Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
1°) M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Marseille de prononcer la décharge, en droits et majorations, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 2008, 2009 et 2010.
Par un jugement n° 1706113 du 10 juillet 2019, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.
2°) M. B... a demandé au tribunal administratif de Marseille de prononcer la décharge, en droits et majorations, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles son foyer fiscal a été assujetti au titre de l'année 2011.
Par un jugement n° 1901335 du 5 janvier 2021, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.
3°) M. B... a demandé au tribunal administratif de Marseille de prononcer la décharge, en droits et majorations, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 2012.
Par un jugement n° 1901772 du 5 janvier 2021, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
I) Par une requête et des mémoires, enregistrés les 22 septembre 2019, 1er octobre 2020 et 18 juin 2021 sous le numéro 19MA04389, M. B..., représenté par Me Vermot-Desroches, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1706113 du 10 juillet 2019 du tribunal administratif de Marseille ;
2°) de prononcer la décharge sollicitée devant le tribunal ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement est irrégulier dans sa motivation ;
- la société de droit hongkongais TPI Asia Safety Designer Ltd, dont il est gérant et associé unique, ne peut être regardée comme une entreprise exploitée en France au sens de l'article 209 du code général des impôts, dès lors qu'elle ne remplit aucun des critères qui découlent de cet article ;
- les résultats de la société TPI Asia Safety Designer ne peuvent être imposés à l'impôt sur le revenu à son nom dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux, compte tenu de ses caractéristiques juridiques qui ne permettent pas de l'assimiler à une société à responsabilité limitée ;
- l'administration ne pouvait faire application de l'article L. 169 du livre des procédures fiscales en l'absence d'activité occulte ;
- la majoration de 80 % pour activité occulte n'est pas fondée.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 10 juin 2020 et 9 novembre 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens invoqués par M. B... ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 19 octobre 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 14 novembre 2022.
II) Par une requête et des mémoires, enregistrés les 24 février 2021, 17 juin 2021 et 21 octobre 2021 sous le numéro 21MA00767, M. B..., représenté par Me Vermot-Desroches, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1901335 du 5 janvier 2021 du tribunal administratif de Marseille ;
2°) de prononcer la décharge sollicitée devant le tribunal ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement est irrégulier dans sa motivation ;
- s'agissant des bénéfices industriels et commerciaux, la procédure d'imposition est irrégulière, en l'absence de saisine de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires ;
- la société de droit hongkongais TPI Asia Safety Designer Ltd, dont il est gérant et associé unique, ne peut être regardée comme une entreprise exploitée en France au sens de l'article 209 du code général des impôts, dès lors qu'elle ne remplit aucun des critères qui découlent de cet article ;
- les résultats de la société TPI Asia Safety Designer ne peuvent être imposés à l'impôt sur le revenu à son nom dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux, compte tenu de ses caractéristiques juridiques qui ne permettent pas de l'assimiler à une société à responsabilité limitée ;
- l'administration ne pouvait faire application de l'article L. 169 du livre des procédures fiscales en l'absence d'activité occulte ;
- la majoration de 80 % pour activité occulte n'est pas fondée ;
- s'agissant des bénéfices non commerciaux, l'exemption temporaire de redevance accordée à la société TPI Asia Safety Designer, prévue dans le contrat d'exploitation de licence du 2 juillet 2009, ne peut être regardée comme une renonciation à percevoir des recettes dépourvues de contreparties ;
- aucun revenu ne peut être imposé à ce titre sur le fondement de l'article 12 du code général des impôts ;
- la majoration de 40 % pour manquement délibéré n'est pas fondée.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 12 juillet 2021 et 9 novembre 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens invoqués par M. B... ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 19 octobre 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 14 novembre 2022.
III) Par une requête et des mémoires, enregistrés les 5 mars 2021, 17 juin 2021 et 21 octobre 2021 sous le numéro 21MA00903, M. B..., représenté par Me Vermot-Desroches, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1901772 du 5 janvier 2021 du tribunal administratif de Marseille ;
2°) de prononcer la décharge sollicitée devant le tribunal ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement est irrégulier dans sa motivation ;
- s'agissant des bénéfices industriels et commerciaux, la procédure d'imposition est irrégulière, en l'absence de saisine de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires ;
- la société de droit hongkongais TPI Asia Safety Designer Ltd, dont il est gérant et associé unique, ne peut être regardée comme une entreprise exploitée en France au sens de l'article 209 du code général des impôts, dès lors qu'elle ne remplit aucun des critères qui découlent de cet article ;
- la société TPI Asia Safety Designer, qui ne dispose pas d'un établissement stable en France au sens de l'article 5 de la convention fiscale signée entre la France et Hong Kong le 21 octobre 2010, n'a pas son siège de direction effective en France pour l'application de l'article 4.3 de la convention ;
- les résultats de la société TPI Asia Safety Designer ne peuvent être imposés à l'impôt sur le revenu à son nom dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux, compte tenu de ses caractéristiques juridiques qui ne permettent pas de l'assimiler à une société à responsabilité limitée ;
- l'administration ne pouvait faire application de l'article L. 169 du livre des procédures fiscales en l'absence d'activité occulte ;
- la majoration de 80 % pour activité occulte n'est pas fondée ;
- s'agissant des bénéfices non commerciaux, l'exemption temporaire de redevance accordée à la société TPI Asia Safety Designer, prévue dans le contrat d'exploitation de licence du 2 juillet 2009, ne peut être regardée comme une renonciation à percevoir des recettes dépourvues de contreparties ;
- aucun revenu ne peut être imposé à ce titre sur le fondement de l'article 12 du code général des impôts ;
- la majoration de 40 % pour manquement délibéré n'est pas fondée ;
- s'agissant des revenus d'origine indéterminée, la proposition de rectification est insuffisamment motivée ;
- il justifie de l'origine et de la nature des sommes restant en litige.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 23 septembre 2021 et 9 novembre 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens invoqués par M. B... ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 19 octobre 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 14 novembre 2022.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- l'accord entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la région administrative spéciale de Hong-Kong de la République populaire de Chine en vue d'éviter les doubles impositions en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune et de prévenir l'évasion et la fraude fiscales, signé le 21 octobre 2010 ;
- le code de commerce ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. C...,
- les conclusions de M. Ury, rapporteur public,
- et les observations de Me Vermot-Desroches pour M. B....
