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13/11/2023 | FRANCE | N°21MA04769

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 6ème chambre, 13 novembre 2023, 21MA04769


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée Eiffage Construction Sud-Est, venant aux droits de la société Eiffage Construction Alpes-Maritimes, anciennement nommée Eiffage Construction Côte d'Azur, a demandé au tribunal administratif de Nice de condamner la commune de Cannes et la société Semec à lui verser la somme de 713 372,13 euros hors taxes, majorée de la taxe sur la valeur ajoutée et assortie des intérêts contractuels, avec capitalisation, au titre du solde d'un marché de travaux ayant pour objet la mo

dernisation du Palais des festivals et des congrès de la commune.

Par un jug...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée Eiffage Construction Sud-Est, venant aux droits de la société Eiffage Construction Alpes-Maritimes, anciennement nommée Eiffage Construction Côte d'Azur, a demandé au tribunal administratif de Nice de condamner la commune de Cannes et la société Semec à lui verser la somme de 713 372,13 euros hors taxes, majorée de la taxe sur la valeur ajoutée et assortie des intérêts contractuels, avec capitalisation, au titre du solde d'un marché de travaux ayant pour objet la modernisation du Palais des festivals et des congrès de la commune.

Par un jugement n° 1604161 du 17 novembre 2021, le tribunal administratif de Nice a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 16 décembre 2021, et un mémoire, enregistré le 2 février 2023, la société Eiffage Construction Sud-Est, représentée par Me Belfiore, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de faire droit à ses demandes de première instance ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Cannes la somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- sa demande de première instance, qui était fondée sur l'article 50 du cahier des clauses administratives générales, n'était pas contractuellement irrecevable ;

- cette demande était suffisamment motivée ;

- elle est justifiée.

Par un mémoire en défense, enregistré le 25 janvier 2023, la commune de Cannes, représentée par Me Eglie-Richters, demande à la Cour de rejeter la requête de la société Eiffage Construction Sud-Est, de confirmer le jugement et de mettre à la charge de la société la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les moyens présentés à l'appui de la requête d'appel sont infondés ;

- la demande de première instance est également irrecevable en application de l'article 50 du cahier des clauses administratives générales, à défaut de justifications et en raison de sa tardiveté.

Par une lettre en date du 4 janvier 2023, la Cour a informé les parties qu'il était envisagé d'inscrire l'affaire à une audience qui pourrait avoir lieu avant le 30 juin 2023, et que l'instruction était susceptible d'être close par l'émission d'une ordonnance à compter du 4 février 2023.

Par ordonnance du 3 avril 2023, la clôture de l'instruction a été prononcée avec effet immédiat.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Renaud Thielé, rapporteur,

- les conclusions de M. François Point, rapporteur public,

- et les observations de Me Belfiore, pour la société Eiffage Construction Sud-Est, et celles de Me Eglie, pour la commune de Cannes.

Considérant ce qui suit :

1. Par contrat conclu le 28 février 2013, la commune de Cannes (Alpes-Maritimes) a confié à un groupement conjoint d'entreprises, dont le mandataire était la société Eiffage Construction Côte d'Azur, un marché public de travaux ayant pour objet la modernisation du grand auditorium, des foyers ainsi que des auditoriums annexes du Palais des festivals et des congrès de la ville, sous maîtrise d'ouvrage déléguée de la société d'économie mixte pour les événements cannois (Semec) et sous maîtrise d'œuvre de la société par actions simplifiée Atelier Architecture et Développement (Archidev). Après la réception de l'ouvrage prononcée avec réserves le 9 décembre 2015, la société Eiffage Construction Côte d'Azur a, le 11 janvier 2016, notifié à la commune de Cannes un projet de décompte final accompagné d'une réclamation sollicitant le versement d'une somme de 713 372,13 euros hors taxes en complément de sa rémunération. La commune n'ayant pas donné suite à cette réclamation, la société Eiffage Construction Côte d'Azur a saisi le tribunal administratif de Nice d'une demande tendant à la condamnation solidaire de la commune et de la société Semec à lui payer cette même somme. Par le jugement attaqué, dont la société relève appel, le tribunal administratif a rejeté sa demande en estimant qu'elle était contractuellement irrecevable faute pour la société d'avoir préalablement mis la commune en demeure d'établir le décompte général du marché.

