Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 11 mai 2023 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter sans délai le territoire français, a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné d'office, et lui a interdit le retour durant deux ans.
Par un jugement n° 2304768 du 13 juillet 2023, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 3 août 2023, M. A..., représenté par Me Carrascosa, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du 13 juillet 2023 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 11 mai 2023 ;
3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer une carte de séjour temporaire, subsidiairement de réexaminer sa situation dans un délai de quinze jours, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 800 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la décision portant refus de droit au séjour, dont on ignore si elle a été signée par délégation de pouvoir ou de signature, est entachée d'incompétence ;
- elle est insuffisamment motivée ;
- elle est entachée d'un défaut d'examen de sa situation personnelle ;
- les violences qu'il a commises ne sont pas graves et ne sont pas de nature, dans sa situation, à justifier son expulsion au regard de l'article L. 631-1 du même code ;
- les décisions portant refus de droit au séjour et obligation de quitter le territoire français ont été prises en méconnaissance des dispositions de l'article L. 631-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il est père de trois enfants dont il s'occupe au quotidien ;
- eu égard à ses liens familiaux et à son insertion sociale et professionnelle, le préfet a méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et a entaché ses décisions d'une erreur manifeste d'appréciation quant à leurs conséquences sur sa situation personnelle ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît également les dispositions de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il réside en France depuis qu'il a l'âge de deux ans.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
La requête a été communiquée le 9 août 2023 à la préfecture des Bouches-du-Rhône qui n'a pas produit de mémoire en défense.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Poullain a été entendu en audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant comorien, né le 13 janvier 1987, relève appel du jugement du 13 juillet 2023 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 11 mai 2023 du préfet des Bouches-du-Rhône refusant de lui délivrer un titre de séjour, l'obligeant à quitter sans délai le territoire français, fixant le pays à destination duquel il pourra être éloigné d'office, et lui interdisant le retour durant deux ans.
2. Aux termes de l'article L. 423-7 du code de l'entrée et du séjour des étranger et du droit d'asile : " L'étranger qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France et qui établit contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil, depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. ". Aux termes de l'article L. 432-1 du même code : " La délivrance d'une carte de séjour temporaire ou pluriannuelle ou d'une carte de résident peut, par une décision motivée, être refusée à tout étranger dont la présence en France constitue une menace pour l'ordre public. ". L'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales précise que : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
3. M. A... a été condamné à plusieurs reprises en octobre 2012, avril 2015 et août 2017 pour des faits de violence suivie d'incapacité n'excédant pas 8 jours commis sur les mères de ses enfants en 2012, 2013 et 2017 avant leurs séparations respectives. Il a également été condamné en novembre 2016 en raison de la dégradation ou la détérioration du bien d'un chargé de mission de service public commise la même année, et en décembre 2017 pour des faits réputés d'importation de médicament en contrebande et d'exercice illégal de la profession de pharmacien remontant aux années 2013 et 2014. En janvier 2019, le tribunal de commerce a enfin prononcé sa faillite personnelle. Si, eu égard à la récurrence de ces faits, la présence en France de l'intéressé constitue une menace pour l'ordre public, il n'a plus commis aucune atteinte aux personnes depuis l'année 2017. Par ailleurs, il est constant que M. A... est entré en France en 1989, à l'âge de deux ans et qu'il y réside habituellement depuis lors, sous couvert de titres de séjour depuis qu'il est majeur, sa dernière carte de résident ayant expiré le 23 mars 2020 et son renouvellement lui ayant été refusé le 22 juin 2021, la décision litigieuse faisant suite à une nouvelle demande présentée le 12 janvier 2023. Il n'est pas contesté et il ressort des pièces du dossier qu'il est père de trois enfants, nés en 2007, 2009, et 2016 de deux mères différentes, qu'il assume la garde des deux aînés depuis 2013 et en vertu d'un jugement du tribunal de grande instance du 9 octobre 2015 relevant les difficultés de leur mère à s'occuper d'eux et fixant leur résidence à son domicile, et qu'il a toujours contribué à l'entretien et l'éducation du plus jeune de ses enfants, dont la résidence a également été fixée chez lui depuis le 1er octobre 2022 aux termes d'une convention parentale dont l'homologation par le tribunal judiciaire a été sollicitée le 24 avril 2023. Dans ces circonstances, eu égard à l'importance des liens dont M. A... peut se prévaloir en France et en dépit de la gravité des faits qu'il a commis, le préfet des Bouches-du-Rhône a, en lui refusant le droit au séjour, porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels cette décision a été prise. Les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ont ainsi été méconnues.
4. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que la décision refusant le droit au séjour, ainsi que, par voie de conséquence, les décisions portant obligation de quitter le territoire français, refus de délai de départ volontaire, fixation du pays de destination et interdiction de retour, doivent être annulées et que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.
5. Le présent arrêt implique nécessairement que le préfet des Bouches-du-Rhône délivre un titre de séjour à M. A..., dès lors qu'il ne résulte pas de l'instruction qu'à la date du présent arrêt, des éléments de fait ou de droit nouveaux justifieraient que le préfet oppose à la demande de l'intéressé une nouvelle décision de refus. Il y a lieu, par suite, d'enjoindre au préfet de délivrer à celui-ci une carte de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. Il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.
6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à M. A... à ce titre.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Marseille du 13 juillet 2023 et l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 11 mai 2023 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet des Bouches-du-Rhône de délivrer à M. A..., dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, un titre séjour portant la mention " vie privée et familiale ".
Article 3 : L'Etat versera à M. A... la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M.B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône et au Procureur près le tribunal judiciaire de Marseille.
Délibéré après l'audience du 12 octobre 2023, à laquelle siégeaient :
-M. Portail, président,
-M. d'Izarn de Villefort, président assesseur,
-Mme Poullain, première conseillère,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 26 octobre 2023.
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N° 23MA02050