Considérant ce qui suit :
1. M. B... est l'inventeur de brevets relatifs à des barrières de sécurité destinées aux circuits automobiles et de karting et titulaire de la marque de commerce " Tecpro Barriers ". L'utilisation de leur propriété intellectuelle est concédée pour la fabrication, la commercialisation et l'utilisation des barrières de la marque à la société de droit français Tecnic Protection International constituée en 2001, dont M. B... est gérant et associé majoritaire et dont l'objet est la vente et la location de barrières de sécurité, et à la société de droit hongkongais TPI Asia Safety Designer Ltd constituée en 2008, dont M. B... est gérant et associé unique et qui a pour objet la commercialisation et l'installation des barrières de sécurité pour le compte de ses clients. A la suite d'une procédure de visite et de saisie prévue à l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales mise en œuvre le 29 octobre 2013 au lieu commun du siège social de la société Tecnic Protection International et du domicile de M. B..., la société TPI Asia Safety Designer Ltd a fait l'objet d'une vérification de comptabilité, à l'issue de laquelle une proposition de rectification du 19 décembre 2014 lui a été notifiée au titre des exercices 2008 à 2012 suivant la procédure de taxation d'office, au motif qu'elle exerçait une activité occulte en France par l'intermédiaire d'un établissement stable.
2. Les conséquences de la vérification de comptabilité de la société TPI Asia Safety Designer Ltd au titre des années 2008 à 2010 ont été notifiées au foyer fiscal de M. B... par une proposition de rectification du 19 décembre 2014. Au terme de la procédure, M. et Mme B... ont été assujettis à des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu, dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux, au titre des années 2008, 2009 et 2010, assorties des intérêts de retard et de la majoration pour activité occulte prévue à l'article 1728 du code général des impôts. M. et Mme B... ont par ailleurs fait l'objet d'un examen contradictoire de leur situation fiscale personnelle, à l'issue duquel une proposition de rectification du 19 décembre 2014 leur a été notifiée au titre de l'année 2011. Au terme de la procédure, ils ont été assujettis à des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu, y compris une contribution sur les hauts revenus, et de contributions sociales au titre de cette année, assorties des intérêts de retard, de la majoration pour activité occulte prévue à l'article 1728 du code général des impôts s'agissant des rectifications dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux notifiées en conséquence de la vérification de comptabilité de la société TPI Asia Safety Designer Ltd et de la majoration pour manquement délibéré prévue à l'article 1729 du même code s'agissant des rectifications dans la catégorie des bénéfices non commerciaux. Enfin, dans le cadre de l'examen contradictoire de situation fiscale personnelle, une proposition de rectification du 12 mars 2015 au titre de l'année 2012 a été notifié à M. B..., séparé de son épouse. Au terme de la procédure, il a été assujetti à des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu, y compris une contribution sur les hauts revenus, et de contributions sociales au titre de cette année, assorties des intérêts de retard, de la majoration pour activité occulte prévue à l'article 1728 du code général des impôts s'agissant des rectifications dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux notifiées en conséquence de la vérification de comptabilité de la société TPI Asia Safety Designer Ltd et de la majoration pour manquement délibéré prévue à l'article 1729 du même code s'agissant des rectifications dans les catégories des bénéfices non commerciaux et des revenus d'origine indéterminée. M. B... relève appel des jugements du 10 juillet 2019 et du 5 janvier 2021 par lesquels le tribunal administratif de Marseille a rejeté ses demandes tendant à la décharge, en droits et majorations, de ces impositions.
3. Les requêtes susvisées concernent le même contribuable et présentent à juger des questions communes. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.
Sur la régularité des jugements attaqués :
4. Aux termes de l'article L. 5 du code de justice administrative : " L'instruction des affaires est contradictoire (...) ". Aux termes de l'article L. 9 du même code : " Les jugements sont motivés ".
5. En premier lieu, à supposer qu'en soutenant que le tribunal n'aurait pas tenu compte de l'ensemble des pièces produites et aurait insuffisamment précisé les motifs pour lesquels il a estimé établie l'existence d'une confusion entre les sociétés TPI Asia Safety Designer Ltd Asia Safety Designer Limited et Technic Protection International, M. B... ait entendu contester la motivation du jugement du 10 juillet 2019, les premiers juges, qui n'étaient pas tenus de répondre à l'ensemble des arguments avancés par le requérant, ont suffisamment exposé aux points 5 et 6 de ce jugement les motifs pour lesquels ils ont jugé que la société TPI Asia Safety Designer Ltd devait être regardée comme une entreprise exploitée en France sur le fondement du I de l'article 209 du code général des impôts.
6. En second lieu, M. B... soutient, d'une part, que les jugements du 5 janvier 2021 ne sont pas suffisamment motivés s'agissant du moyen tiré de ce que la société TPI Asia Safety Designer Ltd ne constituait pas une entreprise exploitée en France, et, d'autre part, que le procès n'a pas été équitable, dès lors que l'administration n'a produit aucune pièce à l'appui de sa démonstration, le tribunal s'étant fondé sur des pièces qui n'avaient été versées que dans l'instance qui a donné lieu au jugement du 10 juillet 2019. Toutefois, d'une part, le tribunal a suffisamment exposé dans chacun des jugements attaqués les motifs pour lesquels il a jugé que la société TPI Asia Safety Designer Ltd devait être regardée comme une entreprise exploitée en France sur le fondement du I de l'article 209 du code général des impôts. D'autre part, il ne ressort pas de ces jugements que, pour répondre à ce moyen, le tribunal s'est fondé sur des éléments autres que ceux avancés par l'administration dans son mémoire en défense, ainsi que sur les mentions de la proposition de rectification du 19 décembre 2014 adressée à la société TPI Asia Safety Designer Ltd à la suite de la vérification de comptabilité dont elle a fait l'objet, dont les extraits pertinents figuraient en annexe des propositions de rectification adressées à M. B... produites à l'appui de ses demandes introductives d'instance.
