Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler les décisions du 3 août 2023 par lesquelles le préfet des Alpes-Maritimes l'a obligé à quitter le territoire français et a prononcé à son encontre une interdiction de retour d'une durée d'un an.
Par un jugement n° 2303922 du 10 août 2023, le magistrat désigné près le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 3 septembre 2023, M. B..., représenté par Me Larbre, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du 10 août 2023 ;
2°) d'annuler les décisions du préfet des Alpes-Maritimes du 3 août 2023 ;
3°) d'enjoindre au préfet des Alpes-Maritimes de lui délivrer le titre de séjour sollicité ou, subsidiairement, de réexaminer sa situation, dans un délai de quinze jours à compter de la décision à intervenir, sous autorisation provisoire de séjour et astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est dépourvue de base légale au regard des dispositions de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étranger et du droit d'asile ; d'une part, il avait sollicité le renouvellement de son titre de séjour sans qu'aucun refus ne lui soit opposé ; d'autre part, il réside régulièrement en France depuis plus de trois mois si bien qu'un motif d'ordre public ne pouvait fonder cette décision ;
- la réalité des faits qui lui sont reprochés et les conditions dans lesquelles le fichier des antécédents judiciaire a été consulté ne sont pas établies ; ces faits ne sont au demeurant pas suffisants à caractériser une menace pour l'ordre public alors qu'il est atteint d'une pathologie psychiatrique ;
- en tout état de cause, en application du 5° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étranger et du droit d'asile, il ne pouvait faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français eu égard au fait qu'il est père de deux enfants français dont il s'occupe à hauteur de ses capacités ; il est également fondé à opposer les dispositions du 9° du même article eu égard à la pathologie dont il souffre ;
- les décisions méconnaissent l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales ; outre qu'il a sa famille en France où il réside depuis 2014, il ne dispose plus de liens dans son pays d'origine ;
- elles méconnaissent également l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
Un mémoire a été enregistré pour le préfet des Alpes-Maritimes le 23 octobre 2023, postérieurement à la clôture de l'instruction intervenue trois jours francs avant l'audience conformément aux dispositions de l'article R. 613-2 du code de justice administrative, et n'a pas été communiqué.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Poullain a été entendu en audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant géorgien né en 1984, relève appel du jugement du 10 août 2023 par lequel magistrat désigné près le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du 3 août 2023 du préfet des Alpes-Maritimes l'obligeant à quitter le territoire français et prononçant à son encontre une interdiction de retour d'une durée d'un an.
2. En premier lieu, d'une part, aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étranger et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : / (...) / 5° Le comportement de l'étranger qui ne réside pas régulièrement en France depuis plus de trois mois constitue une menace pour l'ordre public ; / (...) ". D'autre part, aux termes de l'article R. 432-1 du même code : " Le silence gardé par l'autorité administrative sur les demandes de titres de séjour vaut décision implicite de rejet. ". Aux termes de son article R. 432-2 : " La décision implicite de rejet mentionnée à l'article R.* 432-1 naît au terme d'un délai de quatre mois. / (...) ".
3. Si M. B..., placé sous curatelle renforcée, s'est en dernier lieu vu délivrer une carte de séjour pluriannuelle " vie privée et familiale " le 9 avril 2021, valable jusqu'au 8 avril 2023 et si son curateur a déposé, le 21 décembre 2022, une demande de renouvellement de titre de séjour, il est constant qu'il ne s'est pas vu remettre de récépissé de demande de titre de séjour. Ainsi, une décision implicite de rejet est née le 21 avril 2023 en application des articles R. 432-1 et R. 432-2 du code de l'entrée et du séjour des étranger et du droit d'asile.
4. Dès lors, l'intéressé, à la date de l'arrêté attaqué, se maintenait sur le territoire sans être titulaire d'un titre de séjour en cours de validité depuis plus de trois mois.
5. Par ailleurs, il ressort des pièces du dossier, sans même prendre en compte les mentions figurant au fichier de traitement des antécédents judiciaires auxquelles le préfet fait référence dans son arrêté, que, fût-ce en raison de troubles psychiatriques, le requérant adopte des comportements - menaces de mort, prises à partie violente - qui constituent des menaces pour l'ordre public ayant justifié plusieurs hospitalisations sans consentement et la volonté de son curateur d'être déchargé de son accompagnement. Ces éléments sont de nature à justifier qu'une obligation de quitter le territoire français soit prononcée sur le fondement du 5° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étranger et du droit d'asile.
6. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étranger et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : / (...) / 5° L'étranger qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans ; / (...) / 9° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. / (...) ".
7. D'une part, si M. B... est père de deux enfants français respectivement nés en 2016 et 2019, il est constant que ceux-ci vivent à Paris auprès de leur mère tandis que le requérant réside à Nice. Si ce dernier produit une attestation relativement circonstanciée de leur mère, la preuve d'un virement effectué au profit de celle-ci au mois de décembre 2022, celle du paiement de certaines factures de cantine, quelques tickets de caisse et des billets d'avion pour un trajet Paris - Nice prévu au mois d'août 2023, ces éléments sont insuffisants à établir qu'il contribue effectivement à l'éducation et à l'entretien de ses enfants dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil. D'autre part, en se bornant à produire des ordonnances médicales et de la documentation générale sur l'accès aux soins et traitement médicaux en Géorgie, M. B... ne justifie ni que son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, ni qu'eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé de son pays d'origine, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. Le requérant n'est dès lors pas fondé à se prévaloir des protections instituées par les dispositions des 5° et 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étranger et du droit d'asile.
8. En troisième lieu, aux termes de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " 1. Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. / (...) ".
9. Eu égard à ce qui vient d'être exposé au point précédent quant aux relations qu'entretient M. B... avec ses enfants, les décisions contestées ne portent pas atteinte à l'intérêt supérieur de ceux-ci.
10. En quatrième et dernier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
11. Si M. B... réside en France depuis plusieurs années, il vit seul, ne travaille pas et ne justifie ni entretenir des relations régulières avec ses enfants, ni être isolé dans son pays d'origine où il a vécu la majeure partie de sa vie. Alors que son comportement constitue par ailleurs une menace pour l'ordre public, ainsi que cela a été exposé au point 5 ci-dessus, le centre de sa vie privée et familiale n'est ainsi pas fixé en France de façon telle que les décisions litigieuses y porteraient une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels elles ont été prises. Le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
12. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la recevabilité de la requête, que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le magistrat désigné près le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande. Ses conclusions à fin d'annulation comme d'injonction doivent être rejetées, de même que celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée au préfet des Alpes-Maritimes.
Délibéré après l'audience du 26 octobre 2023, à laquelle siégeaient :
-M. Portail, président,
-M. d'Izarn de Villefort, président assesseur,
-Mme Poullain, première conseillère,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 novembre 2023.
2
N° 23MA02268