Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... A... B... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 22 juin 2021 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination.
Par un jugement n° 2201380 du 24 mai 2022, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 1er juillet 2022, M. A... B..., représenté par Me Bissane, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Marseille du 24 mai 2022 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 22 juin 2021 ;
3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", ou, à défaut, d'examiner à nouveau sa demande dans un délai de quatre mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard, cette astreinte courant pendant un délai de trois mois après lequel elle pourra être liquidée et une nouvelle astreinte fixée ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la décision de refus de séjour est entachée d'un défaut de motivation ;
- la décision portant refus de séjour a été prise en méconnaissance de l'article L. 313-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le préfet aurait dû saisir la commission du titre de séjour ;
- la décision de refus de séjour a été prise en méconnaissance des dispositions de l'article L. 423-7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- en lui refusant le droit au séjour et en l'obligeant à quitter le territoire français, le préfet a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
La requête a été communiquée au préfet des Bouches-du-Rhône qui n'a pas produit de mémoire.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 en matière de séjour et de travail ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code civil ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Mastrantuono a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Par un arrêté du 22 juin 2021, le préfet des Bouches-du-Rhône a rejeté la demande de carte de séjour temporaire présentée en qualité de parent d'enfant français par M. A... B..., ressortissant tunisien né en 1991, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. M. A... B... relève appel du jugement du 24 mai 2022 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur le bien-fondé du jugement :
2. Aux termes, d'une part, de l'article 7 quater de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 en matière de séjour et de travail : " Sans préjudice des dispositions du b et du d de l'article 7 ter, les ressortissants tunisiens bénéficient, dans les conditions prévues par la législation française, de la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" ". Aux termes de l'article L. 423-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France et qui établit contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil, depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. ". Aux termes de l'article 371-2 du code civil : " Chacun des parents contribue à l'entretien et à l'éducation des enfants à proportion de ses ressources, de celles de l'autre parent, ainsi que des besoins de l'enfant. / Cette obligation ne cesse de plein droit ni lorsque l'autorité parentale ou son exercice est retiré, ni lorsque l'enfant est majeur. ".
3. Aux termes, d'autre part, de l'article L. 432-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La délivrance d'une carte de séjour temporaire ou pluriannuelle ou d'une carte de résident peut, par une décision motivée, être refusée à tout étranger dont la présence en France constitue une menace pour l'ordre public. ".
4. Enfin l'article L. 432-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoit que : " Dans chaque département est instituée une commission du titre de séjour qui est saisie pour avis par l'autorité administrative : / 1° Lorsqu'elle envisage de refuser de délivrer ou de renouveler la carte de séjour temporaire prévue aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-13, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21, L. 423-22, L. 423-23, L. 425-9 ou L. 426-5 à un étranger qui en remplit effectivement les conditions de délivrance ; (...) ".
5. Il n'est pas contesté que M. A... B... est le père d'un enfant de nationalité française né à Marseille le 16 août 2020 et issu de sa relation avec une ressortissante française. Il résulte des nombreux éléments versés par l'intéressé au débat contradictoire, et notamment de factures, de relevés de comptes, d'une attestation de la caisse d'allocations familiales ou encore des attestations du médecin traitant, de la grand-mère de l'enfant et d'une amie proche de sa mère que le requérant vit avec cette dernière et son fils, un deuxième enfant étant d'ailleurs né postérieurement à l'arrêté en litige, et contribue de manière effective à l'entretien et à l'éducation de son fils depuis sa naissance. Si la présence en France de M. A... B..., qui a fait l'objet de plusieurs condamnations, constitue une menace pour l'ordre public, cette circonstance ne fait pas obstacle à l'obligation de réunion de la commission du titre de séjour. Dans ces conditions, le préfet des Bouches-du-Rhône était tenu de saisir la commission du titre de séjour, alors même que la présence en France de l'intéressé constitue une menace pour l'ordre public. Ainsi, faute d'avoir été précédée de cette consultation, la décision en litige est intervenue à l'issue d'une procédure irrégulière.
6. Un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il ressort des pièces du dossier qu'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de cette décision ou qu'il a privé le requérant d'une garantie. La consultation de la commission du titre de séjour constitue une garantie pour les étrangers qui remplissent effectivement les conditions pour bénéficier de la délivrance ou du renouvellement d'un titre de séjour mentionné à l'article L. 432-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, M. A... B..., qui a été privé d'une garantie, est fondé à demander l'annulation, pour vice de procédure, du refus de titre de séjour qui lui a été opposé par le préfet des Bouches-du-Rhône. Par voie de conséquence, les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination, qui se trouvent privées de base légale, doivent également être annulées.
7. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
8. Le motif de cette annulation n'implique pas que le préfet délivre un titre de séjour à M. A... B..., mais seulement qu'il instruise à nouveau sa demande et prenne une nouvelle décision après saisine de la commission du titre de séjour. Il y a lieu, en conséquence, d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône, sur le fondement de l'article L. 911-2 du code de justice administrative, de procéder à ce réexamen dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. Il n'y a pas lieu, en revanche, d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais liés au litige :
9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à M. A... B... d'une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 2201380 du 24 mai 2022 du tribunal administratif de Marseille et l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 22 juin 2021 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet des Bouches-du-Rhône de procéder au réexamen de la demande de M. A... B... après saisine de la commission du titre de séjour et de prendre une nouvelle décision dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à M. A... B... la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A... B... est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.
Délibéré après l'audience du 7 septembre 2023, où siégeaient :
- Mme Paix, présidente,
- M. Platillero, président assesseur,
- Mme Mastrantuono, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 21 septembre 2023.
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N° 22MA01881