Sur le principe et le régime d'imposition :
En ce qui concerne le principe d'assujettissement de la société TPI Asia Safety Designer Ltd en France :
7. D'une part, aux termes de l'article 209 du code général des impôts : " I. Sous réserve des dispositions de la présente section, les bénéfices passibles de l'impôt sur les sociétés sont déterminés (...) en tenant compte uniquement des bénéfices réalisés dans les entreprises exploitées en France (...) ainsi que de ceux dont l'imposition est attribuée à la France par une convention internationale relative aux doubles impositions (...) ". Il résulte de ces dispositions que ne sont passibles de l'impôt sur les sociétés que les seuls bénéfices réalisés dans des entreprises exploitées en France ou dont l'imposition est attribuée à la France par une convention internationale relative aux doubles impositions.
8. D'autre part, aux termes de l'article 4 de l'accord du 21 octobre 2010 entre la France et le Gouvernement de la région administrative spéciale de Hong Kong de la République populaire de Chine, applicable à l'année 2012 : " (...) 3. Lorsque, selon les dispositions du paragraphe 1, une personne autre qu'une personne physique est un résident des deux Parties contractantes, elle est considérée comme un résident seulement de la Partie où son siège de direction effective est situé (...) ". Aux termes de l'article 5 du même accord : " 1. Au sens du présent Accord, l'expression " établissement stable " désigne une installation fixe d'affaires par l'intermédiaire de laquelle une entreprise exerce tout ou partie de son activité. 2. L'expression " établissement stable " comprend notamment : a) Un siège de direction (...) ". Aux termes de l'article 7 de cet accord : " 1. Les bénéfices d'une entreprise d'une Partie contractante ne sont imposables que dans cette Partie, à moins que l'entreprise n'exerce son activité dans l'autre Partie contractante par l'intermédiaire d'un établissement stable qui y est situé. Si l'entreprise exerce son activité d'une telle façon, les bénéfices de l'entreprise sont imposables dans l'autre Partie mais uniquement dans la mesure où ils sont imputables à cet établissement stable (...) ".
9. Il résulte de l'instruction, notamment des termes de la proposition de rectification adressée à la société TPI Asia Safety Designer Ltd, dont M. B... est l'associé unique depuis le 17 mars 2008, que les pièces saisies dans le cadre de la procédure menée sur le fondement de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales et les constatations opérées au cours de la vérification de comptabilité mentionnées au point 1 ont révélé à l'administration que cette société, constituée conformément au droit hongkongais, ne disposait au lieu de son siège social que d'une adresse de domiciliation et n'employait pas de salariés directs lui permettant d'exercer son activité. De nombreux documents qui se rapportaient à sa gestion, tels que des factures adressées aux clients, des ordres de virements, des relevés de comptes, des factures de fournisseurs, des documents douaniers, des documents comptables, des messages électroniques, des justificatifs des déplacements de M. B... ou de tiers et des contrats ont été trouvés au domicile en France du requérant, qui constituait également le lieu du siège social de la société Technic Protection International, laquelle a aussi pour objet notamment la commercialisation des barrières de sécurité de la marque " Tecpro Barriers ". A cet égard, si M. B... fait valoir que la gestion administrative et comptable de la société TPI Asia Safety Designer Ltd se ferait à Hong-Kong dans le cadre de ses nombreux déplacements vers ce territoire et d'autres lieux, notamment en Asie, et avec le concours de conseils hongkongais, il n'apporte aucun élément à l'appui de ses allégations autre que des justificatifs de déplacements, alors que les documents saisis en France, où M. B... résidait la plus grande partie de l'année, et qui n'ont pas seulement été saisis sur un ordinateur portable personnel, se rapportent à une gestion de la société TPI Asia Safety Designer Ltd exercée dans les locaux perquisitionnés.
10. De surcroît, il ne résulte pas de l'instruction que les décisions stratégiques relatives à l'activité de la société TPI Asia Safety Designer Ltd, dont l'objet n'est pas seulement d'installer les barrières de sécurité mais aussi d'en développer la commercialisation, auraient été prises hors de France ni que les organes effectifs de direction, d'administration, de gestion et de contrôle auraient été situés à Hong-Kong. En effet, M. B..., s'il justifie, comme il a été dit précédemment, de déplacements et de séjours à Hong-Kong ainsi que dans d'autres lieux à l'étranger nécessairement inhérents à ses fonctions commerciales et techniques, notamment en 2011 et 2012, se borne à faire état de l'existence du siège social dans ce territoire, et de la signature sur place des résolutions écrites valant réunion des assemblées générales d'associés ou d'actionnaires approuvant les comptes de la société.
11. M. B... fait également valoir que la société TPI Asia Safety Designer Ltd ne disposait d'aucun compte bancaire en France. Il résulte toutefois de l'instruction que si des règlements de fournisseurs ont été effectués depuis le compte bancaire de la société ouvert à Hong-Kong, un courrier rédigé par l'intéressé a été trouvé lors des perquisitions à son domicile constituant par ailleurs le siège social de la société Technic Protection International, aux termes duquel il a demandé à la banque HSBC de Hong-Kong que toutes les correspondances concernant la société TPI Asia Safety Designer Ltd soient adressées à ce domicile. Par ailleurs, s'il fait valoir que les déclarations fiscales auraient été déposées auprès de l'administration territorialement compétente, il est constant que la société TPI Asia Safety Designer Limited n'est pas imposée à Hong-Kong dès lors qu'il n'y réalise aucun bénéfice, ainsi que le mentionnent des rapports du commissaire aux comptes hongkongais saisis.
