Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. D... C... a demandé au tribunal administratif de Marseille de prononcer la décharge, en droits et majorations, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 2014.
Par un jugement n° 1906212 du 1er juin 2021, le tribunal administratif de Marseille a prononcé un non-lieu à statuer à hauteur du dégrèvement prononcé en cours d'instance et a rejeté le surplus de sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 1er août 2021, M. C..., représenté par Me Branthomme, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 1er juin 2021 du tribunal administratif de Marseille en tant qu'il a rejeté le surplus de sa demande ;
2°) de prononcer la décharge, en droits et majorations, des impositions restant en litige, le cas échéant après avoir sursis à statuer dans l'attente de décisions judiciaires ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- l'administration ne pouvait prendre en compte les recettes issues de l'activité de la société qu'il dirige sans procéder à une vérification de comptabilité préalable de cette société, en présence de comptes mixtes, sauf à méconnaître l'article L. 47 B du livre des procédures fiscales ;
- les sommes en litige imposées sur le fondement du 2° du 1 de l'article 109 du code général des impôts constituent des bénéfices industriels et commerciaux ;
- trois opérations, pour un montant total de 102 000 euros, correspondent à des virements de compte à compte et doivent être extournées de l'assiette d'imposition ;
- les sommes de 8 000 euros, 10 000 et 12 000 euros correspondent à des opérations personnelles ;
- il produit les justificatifs de charges déductibles, réglées à partir de ses comptes bancaires personnels pour le compte de la société.
Par un mémoire en défense, enregistré le 24 décembre 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus, au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Poullain,
- et les conclusions de M. Ury, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. C..., gérant et associé unique de l'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée (EURL) B..., assujettie à l'impôt sur les sociétés et qui exerçait avant sa liquidation judiciaire, le 22 janvier 2015, une activité de sécurité privée, a fait l'objet d'un examen de situation fiscale personnelle. Par une proposition de rectification du 10 juillet 2017, l'administration a réintégré dans les revenus imposables de M. C..., selon la procédure contradictoire prévue par l'article L. 55 du livre des procédures fiscales, la somme de 612 603 euros correspondant à des revenus distribués par l'EURL B... relevant de la catégorie des revenus de capitaux mobiliers sur le fondement du 2° du 1 de l'article 109 du code général des impôts. M. C... relève appel du jugement du 1er juin 2021, en tant que le tribunal administratif de Marseille, après avoir prononcé un non-lieu à statuer à hauteur du dégrèvement intervenu en cours d'instance, a rejeté le surplus de sa demande tendant à la décharge, en droits et majorations, des suppléments d'imposition auxquels il a été ainsi assujetti au titre de l'année 2014.
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
2. Aux termes de l'article L. 47 C du livre des procédures fiscales : " Lorsque, au cours d'un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle, sont découvertes des activités occultes ou mises en évidence des conditions d'exercice non déclarées de l'activité d'un contribuable, l'administration n'est pas tenue d'engager une vérification de comptabilité pour régulariser la situation fiscale du contribuable au regard de cette activité. ". Les dispositions de l'article L. 47 C du livre des procédures fiscales ont pour objet de dispenser l'administration de l'obligation d'engager une vérification de comptabilité dans l'hypothèse où la découverte des activités occultes ou la mise en évidence des conditions d'exercice non déclarées de l'activité interviennent au cours d'un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle du contribuable.
