Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler l'arrêté du 6 février 2023 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes lui a fait obligation de quitter le territoire français, lui a accordé un délai de départ volontaire de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné.
Par un jugement n° 2301100 du 27 juin 2023, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés les 29 juin et 3 août 2023, M. B..., représenté par Me Zaragoci, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet des Alpes-Maritimes du 6 février 2023 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le tribunal a commis une erreur d'appréciation en estimant qu'il pouvait faire l'objet d'une mesure d'éloignement sur le fondement du 1° de l'article L. 251-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- il disposait, à la date de l'arrêté contesté, de ressources suffisantes afin de ne pas devenir une charge pour le système d'assistance sociale ;
- il exerce une activité professionnelle en France ;
- l'arrêté contesté est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de ses conséquences sur sa situation personnelle et familiale.
La requête a été communiquée au préfet des Alpes-Maritimes qui n'a pas produit de mémoire en défense.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Mouret a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant portugais né en 1979, a été interpellé le 5 février 2023 sur le territoire de la commune de Nice à la suite d'un contrôle de police. Par un arrêté du 6 février 2023, le préfet des Alpes-Maritimes lui a fait obligation de quitter le territoire français, lui a accordé un délai de départ volontaire de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné. M. B... relève appel du jugement du 27 juin 2023 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
2. Aux termes de l'article L. 251-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative compétente peut, par décision motivée, obliger les étrangers dont la situation est régie par le présent livre, à quitter le territoire français lorsqu'elle constate les situations suivantes : / 1° Ils ne justifient plus d'aucun droit au séjour tel que prévu par les articles L. 232-1, L. 233-1, L. 233-2 ou L. 233-3 (...) ". L'article L. 233-1 du même code, auquel il est ainsi renvoyé, dispose que : " Les citoyens de l'Union européenne ont le droit de séjourner en France pour une durée supérieure à trois mois s'ils satisfont à l'une des conditions suivantes : / 1° Ils exercent une activité professionnelle en France ; / 2° Ils disposent pour eux et pour leurs membres de famille de ressources suffisantes afin de ne pas devenir une charge pour le système d'assistance sociale, ainsi que d'une assurance maladie ; / 3° Ils sont inscrits dans un établissement fonctionnant conformément aux dispositions législatives et réglementaires en vigueur pour y suivre à titre principal des études ou, dans ce cadre, une formation professionnelle, et garantissent disposer d'une assurance maladie ainsi que de ressources suffisantes pour eux et pour leurs conjoints ou descendants directs à charge qui les accompagnent ou les rejoignent, afin de ne pas devenir une charge pour le système d'assistance sociale ; / 4° Ils sont membres de famille accompagnant ou rejoignant un citoyen de l'Union européenne qui satisfait aux conditions énoncées aux 1° ou 2° ; / 5° Ils sont le conjoint ou le descendant direct à charge accompagnant ou rejoignant un citoyen de l'Union européenne qui satisfait aux conditions énoncées au 3° ".
3. Il résulte de ces dispositions qu'un citoyen de l'Union européenne ne dispose du droit de se maintenir sur le territoire national pour une durée supérieure à trois mois que s'il remplit l'une des conditions, alternatives et non cumulatives, fixées par l'article L. 233-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, au nombre desquelles figure l'exercice d'une activité professionnelle en France. Par ailleurs, il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne que la notion de travailleur, au sens du droit de l'Union européenne, doit être interprétée comme s'étendant à toute personne qui exerce des activités réelles et effectives, à l'exclusion d'activités tellement réduites qu'elles se présentent comme purement marginales et accessoires.
4. Il ressort des pièces du dossier que M. B..., qui réside en France depuis de très nombreuses années avec son épouse et leurs enfants, exerce la profession de maçon coffreur dans le cadre de missions d'intérim régulières. Au regard de l'ensemble des éléments qu'il produit, et en particulier de ses bulletins de paye ainsi que de ses avis d'impôt sur les revenus des années 2020 à 2022, l'intéressé établit qu'il exerçait effectivement, à la date de l'arrêté contesté, une activité professionnelle, laquelle ne saurait être regardée comme présentant un caractère purement marginal et accessoire. M. B... remplissant ainsi la condition fixée par les dispositions citées ci-dessus du 1° de l'article L. 233-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet des Alpes-Maritimes a fait une inexacte application des dispositions du 1° de l'article L. 251-1 du même code en l'obligeant à quitter le territoire français. Par suite, M. B... est fondé à demander l'annulation de la mesure d'éloignement en litige ainsi que, par voie de conséquence, celle des autres décisions contenues dans l'arrêté du préfet des Alpes-Maritimes du 6 février 2023.
5. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de sa requête, que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet des Alpes-Maritimes du 6 février 2023.
6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. B... et non compris dans les dépens.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nice du 27 juin 2023 est annulé.
Article 2 : L'arrêté du préfet des Alpes-Maritimes du 6 février 2023 est annulé.
Article 3 : L'Etat versera une somme de 1 500 euros à M. B... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée au préfet des Alpes-Maritimes et au procureur de la République près le tribunal judiciaire de Nice.
Délibéré après l'audience du 14 septembre 2023, à laquelle siégeaient :
- M. Portail, président,
- M. d'Izarn de Villefort, président assesseur,
- M. Mouret, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 septembre 2023.
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N° 23MA01651