12. En outre, alors que la société TPI Asia Safety Designer Ltd et la société Technic Protection International sont distinctes, l'administration a constaté que leur communication externe était commune, par le biais d'un site Internet qui ne contenait que les coordonnées de la société de droit français, alors que des chantiers de la société TPI Asia Safety Designer Limited, qui utilisait par ailleurs l'adresse électronique de la société française pour l'exercice de son activité, y étaient mentionnés. De même, alors que la société TPI Asia Safety Designer Ltd ne disposait pas de personnel commercial et technique à Hong-Kong susceptible de participer à la commercialisation des produits, il résulte de l'instruction que des salariés de la société Technic Protection International, dont les frais de déplacement et de logement ont été pris en charge, sont intervenus dans le processus commercial et technique de la société hongkongaise. A cet égard, contrairement à ce qui est soutenu, l'administration ne s'est pas bornée à se fonder sur deux courriels datés de 2011 et à des déplacements à Singapour où a été réalisé un chantier de la société Technic Protection International, mais a relevé que des frais de déplacement et d'hébergement ont été engagés au titre de chantiers facturés par la société TPI Asia Safety Designer Ltd, notamment en Inde et aux Etats-Unis.
13. Par ailleurs, si la société TPI Asia Safety Designer Ltd a matériellement réalisé les chantiers d'installation des barrières de sécurité, qui sont fabriquées à l'étranger, le principal fournisseur étant une société localisée en Tunisie spécialisée dans les moulages en polyuréthane, hors de France, notamment aux Etats-Unis et en Inde, en ayant recours à de la main d'œuvre locale, pour des clients exclusivement situés à l'étranger, ces chantiers ne caractérisent pas l'existence d'un cycle commercial complet hors de France, l'activité de la société TPI Asia Safety Designer Ltd concernant en particulier le développement et la commercialisation des barrières de sécurité et pas seulement leur installation.
14. Il résulte de ce qui a été dit aux points 9 à 13 que l'ensemble de ces éléments de fait relatifs aux moyens matériels et humains et à la direction, l'administration et la gestion en France établit que la société TPI Asia Safety Designer Ltd, qui disposait d'une autonomie de gestion dans ce pays, exploitait une entreprise autonome en France au sens des dispositions du I de l'article 209 du code général des impôts.
15. Pour les mêmes motifs, il résulte de l'instruction que le siège de direction de la société TPI Asia Safety Designer Ltd était situé en France, lieu où M. B..., qui exerçait les fonctions les plus élevées, prenait les décisions stratégiques qui déterminent la conduite des affaires de l'entreprise dans son ensemble, quand bien même il a signé à Hong-Kong les résolutions écrites valant réunion des assemblées générales d'associés, où elle disposait ainsi d'un établissement stable. Cette société devait dès lors être regardée comme résidente seulement en France et ses bénéfices devaient y être imposés, en application des stipulations précitées de l'accord du 21 octobre 2010 entre la France et le Gouvernement de la région administrative spéciale de Hong Kong de la République populaire de Chine, applicable à l'année 2012.
En ce qui concerne le régime d'imposition :
16. Aux termes de l'article 206 du code général des impôts : " 1. Sous réserve des dispositions des articles 8 ter, 239 bis AA, 239 bis AB et 1655 ter, sont passibles de l'impôt sur les sociétés, quel que soit leur objet, les sociétés anonymes, les sociétés en commandite par actions, les sociétés à responsabilité limitée n'ayant pas opté pour le régime fiscal des sociétés de personnes dans les conditions prévues au IV de l'article 3 du décret n° 55-594 du 20 mai 1955 modifié (...) 3. Sont soumis à l'impôt sur les sociétés s'ils optent pour leur assujettissement à cet impôt dans les conditions prévues à l'article 239 : (...) e. Les sociétés à responsabilité limitée dont l'associé unique est une personne physique (...) ". Aux termes de l'article 8 du même code : " Sous réserve des dispositions de l'article 6, les associés des sociétés en nom collectif et les commandités des sociétés en commandite simple sont, lorsque ces sociétés n'ont pas opté pour le régime fiscal des sociétés de capitaux, personnellement soumis à l'impôt sur le revenu pour la part de bénéfices sociaux correspondant à leurs droits dans la société (...) Il en est de même, sous les mêmes conditions : (...) 4° De l'associé unique d'une société à responsabilité limitée lorsque cet associé est une personne physique (...) ". Aux termes de l'article 1655 quinquies du même code : " Pour l'application du présent code et de ses annexes, la société par actions simplifiée est assimilée à une société anonyme ".
17. Il appartient au juge de l'impôt, saisi d'un litige portant sur le traitement fiscal d'une opération impliquant une société de droit étranger, d'identifier dans un premier temps, au regard de l'ensemble des caractéristiques de cette société et du droit qui en régit la constitution et le fonctionnement, le type de société de droit français auquel la société de droit étranger est assimilable. Compte tenu de ces constatations, il lui revient ensuite de déterminer le régime applicable à l'opération litigieuse au regard de la loi fiscale française.
18. Il résulte de l'instruction que la société TPI Asia Safety Designer Ltd a été constituée le 27 février 2008 sous le forme de " Company limited by shares " sur le fondement du chapitre 32 de la " Companies Ordinance " du droit de Hong-kong, ainsi que le mentionne son " certificate of incorporation " au registre des sociétés de ce territoire, et non comme un " partnership " de droit local, M. B... produisant le " memorandum and articles of association " constitutif de ses statuts. Conformément au droit hongkongais, les dispositions qui régissent la société TPI Asia Safety Designer Ltd correspondent à un type de sociétés dans lesquelles la responsabilité des associés est limitée à leurs apports, comme c'est le cas pour les sociétés à responsabilité limitée régies par les articles L. 223-1 et suivants du code de commerce et les sociétés par actions simplifiée régies par les articles L. 227-1 et suivants du même code.