3. Il résulte de l'instruction, et notamment de la proposition de rectification du 10 juillet 2017 adressée à M. C..., que l'administration lui a envoyé, le 8 mars 2017, une demande d'éclaircissements et de justifications n° 2172 afin qu'il justifie l'origine et la nature des crédits identifiés sur ses comptes bancaires au titre de l'année 2014, alors que les seuls revenus d'activité figurant sur sa déclaration d'ensemble de revenus s'élevaient à 327 euros dans la catégorie des traitements et salaires. A défaut de réponse complète dans le délai imparti, le service vérificateur a exercé son droit de communication auprès des établissements bancaires (CRCAM d'Alpes Provence, Société Générale, Caisse Fédérale du Crédit Mutuel, BNP Paribas et Caisse d'Epargne) afin d'obtenir les relevés des comptes bancaires de M. C.... Au cours des entretiens avec le service, le requérant a expliqué qu'il utilisait ses comptes personnels pour encaisser des sommes dues à la société B... afin de se soustraire à des opérations de racket dont il était victime mais qu'il ne pouvait produire de pièces justifiant les dépenses de la société ou les souches de chéquiers, car celles-ci auraient été dérobées au cours d'un cambriolage. Le service a évalué à 661 621 euros les crédits provenant de la société et a diminué ce montant, dans un souci de réalisme, de la somme de 49 018 euros correspondant à la taxe sur la valeur ajoutée réglée à partir du compte bancaire personnel pour le compte de celle-ci. Le contribuable ayant lui-même désigné les crédits non déclarés portés sur ses comptes bancaires personnels comme provenant de l'activité de sa société, et en l'absence de preuve contraire qu'une partie de ces sommes ne proviendraient pas de versements effectués par ladite société, alors que M. C... n'a jamais fourni les écritures de son compte courant d'associé ouvert dans les écritures de celle-ci, lesdits crédits ont été imposés sur le fondement du 2° du 1° de l'article 109 du code général des impôts, dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers.
4. Dès lors que la mise en évidence des conditions d'exercice non déclarées de l'activité de M. C... n'est ainsi intervenue qu'au cours de l'examen de sa situation fiscale personnelle, l'administration n'était pas tenue d'engager une vérification de comptabilité de la société. Les circonstances que le service a examiné les mouvements liés à l'activité de l'EURL B... intervenus sur les comptes personnels de l'intéressé et admis, par réalisme, de déduire certaines dépenses engagées des revenus considérés comme distribués ne révèlent pas qu'il aurait en réalité engagé une procédure de vérification de comptabilité de ladite société. Par ailleurs, en tout état de cause, M. C... n'a été privé d'aucune garantie, dès lors que le service lui a adressé, par pli recommandé avec avis de réception, un avis d'examen contradictoire de sa situation fiscale personnelle, l'informant que la charte des droits et obligations du contribuable vérifié pouvait être consultée sur le site internet impôts.gouv.fr ou lui être remise sur simple demande et que, dans le cadre du dialogue contradictoire, trois entretiens ont eu lieu en présence du conseil du requérant. Le moyen tiré de ce que la procédure d'examen contradictoire de situation fiscale personnelle est entachée d'irrégularité doit donc être écarté.
Sur le bien-fondé des impositions :
5. Aux termes de l'article R. 194-1 du livre des procédures fiscales : " Lorsque, ayant donné son accord à la rectification ou s'étant abstenu de répondre dans le délai légal à la proposition de rectification, le contribuable présente cependant une réclamation faisant suite à une procédure contradictoire de rectification, il peut obtenir la décharge ou la réduction de l'imposition, en démontrant son caractère exagéré (...) ". En application de ces dispositions, il appartient à M. C..., qui s'est abstenu de répondre à la proposition de rectification du 10 juillet 2017, de démontrer le caractère exagéré des impositions qu'il conteste.
6. Aux termes de l'article 109 du code général des impôts : " 1. Sont considérés comme revenus distribués : / (...) 2° Toutes les sommes ou valeurs mises à la disposition des associés, actionnaires ou porteurs de parts et non prélevées sur les bénéfices. (...) ".
7. Il résulte de l'instruction que la preuve de l'existence de revenus distribués résulte de la constatation par l'administration fiscale, au cours de l'examen contradictoire de situation fiscale personnelle, de crédits enregistrés sur les comptes bancaires personnels de M. C.... Ainsi qu'il a été dit précédemment, ce dernier a lui-même, au cours des opérations de contrôle, désigné les crédits non déclarés portés sur ses comptes bancaires personnels comme provenant de l'activité de l'EURL B..., société assujettie à l'impôt sur les sociétés. Par suite, l'administration était fondée à considérer que ces sommes étaient imposables entre les mains de M. C..., associé unique de cette société, dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers en vertu du 2° du 1 de l'article 109 du code général des impôts.
