Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler l'arrêté du 12 octobre 2021 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours.
Par un jugement n° 2105562 du 24 février 2022, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 12 mars 2022 et le 25 avril 2023, M. A..., représenté par Me Le Gars, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nice du 24 février 2022 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet des Alpes-Maritimes du 12 octobre 2021 ;
3°) d'enjoindre au préfet des Alpes-Maritimes de lui délivrer une carte de séjour temporaire dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, ou, à défaut, de réexaminer sa demande dans un délai de deux mois à compter de cet arrêt, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, et, dans l'attente, de lui délivrer lui délivrer une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que son conseil renonce à la part contributive de l'Etat versée au titre de l'aide juridictionnelle.
Il soutient que :
- le tribunal administratif a omis de statuer sur le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le préfet aurait dû saisir la commission du titre de séjour avant de décider de lui refuser le droit au séjour ;
- la décision portant refus de séjour a été prise en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle ;
- le refus de séjour a été pris en méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision portant refus de séjour est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale dès lors que la décision de refus de titre de séjour est illégale ;
- le préfet, en l'obligeant à quitter le territoire français, a méconnu l'article L. 611-3-2° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
La requête a été communiquée au préfet des Alpes-Maritimes qui n'a pas produit de mémoire.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 24 juin 2022.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme B...,
- et les observations de Me Foury, substituant Me Le Gars, représentant M. A....
Considérant ce qui suit :
1. Par un arrêté du 12 octobre 2021, le préfet des Alpes-Maritimes a notamment refusé de délivrer un titre de séjour à M. A..., ressortissant albanais né en 2002, et l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours. M. A... fait appel du jugement du 24 février 2022 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la légalité de l'arrêté du préfet des Alpes-Maritimes du 12 octobre 2021 :
2. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
3. M. A... soutient être entré en France à l'âge de trois ans avec ses parents et y avoir résidé depuis de façon continue. Il verse au dossier des certificats relatifs à sa scolarité, établis par le directeur de l'école de La Penne, s'agissant de l'école maternelle et primaire par la principale du collège Auguste Blanqui à Puget-Theniers s'agissant des classes de 6ème à 3ème, et par la proviseure du lycée régional de la Montagne s'agissant des années 2017 / 2018 et 2018/ 2019, établissant qu'il a été scolarisé en France de façon continue entre 2005 et 2019. Il produit par ailleurs des factures d'électricité établies au nom de son père, ainsi que des documents relatif à la scolarité en France et à la prise en charge du handicap de son jeune frère, et une attestation du maire de la commune d'Ascros. Le préfet des Alpes Maritimes qui n'a produit d'observations ni devant les premiers juges ni devant la Cour, ne conteste pas la présence en France de l'intéressé depuis 2005. Ainsi, l'arrêté attaqué du 12 octobre 2021, a porté au droit du requérant au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels il a été pris. Par suite, cet arrêté méconnaît les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
4. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la régularité du jugement ou d'examiner les autres moyens de la requête, que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande. Le jugement en litige et l'arrêté du préfet des Alpes-Maritimes du 12 octobre 2021 doivent par suite être annulés.
Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :
5. Il y a lieu, en application des dispositions de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, d'enjoindre au préfet des Alpes-Maritimes de délivrer à M. A... une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt, sans qu'il soit besoin d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
6. M. A... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à Me Le Gars, avocat de M. A..., au titre des frais exposés et non compris dans les dépens, sous réserve que Me Le Gars renonce à la perception de la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 2105562 du 24 février 2022 du tribunal administratif de Nice et l'arrêté du préfet des Alpes-Maritimes du 12 octobre 2021 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet des Alpes-Maritimes de délivrer à M. A... une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à Me Le Gars, sous réserve qu'il renonce à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle, la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A... est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A..., à Me Le Gars et au ministre de l'intérieur et des Outre-mer.
Copie en sera adressée au préfet des Alpes-Maritimes et au procureur de la République près le tribunal judiciaire Nice.
Délibéré après l'audience du 4 mai 2023, où siégeaient :
- Mme Paix, présidente,
- M. Platillero, président assesseur,
- Mme Mastrantuono, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 17 mai 2023.
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N° 22MA00844