Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler l'arrêté du préfet des Alpes-Maritimes en date du 26 juin 2020 lui refusant l'octroi d'un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, fixant le pays de sa destination et portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans.
Par un jugement n° 2201184 du 17 mai 2022, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 17 juin 2022, M. B..., représenté par Me Oloumi, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du 17 mai 2022 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 26 juin 2020 ;
3°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer un titre de séjour mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois ou, à défaut, de procéder au réexamen de sa demande et de lui délivrer, dans l'attente, un récépissé l'autorisant à travailler ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 500 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- le tribunal a méconnu son office et s'est fondé sur un motif supplémentaire, le préfet n'ayant pas fait valoir que le requérant ne demeurait pas sur le territoire français en 2020 ;
- le tribunal a commis une erreur de qualification juridique des faits en considérant qu'il n'apportait pas la preuve de sa présence en France depuis plus de dix ans ;
- le tribunal a commis une erreur de droit en jugeant que le préfet n'avait pas à saisir la commission du titre de séjour ;
- le tribunal a commis une erreur de droit et une erreur de qualification juridique au regard de sa situation ; il justifie de motifs exceptionnels d'admission au séjour ;
- l'arrêté contesté porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
La requête a été communiquée au préfet des Alpes-Maritimes qui n'a pas produit d'observations en défense.
Par une décision du 28 octobre 2022, M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord du 23 septembre 2006 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Sénégal relatif à la gestion concertée des flux migratoires et l'avenant à cet accord signé le 25 février 2008 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme C... ;
- les observations de Me Bachtli substituant Me Oloumi, représentant M. B....
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., de nationalité sénégalaise, demande l'annulation du jugement par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 26 juin 2020 du préfet des Alpes-Maritimes lui refusant l'octroi d'un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, fixant le pays de sa destination et portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Hormis dans le cas où le juge de première instance a méconnu les règles de compétence, de forme ou de procédure qui s'imposaient à lui et a ainsi entaché son jugement d'une irrégularité, il appartient au juge d'appel, non d'apprécier le bien-fondé des motifs par lesquels le juge de première instance s'est prononcé sur les moyens qui lui étaient soumis, mais de se prononcer directement sur les moyens dirigés contre la décision administrative attaquée dont il est saisi dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel. M. B... ne peut donc utilement se prévaloir des erreurs de droit qu'auraient commises les premiers juges, pour demander l'annulation du jugement attaqué.
3. Au point 5 de son jugement, le tribunal administratif s'est borné à écarter le moyen, soulevé par M. B..., selon lequel l'arrêté aurait méconnu l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Ce faisant, le tribunal n'a pas méconnu son obligation de ne pas statuer ultra petita et le moyen doit dès lors être écarté.
Sur le bien-fondé du jugement :
4. En premier lieu, l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa version applicable au litige, dispose en son premier alinéa que : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2. ".
5. Les stipulations du paragraphe 42 de l'accord du 23 septembre 2006, dans sa rédaction issue de l'avenant signé le 25 février 2008, renvoyant à la législation française en matière d'admission exceptionnelle au séjour des ressortissants sénégalais en situation irrégulière rendent applicables à ces ressortissants les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Dès lors, le préfet, saisi d'une demande d'admission exceptionnelle au séjour par un ressortissant sénégalais en situation irrégulière, est conduit, par l'effet de l'accord du 23 septembre 2006 modifié, à faire application des dispositions de l'article L. 313-14 du code.
6. M. B... soutient que son admission exceptionnelle au séjour se justifie au regard de la durée de sa présence en France et de son insertion professionnelle. Toutefois, il n'établit pas le caractère continu de sa présence sur le territoire français, notamment en ce qui concerne les années 2014 à 2018, pour lesquelles les pièces produites ne couvrent, comme l'a relevé le préfet, qu'une faible partie de l'année, démontrant au mieux une présence ponctuelle sur le territoire. Le requérant n'apporte en particulier aucun élément probant de nature à établir sa présence en France entre septembre 2016 et février 2017, puis entre mars et septembre 2017, alors même qu'il faisait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français prise le 17 mai 2016, contre laquelle son recours a été rejeté par un jugement du tribunal administratif de Marseille du 18 novembre 2016, confirmé par un arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille du 30 novembre 2017. Si M. B... justifie avoir travaillé dans divers établissements en qualité de plongeur quelques mois par an entre 2005 et 2013, il n'apporte aucun élément de nature à établir la poursuite de son intégration professionnelle après cette date. De plus, célibataire et sans enfant, il ne soutient ni même n'allègue entretenir des relations intenses et stables sur le territoire français alors qu'il a vécu pendant quarante-quatre ans au Sénégal. Dans ces conditions, le requérant, qui ne justifie ni de considérations humanitaires ni de motifs exceptionnels d'admission au séjour, n'est pas fondé à soutenir qu'en refusant de lui délivrer un titre de séjour, le préfet aurait méconnu les dispositions précitées de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
7. En deuxième lieu, aux termes du deuxième alinéa de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable : " L'autorité administrative est tenue de soumettre pour avis à la commission mentionnée à l'article L. 312-1 la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par l'étranger qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans ".
8. Il résulte de ce qui a été énoncé au point 6 que M. B... ne justifie pas résider habituellement en France depuis plus de dix ans à la date de la décision de refus de séjour contestée. Par suite, il n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté en litige aurait été irrégulièrement édicté faute d'avoir été précédé de la saisine de la commission du titre de séjour.
9. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". Pour l'application de ces stipulations, l'étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de sa vie privée et familiale en France doit apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux effectifs en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine.
10. Pour les motifs exposés au point 6, M. B... n'établit pas avoir fixé en France le centre de ses attaches privées et familiales. Dans ces conditions, il n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté en litige porterait une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale par rapport aux buts poursuivis par cette mesure. Le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales précitées doit, dès lors, être écarté.
11. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 26 juin 2020. Ses conclusions aux fins d'injonction et celles présentées au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, par suite, qu'être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête présentée par M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., à Me Oloumi et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée au préfet des Alpes-Maritimes.
Délibéré après l'audience du 27 mars 2023, où siégeaient :
- M. Bocquet, président,
- Mme Vincent, présidente assesseure,
- Mme Balaresque, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 12 avril 2023.
N° 22MA01720 2