Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler l'arrêté du 21 octobre 2021 par lequel le préfet du Var a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français, lui a accordé un délai de départ volontaire de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné.
Par un jugement n° 2103131 du 7 février 2022, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 28 juillet 2022, M. A..., représenté par Me Lebreton, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulon du 7 février 2022 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet du Var du 21 octobre 2021 ;
3°) d'enjoindre au préfet du Var de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " - ou, à défaut, portant la mention " travailleur temporaire " - dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à venir ou, subsidiairement, de procéder au réexamen de sa demande dans le même délai ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement, à son conseil, de la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que la décision de refus de titre de séjour est entachée d'une erreur d'appréciation au regard de l'article L. 423-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
La requête a été communiquée au préfet du Var qui n'a pas produit de mémoire en défense.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 8 juillet 2022.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. C... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant guinéen né le 10 août 2002 et déclarant être entré en France le 6 décembre 2017, a été confié au service de l'aide sociale à l'enfance du Var avant l'âge de seize ans. Il a sollicité, au cours de l'année 2020, la délivrance d'une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ". Par un arrêté du 21 octobre 2021, le préfet du Var a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français, lui a accordé un délai de départ volontaire de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné. M. A... relève appel du jugement du 7 février 2022 par lequel le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
2. Aux termes de l'article L. 423-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors en vigueur : " Dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire ou s'il entre dans les prévisions de l'article L. 421-35, l'étranger qui a été confié au service de l'aide sociale à l'enfance au plus tard le jour de ses seize ans se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Cette carte est délivrée sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de la formation qui lui a été prescrite, de la nature des liens de l'étranger avec sa famille restée dans son pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur son insertion dans la société française ".
3. Lorsqu'il examine une demande de titre de séjour de plein droit portant la mention " vie privée et familiale ", présentée sur le fondement de ces dispositions, le préfet vérifie tout d'abord que l'étranger est dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, que sa présence en France ne constitue pas une menace pour l'ordre public et qu'il a été confié, depuis qu'il a atteint au plus l'âge de seize ans, au service de l'aide sociale à l'enfance. Si ces conditions sont remplies, il ne peut alors refuser la délivrance du titre qu'en raison de la situation de l'intéressé, appréciée de façon globale au regard du caractère réel et sérieux du suivi de sa formation, de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. Le juge de l'excès de pouvoir exerce sur cette appréciation un entier contrôle.
4. Il ressort des pièces du dossier que M. A..., qui a été confié au service de l'aide sociale à l'enfance du Var avant l'âge de seize ans, a intégré, au mois de septembre 2020, une formation en apprentissage afin de devenir boulanger. D'une part, si le préfet du Var a fait état, dans l'arrêté contesté, d'un " taux d'absentéisme élevé " de l'intéressé, en relevant soixante-huit heures d'absences injustifiées au cours du premier semestre de l'année scolaire 2020-2021, le requérant produit pour la première fois en appel un document, non contesté, émanant de son organisme de formation et comptabilisant vingt et une heures d'absences injustifiées au cours de la période du 1er septembre 2020 au 16 mai 2021. Les bulletins de note de l'intéressé font apparaître une réelle progression au cours du second semestre de l'année scolaire 2020-2021, à l'issue duquel M. A... a été autorisé à s'inscrire en deuxième année du certificat d'aptitude professionnelle de boulangerie. Cette progression s'est d'ailleurs poursuivie au cours du premier semestre de l'année scolaire 2021-2022. En outre, le gérant de la boulangerie au sein de laquelle l'intéressé a été recruté dans le cadre d'un contrat d'apprentissage a attesté, par deux courriers produits respectivement en première instance et en appel, du sérieux et de la rigueur de M. A... dans l'accomplissement de ses missions. D'autre part, le requérant soutient, sans contredit, qu'il a quitté son pays d'origine à la suite de la séparation conflictuelle de ses parents et qu'il n'entretient plus de liens avec les membres de sa famille résidant en Guinée. Enfin, le rapport d'insertion produit pour la première fois en appel par M. A... atteste de la volonté d'intégration de l'intéressé, dont témoigne en particulier sa maîtrise de la langue française ainsi que ses efforts d'insertion professionnelle, et souligne son attachement aux valeurs républicaines. Au regard de l'ensemble de ces éléments, en refusant de délivrer le titre de séjour sollicité par M. A..., le préfet du Var a fait une inexacte application des dispositions citées ci-dessus de l'article L. 423-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
5. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens invoqués, M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande. M. A... est dès lors fondé à demander l'annulation de ce jugement, celle de la décision de refus de titre de séjour en litige ainsi que, par voie de conséquence, celle des décisions, également contenues dans l'arrêté contesté du 21 octobre 2021, lui faisant obligation de quitter le territoire français, lui accordant un délai de départ volontaire de trente jours et fixant le pays à destination duquel il pourra être éloigné.
6. Eu égard au motif d'annulation retenu, et en l'absence de circonstances de droit ou de fait y faisant obstacle, l'exécution du présent arrêt implique nécessairement que le préfet du Var délivre à M. A... une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai d'un mois à compter de sa notification.
7. M. A... ayant été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale, son avocate peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Lebreton renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat le versement à cette avocate de la somme de 1 500 euros.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Toulon du 7 février 2022 est annulé.
Article 2 : L'arrêté du préfet du Var du 21 octobre 2021 est annulé.
Article 3 : Il est enjoint au préfet du Var de délivrer à M. A... une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 4 : L'Etat versera à Me Lebreton la somme de 1 500 euros en application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que cette avocate renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer ainsi qu'à Me Lebreton.
Copie en sera adressée au préfet du Var et au procureur de la République près le tribunal judiciaire de Toulon.
Délibéré après l'audience du 5 janvier 2023, à laquelle siégeaient :
- M. Portail, président,
- M. d'Izarn de Villefort, président assesseur,
- M. Quenette, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 janvier 2023.
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N° 22MA02138