2. Aux termes de l'article 13.3.1 du cahier des clauses administratives générales appliquées aux marchés publics de travaux, dans son édition approuvée par l'arrêté du 8 septembre 2009, qui est au nombre des pièces contractuelles en vertu de l'article 2 du cahier des clauses administratives particulières : " Après l'achèvement des travaux, un projet de décompte final est établi concurremment avec le projet de décompte mensuel afférent au dernier mois d'exécution des prestations ou à la place de ce dernier ". Aux termes de l'article 13.4.1 de ce cahier : " Le maître d'œuvre établit le projet de décompte général qui comprend : - le décompte final ; - l'état du solde, établi à partir du décompte final et du dernier décompte mensuel, dans les mêmes conditions que celles qui sont définies à l'article 13.2.1 pour les acomptes mensuels ; - la récapitulation des acomptes mensuels et du solde. ". Aux termes de son article 13.4.2 : " Le projet de décompte général est signé par le représentant du pouvoir adjudicateur et devient alors le décompte général. (...). Si le représentant du pouvoir adjudicateur ne notifie pas au titulaire, dans les délais stipulés ci-dessus, le décompte général signé, celui-ci lui adresse une mise en demeure d'y procéder. L'absence de notification au titulaire du décompte général signé par le représentant du pouvoir adjudicateur, dans un délai de trente jours à compter de la réception de la mise en demeure, autorise le titulaire à saisir le tribunal administratif compétent en cas de désaccord. ". Aux termes de son article 50 : " Si un différend survient entre le titulaire et le maître d'œuvre, sous la forme de réserves faites à un ordre de service ou sous toute autre forme, ou entre le titulaire et le représentant du pouvoir adjudicateur, le titulaire rédige un mémoire en réclamation. / Dans son mémoire en réclamation, le titulaire expose les motifs de son différend, indique, le cas échéant, les montants de ses réclamations et fournit les justifications nécessaires correspondant à ces montants. Il transmet son mémoire au représentant du pouvoir adjudicateur et en adresse copie au maître d'œuvre. / Si la réclamation porte sur le décompte général du marché, ce mémoire est transmis dans le délai de trente jours à compter de la notification du décompte général. / Le mémoire reprend, sous peine de forclusion, les réclamations formulées antérieurement à la notification du décompte général et qui n'ont pas fait l'objet d'un règlement définitif ".

3. Il résulte de ces stipulations que, dans le cas où, après la présentation par le titulaire du projet de décompte final, le maître de l'ouvrage n'établit pas le décompte général du marché dans le délai prévu, il appartient à l'entrepreneur, avant de saisir le juge, de mettre celui-ci en demeure d'y procéder. Contrairement à ce que soutient la société Eiffage Construction Sud-Est, le titulaire du marché qui, après avoir présenté son projet de décompte final, s'abstient de mettre le maître de l'ouvrage en demeure d'établir le décompte général peut se voir opposer l'irrecevabilité contractuelle de sa demande.

4. La circonstance que la commune ait opposé un refus au projet de décompte final adressé par le groupement ne dispensait pas ce dernier de cette obligation de la mettre en demeure d'établir le décompte général.

5. Par ailleurs, les réclamations du 11 et du 25 janvier 2016, qui tendent au paiement du solde du marché, ne pouvaient être regardées comme des mises en demeure d'établir le décompte général du marché.

6. Il résulte de ce qui précède que la société Eiffage Construction Sud-Est n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande. Ses conclusions d'appel doivent donc être rejetées, ainsi que, par voie de conséquence, sa demande tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de la société Eiffage Construction Sud-Est une somme à ce titre.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la société Eiffage Construction Sud-Est est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la commune de Cannes tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Eiffage Construction Sud-Est et à la commune de Cannes.

Délibéré après l'audience du 30 octobre 2023, où siégeaient :

- M. Alexandre Badie, président,

- M. Renaud Thielé, président assesseur,

- Mme Isabelle Gougot, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 13 novembre 2023.

N° 21MA04769 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 21MA04769
Date de la décision : 13/11/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-05-02 Marchés et contrats administratifs. - Exécution financière du contrat. - Règlement des marchés.


Composition du Tribunal
Président : M. BADIE
Rapporteur ?: M. Renaud THIELÉ
Rapporteur public ?: M. POINT
Avocat(s) : SCP ARTAUD BELFIORE CASTILLON GREBILLE-ROMAND

Origine de la décision
Date de l'import : 19/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2023-11-13;21ma04769 ?
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