Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société Alarena a demandé au tribunal administratif de Marseille de prononcer la décharge, en droits et majorations, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices 2014, 2015 et 2016 et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2014, ainsi que le dégrèvement de la somme de 6 414 euros correspondant à la taxe sur la valeur ajoutée déclarée à tort en 2014.
Par un jugement n° 2000370 du 1er octobre 2021, le tribunal administratif de Marseille a prononcé un non-lieu à concurrence du dégrèvement prononcé en cours d'instance et rejeté le surplus des conclusions de la demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 1er décembre 2021, la société Alarena, représentée par Me Foudil, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2000370 du 1er octobre 2021 du tribunal administratif de Marseille ;
2°) de prononcer la décharge et le dégrèvement demandés au tribunal ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 600 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- c'est à tort que l'administration a remis en cause le régime de la taxe sur la valeur ajoutée sur la marge ;
- le montant de la taxe sur la valeur ajoutée sur la marge est erroné ;
- les frais de déplacement et de véhicule comptabilisés sont justifiés.
Par un mémoire en défense enregistré le 21 mars 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens invoqués par la société Alarena ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 23 juin 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 12 juillet 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Platillero,
- et les conclusions de M. Ury, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. La société Alarena, qui exerce l'activité de marchand de biens, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité, à l'issue de laquelle une proposition de rectification du 27 novembre 2017 lui a été notifiée. Au terme de la procédure, elle a été assujettie à une cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés au titre de l'exercice 2014, ses déficits déclarés au titre des exercices 2015 et 2016 ayant été réduits, et à un rappel de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2014, assortis de majorations. La société Alarena relève appel du jugement du 1er octobre 2021 par lequel le tribunal administratif de Marseille, après avoir prononcé un non-lieu à concurrence du dégrèvement prononcé en cours d'instance, a rejeté le surplus des conclusions de sa demande tendant à la décharge, en droits et majorations, de ces impositions et au dégrèvement de la somme de 6 414 euros correspondant à la taxe sur la valeur ajoutée selon elle déclarée à tort en 2014.
Sur le bien-fondé des impositions :
En ce qui concerne la taxe sur la valeur ajoutée :
2. Le I de l'article 257 du code général des impôts dans sa rédaction applicable au litige, prévoit que les opérations concourant à la production ou à la livraison d'immeubles, lesquelles comprennent les livraisons à titre onéreux de terrains à bâtir, sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée. En vertu du 2 du b. de l'article 266 du même code, l'assiette de la taxe est en principe constituée par le prix de cession. L'article 392 de la directive du Conseil du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée dispose toutefois que : " Les États membres peuvent prévoir que, pour les livraisons de bâtiments et de terrains à bâtir achetés en vue de la revente par un assujetti qui n'a pas eu droit à déduction à l'occasion de l'acquisition, la base d'imposition est constituée par la différence entre le prix de vente et le prix d'achat ". L'article 268 du code général des impôts, pris pour la transposition de ces dispositions, prévoit, dans sa rédaction applicable que : " S'agissant de la livraison d'un terrain à bâtir (...), si l'acquisition par le cédant n'a pas ouvert droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée, la base d'imposition est constituée par la différence entre : / 1° D'une part, le prix exprimé et les charges qui s'y ajoutent ; / 2° D'autre part, selon le cas : / - soit les sommes que le cédant a versées, à quelque titre que ce soit, pour l'acquisition du terrain(...); / - soit la valeur nominale des actions ou parts reçues en contrepartie des apports en nature qu'il a effectués ".
3. Dans son arrêt du 30 septembre 2021 Icade Promotion SAS (aff. C-299/20), la Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit que l'article 392 de la directive 2006/112 doit être interprété en ce sens qu'il exclut l'application du régime de taxation sur la marge à des opérations de livraison de terrains à bâtir lorsque ces terrains acquis non bâtis sont devenus, entre le moment de leur acquisition et celui de leur revente par l'assujetti, des terrains à bâtir, mais qu'il n'exclut pas l'application de ce régime à des opérations de livraison de terrains à bâtir lorsque ces terrains ont fait l'objet, entre le moment de leur acquisition et celui de leur revente par l'assujetti, de modifications de leurs caractéristiques telles qu'une division en lots ou la réalisation de travaux d'aménagement permettant l'installation de réseaux desservant lesdits terrains, à l'instar, notamment, des réseaux de gaz ou d'électricité. Dans son ordonnance du 10 février 2022 Ministre de l'économie, des finances et de la relance c. Les Anges d'Eux SARL, Echo 5 SARL et Cletimmo SAS (aff. C-191/21), la Cour de justice de l'Union européenne a précisé que le régime dérogatoire prévu à l'article 392 de la directive TVA s'applique aux seuls terrains à bâtir qui, définis comme tels par les Etats membres, sont achetés en vue de la revente et qu'ainsi, l'application du régime de la taxation sur la marge suppose, en vertu de cet article 392, une identité juridique entre le bien acquis et le bien revendu. Elle a ajouté qu'il s'agit dès lors de vérifier, en tenant compte des définitions prévues par la législation nationale et de toutes les circonstances dans lesquelles se sont déroulées les opérations en cause, si les biens acquis par le contribuable relèvent de la notion de " terrain à bâtir " au sens de l'article 12§3 de la directive TVA et, ainsi, du champ d'application de son article 392.
