulte de la lecture du jugement querellé que les premiers juges ont expressément répondu aux moyens contenus dans les mémoires produits J... les parties. Dès lors, le moyen tiré de ce que le jugement attaqué serait insuffisamment motivé ne peut être qu'écarté.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne la responsabilité et le taux de perte de chance :

8. Aux termes du I de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute. ". Dans le cas où la faute commise lors de la prise en charge ou du traitement d'un patient a compromis ses chances d'obtenir une amélioration de son état de santé ou d'échapper à son aggravation, le préjudice résultant directement de la faute commise J... l'établissement et qui doit être intégralement réparé, n'est pas le dommage corporel constaté, mais la perte de chance d'éviter que ce dommage soit advenu. La réparation qui incombe à l'hôpital doit alors être évaluée à une fraction du dommage déterminée en fonction de l'ampleur de la chance perdue.

9. Il résulte de l'instruction, notamment du rapport d'expertise remis le 19 décembre 2014 à la commission de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux, qu'en ne gardant pas Mme E... en observation le 16 décembre 2013 alors que celle-ci présentait des signes cliniques, biologiques et radiologiques discordants, la prise en charge de la requérante J... le CHICAS (Gap) n'a pas été conforme aux règles de l'art et a constitué un manquement fautif à l'origine pour la patiente d'une perte de chance d'éviter l'aggravation de son dommage. Il résulte également de l'instruction, notamment de ce même rapport, que le centre hospitalier des Escartons (Briançon) a posé avec retard le diagnostic de fasciite nécrosante et ne l'a pas prise en charge en urgence dès le 17 décembre 2013, faisant perdre à la patiente une chance d'éviter l'aggravation de son dommage. C'est dès lors, à bon droit, que les premiers juges ont retenu la responsabilité solidaire du CHICAS, du centre hospitalier des Escartons et de leur assureur, la SHAM, à raison des fautes commises dans la prise en charge de Mme E..., étant précisé J... ailleurs que, en appel, ces établissements ne contestent pas utilement leur responsabilité.

10. Il résulte également de l'instruction, et il n'est, au demeurant, contesté J... aucune des parties, que les fautes commises J... le CHICAS ont fait perdre à Mme E... 10 % de chances d'éviter le dommage survenu, et que celles commises J... le centre hospitalier des Escartons lui en ont fait perdre 30 %.

En ce qui concerne les préjudices de la victime directe :

S'agissant des préjudices extrapatrimoniaux temporaires :

11. Il résulte de l'instruction, notamment du rapport d'expertise du 26 février 2016, que le déficit fonctionnel temporaire de Mme E..., en lien direct et exclusif avec les fautes commises, a été total du 17 décembre 2013 au 23 décembre 2014 et du 23 mars au 30 avril 2015, soit pendant 411 jours. D'autre part, toujours selon ce rapport, le déficit fonctionnel temporaire a été partiel, à hauteur de 75 % du 24 décembre 2014 au 22 mars 2015 soit pendant 89 jours, puis à hauteur de 65 % du 1er mai 2015 au 31 mai 2015 soit pendant 31 jours. Compte tenu de sa durée et de son intensité, les premiers juges ont fait une juste évaluation de ce chef de préjudice en le fixant à la somme de 6 600 euros.

12. Il résulte de l'instruction que les premiers juges n'ont pas fait une évaluation insuffisante des souffrances endurées J... Mme E..., évaluées J... l'expert à 5,5 sur une échelle allant de 1 à 7, en en fixant la réparation à la somme de 18 500 euros.

S'agissant des préjudices extrapatrimoniaux permanents :

13. Les premiers juges n'ont pas fait une insuffisante appréciation du déficit fonctionnel permanent de Mme E..., évalué J... l'expert à 55 %, et compte tenu de son âge à la date de consolidation, en l'évaluant à la somme de 101 000 euros.