19. M. B... fait valoir que, s'agissant des organes de direction, conformément à la " Companies Ordinance ", la société TPI Asia Safety Designer Ltd doit être dirigée par un ou plusieurs " directors " dont seul au moins un doit être une personne physique, alors que le ou les gérants d'une société à responsabilité limitée, dont les pouvoirs sont assimilables à ceux des " directors ", ne peuvent être une personne morale, en application de l'article L. 223-18 du code de commerce, et que les statuts d'une société par actions simplifiée sont libres de prévoir que le président de la société devra être une personne physique, en vertu de l'article L. 227-5 du même code. Il fait également valoir que l'article 91 des statuts permet aux " directors " de déléguer aux " managers " tout leur pouvoir, ce que le gérant de la société à responsabilité limitée ne peut faire. Il soutient aussi que les articles 6 et 7 des statuts prévoient que, indépendamment des droits spéciaux conférés aux détenteurs d'actions existantes, la société TPI Asia Safety Designer Ltd peut émettre des actions avec des droits préférentiels, différés ou autres droits spéciaux et des actions de préférence rachetables, alors que, conformément aux articles L. 223-2 et L. 223-28 du code de commerce, les parts sociales de la société à responsabilité limitée doivent être égales et chaque associé dispose d'un nombre de voix égal à celui des parts sociales qu'il possède, aucune part privilégiée ne pouvant être créée, pas plus que des parts sociales rachetables ainsi que le prévoit l'article L. 223-34. Par ailleurs, il soutient, s'agissant de la circulation des titres, que si l'article 22 des statuts institue une clause qui permet de restreindre le droit de transférer les actions de la société par ses administrateurs qui peuvent, à leur entière discrétion, refuser d'enregistrer leur transfert, cette limitation du droit de transférer les actions étant rappelée dès le c) de l'article 4 relatif au nombre de membres de la société, qui est d'ailleurs lui-même limité à 50, ce qui permet de l'assimiler à une clause d'agrément compatible avec le statut de la société à responsabilité limitée dont les titres ne sont pas librement cessibles, le transfert des actions de la société peut être constaté par l'inscription du nom de l'acquéreur sur le registre des actionnaires en étant simplement subordonnée à la notification préalable à la société des documents écrits du transfert, alors qu'en ce qui concerne les sociétés à responsabilité limitée, la cession de parts sociales obéit à des règles spécifiques et plus contraignantes.
20. Toutefois, si certains éléments des statuts de la société TPI Asia Safety Designer Ltd adoptés en application de la " Companies Ordinance " hongkongaise sont ainsi susceptibles de rapprocher cette société d'une société par actions simplifiée, il résulte de l'instruction qu'alors que le " memorandum and articles of association " de la société TPI Asia Safety Designer Ltd peut mentionner des règles d'organisation simplement reprises de la législation hongkongaise en vigueur, M. B... a entendu disposer de tous les pouvoirs afférents à un gérant associé unique, à la suite du transfert en son chef le 27 mars 2008, un mois après la constitution de la société, de la seule action, au demeurant ordinaire, dont il ne disposait pas. Depuis cette date et au cours de l'ensemble des années vérifiées, M. B... n'a ainsi aucunement délégué un quelconque pouvoir de direction de la société, ce qui n'est d'ailleurs même pas allégué, et la société TPI Asia Safety Designer Ltd n'a émis aucune action de préférence ou action de préférence rachetable, ce qui n'est pas plus allégué, le requérant, en sa qualité de dirigeant et associé unique, disposant au demeurant de tout pouvoir statutaire pour s'y opposer. Quant aux modalités de circulation des titres, les dispositions mentionnées au statut sont restées sans objet, dès lors que M. B... est demeuré associé unique. Les caractéristiques juridiques effectives afférentes à la constitution et au fonctionnement de la société TPI Asia Safety Designer Ltd, indépendamment des dispositions de la " Companies Ordinance " reprises directement par les statuts et qui n'ont jamais été mises en œuvre, ne l'ont ainsi pas distinguée d'une société à responsabilité limitée à associé unique. Dans ces conditions, l'administration a pu à bon droit estimer que, compte tenu de l'ensemble des caractéristiques de la société et du droit qui en régit la constitution et le fonctionnement, la société TPI Asia Safety Designer Ltd pouvait être assimilée à une société à responsabilité limitée de droit français. Par suite, M. B... n'est pas fondé à soutenir que l'administration ne pouvait assujettir les bénéfices réalisés par cette société à l'impôt sur le revenu à son nom dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux.
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
21. En premier lieu, aux termes de l'article L. 53 du livre des procédures fiscales : " En ce qui concerne les sociétés dont les associés sont personnellement soumis à l'impôt pour la part des bénéfices correspondant à leurs droits dans la société, la procédure de vérification des déclarations déposées par la société est suivie entre l'administration des impôts et la société elle-même (...) ". Aux termes de l'article L. 56 du même livre : " La procédure de rectification contradictoire n'est pas applicable : (...) 4° Dans les cas de taxation ou évaluation d'office des bases d'imposition ". Aux termes de l'article L. 59 de ce livre, dans sa rédaction alors en vigueur : " Lorsque le désaccord persiste sur les rectifications notifiées, l'administration, si le contribuable le demande, soumet le litige à l'avis (...) de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires prévue à l'article 1651 du code général des impôts (...) ". Aux termes de l'article L. 59 A du même livre, dans sa rédaction alors en vigueur : " I. La commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires intervient lorsque le désaccord porte : 1° Sur le montant du résultat industriel et commercial, non commercial, agricole ou du chiffre d'affaires, déterminé selon un mode réel d'imposition (...) II. Dans les domaines mentionnés au I, la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires peut, sans trancher une question de droit, se prononcer sur les faits susceptibles d'être pris en compte pour l'examen de cette question de droit (...) ".