4. Il résulte ainsi des dispositions de l'article 268 du code général des impôts, lues à la lumière de celles de la directive dont elles ont pour objet d'assurer la transposition, que les règles de calcul dérogatoires de la taxe sur la valeur ajoutée qu'elles prévoient s'appliquent aux opérations de cession de terrains à bâtir qui ont été acquis en vue de leur revente et ne s'appliquent ainsi pas à une cession de terrains à bâtir qui, lors de leur acquisition, avaient le caractère d'un terrain bâti.
5. Il résulte de l'instruction que la société Alarena a acquis suivant acte du 18 septembre 2013, auprès d'un particulier, en pleine propriété à hauteur de 50 % une maison à usage d'habitation et son terrain d'assiette situés au 49 avenue du B... dans le 12ème arrondissement de Marseille, figurant au cadastre sous la référence 876 section B n° 179. Un document d'arpentage divisant cette parcelle en trois lots a été dressé le 4 octobre 2013 et des pièces en vue de constituer un lotissement ont été déposées en novembre 2013. Trois parcelles ont ainsi été créées, l'une comprenant la maison et son terrain cadastrée B n° 188, les deux autres portant sur des terrains nus cadastrées B n° 189 et B n° 190. Ces terrains à bâtir ont été cédés le 1er août 2014 et le 30 décembre 2014, la société Alarena ayant soumis ces ventes au régime de la taxe sur la valeur ajoutée sur la marge en application de l'article 268 du code général des impôts. L'administration a remis en cause l'application de la taxe sur la valeur ajoutée sur la marge appliquée lors de ces cessions et a soumis les ventes à la taxe sur la valeur ajoutée sur le prix total.
6. Il résulte des faits mentionnés au point précédent que les terrains en litige avaient, lors de leur acquisition, le caractère d'un terrain bâti. La société Alarena n'est ainsi pas fondée à soutenir que c'est à tort que l'administration a remis en cause l'application à leur cession du régime de la taxe sur la valeur ajoutée sur la marge qui, contrairement à ce qui est soutenu, n'est pas applicable du seul fait que l'acquisition n'a pas ouvert droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée. A cet égard, dès lors que l'imposition est bien fondée sur le terrain de la loi, la société Alarena n'est pas fondée à soutenir que l'administration aurait fondé la rectification en cause sur l'interprétation administrative de la loi fiscale référencée BOI-TVA-IMMO-10-20 n° 20 et n° 80 du 2 mars 2016.
7. Par ailleurs, il résulte de la proposition de rectification que l'administration a déduit du montant de la rectification précédemment décrite, portant sur l'application de la taxe sur la valeur ajoutée sur le prix total des cessions, le montant de la taxe sur la valeur ajoutée sur la marge initialement déclarée. La société Alarena n'est par suite pas fondée à demander un dégrèvement correspondant à la différence entre le montant de la taxe sur la valeur ajoutée sur la marge initialement déclarée et le montant de la taxe sur la valeur ajoutée qui aurait été dû.
En ce qui concerne l'impôt sur les sociétés :
8. Aux termes de l'article 39 du code général des impôts, applicable en matière d'impôt sur les sociétés en application de l'article 209 du même code : " 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant (...) notamment : 1° Les frais généraux de toute nature (...) ".
9. D'une part, la société Alarena a comptabilisé mensuellement au titre des exercices 2014 et 2015 des charges en tant que frais de déplacement, dont le montant est issu de récapitulatifs mensuels des relevés d'une carte bancaire du compte ouvert au nom de la société et dont le titulaire est M. A..., gérant de fait et associé majoritaire. L'administration a remis en cause la déduction de ces charges, à l'exception des charges justifiées par des factures, en l'absence de preuve qu'elles ont été engagées dans l'intérêt de l'exploitation, à hauteur de 8 486 euros en 2014 et 13 155 euros en 2015. En se bornant à soutenir que son activité nécessite des déplacements et à se prévaloir de la réalité économique de cette activité, la société Alarena ne justifie pas, par la seule production de relevés bancaires, que des dépenses autres que celles admises par le vérificateur auraient été justifiées et engagées dans l'intérêt de l'exploitation. Dès lors que la requérante ne justifie pas du principe de déductibilité de ces charges, c'est à bon droit que l'administration n'a pas admis leur déduction.
10. D'autre part, la société Alarena a déduit en charges au titre des exercices 2014 à 2016 des frais d'entretien et de carburant et des redevances de crédit-bail afférents à deux véhicules, que l'administration a partiellement remis en cause, en retenant une part de 30 % d'utilisation personnelle de ces véhicules. En se bornant à soutenir que l'épouse du dirigeant, M. A..., possédait un véhicule qui était utilisé pour les déplacements personnels et que les véhicules qu'elle détenait étaient exclusivement utilisés pour des déplacements professionnels, la société Alarena, qui ne conteste pas que le taux précité a été déterminé dans le cadre des échanges effectués au cours du débat oral et contradictoire, ne justifie d'un taux d'utilisation professionnelle supérieur à celui retenu par l'administration. C'est ainsi à bon droit que l'administration a remis en cause les déductions en litige.
11. Il résulte de tout ce qui précède que la société Alarena n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté le surplus des conclusions de sa demande. Ses conclusions aux fins d'annulation de ce jugement et de décharge, en droits et majorations, des impositions restant en litige doivent dès lors être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la société Alarena demande au titre des frais qu'elle a exposés.
D E C I D E :
Article 1 : La requête de la société Alarena est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société par actions simplifiée Alarena et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Est Outre-mer.
Délibéré après l'audience du 21 décembre 2023, où siégeaient :
- Mme Paix, présidente,
- M. Platillero, président assesseur,
- Mme Mastrantuono, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 18 janvier 2024.
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N° 21MA04616