14. Les premiers juges n'ont pas non plus fait une insuffisante appréciation du préjudice esthétique permanent, évalué J... l'expert à 5,5 sur une échelle allant de 1 à 7, en le fixant à la somme de 18 500 euros.

15. Les premiers juges ont fait une juste évaluation du préjudice d'agrément à la somme de 10 000 euros compte tenu qu'elle ne peut plus pratiquer la randonnée en montagne ainsi que la danse dont elle justifiait la pratique.

16. Enfin, les premiers juges n'ont pas non plus fait une insuffisante appréciation du préjudice sexuel, non contesté en défense, en le fixant à la somme de 5 000 euros.

S'agissant des préjudices patrimoniaux temporaires :

Quant aux frais divers :

17. Lorsque le juge administratif indemnise la victime d'un dommage corporel du préjudice résultant pour elle de la nécessité de recourir à l'aide d'une tierce personne dans les actes de la vie quotidienne, il détermine d'abord l'étendue de ces besoins d'aide et les dépenses nécessaires pour y pourvoir. Il doit à cette fin se fonder sur un taux horaire déterminé, au vu des pièces du dossier, J... référence, soit au montant des salaires des personnes à employer augmentés des cotisations sociales dues J... l'employeur, soit aux tarifs des organismes offrant de telles prestations, en permettant le recours à l'aide professionnelle d'une tierce personne d'un niveau de qualification adéquat et sans être lié J... les débours effectifs dont la victime peut justifier. Il n'appartient notamment pas au juge, pour déterminer cette indemnisation, de tenir compte de la circonstance que l'aide a été ou pourrait être apportée J... un membre de la famille ou un proche de la victime. En vertu des principes qui régissent l'indemnisation J... une personne publique des victimes d'un dommage dont elle doit répondre, il appartient ensuite au juge de déduire du montant de l'indemnité allouée à la victime au titre de l'assistance J... tierce personne les prestations ayant pour objet la prise en charge de tels frais. Cette déduction n'a toutefois pas lieu d'être lorsqu'une disposition particulière permet à l'organisme qui a versé la prestation d'en réclamer le remboursement si le bénéficiaire revient à meilleure fortune.

18. Il résulte de l'instruction et notamment du rapport d'expertise que, en raison de son état de santé résultant des fautes mentionnées au point 9, Mme E... a eu besoin de l'assistance d'une aide-ménagère à raison de 10 heures J... mois ainsi que d'une aide non spécialisée, apportée J... son époux, à raison de trois heures J... jour sept jours sur sept pour toutes les périodes où elle n'était pas hospitalisée ou en centre de rééducation soit du 24 décembre 2014 au 22 mars 2015 et du 1er mai 2015 au 31 mai 2015, veille de la consolidation. Si la requérante se prévaut d'un rapport rédigé à sa demande J... un ergothérapeute, ce document est une estimation faite en 2019 des besoins de Mme E... et ne vient donc pas remettre en cause l'estimation faite J... l'expert en ce qui concerne particulièrement la période de consolidation des blessures. J... suite, c'est à bon droit que les premiers juges, afin de tenir compte des congés payés et des jours fériés prévus J... l'article L. 3133-1 du code du travail, ont retenu pour l'indemnisation de ce chef de préjudice la base d'une année de 412 jours et un taux horaire de 13 euros, calculé en fonction du taux horaire moyen du salaire minimum interprofessionnel de croissance, augmenté des charges sociales. J... ailleurs, il ne résulte pas de l'instruction que Mme E... aurait perçu, au cours de la période, l'allocation personnalisée d'autonomie ou la prestation de compensation du handicap ni même le crédit d'impôt prévu à l'article 199 sexdecies du code général des impôts. Compte tenu de tout ce qui vient d'être dit, les premiers juges n'ont pas fait une évaluation insuffisante, ni excessive, de ce poste de préjudice en le fixant à la somme de 5 850 euros.