22. D'une part, conformément à l'article L. 53 du livre des procédures fiscales, la vérification de comptabilité de la société TPI Asia Safety Designer Ltd a été suivie avec la société elle-même et elle a fait l'objet d'une procédure de taxation d'office de ses bases d'imposition, excluant l'application de la procédure contradictoire. Et les rectifications contestées par M. B..., qui lui ont été notifiées en conséquence de cette vérification de comptabilité dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux, ne procèdent pas de l'examen contradictoire de situation fiscale personnelle dont il a fait l'objet. D'autre part, il résulte des courriers de demande de saisine de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, des observations des 20 février et 14 mai 2015 de M. B... en réponse aux propositions de rectification et des réponses aux observations du contribuable des 16 avril et 9 juillet 2015 que le différend qui opposait le contribuable à l'administration portait sur les questions de savoir si les faits avancés par les parties étaient susceptibles de caractériser l'existence d'une entreprise exploitée en France et d'un établissement stable dans ce pays et si les bénéfices de la société TPI Asia Safety Designer Ltd étaient imposables au nom de M. B.... Le différend portait ainsi notamment sur la qualification juridique à donner aux faits et non pas sur les faits eux-mêmes et il s'agissait ainsi de questions de droit pour lesquelles la commission était incompétente.
23. Dans ces conditions, M. B... n'est pas fondé à soutenir que la procédure d'imposition est irrégulière au titre des bénéfices industriels et commerciaux des années 2011 et 2012, au motif que l'administration n'a pas saisi la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, malgré ses demandes des 13 mai et 31 juillet 2015 à la suite des réponses aux observations du contribuable. A cet égard, M. B... n'est pas fondé à se prévaloir de la doctrine administrative référencée BOI-CF-CMSS-20-30 relative à la procédure d'imposition.
24. En second lieu, aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation (...) ". Selon l'article R. 57-1 du même livre : " La proposition de rectification prévue par l'article L. 57 fait connaître au contribuable la nature et les motifs de la rectification envisagée (...) ". Il résulte de ces dispositions que l'administration doit indiquer au contribuable, dans la proposition de rectification, les motifs et le montant des rehaussements envisagés, leur fondement légal et la catégorie de revenus dans laquelle ils sont opérés, ainsi que les années d'imposition concernées.
25. Contrairement à ce que soutient M. B..., la proposition de rectification du 12 mars 2015 est suffisamment motivée s'agissant des revenus d'origine indéterminée. En effet, elle rappelle l'existence d'une demande de justifications du 28 juillet 2014, d'une mise en demeure du 28 octobre 2014 et des réponses à cette mise en demeure des 28 novembre 2014 et 26 janvier 2015. Elle mentionne les articles L. 16 et L. 69 du livre des procédures fiscales et détaille dans des tableaux les crédits précisément identifiés quant à leur date et à leur montant sur deux comptes bancaires, qui n'ont pas été justifiés et ont été taxés d'office, en indiquant également le montant total de ces crédits.
Sur le bien-fondé des impositions dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux :
26. Les articles L. 169 et L. 176 du livre des procédures fiscales prévoient, pour l'impôt sur les sociétés et la taxe sur la valeur ajoutée respectivement, que le droit de reprise de l'administration des impôts s'exerce, par exception à la règle de droit commun, jusqu'à la fin de la dixième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due lorsque le contribuable exerce une activité occulte. Ils précisent que l'activité occulte " est réputée exercée lorsque le contribuable n'a pas déposé dans le délai légal les déclarations qu'il était tenu de souscrire et soit n'a pas fait connaître son activité à un centre de formalités des entreprises ou au greffe du tribunal de commerce, soit s'est livré à une activité illicite ". Il résulte de ces dispositions que dans le cas où un contribuable n'a ni déposé dans le délai légal les déclarations qu'il était tenu de souscrire, ni fait connaître son activité à un centre de formalités des entreprises ou au greffe du tribunal de commerce, l'administration doit être réputée apporter la preuve, qui lui incombe, de l'exercice occulte de l'activité professionnelle si le contribuable n'est pas lui-même en mesure d'établir qu'il a commis une erreur justifiant qu'il ne se soit acquitté d'aucune de ses obligations déclaratives. S'agissant d'un contribuable qui fait valoir qu'il a satisfait à l'ensemble de ses obligations fiscales dans un Etat autre que la France, la justification de l'erreur commise doit être appréciée en tenant compte tant du niveau d'imposition dans cet autre Etat que des modalités d'échange d'informations entre les administrations fiscales des deux Etats.
27. Il résulte de l'instruction que la société TPI Asia Safety Designer Ltd n'a ni déposé dans le délai légal les déclarations qu'elle était tenue de souscrire, ni fait connaître son activité à un centre de formalités des entreprises ou au greffe du tribunal de commerce, alors que, ainsi qu'il a été dit précédemment, elle constituait une entreprise exploitée en France. L'administration apporte ainsi la preuve de l'exercice occulte de l'activité. A cet égard, M. B... n'établit pas qu'aurait été commise une erreur justifiant l'absence de déclarations, dès lors que, s'il soutient que la société TPI Asia Safety Designer Ltd aurait satisfait à ses obligations fiscales à Hong-Kong, il ne produit aucun document émanant de l'administration fiscale de ce territoire, alors qu'il est constant qu'elle n'y a acquitté aucun impôt. Par suite, l'administration pouvait exercer son droit de reprise dans le délai de dix années prévu par les dispositions de l'article L. 169 du livre des procédures fiscales.
Sur le bien-fondé des impositions dans la catégorie des bénéfices non commerciaux :
28. Aux termes de l'article 12 du code général des impôts : " L'impôt est dû chaque année à raison des bénéfices ou revenus que le contribuable réalise ou dont il dispose au cours de la même année ". Aux termes de l'article 92 de ce code, dans sa rédaction applicable : " 1. Sont considérés comme provenant de l'exercice d'une profession non commerciale ou comme revenus assimilés aux bénéfices non commerciaux, les bénéfices des professions libérales, des charges et offices dont les titulaires n'ont pas la qualité de commerçants et de toutes occupations, exploitations lucratives et sources de profits ne se rattachant pas à une autre catégorie de bénéfices ou de revenus. 2. Ces bénéfices comprennent notamment : (...) 3° Les produits perçus par les inventeurs au titre soit de la concession de licences d'exploitation de leurs brevets, soit de la cession ou concession de marques de fabrique, procédés ou formules de fabrication (...) ". Aux termes du 1 de l'article 93 du même code : " Le bénéfice à retenir dans les bases de l'impôt sur le revenu est constitué par l'excédent des recettes totales sur les dépenses nécessitées par l'exercice de la profession (...) ".
