Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler les décisions implicites par lesquelles la ministre des armées a rejeté ses réclamations préalables présentées les 21 avril 2020 et 14 juillet 2020 tendant à la réparation de l'ensemble des préjudices liés à la maladie professionnelle dont il est atteint et à la reconstitution de l'avancement de grade auquel il pouvait prétendre, d'ordonner une expertise médicale, de condamner l'Etat à réparer l'ensemble des préjudices subis assortis des intérêts de droit à compter de la date de la première demande d'indemnisation formée le 1er avril 2020, avec capitalisation des intérêts échus, enfin d'enjoindre à l'administration de reconstituer l'avancement de grade dont il devait bénéficier de l'année 2018 jusqu'à l'année 2024.
Par un jugement n° 2002682 du 21 février 2022, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 25 avril 2022, sous le n° 22MA01168, M. B..., représenté par Me Chatillon, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2002682 du 21 février 2022 du tribunal administratif de Toulon ;
2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 5 000 euros en réparation des préjudices causés par le non-respect des préconisations de la médecine de prévention après l'apparition de sa maladie professionnelle et la discrimination subie ;
3°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 21 000 euros en réparation des préjudices qui n'ont pas été réparés par le capital attribué après la fixation du taux d'incapacité permanente ;
4°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 30 000 euros en réparation du préjudice résultant de la perte de chance de faire évoluer normalement sa carrière ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- après l'apparition de sa maladie professionnelle, le ministère a commis une faute en ne respectant pas les préconisations de la médecine de prévention du 6 avril 2012 ;
- ce refus d'aménagement de poste constitue une discrimination en raison de son état de santé ;
- sa mutation officieuse en décembre 2015 alors qu'aucune inaptitude n'avait été constatée est discriminatoire ;
- sa mutation a été opérée hors de tout cadre réglementaire ;
- il n'a bénéficié d'aucun accompagnement et a ainsi subi un préjudice de perte de chance.
Par un mémoire en défense, enregistré le 28 avril 2023, le ministre des armées conclut au rejet de la requête de M. B....
Il fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la sécurité sociale ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
- le décret n° 72-154 du 24 février 1972 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la Cour a désigné Mme Virginie Ciréfice, présidente assesseure, pour présider la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Prieto,
- les conclusions de M. Guillaumont, rapporteur public,
- et les observations de Me Chatillon, représentant M. B....
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ouvrier de l'Etat jusqu'à son départ volontaire le 31 août 2019, était affecté à l'atelier industriel aéronautique de Cuers. Dans le cadre de ses fonctions de chaudronnier tôlier, il a été victime d'une dégénérescence des tendons au niveau de ses deux coudes, reconnue comme maladie professionnelle. Par des réclamations préalables des 21 avril 2020 et 14 juillet 2020, adressées au centre ministériel de gestion de Bordeaux du ministère des armées, M. B... a notamment sollicité l'indemnisation des préjudices liés à sa maladie professionnelle.
2. M. B... relève appel du jugement n° 2002682 du 21 février 2022 par lequel le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande visant à l'annulation des décisions implicites par lesquelles la ministre des armées a rejeté ses réclamations préalables présentées les 21 avril 2020 et 14 juillet 2020, d'ordonner une expertise médicale, de condamner l'Etat à réparer l'ensemble des préjudices subis et d'enjoindre à l'administration de reconstituer son avancement de grade de l'année 2018 jusqu'à l'année 2024.
Sur la recevabilité des conclusions visant à engager la responsabilité pour faute et sans faute de l'Etat concernant la maladie professionnelle affectant M. B... :
3. Il résulte des dispositions de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires et de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat que les ouvriers de l'Etat ne sont pas des fonctionnaires mais ont la qualité d'agents non titulaires.
4. Aux termes des dispositions de l'article L. 142-1 du code de la sécurité sociale : " Le contentieux de la sécurité sociale comprend les litiges relatifs : 1° A l'application des législations et réglementations de sécurité sociale et de mutualité sociale agricole ; (...) ". Aux termes de l'article L. 142-8 de ce code : " Le juge judiciaire connaît des contestations relatives : 1° Au contentieux de la sécurité sociale défini à l'article L. 142-1 (...) ".
5. En outre, aux termes de l'article L. 451-1 du code de la sécurité sociale, applicable aux ouvriers de l'Etat : " Sous réserve des dispositions prévues aux articles L. 452-1 à L. 452 -5, L. 454-1, L. 455-1, L. 455-1-1 et L. 455-2 aucune action en réparation des accidents et maladies mentionnés par le présent livre ne peut être exercée conformément au droit commun, par la victime ou ses ayants droit ". Aux termes de l'article L. 452-1 du même code : " Lorsque l'accident est dû à la faute inexcusable de l'employeur ou de ceux qu'il s'est substitués dans la direction, la victime ou ses ayants droit ont droit à une indemnisation complémentaire dans les conditions définies aux articles suivants ". L'article L. 452-3 de ce code prévoit que : " (...) la victime a le droit de demander à l'employeur devant la juridiction de sécurité sociale la réparation du préjudice causé par les souffrances physiques et morales par elle endurées, de ses préjudices esthétiques et d'agrément ainsi que celle du préjudice résultant de la perte ou de la diminution de ses possibilités de promotion professionnelle (...) ". Ce dernier article, tel qu'interprété par le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2010-8 QPC du 18 juin 2010, prévoit que, dans le cas d'une faute inexcusable de l'employeur, la victime a le droit de demander à l'employeur, devant la juridiction de sécurité sociale, la réparation de l'ensemble des dommages non couverts par le livre IV du code de la sécurité sociale qui ont résulté pour elle de l'accident. Aux termes de l'article L. 452-5 de ce code : " Si l'accident est dû à la faute intentionnelle de l'employeur ou de l'un de ses préposés, la victime ou ses ayants droit conserve contre l'auteur de l'accident le droit de demander la réparation du préjudice causé, conformément aux règles du droit commun, dans la mesure où ce préjudice n'est pas réparé par application du présent livre ". En revanche, en dehors des hypothèses dans lesquelles le législateur a entendu instituer un régime de responsabilité particulier, un agent contractuel de droit public, dès lors qu'il ne se prévaut pas d'une faute intentionnelle de son employeur ou de l'un des préposés de celui-ci, ne peut exercer contre cet employeur une action en réparation devant les juridictions administratives, conformément aux règles du droit commun, à la suite d'un accident du travail dont il a été la victime.