Quant aux pertes de gains professionnels actuels :

19. Il résulte de l'instruction que Mme E... a signé un contrat de travail à durée indéterminée avec la Sas Les Acacias le 5 décembre 2013 pour y exercer, à temps partiel, les fonctions d'attachée de direction à compter du 1er janvier 2014 pour une rémunération mensuelle brute prévue au contrat de 3 114,45 euros. Jusqu'à la date de consolidation, elle aurait donc dû percevoir, en application de ce contrat, une rémunération totale nette à hauteur de 42 356,52 euros. Toutefois, au cours de cette même période, c'est-à-dire entre le 1er janvier 2014 et le 1er juin 2015, Mme E... a perçu une somme de 24 829,10 euros de son employeur jusqu'au 30 septembre 2014, date de son licenciement, ainsi qu'un montant total de 21 831,96 euros d'indemnités journalières. Contrairement à ce qu'elle fait valoir, il ne ressort pas des pièces qu'elle verse aux débats que les indemnités journalières auraient été versées à son employeur, celui-ci n'ayant été subrogé qu'en ce qui concerne la contribution sociale généralisée (CSG) et la contribution au remboursement de la dette sociale (CRDS). J... suite, la requérante n'est pas fondée à demander une indemnisation au titre du préjudice de pertes de gains professionnels actuels.

Quant aux dépenses de santé actuelles :

20. Il résulte de la facture du 1er avril 2014, que Mme E... s'est acquittée d'une somme de 548,89 euros non prise en charge J... la sécurité sociale au titre de son transfert vers le centre de rééducation de Bourges. En outre, Mme E... a seulement justifié, devant les premiers juges, d'un montant de dépenses de 482,25 euros au titre des frais de téléphone et de télévision en centre de rééducation et au centre hospitalier universitaire de Grenoble. Elle ne verse aucune pièce en appel tendant à justifier ni la réalité, ni le lien de causalité avec les fautes commises J... le CHICAS et le centre hospitalier des Escartons de Briançon, des frais de téléphonie mobile, de petit matériel, ordinateur portable et d'auto-école. La seule circonstance que, dans sa proposition indemnitaire, l'assureur des établissements de santé en cause dans la présente instance ait accepté de prendre à sa charge une somme de 2 575,55 euros au titre des frais divers engagés J... Mme E... lors de ses séjours à l'hôpital est à cet égard sans incidence. Ce poste de préjudice doit donc être évalué à la somme totale de 1 031,14 euros.

S'agissant des préjudices patrimoniaux permanents :

Quant aux frais d'assistance J... tierce personne :

21. Pour la période courant de la date de consolidation à la date du présent arrêt, il résulte de l'instruction que Mme E... a eu besoin d'une tierce personne qu'il y a lieu, compte tenu du rapport d'expertise qui a évalué à deux heures trente J... jour le besoin impérieusement requis du fait du dommage subi, le rapport produit J... la requérante qui l'évalue à 9h51 prenant à cet égard en compte des besoins qui n'y sont pas strictement liés, de fixer à deux heures trente J... jour tous les jours, et ce pour faire sa toilette, l'assister dans ses repas, sa vie sociale et d'autres gestes de la vie courante. J... ailleurs, il doit être tenu compte du salaire minimum interprofessionnel de croissance, augmenté des charges sociales, pour une année évaluée à 412 jours pour tenir compte des dimanches et jours fériés ainsi que des congés payés et d'un taux horaire pour une aide non spécialisée de 13 euros en ce qui concerne la période antérieure au 1er janvier 2018, de 14 euros en ce qui concerne la période comprise entre le 1er janvier 2018 et le 31 décembre 2020, de 15 euros en ce qui concerne la période allant du 1er janvier 2021 et le 31 décembre 2021. A partir du 1er janvier 2022, il doit être appliqué, pour une aide non spécialisée, le taux horaire de 22 euros fixé J... l'arrêté du 30 décembre 2021 pris pour l'application de l'article L. 314-2-1 du code de l'action sociale et des familles, dans sa rédaction issue de l'article 44 de la loi du 23 décembre 2021, sur la base de 365 jours dès lors que cette moyenne horaire est réputée intégrer l'ensemble des charges sociales ainsi que les droits à congés payés des salariés. Compte tenu de ces modalités de calcul, l'indemnité due au titre de l'assistance J... tierce personne doit être évaluée à la somme de 137 308,88 euros pour la période considérée, dont il convient de déduire l'allocation personnalisée d'autonomie d'un montant total de 16 258,36 euros, soit la somme totale de 121 050,52 euros.