29. Il résulte de ces dispositions que le montant des recettes à retenir pour la détermination du bénéfice imposable des contribuables titulaires de bénéfices non commerciaux est le montant total des recettes que ceux-ci ont perçues du fait de leur activité professionnelle ou de l'occupation ou exploitation lucrative ou de la source de profits dont ils tirent parti. Si ces contribuables sont, en principe, sous réserve en ce qui concerne les professions libérales et les professions réglementées du contrôle qu'exercent les instances de supervision spécialement instituées à cet effet, seuls juges de l'opportunité des décisions qu'ils prennent, l'administration est cependant fondée à réintégrer dans leur résultat imposable le montant des recettes non déclarées qu'ils n'auraient normalement pas dû renoncer à percevoir. Tel est le cas lorsque la renonciation en cause est dépourvue de contrepartie équivalente pour ces contribuables, qu'elle ne peut être regardée comme relevant de l'exercice normal de leur profession ou d'une pratique normale dans le cadre de leur occupation ou exploitation lucrative ou de l'utilisation de la source de profit dont ils tirent parti ou qu'elle n'est justifiée par aucun autre motif légitime.
30. Dans l'hypothèse où l'administration a mis en évidence la renonciation d'un contribuable titulaire de bénéfices non commerciaux à percevoir des recettes, elle est réputée, lorsque la charge de la preuve du bien-fondé de la rectification lui incombe en raison de la procédure d'imposition suivie, apporter cette preuve si le contribuable n'est pas en mesure de justifier que la renonciation à percevoir des recettes comportait une contrepartie équivalente pour lui ou reposait sur l'un des motifs mentionnés au point 29.
31. Il résulte de l'instruction que M. B..., qui est inventeur de brevets relatifs à des barrières de sécurité destinées aux circuits automobiles et de karting et titulaire de la marque de commerce " Tecpro Barriers ", a conclu le 2 juillet 2009 un contrat d'exploitation de licence avec la société TPI Asia Safety Designer Ltd en vue de la commercialisation de ces éléments de sécurité sur les circuits automobiles. En vertu de l'article 4 de ce contrat, la société TPI Asia Safety Designer Ltd a été exemptée du paiement d'une redevance pendant les dix premières années du contrat, un taux de 7 % du chiffre d'affaires annuel étant stipulé pour la suite. L'administration a estimé que cette renonciation à recettes n'était pas justifiée par une contrepartie équivalente et a réintégré les sommes correspondantes aux bénéfices non commerciaux imposables de M. B....
32. D'une part, M. B... fait valoir que les redevances qu'il était susceptible de percevoir ne résultent pas de l'exercice d'une activité professionnelle habituelle d'exploitation de brevets mais de la gestion de son patrimoine privé. Toutefois, les principes précédemment rappelés sont généraux et ne s'appliquent pas seulement aux contribuables qui exercent une profession imposable dans la catégorie des bénéfices non commerciaux mais permettent également d'imposer les renonciations à recettes qui ne peuvent être regardées comme relevant d'une pratique normale dans le cadre de l'occupation ou exploitation lucrative du contribuable ou de l'utilisation de la source de profit dont il tire parti.
33. D'autre part, M. B... soutient que l'exemption temporaire de redevance a été consentie à la société TPI Asia Safety Designer Ltd en vue de permettre le démarrage de son activité, la diffusion des produits et le développement de la clientèle sur le marché asiatique, tout en restant propriétaire de la marque et des brevets, alors que les perspectives étaient incertaines à la création de la société. Toutefois, il résulte de l'instruction, notamment de l'annexe à la proposition de rectification du 12 mars 2015 adressée au foyer fiscal, qu'alors que les sociétés TPI Asia Safety Designer Ltd et Technic Protection International ont une activité comparable sur des marchés distincts, M. B... a signé avec cette dernière société le 8 octobre 2001, lors de sa création, un accord de licence exclusive dont la concession est rémunérée par une redevance égale à 5 % du chiffre d'affaires due dès la première année d'exploitation. Il en résulte également que la société TPI Asia Safety Designer Ltd, qui, ainsi qu'il a été dit en matière de territorialité, n'était pas sans lien commercial avec la structure de la société Technic Protection International, a réalisé dès le début de son activité un chiffre d'affaires substantiel. Il ne résulte ainsi d'aucun élément probant du dossier que l'exemption temporaire de redevance en litige aurait été consentie à la société TPI Asia Safety Designer Ltd en vue de permettre le démarrage de son activité, compte tenu des incertitudes quant à son développement futur ni, comme le soutient M. B... sans apporter aucun élément à l'appui de ses allégations, qu'une telle exemption serait justifiée par des usages en cours chez les titulaires de droits de propriété intellectuelle.
34. Il résulte de ce qui précède que l'administration, qui a mis en évidence une renonciation à percevoir des recettes, est réputée apporter la preuve qui lui incombe, dès que M. B... ne justifie pas que cette renonciation comportait une contrepartie équivalente pour lui ou reposait sur l'un des motifs mentionnés au point 29. A cet égard, M. B... n'est pas fondé à soutenir qu'aucun revenu ne pourrait être imposé à ce titre sur le fondement de l'article 12 du code général des impôts, dès lors qu'en renonçant aux revenus en cause sans justifications, il a procédé à un acte de disposition de ces revenus, qui devaient être pris en compte dans les bases imposables.
Sur le bien-fondé des impositions dans la catégorie des revenus d'origine indéterminée :
35. Aux termes de l'article L. 193 du livre des procédures fiscales : " Dans tous les cas où une imposition a été établie d'office la charge de la preuve incombe au contribuable qui demande la décharge ou la réduction de l'imposition ". Aux termes de l'article R. 193-1 du même livre : " Dans le cas prévu à l'article L. 193 le contribuable peut obtenir la décharge ou la réduction de l'imposition mise à sa charge en démontrant son caractère exagéré ". M. B..., qui a été taxé d'office sur le fondement de l'article L. 69 du livre des procédures fiscales, supporte la charge de la preuve de l'exagération des impositions mises à sa charge dans la catégorie des revenus d'origine indéterminée.
