Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Bastia d'annuler l'arrêté du 31 août 2021 par lequel le préfet de la Haute-Corse a refusé de lui délivrer un titre de séjour.
Par un jugement n° 2101213 du 10 janvier 2023, le tribunal administratif a annulé cet arrêté et enjoint au préfet de la Haute-Corse de délivrer à M. B... une carte de séjour temporaire dans un délai de deux mois.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 9 mars 2023 et 3 avril 2023, le préfet de la Haute-Corse demande à la Cour d'annuler ce jugement et de rejeter la demande de M. B....
Il soutient que son arrêté n'a pas méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense, enregistré le 2 mai 2023, M. A... B..., représenté par Me Ribaut-Pasqualini, conclut au rejet de la requête d'appel, à la confirmation du jugement attaqué et à ce qu'une somme de 1 500 euros soit mise à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que le moyen de la requête d'appel est infondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu, au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Renaud Thielé, rapporteur,
- et les observations de Me Ribaut-Pasqualini, pour M. B....
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant marocain né le 27 juillet 1995, est entré pour la première fois en France le 18 mai 2018 sous couvert d'un visa de type D l'autorisant à résider en France pendant quatre mois. Au terme de son contrat de travail saisonnier, il est rentré au Maroc, puis est revenu en France le 21 mai 2019, à nouveau dans le cadre d'un contrat de travail saisonnier. Il s'est alors vu délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention de " travailleur saisonnier ", pluriannuelle, valable du 18 mai 2018 au 17 mai 2021, exigeant en contrepartie que l'intéressé s'engage à maintenir son domicile habituel à l'étranger, en dehors des périodes de séjour autorisé ne dépassant pas une durée cumulée de six mois par an. Le 12 décembre 2019 et le 8 octobre 2020, il a sollicité son admission exceptionnelle au séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par arrêté du 22 décembre 2020, le préfet de la Haute-Corse a retiré le titre de séjour de M. B... et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, au motif qu'il s'était maintenu en France au-delà de la période autorisée. Par un jugement n° 2100438 du 1er juillet 2021, le tribunal administratif de Bastia a annulé la décision portant obligation de quitter le territoire français assorti d'un délai de départ volontaire et enjoint au préfet de la Haute-Corse de réexaminer la situation de l'intéressé dans un délai d'un mois à compter de la notification de ce jugement. Par un arrêté du 31 août 2021, le préfet de la Haute-Corse a finalement refusé de délivrer à M. B... un titre de séjour. Par le jugement attaqué, dont le préfet de la Haute-Corse relève appel, le tribunal administratif de Bastia a annulé cet arrêté.
2. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
3. M. B... est entré pour la première fois en France en mai 2018, à l'âge de vingt-deux ans, sous couvert d'un visa de type " D ", pour un travail saisonnier d'une durée de quatre mois, avant d'y revenir, en mai 2019, pour un nouveau contrat de même nature et de même durée, à l'issue duquel il s'est maintenu en France en méconnaissance des termes de son titre de séjour. Il résidait ainsi en France depuis seulement deux ans à la date de l'arrêté attaqué. M. B... ne justifie d'aucune perspective d'intégration dans la société française. Le mariage religieux dont il se prévaut avec une compatriote titulaire d'une carte de résident est postérieur à la décision attaquée. Dans ces conditions, et alors même que les parents et les trois frères et sœurs de M. B... résident régulièrement en France, le préfet de la Haute-Corse n'a pas, en refusant le titre de séjour sollicité par M. B..., porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels cette décision a été prise. Le préfet n'a, dès lors, pas méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
4. Il y a lieu pour la Cour, saisie par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner l'autre moyen présenté par M. B... en première instance et en appel.
5. Aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. / L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République. ".
6. Compte tenu de ce qui a été dit au point 3, le préfet n'a pas fait une inexacte application de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
7. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de la Haute-Corse est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bastia a annulé son arrêté du 31 août 2021. Les conclusions de M. B... tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent donc être rejetées.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 2101213 du 10 janvier 2023 du tribunal administratif de Bastia est annulé.
Article 2 : La demande à laquelle ce jugement fait droit, ainsi que les conclusions de M. B... tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à M. A... B....
Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Corse et au procureur de la République près le tribunal judiciaire de Bastia.
Délibéré après l'audience du 30 octobre 2023, où siégeaient :
- M. Alexandre Badie, président,
- M. Renaud Thielé, président assesseur,
- Mme Isabelle Gougot, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 13 novembre 2023.
N° 23MA00583 2