22. S'agissant des frais d'assistance J... tierce personne qu'exposera Mme E... à compter de la présente décision, ceux-ci doivent être arrêtés sur la base des mêmes besoins que ceux fixés au point précédent, pour un tarif horaire à 22 euros, sur une durée annuelle de 365 jours. Ainsi, compte tenu de ce tarif, il convient de retenir une rente trimestrielle de 5 018,75 euros. Cette rente sera revalorisée J... la suite en application des coefficients prévus à l'article L. 434-17 du code de la sécurité sociale. La rente sera versée à chaque trimestre échu, sous déduction, le cas échéant, des sommes versées à Mme E... au titre des aides financières à la tierce personne, y compris le crédit d'impôt prévu à l'article 199 sexdecies du code général des impôts, qu'il appartiendra à l'intéressée de porter à la connaissance du CHICAS, du centre hospitalier des Escartons de Briançon et de la SHAM.

Quant aux frais d'aménagement de son véhicule :

23. Il résulte du rapport d'expertise que l'état de santé de Mme E... nécessite l'utilisation d'un véhicule automobile avec boîte automatique.

24. L'intéressée a dû faire aménager un véhicule neuf à son handicap avec notamment un décaissement pour manœuvre d'un fauteuil roulant et une rampe d'accès électrique ainsi que mise en place d'une boîte automatique. Il résulte de l'instruction que ces aménagements, d'ailleurs prévus dans l'étude de l'ergothérapeute produite, sont nécessaires eu égard à l'état de santé de Mme E... et liés aux fautes du CHICAS et du centre hospitalier des Escartons de Briançon. L'intéressée établit avoir engagé une somme de 21 508,33 euros au titre de l'acquisition d'un véhicule sans option. Il résulte de ses factures acquittées qu'elle a exposé la somme totale de 41 701,10 euros au titre des divers aménagements liés au handicap, en ce comprise la boîte de vitesses automatique. Il doit être déduit de cette somme celle de 5 000 euros perçue au titre de la prestation de compensation du handicap et de 3 659 euros perçue du fonds départemental de compensation du handicap. J... suite, ce poste de préjudice doit être évalué à la somme de 33 042,10 euros.

25. Eu égard à la fréquence de renouvellement des équipements évoqués au point précédent, qui est de sept ans, et compte tenu de l'âge de Mme E... au premier renouvellement et du coefficient de capitalisation fixé à 15,900 J... le barème de capitalisation publié à la Gazette du Palais de 2020, il sera fait une juste appréciation des frais futurs liés au surcoût du véhicule adapté en les évaluant à la somme de 94 721,07 euros.

Quant aux frais de logement adapté :

26. Il résulte de l'instruction, notamment du rapport d'expertise, que Mme E... est confrontée à la nécessité impérieuse de procéder à des travaux d'aménagement de son domicile afin notamment d'adapter la salle de bains avec douche sans seuil. Comme l'a jugé à bon droit le tribunal, les défendeurs ne contestent ni le principe ni le montant de l'indemnisation sollicitée à ce titre, justifiée à hauteur d'un montant de 13 154,31 euros J... les pièces produites, de sorte que Mme E... est fondée à en demander le remboursement.

