Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler l'arrêté du 3 mai 2022 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être reconduit d'office.
Par un jugement n° 2202415 du 1er décembre 2022, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 5 janvier 2023, M. B..., représenté par Me Mimouna, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2202415 du 1er décembre 2022 du tribunal administratif de Nice ;
2°) d'annuler l'arrêté du 3 mai 2022 du préfet des Alpes-Maritimes ;
3°) d'enjoindre au préfet des Alpes-Maritimes de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter du délai de quinze jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir et, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans le délai de deux mois ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement attaqué est insuffisamment motivé ;
- en ce qui concerne le refus de séjour, l'arrêté attaqué et l'avis du collège de médecins de l'OFII sont insuffisamment motivés ;
- le préfet s'est estimé lié par l'avis du collège de médecins ;
- l'article R. 425-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 ont été méconnus ;
- l'article R. 425-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile a été méconnu ;
- le préfet a méconnu l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'article R. 425-14 du même code opposable sur le fondement de l'article 35 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- en ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français, la décision est illégale par voie d'exception et est insuffisamment motivée ;
- le préfet a méconnu le 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
La requête a été communiquée au préfet des Alpes-Maritimes qui n'a pas produit d'observations en défense.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Platillero,
- et les observations de Me Moussa, substituant Me Mimouna, pour M. B....
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant tunisien, a sollicité son admission au séjour en raison de son état de santé, sur le fondement de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 3 mai 2022, le préfet des Alpes-Maritimes a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être reconduit d'office. M. B... relève appel du jugement du 1er décembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur le bien-fondé du jugement :
2. Aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat (...) ".
3. Sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif, au vu des pièces du dossier, et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si l'état de santé d'un étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi. La partie qui justifie d'un avis du collège de médecins du service médical de l'office français de l'immigration et de l'intégration qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires. En cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile.
4. Pour rejeter la demande de M. B... tendant à la délivrance d'un titre de séjour en qualité d'étranger malade, le préfet des Alpes-Maritimes s'est notamment fondé sur l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) du 4 avril 2022, qui a estimé que si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé en Tunisie, il peut y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. Il ressort des pièces du dossier que M. B... a présenté un adénocarcinome pulmonaire qui a nécessité une lobectomie supérieure droite avec curage ganglionaire en août 2021. M. B... produit un certificat médical d'un praticien du service d'oncologie et d'onco-hématologie du centre hospitalier d'Antibes Juan-les-Pins qui, s'il est daté du 27 octobre 2022, se rattache à la même pathologie et éclaire sur l'état antérieur de l'intéressé, et précise qu'une récidive pleurale avec de multiples nodules et un petit épanchement est survenue, qu'une ponction sous scanner a confirmé l'envahissement pleural par une métastase de l'adénocarcimone pleural connu et que le scanner a montré un épaississement nodulaire de toute la plèvre pariétale et viscérale ainsi que de la plèvre sus-diaphragmatique, avec déjà un aspect nodulaire au niveau du péricarde, nécessitant une chimiothérapie, M. B... ayant d'ailleurs été hospitalisé pour la pose d'un dispositif veineux implantable en veine céphalique droite. Le requérant fait valoir sans être contredit par le préfet des Alpes-Maritimes, qui n'a produit de mémoire en défense ni en première instance ni en appel que, compte tenu de l'état du système de santé en Tunisie, de l'extrême gravité de son état de santé et de son absence de ressources, il ne pourra effectivement pas bénéficier d'un traitement approprié à son état de santé dans ce pays, ce qu'aucune pièce du dossier ne permet d'infirmer. Dans les circonstances de l'espèce, M. B... doit dès lors être regardé comme apportant suffisamment d'éléments permettant de remettre en cause l'avis du collège des médecins de l'OFII. Il est par suite fondé à soutenir que le préfet des Alpes-Maritimes a méconnu l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en refusant de lui délivrer un titre de séjour, l'illégalité de ce refus entachant d'illégalité les autres décisions contenues dans l'arrêté contesté.
5. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande. Ce jugement et l'arrêté contesté doivent dès lors être annulés.
Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :
6. Compte tenu du motif d'annulation retenu par le présent arrêt, il y a lieu d'enjoindre au préfet des Alpes-Maritimes de délivrer à M. B... un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans le délai de deux mois suivant la notification du présent arrêt. Il n'y a en revanche pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais liés au litige :
7. Il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat, qui est la partie perdante dans la présente instance, la somme de 1 500 euros au titre des frais que M. B... a exposés, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
Article 1 : Le jugement n° 2202415 du 1er décembre 2022 du tribunal administratif de Nice et l'arrêté du 3 mai 2022 du préfet des Alpes-Maritimes sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet des Alpes-Maritimes de délivrer à M. B... un titre de séjour dans le délai de deux mois suivant la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à M. B... la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. B... est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des Outre-mer.
Copie en sera adressée au préfet des Alpes-Maritimes.
Délibéré après l'audience du 7 septembre 2023, où siégeaient :
- Mme Paix, présidente,
- M. Platillero, président assesseur,
- Mme Mastrantuono, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 21 septembre 2023.
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N° 23MA00026