6. Il résulte de l'instruction, et notamment d'un jugement n° 20/05148 du 23 novembre 2020 du pôle social du tribunal judiciaire de Marseille que M. B... est, en sa qualité d'agent non titulaire de l'Etat et en raison de la maladie professionnelle dont il est affecté, atteint d'une incapacité permanente partielle de 9 %. Les dispositions précitées font obstacle à ce que M. B..., qui ne se prévaut pas d'une faute intentionnelle de son employeur, recherche, dans les conditions de droit commun, la responsabilité de l'Etat au titre des préjudices dont il se prévaut. Par suite, M. B... ne peut pas intenter devant la juridiction administrative une action en réparation conformément au droit commun.
7. Enfin, si M. B... soutient que la responsabilité sans faute de son employeur est engagée, il relève, en tant qu'agent non titulaire de droit public, du régime général de la sécurité sociale. Sa situation est régie par les dispositions précitées du code de la sécurité sociale qui prévoient qu'il ne peut demander une réparation complémentaire qu'en cas de faute intentionnelle ou inexcusable de l'employeur devant l'ordre juridictionnel correspondant. En tout état de cause, M. B... n'établit pas, par les pièces produites, la méconnaissance par son employeur des préconisations de la médecine du travail dès lors qu'il a fait l'objet d'un suivi médical régulier et d'adaptations de poste conformément auxdites préconisations.
8. Il résulte de tout ce qui précède que c'est à bon droit que les premiers juges ont accueilli la fin de non-recevoir opposée en défense. Par suite, les conclusions indemnitaires de M. B... visant à réparer les préjudices résultant de la responsabilité pour faute et sans faute de l'Etat dans la gestion de sa maladie professionnelle doivent être rejetées comme portées devant un ordre juridictionnel incompétent pour en connaître.
Sur la faute relative à la discrimination et à la privation des droits à avancement :
9. Il appartient à la personne qui soutient avoir été victime de faits constitutifs de discrimination de soumettre au juge les éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'une telle discrimination. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à toute discrimination. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de discrimination sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires.
10. En premier lieu, comme indiqué au point 7 du présent arrêt, il ne résulte pas de l'instruction que le ministre des armées n'ait pas respecté les préconisations de la médecine de prévention du 6 avril 2012. Par suite, le moyen invoqué manque en fait.
11. En deuxième lieu, il ne résulte pas davantage de l'instruction que son changement d'affectation en décembre 2015 soit discriminatoire dès lors qu'il est constant que la maladie professionnelle de l'appelant, dûment constatée dès 2012 et sanctionnée par de nombreux arrêts de travail, justifiait une telle mesure avant même de faire l'objet d'une reconnaissance réglementaire.
12. En troisième lieu, M. B... soutient qu'il a été privé d'avancement en raison de son état de santé après avoir été déclaré définitivement inapte à son emploi de mécanicien d'aéronautique " structure ", et ainsi victime d'une discrimination. Il résulte toutefois de l'instruction que son avancement au groupe supérieur était conditionné par l'obtention des prérequis de la nouvelle profession dans laquelle il a été reclassé, prérequis qu'il ne détenait pas encore au moment de son départ de l'institution. En outre, les circonstances que M. B... n'aurait pas suivi de formation qualifiante pour son nouveau poste, que l'accès à la spécialité " structures métalliques " lui a été refusé, par une décision du 14 juin 2018, au motif qu'il n'exerce plus la profession demandée et qu'un changement de profession lui a été refusé, par une décision du 4 juin 2019, au motif qu'il n'existe pas de vacance de poste dans la profession sollicitée, ne sont pas de nature à laisser présumer l'existence d'une discrimination.
13. En dernier lieu, il ne résulte pas davantage de l'instruction que M. B... aurait illégalement été privé de ses droits à avancement dès lors qu'il a bénéficié d'avancements d'échelons réguliers entre 2010 et 2018.
14. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'ordonner une expertise, que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 21 février 2022, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
15. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par M. B..., ne nécessite aucune mesure d'exécution. Par conséquent, les conclusions à fin d'injonction doivent être rejetées.
Sur les conclusions à fin d'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
16. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement de la somme demandée à ce titre par M. B....
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre des armées.
Délibéré après l'audience du 12 mai 2023, où siégeaient :
- Mme Ciréfice, présidente assesseure, présidente de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,
- M. Prieto, premier conseiller,
- Mme Marchessaux, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 26 mai 2023.
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