27. Il résulte J... ailleurs du rapport en ergothérapie produit J... la requérante qu'il est indispensable d'aménager l'accès à la terrasse du domicile de Mme E... en raison de la présence d'un double ressaut de 7 cm puis de 2,5 cm rendant l'accès impossible. L'aménagement dont il s'agit est justifié à hauteur d'un montant de 3 609,10 euros. L'étude a également établi la nécessaire motorisation de la porte du garage et la requérante produit en appel la facture afférente à cet aménagement pour un montant resté à sa charge de 1 175,35 euros. Enfin, en l'absence de tout élément permettant d'apprécier les conditions de circulation dans le salon de Mme E... avant le remplacement du mobilier auquel il a été procédé, la nécessité d'un tel remplacement n'est pas établi. Il résulte de ce qui précède qu'il sera fait une exacte appréciation de ce chef de préjudice en le fixant à 17 938,76 euros.

Quant aux dépenses de santé futures :

28. S'il résulte du rapport d'expertise remis le 26 février 2016 que Mme E... doit engager des frais médicaux, dont le lien avec les fautes commises est établi, portant sur l'acquisition d'un fauteuil roulant, d'une prothèse à appui ischiatique sans emboiture accompagnée d'une prothèse de secours et, enfin, d'embouts de cannes anglaises à changer tous les six mois, il n'est pas contesté que, comme l'a relevé le tribunal, il résulte toutefois de l'analyse combinée du rapport d'ergothérapie produit et de l'évaluation forfaitaire des frais futurs produits J... la caisse primaire d'assurance maladie des Hautes-Alpes que les frais dont il s'agit sont intégralement pris en charge J... l'assurance maladie.

29. Si les requérants demandent une indemnisation supplémentaire au titre de diverses aides techniques susceptibles d'aider Mme E... au quotidien et qu'ils produisent à cette fin une liste annexée au rapport en ergothérapie précédemment cité, il n'est pas contesté que, comme l'a relevé le tribunal, seules les dépenses engagées au titre d'un rehausseur WC pour 39,99 euros, d'un électro-stimulateur pour 132 euros restant à charge, d'une barre de transfert de lit pour 90 euros, d'une desserte roulante pour 190 euros, de chaussettes de contention pour 55,44 euros restant à charge, de bas de contention pour 36,50 euros restant à charge, de cannes anglaises pour 15,10 euros restant à charge, et d'une chaise de douche pour 327,38 euros restant à charge peuvent être remboursées à l'intéressée, soit un montant total de 886,41 euros. L'acquisition d'un fauteuil roulant électrique, pour un montant de 14 067,39 euros, est suffisamment établie J... la prescription médicale en ce sens et l'avis favorable émis à ce titre J... le médecin conseil de l'assurance-maladie. En revanche, l'utilité des dépenses tenant à l'acquisition d'un ordinateur portable n'est pas établie. Le total de ce poste de préjudice doit donc être évalué à la somme de 14 953,80 euros.

30. Enfin, il y a lieu de condamner le CHICAS et le centre hospitalier des Escartons de Briançon, solidairement avec leur assureur et à hauteur des taux de perte de chance fixés au point 6, à rembourser à Mme E... les frais de renouvellement des matériels cités au point précédent, dont le remboursement restera à sa charge à l'avenir, sur justificatifs et sous déduction de la prestation de compensation du handicap ou de l'allocation personnalisée d'autonomie perçue, au fur et à mesure de leur engagement, sur la base d'un renouvellement tous les ans pour les cannes anglaises, les chaussettes de contention et les bas de contention, tous les cinq ans pour la barre de transfert de lit et l'électro-stimulateur, et tous les sept ans pour la desserte roulante et pour le fauteuil roulant électrique.