36. M. B... soutient que les sommes imposées en tant que revenus d'origine indéterminée correspondent, pour celles inscrites au crédit d'un compte ouvert à la banque HSBC, à des sommes utilisées dans le cadre de ses fonctions de gérant de la société TPI Asia Safety Designer Ltd pour régler des dépenses de personnel et de matériel et des dépenses engagées dans le cadre de ses fonctions, telles que frais d'hôtels et d'avions, et, pour celles inscrites au crédit d'un compte ouvert à la banque Bank of America, à des dépenses exposées pour le compte de la société TPI Asia Safety Designer Ltd. Il résulte de l'instruction que, s'agissant des sommes créditées sur le compte ouvert à la banque HSBC, restent en litige une partie des crédits intitulés " dépôt TPI Asia " des 17 septembre et 21 décembre 2012, pour des montants respectifs de 27 492,35 euros et 46 060 euros. S'agissant des sommes créditées sur le compte ouvert à la banque Bank of America, restent en litige notamment deux crédits des 10 juillet et 17 septembre 2012 intitulés " Wire " pour des montants unitaires de 20 000 dollars, virements ayant pour origine, selon le requérant, le compte ouvert à la banque HSBC de la société TPI Asia Safety Designer Ltd.
37. Pour justifier ces crédits, M. B... se prévaut de la teneur des pièces produites à l'appui des réponses adressées à l'administration au cours de la procédure d'imposition, constituées de relevés des comptes ouverts auprès des banques HSBC et Bank of America, de listings et tableaux de frais établis par lui-même et de justificatifs de réservations d'avions et d'hôtels. Toutefois, ainsi que l'a d'ailleurs constaté la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires dans son avis du 27 mars 2017, ces éléments n'apportent pas la preuve que les crédits restant en litige correspondraient au remboursement de frais engagés pour le compte de la société TPI Asia Safety Designer Ltd, en l'absence notamment de production d'éléments comptables de cette société.
Sur les pénalités :
38. D'une part, aux termes de l'article 1728 du code général des impôts : " 1. Le défaut de production dans les délais prescrits d'une déclaration (...) entraîne l'application, sur le montant des droits mis à la charge du contribuable (...) d'une majoration de : (...) c. 80 % en cas de découverte d'une activité occulte (...) ".
39. Il résulte de ces dispositions que dans le cas où un contribuable n'a ni déposé dans le délai légal les déclarations qu'il était tenu de souscrire, ni fait connaître son activité à un centre de formalités des entreprises ou au greffe du tribunal de commerce, l'administration doit être réputée apporter la preuve, qui lui incombe, de l'exercice occulte de l'activité professionnelle si le contribuable n'est pas lui-même en mesure d'établir qu'il a commis une erreur justifiant qu'il ne se soit acquitté d'aucune de ces obligations déclaratives. S'agissant d'un contribuable qui fait valoir qu'il a satisfait à l'ensemble de ses obligations fiscales dans un État autre que la France, la justification de l'erreur commise doit être appréciée en tenant compte tant du niveau d'imposition dans cet autre État que des modalités d'échange d'informations entre les administrations fiscales des deux États.
40. Pour les mêmes motifs que ceux précédemment mentionnés, l'existence d'une activité occulte en France de la société TPI Asia Safety Designer Ltd et l'absence de justifications d'une erreur dans la portée de ses obligations déclaratives sont établies. Par ailleurs, il est constant que M. B..., en tant que gérant et associé unique de la société, a pris personnellement part aux manquements ainsi constatés. Par suite, M. B... n'est pas fondé à soutenir que l'administration ne pouvait appliquer la majoration prévue au c) du 1 de l'article 1728 du code général des impôts en matière de bénéfices industriels et commerciaux.
41. D'autre part, aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration (...) entraînent l'application d'une majoration de : a. 40 % en cas de manquement délibéré (...) ". Aux termes de l'article L. 195 A du livre des procédures fiscales : " En cas de contestation des pénalités fiscales appliquées à un contribuable au titre des impôts directs (...) la preuve de la mauvaise foi (...) incombe à l'administration ".
42. Pour justifier l'application de la pénalité pour manquement délibéré en matière de bénéfices non commerciaux, l'administration fait valoir que M. B..., gérant et associé unique de la société TPI Asia Safety Designer Ltd, a minoré les recettes qu'il avait déclarées dans cette catégorie pour des montants importants, en renonçant à percevoir des redevances de cette société au titre de ses droits de propriété intellectuelle, sans notamment justifier de contreparties. En outre, il ne pouvait ignorer qu'il minorait délibérément ses bénéfices non commerciaux, sans qu'il puisse valablement soutenir que l'exonération de redevance était stipulée contractuellement, dès lors qu'il avait l'entier contrôle de la société TPI Asia Safety Designer Ltd en tant que seul dirigeant et associé. Ainsi, l'administration apporte la preuve du caractère délibéré des manquements constatés et justifié du bien-fondé de l'application de la pénalité prévue au a) de l'article 1729 du code général des impôts.
43. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par les jugements attaqués, le tribunal administratif de Marseille a rejeté ses demandes. Ses conclusions aux fins d'annulation de ces jugements et de décharge, en droits et majorations, des impositions en litige doivent dès lors être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
44. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, les sommes que M. B... demande au titre des frais qu'il a exposés.
D E C I D E :
Article 1er : Les requêtes de M. B... sont rejetées.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Est Outre-mer.
Délibéré après l'audience du 4 mai 2023, où siégeaient :
- Mme Paix, présidente,
- M. Platillero, président assesseur,
- Mme Mastrantuono, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 17 mai 2023.
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N° 19MA04389, 21MA00767, 21MA00903