8. Par ailleurs, en ce qui concerne le montant des revenus distribués, M. C... reprend en appel le moyen déjà soulevé en première instance et tiré de ce que l'administration fiscale a doublement compté les crédits bancaires professionnels de 50 000 euros en date du 4 août 2014, 12 000 euros en date du 9 septembre 2014 et 40 000 euros en date du 28 août 2014, pour un montant total de 102 000 euros à extourner. Il ne se prévaut toutefois d'aucun élément de fait ou de droit nouveau par rapport à l'argumentation développée devant le tribunal administratif. Par suite, il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs pertinents retenus par les premiers juges.
9. M. C... soutient également que le service aurait retenu à tort des sommes de 8 000, 10 000 et 12 000 euros constitutives de crédits personnels par virements de compte à compte ou remise de chèque. Il fait valoir que le montant de 8 000 euros correspond à un virement interne au sein de la Caisse d'Epargne et ne doit pas être retenu dans la base imposable des revenus de capitaux mobiliers dès lors que le vérificateur a extourné un montant de 9 172 euros correspondant à une opération similaire. Toutefois, en se bornant à produire un extrait d'un relevé de " Liste des opérations ", sans autre précision, mentionnant un " virement interne " en date du 28 octobre 2014, le requérant n'apporte pas de justification suffisamment probante. Par ailleurs, il fait état de ce que le vérificateur aurait retenu à tort des crédits bancaires correspondant à un virement de 10 000 euros et au dépôt d'un chèque de 12 000 euros en provenance de Mme A..., son épouse, sur son compte du Crédit Mutuel en date du 26 septembre 2014. Cependant, il ne contredit pas utilement l'administration qui soutient que le virement de 10 000 euros n'a pas été inclus dans le montant de l'assiette des revenus de capitaux mobiliers rectifié. Par ailleurs, concernant la somme de 12 000 euros, le requérant ne produit pas plus en appel qu'en première instance de justificatif quant au motif ou à l'origine de l'opération.
10. Enfin, s'agissant des charges déductibles, M. C... fait valoir qu'il a effectué, pour le compte de l'EURL B..., divers paiements à partir de ses comptes personnels correspondant à des charges diverses, notamment salariales, sociales ou fiscales. Trois factures Lubrano, Synertic et BBG Imprimerie ont été admises au cours de la première instance pour un montant de 30 147 euros. Pour le reste, le requérant produit des copies des bulletins de salaire, ainsi que la liste et les copies de nombreux chèques, obtenues de la banque BNP Paribas à la suite de décisions du juge judiciaire. Toutefois, il n'établit pas de correspondance entre les différents chèques versés et les bulletins de salaire fournis, alors que des discordances sont relevées par l'administration entre les montants des bulletins de salaires et les copies de chèques ou débits bancaires. Par ailleurs, certains chèques ne correspondent à aucun bulletin de salaire. En outre, la seule production des copies de chèques, dont certains sont établis au bénéfice du " Trésor Public ", en l'absence de tout rapprochement avec les débits des comptes bancaires du requérant et des pièces justificatives, ne permet pas d'établir que M. C... a acquitté, à partir de ses comptes personnels, des charges pour le compte de l'EURL B....
11. Il résulte de ce qui précède que M. C... n'établit pas l'exagération des bases d'imposition retenues par l'administration. L'appréhension par M. C..., associé unique de cette société, de sommes créditées sur ses comptes bancaires personnels est établie. Par suite, les sommes en litige ont été, à bon droit, imposées entre les mains de M. C... comme des revenus distribués sur le fondement des dispositions du 2° du 1 de l'article 109 du code général des impôts.
12. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de surseoir à statuer dans l'attente du caractère définitif des décisions du juge judiciaire invoquées, que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté le surplus de sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... C... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Est Outre-mer.
Délibéré après l'audience du 21 septembre 2023, où siégeaient :
- Mme Paix, présidente,
- M. Platillero, président assesseur,
- Mme Poullain, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 5 octobre 2023.
La rapporteure,
signé
C. POULLAINLa présidente,
signé
E. PAIX
La greffière,
signé
C. PONS
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
2
N° 21MA03257