31. Il résulte de tout ce qui précède :

- d'une part, qu'après application du taux de perte de chance de 10 %, le CHICAS doit être condamné, solidairement avec la SHAM, à verser à Mme E... :

1°) la somme de 44 818,74 euros, de laquelle devra être déduite la somme de 44 220 euros versée à l'intéressée à titre provisionnel ;

2°) une rente d'un montant de 501,88 euros au titre des frais d'assistance J... tierce personne, dans les conditions énoncées au point 22 de la présente décision ;

3°) le remboursement sur justificatifs et à hauteur de sa responsabilité, des frais de santé futurs de la victime dans les conditions indiquées au point 30 ;

- d'autre part, qu'après application du taux de perte de chance de 30 %, le centre hospitalier des Escartons de Briançon doit être condamné, solidairement avec la SHAM, à verser à Mme E... :

1°) la somme de 134 456,22 euros, de laquelle devra être déduite la somme de 132 659 euros versée à l'intéressée à titre provisionnel ;

2°) une rente d'un montant de 1 505,63 euros au titre des frais d'assistance J... tierce personne, dans les conditions énoncées au point 22 de la présente décision ;

3°) le remboursement sur justificatifs et à hauteur de sa responsabilité, des frais de santé futurs de la victime dans les conditions indiquées au point 30.

En ce qui concerne les préjudices des proches de Mme E... :

32. Les premiers juges n'ont pas fait une insuffisante appréciation du préjudice d'affection subi J... M. C... B..., à la vue de la douleur et de la souffrance endurées J... son épouse, en l'évaluant à la somme de 5 000 euros. Ils n'ont pas fait non plus une insuffisante appréciation de ce même chef de préjudice en l'évaluant à la somme de 3 000 euros, s'agissant de M. F... B..., fils de la victime directe.

33. Les premiers juges n'ont pas fait une insuffisante appréciation du préjudice d'accompagnement couvrant les bouleversements du mode de vie au quotidien, subis J... M. C... B..., en l'évaluant à la somme de 5 000 euros. En revanche, en l'absence de cohabitation au quotidien, c'est à bon droit que le tribunal a jugé que ce chef de préjudice doit être écarté s'agissant de M. F... B....

34. Enfin, s'agissant des frais de déplacement exposés J... M. C... B..., celui-ci ne les justifie que pour ce qui concerne les frais de parking au centre hospitalier de Grenoble, ainsi que pour 17 déplacements aller-retour entre le domicile des époux B... et le centre hospitalier de Grenoble. Dans ces conditions, les pièces produites ne sont pas de nature à remettre en cause l'évaluation faite J... le tribunal évaluant ce préjudice à un montant total de 2 314,72 euros. S'agissant des déplacements exposés J... M. F... B..., aucune pièce n'est, non plus, de nature à remettre en cause l'évaluation faite J... le tribunal qui a fixé ce poste de préjudice à la somme de 788,38 euros.

35. Il résulte de tout ce qui précède que, ainsi que l'a exactement jugé le tribunal, d'une part, qu'après application du taux de perte de chance de 30 %, le centre hospitalier des Escartons de Briançon doit être condamné solidairement avec la SHAM à verser à M. C... B... la somme de 3 694,16 euros, de laquelle devra être déduite la somme de 3 000 euros versée à titre de provision, et, qu'après application du taux de perte de chance de 10 %, le CHICAS doit être condamné solidairement avec la SHAM à verser à M. C... B... la somme de 1 231,47 euros, de laquelle devra être déduite la somme de 1 000 euros versée à titre de provision à l'intéressé, et, d'autre part, qu'après application des mêmes taux de perte de chance, le centre hospitalier des Escartons de Briançon doit être condamné solidairement avec la SHAM à verser à M. F... B... la somme de 1 136,51 euros, de laquelle devra être déduite la somme de 600 euros versée à titre de provision, et le CHICAS doit être condamné solidairement avec la SHAM à verser à M. F... B... la somme de 378,83 euros, de laquelle devra être déduite la somme de 200 euros versée à titre de provision à l'intéressé. Dans ces conditions, le tribunal a fait une juste appréciation de ces préjudices et il y a donc lieu de rejeter les conclusions formées à leur encontre J... les parties.

Sur les conclusions de la caisse primaire centrale d'assurance maladie :

36. Alors que la caisse se borne à demander la confirmation des condamnations prononcées à son bénéfice J... le tribunal, ni les consorts I..., ni les centres hospitaliers et leur assureur n'invoquent de moyen de nature à remettre en cause le principe ou le montant de celles-ci. J... suite, les conclusions des centres hospitaliers et de la SHAM tendant à l'annulation du jugement attaqué sur ce point, ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les frais d'instance :

37. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".

38. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a lieu de mettre à la charge d'aucune des parties une somme au titre des frais exposés J... les autres parties et non compris dans les dépens, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D É C I D E :

Article 1er : L'indemnité à laquelle le centre hospitalier intercommunal des Alpes du Sud et la SHAM ont été solidairement condamnés à verser à Mme E... J... le tribunal administratif de Marseille dans son jugement n° 1802578 du 13 juillet 2020 est ramenée à la somme de 44 818,74 euros, de laquelle devra être déduite celle de 44 220 euros versée à l'intéressée à titre provisionnel.

Article 2 : Le centre hospitalier intercommunal des Alpes du Sud et la SHAM sont solidairement condamnés à verser à Mme E... une rente d'un montant de 501,88 euros au titre des frais d'assistance J... tierce personne, dans les conditions énoncées au point 22 de la présente décision.

Article 3 : Le centre hospitalier intercommunal des Alpes du Sud et la SHAM sont solidairement condamnés à rembourser à Mme E..., sur justificatifs et à hauteur de leur responsabilité, les frais de santé futurs de la victime dans les conditions indiquées au point 30.

Article 4 : L'indemnité à laquelle le centre hospitalier des Escartons et la SHAM ont été condamnées à verser solidairement à Mme E... J... le tribunal administratif de Marseille dans son jugement n° 1802578 du 13 juillet 2020 est ramenée à la somme de 134 456,22 euros, de laquelle devra être déduite celle de 132 659 euros versée à l'intéressée à titre provisionnel.

Article 5 : Le centre hospitalier des Escartons et la SHAM sont solidairement condamnés à verser à Mme E... une rente d'un montant de 1 505,63 euros au titre des frais d'assistance J... tierce personne, dans les conditions énoncées au point 22 de la présente décision.

Article 6 : Le centre hospitalier des Escartons et la SHAM sont solidairement condamnés à rembourser à Mme E..., sur justificatifs et à hauteur de leur responsabilité, les frais de santé futurs de la victime dans les conditions indiquées au point 30.

Article 7 : Le jugement n° 1802578 du tribunal administratif de Marseille rendu le 13 juillet 2020 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 8 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 9 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... E... épouse B..., à M. C... B..., à M. F... B..., au centre hospitalier intercommunal des Alpes du Sud, au centre hospitalier des Escartons de Briançon, à la société hospitalière d'assurances mutuelles, et à la caisse primaire d'assurance maladie des Hautes-Alpes.

Délibéré après l'audience du 24 novembre 2022 où siégeaient :

- M. Taormina, président assesseur, présidant la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

M. Mahmouti, premier conseiller,

- M. Danveau, premier conseiller.

Rendu public J... mise à disposition au greffe, le 8 décembre 2022.

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N°s 20MA03442 - 20MA03532

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 20MA03442
Date de la décision : 08/12/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-02-01-01 Responsabilité de la puissance publique. - Responsabilité en raison des différentes activités des services publics. - Service public de santé. - Établissements publics d'hospitalisation.


Composition du Tribunal
Président : M. TAORMINA
Rapporteur ?: M. Jérôme MAHMOUTI
Rapporteur public ?: M. GAUTRON
Avocat(s) : GERBI;GERBI;SARL LE PRADO - GILBERT

Origine de la décision
Date de l'import : 18/12/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2022-12-08;20ma03442 ?
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